Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
  • Contact

Profil

  • mixlamalice
  • Misanthrope optionnellement misogyne et Esprit Universel.

Recherche

12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 08:48

Un petit mot sur l'actualité.

Fleur Pellerin, politicienne nouvelle génération parfaitement dans le moule de l'ancienne (ESSEC, Sciences Po Paris, ENA) est virée du Ministère de la Culture. François Hollande, lors de sa nomination, ne lui avait pourtant pas demandé grand chose: "rien d’autre que « d’aller voir Jack [Lang] », qui « a des idées », et de « [se] taper » des « spectacles »".

 

Hélas (pour elle), outre sa gestion des cas Agnès Saal et Mathieu Gallet/Radio France, entre autres, ce qui a surtout choqué le Landerneau, c'est qu'elle ait admis assez ouvertement n'avoir jamais lu de Modiano, lorsque celui-ci obtint le Prix Nobel. 

J'avoue humblement que, bien que lisant au moins 2 livres par mois, essentiellement des romans, depuis l'âge de 8 ans, je ne l'ai jamais lu non plus (mais comme je suis un scientifique peu cultivé, ça ne pose pas de problèmes). 

 

On (le dit Landerneau médiatico-politique en tout cas, je pense qu'une grande partie des gens se contrefout du ministère de la Culture) fait donc semblant de croire qu'un "bon" ministre de la Culture se doit d'être quelqu'un ayant lu tous les auteurs potentiellement nobélisables, connaissant les grands musiciens, amateur d'opéras, de concerts classiques et de jazz mnimaliste. Franchement, il y a certes, j'imagine, une partie "représentation" dans la fonction de ce ministre, mais après tout on peut bien aller à l'opéra simplement pour s'y montrer et s'y faire grave chier, tant que ça ne se voit pas trop. Pour le reste, j'espère que son travail au quotidien ne mobilise que rarement comme ressources intellectuelles la connaissance de l'oeuvre intégrale de Modiano ou J-M-G. Le Clézio (autre auteur français nobélisé dont je n'ai rien lu, si ce n'est les 50 premières pages du Procès-Verbal qui m'est ensuite tombé des mains).

 

En parallèle, il n'y a pas si longtemps, un ministre de l'Education Nationale, X. Darcos (universitaire, une fois n'est pas coutume), peut avouer en rigolant à la télé qu'il n'a aucune idée de comment on fait une règle de 3.

 

 

 

 

Vous me direz qu'au fond, ça ne sert pas plus pour la fonction que d'avoir lu Modiano et que tout ça, c'est un procédé débile (depuis utilisé à toutes les sauces par Bourdin) discréditant les politiques.

Je me fais sans doute une fausse idée du travail des politiques, mais il me semble qu'admettre qu'on ne maîtrise pas le calcul niveau primaire ou collège est un peu plus inquiétant que de ne pas avoir lu un romancier primé. Parce qu'en gros, ça montre qu'on est incapable de comprendre un budget, d'analyser les chiffres donnés dans un rapport (les mettre en perspective, comprendre la méthodologie employée), qu'on ne sait pas raisonner en termes d'ordre de grandeur (si je concentre mon action sur telle somme mais qu'elle représente un pouième des sommes mises en jeux, est-ce que mon action a un intérêt autre que politique?) etc.

En conclusion, j'"over-analyse" sans doute un peu trop, mais je vois dans ces deux situations (qui ne sont que des exemples parmi tant d'autres) le symbole d'une "élite" historiquement très majoritairement issue des disciplines "littéraires" et un peu méprisante envers la bassesse terre-à-terre des "matheux", "physiciens", et autres "scientifiques".

Bref, si tu veux briller à Saint-Germain, dire en riant que tu sais pas compter ta monnaie quand tu payes ton café à 8€ c'est du dernier chic, mais si t'as pas lu l'intégrale de Foucault, t'es pas vraiment capable de penser.

Or, naïvement, j'aurais tendance à penser que pour mener des politiques publiques, des bases scientifiques solides sont plus importantes qu'une maîtrise des principaux concepts philosophiques ou de la vie littéraire du 20ème siècle.

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
"L'intégrale de Foucault", il fallait oser quand même.<br /> Même par parties j'y arrive pas.
Répondre
R
La vraie question, c'est faut-il un ministère de la culture?
Répondre
E
"Or, naïvement, j'aurais tendance à penser que pour mener des politiques publiques, des bases scientifiques solides sont plus importantes qu'une maîtrise des principaux concepts philosophiques ou de la vie littéraire du 20ème siècle."<br /> <br /> Je ne sais pas à quels concepts philosophiques vous pensiez, mais que les politiques et les citoyens aient quelques notions de philosophie politique ça ne pourrait pas nuire à la qualité du débat public. Parce que libéralisme, multiculturalisme, laïcité, justice sociale etc. sont des notions qui ne relèvent pas (du moins pas seulement) du registre des propos de café du commerce
Répondre
M
J'avoue que ce billet a été écrit sous le coup de l'impulsion et que je n'ai pas mûrement réfléchi à toutes les implications de ce que j'ai bien pu écrire...
P
«Or, naïvement, j'aurais tendance à penser que pour mener des politiques publiques, des bases scientifiques solides sont plus importantes qu'une maîtrise des principaux concepts philosophiques ou de la vie littéraire du 20ème siècle.»<br /> <br /> Vu que «technocrate» est une des pires insultes du débat politique, ce n'est plus de la naïveté! <br /> De façon générale, dans le débat médiatisé, je n'ai pas l'impression que maîtriser le sujet sur le plan technique soit une condition nécessaire pour faire accepter quoi que ce soit. Sur nombre de sujets, les médias peuvent tranquillement dire le contraire du consensus scientifique ou alors faire une place à des fêlés (ex: les électro-hypersensibles). Bref, savoir se démerder sur un plateau TV pour brasser du vent et avoir toujours raison semble bien plus nécessaire.
Répondre
M
Il y a du vrai, en effet... après, le problème des technocrates, c'est aussi qu'on a l'impression qu'ils savent rien sur tout, au lieu d'être des "spécialistes". (j'ai fait une école d'ingénieurs qui a parfois un peu le même pb...)
N
Il est d'ailleurs étonnant de lire partout que "les mathématiques sont un outil de sélection", ce qui est de toute évidence faux. On peut effectivement réussir un parcours brillant (droit, ENS lettres, ...) en abandonnant totalement les matières scientifiques après la 2nde, par contre l'élève vraiment mauvais en rédaction a du souci à se faire.
Répondre
M
C'est une bonne remarque, je n'y avais jamais vraiment pensé...