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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 13:45

Comme souvent, en France, tout le monde s'accorde à dire que la situation va mal mais dès qu'on parle de changer quelque chose, le statu quo apparaît comme la moins pire des solutions.

 

Par exemple, je pense qu'il y a une sorte de consensus sur le fait que la situation des docteurs dans notre beau pays n'est pas terrible, que ce soit au niveau de leur insertion et employabilité académique ou privée, de la reconnaissance du diplôme, parfois même au niveau de la qualité moyenne des thèses soutenues (argument ressorti pour défendre le besoin de la qualification), et du côté des doctorants de l'encadrement, des ressources etc.

 

Mais les levées de bouclier lors du fuitage de l'arrêté pourtant bien innocent montre que, finalement, la communauté s'accommode assez bien de la situation.

 

Comme je le disais précédemment, il y a en SHS 2/3 de thèses non financées spécifiquement, dont une partie seulement (autour de la moitié probablement) est salariée par ailleurs (professeur dans le secondaire par exemple, ou autre). Le taux d'abandon est de l'ordre de 1/3, et la durée moyenne pour ceux qui finissent est de 5.25 ans.

 

En parallèle, les thèses de sciences dures sont financées à 90%, le taux d'abandon de 6%, et la durée moyenne des thèses de 3.5 ans.

 

Concernant l'insertion professionnelle (voir vers page 49), il y a plusieurs sous-catégories au sein des sciences dures et des LSHS. En gros, celles à plus de 12% de chômage et celles à moins de 8.

A plus de 12, on trouve les lettres et sciences humaines mais aussi la chimie et la biologie.

A moins de 8, on trouve les maths, la physique et les sciences de l'ingénieur mais aussi le droit et l'économie.

Couplé à cela, dans les catégories avec peu de chômeurs, on trouve également moins de 25% de CDD, contre plus de 30 (et jusqu'à 40) dans les catégories à fort taux de chômage.

 

On peut d'ailleurs corréler ça de façon amusante à l'âge moyen de recrutement dans le public, par exemple en tant que maître de conférences: 35 ans pour la biologie, 36 pour les lettres, mais 30 pour les maths, 31 pour l'info, et la physique, seule la chimie ne fitte pas bien avec 31-32 également.

 

 

S'il est donc difficile de conclure sans bémol que l'encadrement strict de la durée des thèses et des financements des doctorants leur ouvre grand toutes sortes de débouchés (notamment pour des secteurs industriels en crise comme la biologie ou la chimie), je crois que, en moyenne, la situation pendant la thèse et post-thèse des 60% de docteurs en sciences dures est plus enviable que celle des 40% de docteurs en LSHS. Et que, globalement, la situation pourrait être meilleure pour tout le monde si l'on compare à ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Il m'apparaît également délicat de communiquer sur le doctorat comme première expérience professionnelle quand de facto, il n'y a rien eu qui ressemble de près ou de loin à un contrat de travail...

 

Est-ce qu'instaurer (ou imposer) des "bonnes pratiques" au niveau des directeurs de thèse réglera tous les problèmes? Probablement pas. Comme je l'ai dit plus d'une fois, il y a beaucoup de pédagogie à faire du côté des entreprises pour culturellement modifier le rapport de force avec les écoles d'ingénieur, de commerce, ou les ScPo, ENA etc pour améliorer la lisibilité du diplôme (si tant est que cela soit possible).

 

Mais j'avoue que quand j'entends des permanents refuser tout encadrement de la durée des thèses, toute obligation de financement des doctorants; quand le permanent n'a de fait aucune responsabilité dans l'encadrement, d'autant plus qu'il m'explique qu'en sciences humaines, on réfléchit fort et que donc c'est le doctorant qui doit définir son propre sujet; quand enfin, après tout, s'occuper du devenir du doctorant c'est pas son problème; et quand, pour justifier tout ça, on me parle de "liberté académique", je fais une syncope.

La liberté académique, c'est celle du permanent de pouvoir chercher ce qu'il lui plaît (et Dieu sait qu'elle est mise à mal avec les impératifs du financement). La liberté académique du précaire, c'est quoi? C'est la même que celle de l'employé qui dit qu'il veut travailler le dimanche parce qu'il n'a pas assez pour vivre avec son travail de la semaine, et que le patron montre en exemple... Pendant ce temps là, le permanent, lui, "encadre" et met bien ça en avant pour ses primes ou dossiers de promotion.

 

Plus ça va (ou en fait plus je lis de choses qui me font tomber de mon siège), plus j'approuve le projet d'arrêté qui va passer aux oubliettes. Pour tout dire, j'irais même plus loin.

- Inscription en thèse uniquement des doctorants financés ou des salariés, avec durée de 3 ans plus 2 de dérogation pour soutenir la thèse (ou 6 + 2 pour les salariés). Dérogations accordées que si financement pour l'année supplémentaire.

- Pour ces doctorants là, suivi, par l'école doctorale, l'HCERES et les comités de thèse, du rôle du directeur de thèse, des durées de thèse et du devenir des doctorants. Publication ouverte des statistiques sur le site de l'école doctorale, par laboratoire et par encadrant.

- Vrai pouvoir donné aux comités de thèse pour stopper celle-ci si le candidat ne répond (vraiment) pas aux attentes. 

- Pour les autres (les non financés, soit environ 20000 personnes en préparation de thèse à un temps donné, mais dont seulement 12 ou 13000 soutiendront un jour...), simplification de la procédure pour la validation de la thèse en VAE ou procédure de ce style. Le suivi universitaire serait assuré par un "tuteur pédagogique" (activité que l'on dissocierait de celle de directeur de thèse dans les dossiers des encadrants; un peu dans l'esprit de ce qu'on fait pour l'apprentissage). Mon idée, c'est qu'à terme ce genre de doctorats représente quelques dizaines de cas par an, pas 10000...

 

Et puis bien sûr, suppression de la qualification (ça n'a rien à voir mais bon, tant que j'y suis), et de la HDR, parce qu'il faut être consistant: on ne peut pas fonctionner dans un système par appels à projets où le jeune permanent doit chercher du fric et recruter pour bosser, sans lui donner le droit d'encadrer pendant ses 5 ou 10 premières années... 

 

Voila, votez pour moi et tout le monde sera dans la rue très rapidement.

 

(article écrit dans l'émotion de l'instant, sans relecture, je prie mes lecteurs de bien vouloir m'excuser, je relirai asap)

 

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commentaires

C
Ah la suppression des qualifs, si seulement... J'en ai jamais compris l'intérêt. Une masse de boulot administratif énorme (bonne chance pour retrouver vos justificatifs d'enseignement par exemple), des sections aux règles différentes (celle de méca réclame un dossier papier par exemple, quand les autres préfèrent un dossier électronique), des dates butoirs sans trop de sens, des exigences ridicules (du genre "si vous n'avez pas enseigné pendant tant d'années, vous devez impérativement le justifier") et une qualif uniquement valable 3 ans (donc en gros après son premier post doc et demi il faut la refaire). Le seul avantage c'est que quand vous candidatez vraiment, vous avez déjà le CV et le document "activités de recherche" de prêt...
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M
Et encore, ce qu'on demande aux candidats pour les postes n'est pas vraiment exactement ce qu'on demande pour la qualif...
G
Zut, la mise en page n'a pas du tout fonctionné !
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G
Je vote pour.<br /> Je découvre que la situation en Angleterre ressemble beaucoup à la France. Les bourses de thèse sont assez faciles à obtenir en sciences dures ("STEM") ; beaucoup d'étudiants n'ont même pas besoin de faire un master et deviennent donc docteurs à 23-24 ans. La principale difficulté est d'être admis dans les bonnes facs (Oxbridge, Imperial, Edinburgh, Manchester, etc.), mais ils ont toujours la possibilité d'aller dans des facs moins cotées, qui donnent aussi des bourses par dizaines. Docteurs et non-docteurs trouvent facilement du boulot dans l'industrie et la finance (la plupart des grandes entreprises ont aussi leur propre formation en interne, appelée Graduate scheme pour ceux qui ne font pas de master/PhD).<br /> A l'inverse, la situation dans les SHS est assez noire. Depuis 2008, le gouvernement a sabré dans le financement des SHS pour maintenir le nombre de bourses dans les STEM. Il y avait je crois près de 1200 bourses financées par l'AHRC (l'équivalent de l'ANR en SHS) avant la crise, il n'y en a plus que 650 aujourd'hui et la quasi-totalité est raflée par le top 20 et par les étudiants britanniques (les étrangers n'ont presque pas droit à ces bourses). Les universités les plus riches (le top 20 encore) doivent donner environ 300 bourses pour les étrangers et c'est tout.<br /> Les autres sont soit :<br /> - des étrangers friqués (ou endettés) qui payent pour avoir le nom de l'université sur leur CV (exemple typique: les Américains à Oxford). Les frais d'inscriptions sont maintenant montés à 14.500£ par an pour les étrangers hors UE, soit juste en-dessous des prix américains, ce qui permet à l'UK de rester attractif par rapport aux USA. C'est je crois la grosse différence avec la France.<br /> - des étrangers financés par leur gouvernement (ie. les Chinois).<br /> - des étudiants britanniques à temps partiel, souvent des profs, mais aussi employés de bibliothèque et autres fonctionnaires. Les frais s'élèvent à 2000£ par an pour eux, ce qui rend la chose faisable, mais difficile (beaucoup mettent plus de 7 ans à finir). <br /> - des étudiants britanniques à temps partiel sur des contrats alimentaires comme en France.
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K
Pour comprendre la situations des doctorants en France par rapport à d'autres pays, je propose le point de vue du marché: qui a quel intérêt dans la préparation d'un doctorat ? Je compare ce que je connais le mieux: la situation en France depuis mon arrivée en 1996, et la situation en Allemagne quand j'y ai fait mes études jusqu'au doctorat en 1992.<br /> <br /> En Allemagne, le doctorat a une valeur importante, autant sur le marché du travail, dans tous les secteurs, mais aussi pour le statut social. Pas mal de docteurs mettent leur titre sur leur boîte à lettre, par exemple. Dans le monde du travail, un "bon" doctorat (une bonne université et des bonnes notes) a à peu près la même valeur qu'un diplôme grande école en France. Conséquence: il y a beaucoup de candidats, les directeurs de thèse peuvent sélectionner et poser des conditions. On peut même échouer au niveau de la soutenance.<br /> <br /> En France, le doctorat est un passage obligatoire pour une carrière en recherche, mais n'a que peu de valeur en-dehors de cet univers. Les carrières en recherche deviennent de plus en plus rare et difficile, donc il est normal que le doctorat devient de moins en moins attractifs pour les candidats potentiels. Mais les thésards restent importants pour la carrière des chercheurs permanents, qui incitent donc trop d'étudiants de se lancer dans une thèse, même si ceci est plutôt nocif pour leur future vie professionnelle. Et si l'étudiant s'avère trop peu doué, c'est le directeur de thèse qui lui écrit sa thèse.<br /> <br /> Il me semble clair que le doctorat à la française ne peut pas fonctionner, peu importe ce qu'on change dans la réglementation. Les chercheurs permanents sont incités à former bien plus de thésards que peuvent raisonnablement trouver des emplois dans la recherche. Tant que le doctorat ne vaut rien chez d'autres employeurs, ce système continuera à faire des dégâts. Je n'imagine pas non plus un système ou le nombre de thésards baisse au point que tout le monde puisse trouver un poste dans la recherche, c'est un équilibre trop fragile.<br /> <br /> Si on prend encore un peu plus de recul, le fond du problème est qu'en France, les choix importants pour une carrière doivent être pris trop tôt. Les chemins des futurs chercheurs, futurs ingénieurs, et futurs cadres se séparent après le bac, avec les choix entre université et prépa. Ailleurs dans le monde, leurs chemins se séparent après la thèse.
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M
Cela permettrait de rendre possible justement ces "cas atypiques" (je trouve que de façon générale, en France, on ne donne pas assez de possibilités à ceux dont les parcours ne sont pas linéaires)
M
C'était un peu le sens de ma dernière proposition, différencier le statut de directeur de thèse (qui, certes compterait dans la carrière pour primes et avancement mais impliquerait un certain nombre de devoirs comme le financement et le respect d'un délai maximal avec des risques sur la carrière en cas de manquements trop fréquents) et celui d'"accompagnant" plus souple...
K
Je ne connais pas assez les SHS pour répondre à cette question, désolé. En sciences dures, les thèses sans financement sans rares en Allemagne, mais tout à fait possibles.<br /> <br /> En général, les thèses sont beaucoup moins réglementées en Allemagne. A l'extrême, on peut travailler dans son coin sur un mémoire, puis aller à l'université chercher un "Betreuer" ("accompagnant", on n'encadre pas les thésards en Allemagne mais on les accompagne) qui acceptent le sujet, et soutenir peu après. Ce n'est pas le cas normal, bien sûr. Mais il n'y a aucune exigence de financement, contrat, convention, ou autres formalités. Il n'est pas nécessaire d'être inscrit à une université pendant la préparation de la thèse, et il n'y a pas de restrictions sur la durée non plus.
M
@Konrad: merci pour l'info. Disons qu'en France, les enseignants du secondaire représentent disons 1/3 des doctorants SHS. Pour les juristes je ne sais pas quel est le nombre de personnes concernés. <br /> Du coup je m'interroge sur les 2/3 de personnes "autres" dont une large partie qui n'est a priori pas financée du tout... est-ce qu'on trouve ce genre de situations en Allemagne? Des gens qui font une thèse sans financement et sans boulot stable à côté, qui vivotent avec papa/maman, des vacations par-ci, un demi-Ater par là, pions dans des lycées, surveillants d'internat ou autres petits boulots?
K
@mixlamalice: Je connais beaucoup moins les SHS, étant moi-même physicien. Mais je connais comme tout allemand une grande catégorie de docteurs en SHS: les enseignants du secondaire qui font souvent en doctorat en parallèle à leur travail (pendant les vacances d'été sur plusieurs années, et sans financement). Ça leur apporte du statut social et des facilités pour avancer dans leurs carrières. Le doctorat est aussi très prisé par les juristes pour les mêmes raisons.<br /> <br /> Globalement je dirais que les différences en durée et financement sont les mêmes qu'en France, mais je n'ai pas de statistiques à l'appui.<br /> <br /> @nathalie: L'ENS est un cas à part, c'est une sorte de super-université. Le grand écart se trouve entre les grandes écoles d'ingénieurs et les universités.
N
Je vote pour.<br /> Je me demande s'il ne faudrait pas aussi améliorer l'information des étudiants : on les voit tout contents de s'inscrire en M2R, puis de chercher activement un sujet de thèse. En discutant 5 mn avec eux on constate qu'ils n'ont souvent aucune idée des chiffres que tu cites, des perspectives d'emploi académiques, de la plus-value apportée ou non par la thèse pour le secteur qui les intéresse. Mais je ne sais pas quelle forme ça pourrait prendre.
Répondre
M
Il y a du vrai dans cette remarque, beaucoup d'étudiants se laissent porter (je dis ça sans jugement de valeur, c'était largement mon cas au moins jusqu'à la dernière année d'école d'ingé). Il y a peut-être de l'information à mieux diffuser, mais je ne suis pas sûr que ça ne soit pas déjà fait, c'est juste que c'est difficile d'imposer à un gus d'aller à ce genre de réunions s'il veut juste picoler ou autre...