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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 15:42

Notre fille cadette a fêté ses 2 ans il y a quelques semaines. 

Voici quelques mots très décousus, très maladroits peut-être, sur ces deux années en sa compagnie.

 

Le plus dur concernant sa trisomie, à ce jour, reste l'annonce par les docteurs de la suspicion (forte) puis l'attente de la confirmation, 1 semaine plus tard. Notre fille est née en fin de soirée, la pédiatre a annoncé à ma compagne le lendemain matin, alors que je n'étais pas présent, qu'elle était trisomique, sans émettre de doutes, sans prendre de gants, ne restant que quelques minutes. Puis, elle nous a évité deux jours durant. Il paraît que c'est une "stratégie" pour que les parents puissent digérer "seuls" la nouvelle. C'est néanmoins très violent, et même si je conçois qu'il n'y a probablement pas de façon de faire qui ménage la famille, cela reste un moment auquel je préfère ne pas repenser. 

Cela nous a pris de court, pour faire dans la litote: plus honnêtement, "avoir l'impression que votre monde s'écroule" est une expression décrivant admirablement bien ce que j'ai ressenti. Les probabilités du tri-test étaient de notre côté et on ne nous avait pas conseillé vivement l'amniosynthèse (la probabilité de faire une fausse couche étant, pour faire simple, supérieure à la probabilité que l'enfant soit porteur de T21), que nous n'avions donc pas vraiment envisagée. Le seul signe potentiellement "inquiétant" a posteriori, était la taille et le poids du bébé, mais elles étaient équivalentes à celle de notre première fille tout au long de la grossesse. Pendant quelques jours, je pense que nous n'avons pas voulu y croire: les "symptômes" physiques nous semblaient pouvoir tous s'expliquer autrement, simplement. 

Les résultats du test génétique confirmant le diagnostic ont ensuite pris une bonne semaine à arriver: je me sentais alors un peu comme on peut se sentir 5 minutes avant de débuter un examen ou un concours, sauf que cela a duré 1 semaine entière, en permanence. Je ne pleure pas beaucoup habituellement mais ce fut le cas à cette période. Il semble d'ailleurs que depuis cet épisode, ma sensibilité globale se soit accrue.

La confirmation du diagnostic, quelque part, a été une libération. Ok, maintenant on sait, ça va être dur, mais on va pouvoir avancer. On va devoir avancer. Je me demande également si être informé après la naissance plutôt qu'avant n'a pas d'une certaine façon simplifié notre existence: nous n'avons jamais eu à discuter de savoir ce que l'on allait faire, nous n'avons pas eu le choix. Cette discussion pendant la grossesse, j'imagine, peut être extrêmement complexe, tendue, et altérer durablement et profondément la dynamique du couple si l'on est, au fond, en désaccord. 

 

Quelques temps plus tard, j'ai lu la très belle bande dessinée de F. Toulmé, qui raconte une histoire similaire à la nôtre. Néanmoins, je n'ai pas ressenti les choses comme lui (même si j'ai pu constater que ses sentiments avaient été éprouvés par un certain nombre de parents d'enfants trisomiques au cours des premières semaines ou premiers mois). Si je racontais notre histoire, je ne l'intitulerais pas "ce n'est pas toi que j'attendais". Plutôt, et c'était à la fois égoïstement, pour nous, mais aussi en pensant à elle, à sa vie: "c'est toi que j'attendais même si j'aurais préféré que tu n'aies pas le syndrome de Down".

Personnellement, je n'ai pas trouvé difficile de l'aimer.

Par contre, j'ai eu des moments de doute et d'auto-apitoiement: premièrement, notre vie "tranquille" est foutue. Deuxièmement, comment va-t-on faire, comment va-t-on s'en sortir? Mais, à chacun de ces moments, j'ai trouvé de la force en observant ma compagne, une force tranquille, déterminée, qui donne l'impression de tout maîtriser naturellement.  

Et puis, après deux ans, je m'aperçois que finalement, s'occuper de notre fille, l'aimer, l'élever, gérer son quotidien et le nôtre avec, ce n'est pas beaucoup plus compliqué que pour n'importe quel autre enfant: donc, oui, c'est compliqué quand même, mais c'est aussi beaucoup de bonheur chaque jour. Je dois dire aussi que nous sommes quelque part chanceux puisqu'elle n'a pour l'instant eu aucun pépin de santé souvent associé à la trisomie (trouble typhoïdiens, cardiaques...). Néanmoins, son suivi médical est plus important que pour notre autre fille, et cela nécessite de l'organisation. Voila, on apprend à s'organiser autour de ses besoins, à repenser quelques priorités, on essaie de ne pas négliger notre aînée, mais notre vie n'a pour l'instant pas radicalement changé. Bien sûr, mon métier notamment offre une certaine latitude horaire extrêmement appréciable pour ce genre de situations. Nous en avons aussi tous deux parlé assez largement dans notre réseau professionnel: tout le monde a été extrêmement gentil et compréhensif.

On se doute que ça risque de se complexifier avec le temps (cette année, par exemple, nous allons devoir gérer trois rendez-vous hebdomadaires chez l'orthophoniste et la psychomotricienne et anticiper la rentrée scolaire avec les dossiers pour les demandes d'auxiliaire de vie scolaire), mais on essaie, comme le disent les sportifs professionnels, de prendre les matchs un par un. Finalement, le plus dur c'est peut-être ça: devoir beaucoup anticiper (la crèche, l'école, les soins) sans savoir de quoi demain sera fait, sans savoir quelle sera son évolution. Mais n'ayez pas peur. 

 

A ce jour, tout va bien: notre petite fille est très sociable tant avec les adultes qu'avec les enfants. Elle sourit beaucoup de façon très communicative, elle est de bonne composition mais avec du caractère; de façon très étrange les enfants plus grands qu'elle l'adorent et veulent s'occuper d'elle; elle est sur le point de marcher (de fait, si elle osait je pense qu'elle y arriverait); elle communique facilement et sait se faire comprendre sur plein de sujets (le langage des signes adapté aux enfants, Makaton, a beaucoup aidé et libéré sa communication, non seulement par les signes mais orale). 

Quelques mots sur le corps médical enfin: peut-être est-ce parce que la trisomie, au fond, est un handicap bien "connu", mais pour l'instant, hormis donc à mon sens à la maternité, nous n'avons eu à faire qu'à des professionnels exceptionnels, dans l'empathie et pédagogues. Ils nous aident, beaucoup, nous orientent, et aident notre fille, que ce soit le pédiatre, le neuro-pédiatre, la kiné, l'orthophoniste, la psychomotricienne, que ce soit en libéral, au sein de fondations, associations ou de structure comme les CAMSP. Si l'on rajoute la famille, les amis, les collègues, et même des inconnus, nous n'avons à ce jour jamais eu à faire face à questions oiseuses ou remarques déplacées: au contraire, nous avons reçu énormément d'aide et autant d'amour, merci à tous*. 

 

 

 

* je ne veux pas dénaturer ce texte en l'amendant trop mais il faut souligner aussi qu'on a reçu beaucoup d'aide de la part de l'Etat, je pense que c'est important de le dire: carte d'invalidité, 100% sécu, demi-part fiscale, structures médicales spécialisées gratuites, complément salarial pour moi, l'AJPP pour ma compagne... nous acceptons avec gratitude tout ce que l'on nous donne. 

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22 janvier 2018 1 22 /01 /janvier /2018 15:22

On ne présente plus la Tour d'Argent, restaurant fondé il y a près de 450 ans, riche de mille histoires, de plats emblématiques, d'une des plus grandes caves du monde, d'une vue superbe sur la Seine etc.  

3 étoiles au Michelin pendant plusieurs décennies, le restaurant a connu un déclassement brutal au début du 21ème siècle passant en quelques années à 1 étoile, et plusieurs changements de chefs (Stéphane Haissant, Laurent Delarbre) sans parvenir à redresser la barre de ce point de vue la, même si, selon Alain de Lesrestos.com, il s'agit probablement avec Maxim's du seul établissement parisien qui peut s'en passer (et donc ne devrait pas chercher à courir après).

Néanmoins, on annonce fin 2016 l'arrivée de Philippe Labbé, 2 étoiles à Eze (la Chèvre d'Or, espoir 3 étoiles) puis au Shangri-La à Paris, avant de partir reprendre l'Arnsbourg (3 étoiles de la famille Klein), ce qui se soldera par un échec (1 étoile à son départ et depuis), censé donner un nouveau coup de fouet à l'institution qui ronronne gentiment.

Les premières critiques sont, comme toujours, dithyrambiques. Je laisse passer quelques mois, mais rien ne sort qui ne me fasse trop me méfier (même si on ne peut pas dire que l'excitation a été à son comble dans la presse comme pour certains coups du mercato gastronomique).

Réservation est donc prise pour fin février (2017, oui, il y a presque un an, j'ai un peu de retard), pour fêter un anniversaire. On était parti sur le trip "grande table classique et de légende".

Je voudrais signaler que mon "plan A" était le Grand Véfour, qui est hélas fermé le week-end.

L'arrivée est très sympa, on patiente dans le petit salon puis on prend l'ascenseur et on arrive dans une belle salle (un peu chargée mais on ne s'attend pas à du subtil). On nous place, c'est sympathique, près de la baie vitrée et pas en plein milieu de la salle. 

 

La Tour d'Argent, restaurant 1 étoile, 17 quai de la Tournelle, Paris V. Déception

La carte alterne les "historiques de la maison", les "grands classiques populaires français en version chic", et quelques plats un peu plus ambitieux avec des produits de luxe. Au niveau des prix ça pique pas mal, on ne peut pas dire que le passage à 1 étoile a amené de la modestie sur ce plan la.

la carte
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la carte

En entrée, Priscilla opte pour la soupe à l'oignon (pas y croûton mais y vieux comté), moi pour la quenelle.

Après quelques amuse-bouches de bon niveau, une belle "pré-entrée" (poire de terre rôtie à la moutarde, et une deuxième: velouté de citron vert), nos entrées arrivent. 

La soupe à l'oignon est riche, belle à voir (oignons rouge), un peu trop salée (léger surdosage du vieux comté). C'est généreux mais rien d'extraordinaire. La version du Cinq (C. Le Squer), c'était autre chose.

La quenelle aux écrevisses est un autre plat bien riche, un peu plus intéressant que la soupe à l'oignon mais ça ne m'a pas transcendé. La truffe, bien qu'abondante, n'apporte pas grand chose, elle manque un peu de goût.

entrées
entrées

entrées

En plat, Priscilla opte pour le turbot, moi pour le chevreuil. Son poisson est bien cuit, la portion est généreuse, par contre les accompagnements sont pour le moins inexistants. Mon plat est très bien exécuté, beaucoup de plaisir mais la encore, niveau surprise c'est léger.

En salle, on peut voir le balai des canards au sang qu'on amène entier et qu'on découpe devant les convives. C'est beau à voir.

les plats
les plats
les plats

les plats

Nous partageons un dessert, le chocolat au lait, qui encore une fois ne m'aura pas laissé de souvenir impérissable.

La Tour d'Argent, restaurant 1 étoile, 17 quai de la Tournelle, Paris V. Déception

Pour conclure, quelques petites mignardises, esthétiquement réussies. 

L'addition est comme prévu le coup de bambou (515€ pour 2 entrées, 2 plats, 1 dessert, et de mémoire 3 verres de vin, dont 1 au moins était excellent, un Châteauneuf si je ne m'abuse, mais il faudrait que je retrouve la référence). 

Vous devinerez à mon compte-rendu quelque peu laconique que l'expérience ne fût pas inoubliable. J'admets aussi qu'un compte-rendu rédigé 1 an plus tard (sans notes) perd nécessairement de l'enthousiasme initial, mais bref, j'avoue avoir été plutôt déçu. 

J'attendais quand même autre chose de la part d'un chef réputé, récemment arrivé (mais la depuis suffisamment longtemps pour que cela ne soit plus "en rodage") et dont les échos dans la presse disaient qu'il avait redynamisé l'institution. Pour ma part, j'ai trouvé que cela faisait très "plan-plan" justement, et que la cuisine, quoique très honorable, était bien loin de valoir les tarifs pratiqués, malgré l'abondance de "produits de luxe" (truffes, homard, caviar...) dans toutes les recettes ou presque. Probablement que la clientèle vient pour cela et qu'il ne sert à rien de dire: mettez moins de truffe et un peu plus d'originalité, et revenez à des tarifs raisonnables.

Le service est quant à lui pléthorique mais n'est pas non plus forcément le "ballet" que l'on peut observer impressionné dans les établissements de top niveau que j'ai pu fréquenter. Globalement, les serveuses et serveurs sont très jeunes, et il y a des petites fautes de concentration ou dans la définition de qui fait quoi.

Pour finir, ce qui m'a passablement irrité: on vient, c'est exceptionnel pour nous, et en salle ils savent très bien qu'on ne reviendra certainement jamais. J'ai (poliment) demandé s'il était possible, en partant, de jeter un oeil, quelques minutes pas plus, à la cave. On m'a (tout aussi poliment) répondu que non, car il y avait trop de monde et pas de temps à m'accorder. Je n'ai pas insisté mais je pense que c'est la première fois que dans un établissement de cette catégorie on me fait cette réponse (je ne le fais pas systématiquement car je comprends que c'est un peu exigeant comme requête, mais j'avais demandé chez Lasserre, au Ritz ou dans d'autres restaurants "historiques" si je pouvais passer voir en cuisine, quelques instants - l'idée n'est pas de rester trois plombes-: on m'avait jusque là toujours dit oui avec beaucoup de gentillesse; d'où ma déception: je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'on me refuse ce petit plaisir de gastronome). Dans un établissement de ce niveau, on doit faire en sorte que le client reparte avec un souvenir extraordinaire en tête. Clairement, je pense que la Tour d'Argent s'en fout un peu. Et donc, rien que pour ça, ils ne peuvent pas (plus) faire partie des plus grands.  

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 11:25

Les débats sur Twitter sont houleux à ce sujet.

Pour faire court, je m'étonne toujours quand je vois des collectifs de "précaires" (je mets des guillemets car je définis le sens du mot tel que je l'utilise 2 paragraphes plus bas) défendre les postes de demi-ATER (que je vois bêtement comme une aberration), ou se battre contre la limitation de la durée des thèses.

Généralement, assez rapidement, on me fait comprendre que je suis un néo-libéral macroniste à tendance fascisante. Comme le débat sur twitter est souvent complexe, de par la nature même de ce réseau, et encore plus aujourd'hui dans un climat un peu tendu d'indignation quasi-permanente à tous propos, je voudrais profiter du fait que ce blog existe toujours pour poser au calme quelques éléments (au moins, en un sens, je suis chez moi).

 

Tout d'abord, entendons-nous bien sur la définition de "précaire": je ne vais ici parler que des doctorants non financés spécifiquement pour leur travail de thèse (et qui ne sont par ailleurs pas en poste par exemple dans l'Education Nationale). Ce terme s'applique également à tous les personnels en post-formation sur des contrats CDD (post-doctorat, ATER post-thèse, ingénieur d'études ou de recherches etc), même si ici le propos sera axé sur des problèmes concernant les doctorants. Je trouve personnellement abusif de définir un doctorant financé comme "précaire": il est bien évidemment en CDD, puisque financé pendant la durée de sa formation, à ce stade non achevée, et dont la durée normale est de 3 ans.

Enchaînons donc avec la durée des thèses: depuis 2006 au moins (mais probablement bien avant, j'ai la flemme de remonter le temps), il est écrit dans l'arrêté" La préparation du doctorat s'effectue, en règle générale, en 3 ans. Des dérogations peuvent être accordées, par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale et après avis du directeur de thèse et du conseil de l'école doctorale, sur demande motivée du candidat. La liste des bénéficiaires de dérogation est présentée chaque année au conseil scientifique". La durée moyenne des thèses (toutes disciplines confondues) étant de 4 ans, il est probable que l'arrêté n'ait jamais vraiment été appliqué, en tout cas dans sa partie "administrative".

L'arrêté de 2016 se veut plus spécifique: "La préparation du doctorat, au sein de l'école doctorale, s'effectue en règle générale en trois ans en équivalent temps plein consacré à la recherche. Dans les autres cas, la durée de préparation du doctorat peut être au plus de six ans.
Des prolongations annuelles peuvent être accordées à titre dérogatoire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de thèse et après avis du comité de suivi et du directeur d'école doctorale, sur demande motivée du doctorant. La liste des bénéficiaires de ces dérogations est présentée chaque année au conseil de l'école doctorale et transmise à la commission de la recherche du conseil académique ou à l'instance qui en tient lieu dans les établissements concernés."

On précise donc que 3 ans est la durée "normale" en équivalent temps plein. Ainsi, un enseignant du secondaire peut l'effectuer en 6 ans (on omettra ici qu'un enseignant du secondaire sans décharge appropriée occupant déjà un temps plein, le compte n'y est pas vraiment...). Mais je m'étais déjà il y a quelques temps interrogé sur la question subtile de la durée des thèses, n'y revenons pas.

 

Ce qui m'intéresse dans l'arrêté de 2016, c'est le rôle du directeur de l'école doctorale: " L'inscription est renouvelée au début de chaque année universitaire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et, à partir de la troisième inscription, du comité de suivi individuel du doctorant. En cas de non-renouvellement envisagé, après avis du directeur de thèse, l'avis motivé est notifié au doctorant par le directeur de l'école doctorale. Un deuxième avis peut être demandé par le doctorant auprès de la commission recherche du conseil académique ou de l'instance qui en tient lieu, dans l'établissement concerné. La décision de non-renouvellement est prise par le chef d'établissement, qui notifie celle-ci au doctorant.
Lors de l'inscription annuelle en doctorat, le directeur de l'école doctorale vérifie que les conditions scientifiques, matérielles et financières sont assurées pour garantir le bon déroulement des travaux de recherche du doctorant et de préparation de la thèse."

Dans l'arrêté de 2006, la "vérification" n'avait lieu que pour la première inscription. Dit autrement (mais je comprends peut-être mal), un doctorant sans conditions de ressources (i.e. qui n'a ni de financement de type contrat doctoral, ANR ou autre pour payer son salaire, au minimum autour de 1650€ brut mensuel, et qui n'est pas déjà employé par exemple par l'Education Nationale ou éventuellement une entreprise privée) ne devrait pas être inscrit (ou réinscrit) en thèse. 

 

Or, que lit-on dans l'état de l'emploi scientifique en 2014 (certes avant la parution du nouvel arrêté, on peut donc penser, sans trop y croire, que les choses évolueront un peu dans l'avenir): sur 65000 doctorants, environ 10000 n'ont aucune source de financement connue par les écoles doctorales (j'entends donc par la qu'ils ne sont pas non plus salariés ou déjà fonctionnaires). Les doctorants en sciences et santé représentent la moitié du total des doctorants, avec environ 5% de thèses non financées. Quand on regarde les autres disciplines, LSHS, droit et économie, on voit donc que 33% des doctorants sont sans financements. Ce qui veut dire que 70% des thèses non financées sont dans ces disciplines (7000 personnes). 

On m'explique donc que, si on corrèle l'inscription en thèse à l'obtention d'un financement par le doctorant (ou par son directeur de thèse, selon les modalités du dit financement), on signe la mort de certaines disciplines.

Pourtant, que voit-on également? Sur ces 65000 doctorants, 25% environ (autour de 16000) ne soutiendront jamais leur thèse. Environ 2000 en sciences (5% du pool de doctorants de ces disciplines), et le reste en droit et LSHS (14000 personnes) soit quelque chose comme 45% du total. 

Je sais que corrélation n'est pas causalité, mais l'envie est forte de faire un lien entre absence de ressources financières (qui plus est pendant une durée longue, puisque les thèses de LSHS durent en moyenne 60 mois contre 42 pour les sciences) et obtention du diplôme (cette corrélation, si elle existe, serait très facile à faire si les ED étaient capables de remonter leurs données au Ministère: je serais curieux de voir de telles données, même à l'échelle de quelques ED). Le lien entre la bonne santé scientifique d'un domaine et part non négligeable de travaux non achevés me semble plus ténu.

 

Précarité dans l'enseignement supérieur, qu'y faire?

Alors on me dit: oui, mais les doctorants sont aussi la pour maintenir la tenue des enseignements à l'Université dans des disciplines en tension. Car en fait, les doctorants sans sources connues de financement sont souvent des vacataires en enseignement de l'Université. On joue ici sur une subtilité du statut de vacataire: si au sens "traditionnel", le vacataire a nécessairement un emploi principal (à hauteur minimale de 900 heures par an, donc en gros au moins un mi-temps), les agents temporaires vacataires ne doivent pas nécessairement justifier d'un emploi principal. Par contre, leur service est normalement limité 96 HETD (un demi-service enseignement), soit un revenu d'environ 3700€ annuel net. Difficile d'affirmer qu'il puisse s'agir d'un "revenu suffisant permettant d'assurer des conditions financières nécessaires au bon déroulement de la thèse". En termes d'ETP, ces situations représentent au maximum 2500 ETP environ sur un total de 50000: on devrait donc pouvoir s'arranger différemment.  

 

Je milite donc (façon de parler, ce n'est pas mon genre) pour un respect littéral des textes: on ne doit pas inscrire en thèse quelqu'un qui n'a pas de moyens de subsistance associés directement à la préparation de son doctorat (et dont le montant minimal est celui fixé par le contrat doctoral). Fut-ce contre son gré. Etre directeur d'école doctoral, c'est probablement assez ingrat, mais ce serait bien qu'ils assument un peu les responsabilités inhérentes.

Avantage de la mesure: elle ne coûte rien, je pense. Elle contribuera aussi je pense à "professionnaliser" auprès des entreprises l'image du doctorat, cheval de bataille des association de promotion du doctorat (même si je sais qu'en tant qu'universitaire je devrais plutôt m'occuper d'élever les âmes, je suis assez bas du front et donc j'aime bien que les gens que je forme aient un boulot - qui ne leur déplaît pas trop et qui n'est pas extrêmement éloigné de ce à quoi on les a formés- à la fin; rappelons qu'un boulot à l'Université est par construction plus une exception que la règle, indépendamment de la pénurie actuelle de poste - sauf à diplômer 5 fois moins de doctorants qu'actuellement ou considérer qu'il faut 5 fois plus de postes académiques qu'actuellement*). 

Concrètement, je comprends que l'on veuille se battre pour que les doctorants qui subsistent via 96h de vacations et 4000€ dans l'année soient payés plus rapidement. J'ai du mal à voir en quoi cela réglera le caractère endémique du problème, par contre. A mon sens, ce n'est pas qu'une question de fric, et même pas principalement une question de fric, c'est avant tout une question de (mauvaises) pratiques érigées en normes de fonctionnement dont on croit ou cherche à faire croire qu'elles sont indépassables (ainsi, l'exemple des contrats d'ATER ou de demi-ATER en cours de thèse là ou, hormis pour les agrégés pour lesquels il existe des règles particulières, un ATER est normalement un contrat pour les docteurs, un doctorant sur un poste d'ATER s'engageant a priori à soutenir sa thèse avant la fin du dit contrat).

 

Pour revenir sur la durée des doctorats: imaginons la faire passer à 4 ans. Cela revient à augmenter de 33% le budget des contrats doctoraux, mais aussi des dotations CIFRE, des budgets de personnel dans les  ANR etc. Je n'ai rien contre discuter de mesures qui coûtent très cher, mais il faut le mettre sur la table dès le départ (et être aussi conscient que demander +33% pour quelque chose, quel que soit le contexte, est un souhait qui a peu de chances d'être exaucé). Je n'ai rien contre les inscriptions en 4ème année dérogatoires non plus, mais la aussi il faut un peu responsabiliser les directeurs de thèse là où ça ne se fait pas: si le doctorant ne soutient pas dans les temps définis comme "normaux", au directeur de thèse de trouver le financement adéquat pour terminer le travail. 

 

Et pour conclure, car je sais qu'on me reprochera d'être un scientiste, qui, en plus d'être obtus, pique tous les financements et tous les postes aux malheureux "mous". Qui est le plus mal loti? Je vous laisse méditer le petit graphe ci-dessous. Ca n'a pas nécessairement grand chose à voir avec le reste de l'article (encore que), mais j'ai fait ça un peu par hasard récemment et je trouve que c'est très parlant.

 

 

* ce qui ferait en gros doubler le nombre d'enseignants-chercheurs en 10 ans

** 

Précarité dans l'enseignement supérieur, qu'y faire?
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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 21:57

Il y a quelques années, j'habitais dans le quartier Reuilly-Diderot et pour me rendre à mon travail, j'empruntais le bus 57.

Souvent, je croisais, le matin, un père et sa fille, assis quasiment toujours à la même place, tout au fond.

Je ne les ai pas oubliés.

La raison principale pour laquelle ils sont restés dans ma mémoire, c'est que la jeune fille, d'une quinzaine d'années, était trisomique. Une deuxième raison était l'amour et la complicité qui semblaient relier ce père à sa fille et irradiaient autour d'eux.

Cela m'émouvait, régulièrement, même si bien sûr je ne voulais pas passer le trajet, sans-gêne, à les scruter.

Le père descendait à Gare de Lyon. Il embrassait tendrement sa fille qui continuait seule son trajet jusqu'à après mon arrêt, probablement pour se rendre à l'établissement dans lequel elle était scolarisée. 

 

Dans une quinzaine d'années, j'espère que je serais ce père pour ma fille, arrivée il y a 3 semaines. Et qu'elle et moi partagerons une aussi belle relation. 

 

 

 

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13 juin 2017 2 13 /06 /juin /2017 10:05

Je m'adresse à mon lectorat universitaire: vous connaissez les reviewers d'article qui, jugeant un article représentant disons 2 ans de boulot et montrant un petit résultat nouveau, écrivent en substance "hmm oui c'est pas mal mais il aurait fallu faire ça en plus pour que ça soit bien", le ça en question correspondant à 2 ans de boulot supplémentaire pour confirmer au 2ème ordre le résultat principal de l'article, qu'il était déjà ambitieux de montrer à l'ordre 0.

C'est déjà pénible.

Mais aujourd'hui, on retrouve ces "reviewers" sur des articles de blog et même sur twitter. En gros, tu passes une partie de ton temps libre à éplucher des documents, disons-le souvent un peu arides, pour faire des mises en perspective ou des compilations de données un peu parlantes. En général, on travaille à "gros grains" d'abord, et puis, si on peut (i.e. si on a le temps ET que des sources sont disponibles ce qui est loin d'être toujours le cas) on raffine. Mais le "gros grain" est souvent déjà une avancée par rapport au non-existant. Mais la, c'est le festival de "il faudrait dissocier selon les 60 sous-disciplines" ou "vous avez regardé sur les 10 dernières années, mais ce qui serait pertinent ce serait sur les 40 dernières années". 

Et il y a aussi les "contradicteurs systématiques" ou "pinailleurs de l'extrême" qui, visiblement peu habitués à la physique à la Fermi, viennent corriger une grave erreur du type "non ce n'est pas un facteur 2, c'est un facteur 1,93". Récemment, j'en ai eu un qui, pour "démonter" l'un de mes propos sous pseudonyme, m'a cité un article... que j'avais écrit sous mon vrai nom. "Oui, je connais ce travail, non, il ne dit pas ce que vous prétendez..."

 

Donc, un article de blog c'est du grain à moudre, ce n'est pas un article soumis dans un journal à comité de lecture. Quand je fais des articles avec une ambition d'être un tant soit peu sérieux, je donne les sources. Libre à chacun de les reprendre, de les creuser, d'en trouver d'autres, de rebondir. Mais les remarques sur la faible quantité de travail et/ou le peu de pertinence du "gros grain", c'est assez fatigant pour ce qui reste un hobby. Un hobby avec certes une volonté de compréhension et de pédagogie, mais néanmoins sans prétention académique.

 

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1 juin 2017 4 01 /06 /juin /2017 10:51

Pour ceux qui ne me suivent pas sur twitter, j'ai créé un nouveau blog, parce que je n'en avais pas assez d'inactifs encore.

Il s'agit d'anecdotes sur le fonctionnement parfois pénible de l'administration dans le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche.

N'hésitez pas à me transmettre vos anecdotes, mêmes et surtout anonymes.

Ne cherchez pas de but profond là dessous, il s'agit principalement d'en rire (jaune, parfois, mais ça fait du bien quand même). 

Le blog est la: Mammouth Universitaire

 

Mais comme il paraît que ça fait pas avancer les choses, je signale un autre site qui se veut plus pro-actif: Rogue ESR

Bon, je ne suis pas politicien ni activiste, et peut-être que c'est la façon de fonctionner, mais j'ai un peu de mal quand 50% des propositions consistent à dire "donnez-nous plus d'argent" sans justifications ni contreparties, même si je salue l'effort collaboratif. Mais, finalement, je trouve qu'on réfléchit souvent mieux tout seul (ou en petit nombre): au moins on a des chances d'être d'accord avec soi-même. Cf "mon programme"

 

 

 

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17 avril 2017 1 17 /04 /avril /2017 15:18

Difficile de faire un "programme" cohérent... Mais je vais jeter quelques idées personnelles sur l'enseignement supérieur et la recherche. Personne ne me l'a demandé, mais cela fait du bien de se confronter à la réalité de ce qu'on penserait vraiment pertinent. 

 

 

Mon affiche de campagne

Mon affiche de campagne

 

On va faire du plus utopique au plus concret.

1 - Bon, déjà je pense qu'il faudrait investir massivement dans l'ESR. Après tout, 3% du PIB, la stratégie de Lisbonne, ça a presque 20 ans maintenant, et on est toujours à 2.25% ou quelque chose comme ça. Mais la, il est à craindre que ça ne soit pas pour demain même si c'est la priorité de tout le monde en théorie, dans la pratique ça ne l'est jamais (l'Allemagne est à 2.9). 

2 - Je pense que pas mal d'emmerdes actuelles viennent de la dualité Universités - Grandes Ecoles. A l'Université l'enseignement de masse sans sélection et la recherche, aux grandes écoles l'enseignement hyper sélectif (et, hormis quelques exceptions notables, peu ou pas de recherche). Je n'ai pas d'idée claire sur la façon dont tout pourrait être remis à plat et que cela soit satisfaisant, mais je suis désormais à peu près convaincu que cette dichotomie de 2 siècles n'a plus vraiment de raison d'être. Cela dit, je pense que j'aurai le temps de mourir avant que quoi que ce soit change (le lobby des classes préparatoires et des grandes écoles est un peu plus puissant que celui des universitaires). 

Il y a aujourd'hui probablement trop d'universités en France. 2 centres régionaux (un peu plus pour Paris) semblent un bon compromis (on passerait donc de plus de 80 à une trentaine). Pour cela il faudrait un programme de logements sociaux et de bourses ambitieux.

Il faut aussi une vraie rationalisation de l'offre de formation: éviter les masters très similaires dans un même centre, éviter les masters avec 5 étudiants et/ou tournant grâce au recrutement d'étudiants dont la formation initiale est faible ou mal connue (voir point 3).

2 bis - on pourrait avoir la même réflexion avec le CNRS. Création d'un statut unique avec 128 HED ou 96 HED pour tous? (Il y a en gros 60000 EC pour un peu plus de 10000 chercheurs dont une bonne partie enseigne déjà: autant dire qu'avec l'augmentation des effectifs étudiants annoncés, il va falloir trouver des heures, d'autant qu'il manque déjà au moins 10000 ETP...).

2 ter - je suis un peu partagé sur les PRAG à l'Université, mais vu qu'il y a des manques importants en force enseignante, avec un grand nombre d'heures assurées actuellement par des vacataires dont le recrutement n'est pas toujours optimisé, et qu'un recrutement massif de 10000 EC ou plus ne se fera pas en 2 ans; vu également qu'il y a de la demande du côté des PRAG, je me dis que les intégrer dans les cours de licence générale n'est pas une mauvaise idée, surtout les jeunes (si l'alternative est de les envoyer contre leur gré en collège ou lycée...).

3 - Je suis pour une forme de sélection, sur dossier (comment la gérer?) par filière à l'Université (à l'entrée en L1 puis à l'entrée en M1, puis pour le doctorat, comme le prévoit le LMD). 

4 - Je suis pour un maintien de la gratuité ou quasi-gratuité des frais de scolarité (cf point 1). Par contre, il ne me semblerait pas déraisonnable de demander aux étrangers de payer des frais de scolarité correspondant au coût réel (donc autour de 10000€: cela rapporterait 3 milliards d'€ en supposant que le nombre d'étrangers actuel reste constant, environ 300000. Même à supposer qu'il baisse, on pourrait tabler sur 1 milliard de recettes). On pourrait imaginer des systèmes de bourse et/ou de crédits d'impôts pour ceux qui ensuite resteraient travailler en France. J'avoue que j'ai du mal à comprendre aujourd'hui la plus-value pour le pays d'étudiants se formant gratuitement et à qui on ne propose ensuite pas d'emplois...

4 bis - Bien sûr, ceci devrait être réinvesti dans la rénovation des locaux. Avouons que pas mal d'Universités françaises ne donnent pas vraiment envie de venir... (ou plutôt: gratuitement, ça passe, mais à 10k€ l'année, on attend autre chose). Même si cela s'est pas mal amélioré par endroits (je pense à ceux qui ont connu Jussieu dans les années 1990-2000).

5 - Je pense que la fin de la semestrialisation avec une forme de souplesse dans le suivi des UE, dans le choix des parcours, et l'accumulation de crédits, sur un compte personnel, au rythme choisi par l'étudiant serait une bonne chose. Cela favoriserait aussi la formation continue (on pourrait proposer une formule "à distance"). Par exemple, la licence correspond à 180 crédits ECTS, une UE est en général 3, 4 ou 6 ECTS, et dans le cadre classique, on fait 45 ECTS en un semestre. Rien n'empêcherait d'imaginer qu'un étudiant puisse faire 15 ou 60 ECTS en un semestre (il faudrait probablement définir un minimum et un maximum), et qu'un salarié puisse profiter de ce type de parcours.

5 bis - développement en parallèle de l'apprentissage (dans le secondaire mais aussi le supérieur) et des procédures de validation d'acquis.

6 - Je crois que la fonctionnarisation des chercheurs et enseignants-chercheurs reste une bonne chose. Une revalorisation des grilles serait appréciable. Néanmoins, je pense que l'autonomie des universités est une bonne chose. Maîtrise du calendrier, développement raisonné de certaines disciplines etc. On pourrait imaginer dans cette optique un statut de fonctionnaire territorial. Cela ne faciliterait néanmoins pas les mutations, aujourd'hui extrêmement complexes, alors qu'il faudrait un peu "libérer les énergies". Alors, comment faire? 

6 bis - Suppression du recrutement local (définition du localisme: 3 ans dans le même labo, reset après 2 ans dans un autre labo). Augmentation significative du temps de l'audition (mise en place qui existe déjà parfois d'une partie enseignement), visite du laboratoire obligatoire avant l'audition (financée par les labos). Il faudrait probablement diminuer le nombre d'auditionnés, et pour cela définir des profils plus précis pour le recrutement.  

7 - Il faut redonner des moyens à l'ANR. Probablement revenir aux financements de 2009 voir à 800 millions d'€ ou plus (aujourd'hui, environ 450 millions). L'idée serait que 25% des projets (environ) seraient financés. 

7 bis - mettre en place une procédure robuste et pérenne pour l'évaluation des projets ANR, procédure qui actuellement change chaque année. La procédure de cette année semble plutôt moins mauvaise que les années précédentes (phase 1 évaluée par un comité, possibilité de réponse aux évaluateurs en phase 2). Mettre en place un meilleur suivi des projets par l'ANR en améliorant les recrutements, conditions salariales et perspectives d'évolution des chargés de projets ANR (aujourd'hui, il n'est pas rare d'avoir 3 interlocuteurs différents sur la durée d'un projet de 4 ans...).

7 ter - passer de 3 à 5k€/C-EC pour les crédits récurrents (budget: environ 200 millions).

8 - Incitation au développement des ressources propres dans les universités et les laboratoires.  

9 - Je suis pour le maintien de l'HCERES et la mise en place d'une évaluation des EC sur le modèle de ce qui existe au CNRS. Je suis pour la prise en compte de l'avis des étudiants sur les enseignements prodigués.

Je ne suis pas défavorable à la modulation des services. S'il me semble important qu'un EC ou C conserve une activité de recherche au moins a minima (en ce sens, les premiers critères définis par l'HCERES: 2 articles - ou proceedings selon les communautés - sur une période de 4 ans pour les EC, et 4 pour les C, m'apparaissaient plutôt conservatifs), il ne me déplairait pas qu'un certain nombre d'activités "administratives" (même si je plaiderai pour moins d'administratif pour les C et EC) soient mieux reconnues et valorisées (gestion de filière notamment). Rien ne devrait s'opposer à des carrières d'EC "enseignants administratifs" (en faisant la distinction entre les postes de gestion lourde et les postes honorifiques).

10 - Suppression de la qualification (et donc probablement du CNU) et de l'HDR. Un jeune recruté doit pouvoir obtenir une certaine forme d'indépendance en répondant à des AAP dédiés (dans lesquels on ne lui reprocherait plus d'être "trop jeune" ou pas assez "mentoré"). 

11 - Réserver l'accès au CIR aux TPE et PME. Développer les mécanismes CIR d'incitation à l'embauche des docteurs dans le privé. Rebasculement d'une large partie du CIR (celle non affectée au recrutement de docteurs) des grandes entreprises vers le budget de la recherche publique.

12 - Financement des thèses obligatoire. Pour les salariés ou enseignants: possibilité de thèse en 6 ans si décharge à mi-temps. Faciliter les mécanismes de détachement/congés pour effectuer la thèse. Thèse en 3 ans avec 2 réinscriptions max possibles si contraintes spécifiques disciplinaires justifiées. Généralisation des comités de suivi de thèse. Prise en compte des temps caractéristiques de soutenance et du devenir des docteurs dans la promotion des directeurs de thèse.

12 bis - mise en place de collaborations industrie/université (ou d'un meilleur dialogue) par mise en place d'un guichet unique chargé de valoriser les diplômes (le doctorat mais pas que) sur le marché de l'emploi. Cela permettrait aussi de développer le concept de doctorant/conseil. 

13 - Maintien de la loi Sauvadet. 

14 - Rebasculement du personnel administratif des services centraux vers les laboratoires.

15 - Généralisation de la CB professionnelle pour les C et EC.

16 - pas de fermeture budgétaire annuelle.

17 - Simplification des achats: fin des marchés publics et marchés agences de voyage. Mise en place d'un système de déclaration en ligne (fin des ordres papier) pour la déclaration des missions, congés etc.

17 bis - En ce sens, revalorisation de certaines fonctions support dont les grilles actuelles ne permettent que trop rarement sur le long terme des recrutements de haut niveau (par exemple: secrétariat pédagogique, gestion, DSI). On ne peut pas toujours miser sur la bonne volonté ou le sacerdoce.

18 - Généralisation des délégations de signature au directeur de labo ou d'équipe pédagogique.

 

Bon, je suis sûr que j'ai plein d'autres idées et en même temps ce dont j'ai toujours peur c'est que certains points se contredisent, mais ça fera une base pour retravailler.... J'amenderai au fur et à mesure. 

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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 09:45

Je continue ma série sur les étudiants (encore un prof qui les déteste, se diront certains).

 

Je vais revenir sur quelques accrochages survenus (avec, en particulier, des sociologues et des psychologues) sur Twitter alors que je décrivais, me semble-t-il objectivement, des situations réelles. Situations réelles qui étaient donc contestées ou dont on rejetait la faute sur moi (membre de la caste des oppresseurs en tant qu'enseignant, mâle, et blanc).

Je mentionnais quelques cas d'étudiants étrangers qui postulent à une formation sans aucune intention de la terminer, mais dans l'unique but d'être inscrit à l'Université pour faciliter l'obtention d'un titre de séjour, cas qui finissent par se révéler problématiques d'un point de vue de "gestionnaire de filière".

Je ne dis pas que c'est bien ou mal, je dis juste que 1. c'est un fait (de tels étudiants existent, et je peux les comprendre, connaissant un peu le fonctionnement des préfectures à ce niveau), mais que 2. si j'acquiers la certitude (hors de tout doute raisonnable) que la raison de la demande d'inscription est celle-ci en priorité, et que l'étudiant va déserter au bout d'un ou deux mois une fois son sésame en poche, je ne souhaite pas avoir ces étudiants en charge*. Bien sûr, lors des entretiens, personne ne dit clairement qu'il n'a pas l'intention de suivre la formation et que ce qu'il veut, c'est juste être inscrit quelque part. Il y a néanmoins des signaux que l'on apprend à discerner. 

Certains semblaient contester l'existence même de telles motivations (un étudiant est, par essence, toujours motivé, et s'il ne réussit pas, c'est la faute au système universitaire), je peux donc donner quelques exemples personnels:

- j'interviens dans un cadre de formation continue, qui en ce sens ne donne pas accès à un statut d'étudiant (et donc pas au visa correspondant). Dès que l'on précise cet état de fait lors du forum d'informations, la moitié des candidats potentiels disparaît sans demander son reste (et sans poser aucune autre question sur la formation elle-même).

- un copain d'école l'a fait. Ne trouvant pas de thèse et non désireux de devoir repartir chez lui, il s'est inscrit dans un 2ème master (DEA à l'époque), n'est jamais venu en cours et cherchait à la place du boulot/une thèse (qu'il a fini par trouver). C'est sûrement un cas isolé complètement cynique.

- un étudiant l'an dernier, que l'on avait accepté alors qu'il était déjà titulaire d'un master (chose que l'on ne fait pas souvent - voir lien plus haut) a aussi disparu très rapidement (moins de 2 mois). Très subtil, il a candidaté au poste d'ingénieur d'études que notre labo proposait au même moment. Autant dire que sa candidature n'a pas été examinée très avant (sans doute que ce n'est pas gentil de notre part). 

- un autre a fait la même chose, en disparaissant un peu plus tard (environ 1 mois avant la session d'examen du 1er semestre, sans faire le stage donc, et en étant ajourné lors du jury final). Celui là n'a pas candidaté à un poste d'ingénieur chez nous, mais par contre il a submergé l'équipe pédagogique de mails en fin d'année civile, donc 2 ou 3 mois après le jury final. Après avoir disparu de nos radars depuis quasiment 1 an sans aucune justification (autre que "je n'ai pas trouvé de stage alors que pourtant j'ai envoyé plein de candidatures"), il nous demandait urgemment et instamment de l'aider à renouveler son titre de séjour en lui fournissant notamment une "attestation d'assiduité". Il me semble naturel que l'on n'ait pas eu spécialement envie d'accéder à cette requête, dans la mesure où, déjà et principalement, il n'avait pas été assidu. D'autre part, je suis d'avis que quand on joue avec les règles du système, il faut un minimum d'honneur personnel et essayer d'assumer un peu en ne sollicitant pas l'aide de ceux qu'on a, quand même, un peu roulé dans la farine.

Bref, il a insisté, nous a soutenu qu'il avait été présent tout le premier semestre et jusqu'aux examens (les enseignants ont probablement tous perdu sa copie), puis qu'il avait du partir dans son pays d'origine pour raisons familiales, puis qu'il avait été très malade (toutes ces justifications venant, dans la même discussion, et ce 9 mois après les faits, bien sûr: j'ai tenté de lui expliquer que si je m'absentais 9 mois de mon boulot, je devais fournir des justificatifs au début, pas à mon retour). On a fini par lui fournir un bulletin de notes contenant les quelques notes qu'il avait obtenues et signifiant l'absence de notes à partir de janvier et la non-réalisation du stage. Nous n'allions quand même pas lui faire une fausse attestation de présence.

En conclusion, je pense que l'on a été plutôt sympa, mais on m'a expliqué sans rire que cet étudiant était probablement très gêné et affligé de la situation et que notre léger énervement, outre son côté irrationnel, avait quelque chose d'inhumain face à la détresse du jeune homme (qui a quand même pris le temps de nous expliquer qu'il refaisait un master et que ça se passait très bien). Je laisse chacun se faire sa propre idée, mais surtout les collègues qui ont déjà eu à faire à ce genre de situations. 

 

 

*Note: je suis tout à fait prêt à aider des étudiants que j'encadre dans leurs démarches, je l'ai déjà fait pour 1 de mes doctorants et 1 de mes post-doctorants (visite à 7h du matin à la préfecture, intrusion dans les bureaux de la DRH etc). Je le referai sans hésiter. Mais dans le cadre de mes activités d'enseignant, j'essaye de sélectionner les étudiants selon des critères académiques, je ne fais pas de politique ou de militantisme.  

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25 février 2017 6 25 /02 /février /2017 16:37

J'enseigne quelques portions de modules à des étudiants de M1 et de M2 (Pro) dont la thématique principale est la science des matériaux, et qui sont de niveau assez moyen.

J'ai constaté des fortes lacunes

- mathématiques: l'incapacité, par exemple, à faire des opérations simples (addition, division, pourcentage...) s'ils n'ont pas de calculette ou à questionner le résultat donné par celle-ci dans le cas où il paraît complètement aberrant. Ne parlons pas de poser ou encore moins résoudre une équation, une partie non négligeable n'est pas capable d'écrire le théorème de Pythagore (je ne plaisante pas).

- physiques: cela revient à ce que je dis précédemment, mais très peu ont un quelconque recul sur la notion de grandeur physique. Récemment, un étudiant dans une copie d'examen a calculé que la taille caractéristique d'une chaîne de polymère était 10^27 angströms. C'est 1000 fois la distance Soleil-Pluton, ce qui paraît un peu grand pour une taille de molécule. Cet exemple est extrême, mais vraiment, la notion d'ordre de grandeur, ou d'homogénéité sont complètement absente de leurs réflexions.

 

Quand on a un bac + 5 science des matériaux, censé concurrencer un diplôme d'ingénieurs, je trouve ça problématique d'avoir un niveau de mathématiques et de physique de lycéen médiocre. Mais j'ai déjà parlé de ça. Depuis quelques années, je vois une autre lacune qui me semble encore plus problématique: en fait, on a l'impression que les étudiants (pourtant francophones dans leur majorité) ne comprennent plus le français. 

C'est une chose de ne pas savoir résoudre un problème de mathématiques ou de physique parce qu'on ne maîtrise pas l'outil ou qu'on ne parvient pas à faire la mise en équation ou sa résolution. C'en est une autre de ne pas comprendre la question posée.

 

Je vais donner un exemple récent. 

Dans un TD, je demandais si un mélange de composition donnée vérifiait la propriété lambda.

La résolution de la question consistait donc à écrire l'équation permettant de déterminer si la propriété lambda était vérifiée, et à rentrer dans l'équation la valeur de la composition du mélange. On obtenait comme réponse que ça ne marchait pas.

La deuxième question était donc: quelle est la composition limite pour que la propriété lambda soit vérifiée. Dans ce cas, il fallait donc écrire l'équation telle que la propriété soit vérifiée, et déterminer la composition.

Sauf que, tous mes étudiants (7 ou 8, de M2) ont repris pour valeur de composition celle de la première question. Bref, ils n'ont pas compris qu'ici, c'était l'inconnu. 

Je vous avoue que j'en suis resté comme deux ronds de flan et que j'ai eu peine à leur expliquer le problème de leur raisonnement.

 

Je suis encore assez jeune dans le métier, mais j'ai l'impression que cette mauvaise maîtrise du langage est assez récente, et se développe rapidement. Avez-vous constaté la même chose ou est-ce que je m'emballe?

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24 janvier 2017 2 24 /01 /janvier /2017 21:43

La nature produit du plastique! Tout au moins les briques moléculaires élémentaires permettant de synthétiser certains plastiques, plus précisément des bioplastiques. 

Les plastiques, ce sont ces matériaux extraordinaires, qui pour certains, ont une meilleure résistance mécanique que l'acier à masse équivalente! Ces matériaux dont le Prix Nobel français Pierre-Gilbert De Gênes disait déjà, lors de la remise de son prix à Stockholm en 1992 "le plastique c'est fantastique".

Prenez le PLA (poly(acide lactique)) par exemple: il est fabriqué à partir d'acide lactique. Oui, cette même molécule que vos muscles produisent après un effort. Mais aussi par des bactéries se nourrissant de déchets alimentaires. Ce plastique possède, outre des propriétés extraordinaires (son module d'Young est de 3 GPa...), la capacité d'être biodégradable. On peut donc récupérer in fine les briques élémentaires du matériau et recommencer indéfiniment son cycle de production. Plus de sacs plastiques tels que je peux les voir abandonnés le long de la plage ou enfoncés dans la gorge d'une majestueuse tortue marine lors de mes séjours à San Francisco ou Pékin.   

Aujourd'hui, les sacs plastiques, les gobelets ou les assiettes de pique-nique recyclables à l'infini, mais demain, les ailes d'avion, les hyperbarrières du futur ou les nouveaux "drug delivery controlled released systems" pour les antibiotiques "quorum sensing disruptors"?

Imaginez: la nature, et l'Homme lui-même, fabriquent sans le savoir ces constituants indispensables du matériau du futur? Pourtant, aujourd'hui, que fait-on quand on a une crampe, à part se reposer et boire beaucoup d'eau? Rien! Que font les chercheurs quand ils ont une crampe au cerveau: ils vont boire un café! 

Alors que la valorisation de cet acide lactique, qui a conduit à la publication de 8762 brevets depuis une demi-douzaine d'années, pourrait se chiffrer à plusieurs de centaines de milliards de dollars! Et pourquoi ne pas imaginer du "genetic engineering" sur les bactéries pour produire à façon, non l'acide lactique, mais directement le PLA?

 

 

Ce petit texte parodique (encore que) des chroniques de l'hyper-docteur du Point, chercheur affilié au CNRS, à Stanford, Centrale et Polytechnique, reprend les mêmes "codes": quelques points globalement corrects, souvent des banalités présentées sous un jour extraordinaire, erreurs factuelles, approximations grossières, chiffres sortis du chapeau (surtout, jamais de sources, on a la science infuse), name-dropping et anglicismes à foison, imagination débordante pour ne pas dire délirante, et remise en cause plus ou moins directe du travail des chercheurs.

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