On débat fortement du suivi de carrière des enseignants-chercheurs en ce moment. Apparemment, ça a été mis en place en 2009, et c'est censé être quinquennal (je signale qu'ayant été recruté en 2010, je n'ai jamais rien eu à remplir à ce sujet... peut-être qu'on ignore mon existence?).
Globalement, pour tout un tas de raisons que je ne vais pas détailler ici, une bonne partie des collègues a l'air plutôt contre (vous pouvez aller lire les commentaires dans le lien ci-dessus).
Personnellement, sous cette forme ou sous une autre, je pense qu'il est important d'avoir un minimum de suivi "RH" des enseignants-chercheurs dans leur globalité, aujourd'hui peu ou prou inexistant. Je parle de suivi, pas de flicage (je sais que c'est une conception délicate chez nous, la naïveté qui m'habite s'explique certainement par mon passage chez les américains).
Une question je pense importante est celle du "non-publiant". Le "non-publiant", c'est un animal mythique: on connait tous quelqu'un qui connait quelqu'un qui en a vu, parfois on en a même croisé un personnellement, mais on a très peu de données fiables sur le bestiau. L'AERES avait tenté de collecter des données anonymisées, mais cela avait été jugé stigmatisant et a donc été stoppé assez rapidement (comme les notes). Le chiffre global était autour de 25% de non-publiants à l'échelle nationale, si je me souviens bien (j'ignore la validité de la méthodologie employée).
Or il serait intéressant d'avoir des données un peu propres sur le sujet, notamment parce que ça regroupe plusieurs populations, je crois. Et s'il y en a pour lesquelles il n'y a pas grand chose d'autre à faire que constater, il y en aurait pour qui des actions simples pourraient corriger le tir. Ce qui serait non seulement bénéfique pour les personnes concernées, mais aussi pour l'institution.
Il y a des situations endémiques: je peux rappeler le cas de cet établissement qui comptait 50% de non-publiants il y a quelques années. Dans un tel cas, c'est avant tout à l'établissement de se remettre en cause et de modifier sa gestion des ressources humaines. Dans l'exemple cité, le rapport AERES avait d'ailleurs eu pour conséquence la mise en place d'un certain nombre d'actions. J'ignore si elles ont été fructueuses, mais il y a eu au moins une première prise de conscience.
Il y a des situations qui pourraient, si on les recensait convenablement et les acceptait, être gagnantes-gagnantes: je me souviens de ces collègues en fin de carrière, non-publiants depuis longtemps mais qui géraient fort bien tout un tas de responsabilités chronophages que beaucoup aujourd'hui n'acceptent que pour mettre dans le CV mais sans y passer le temps nécessaire pour que ça tourne de façon raisonnable. La "hiérarchie" les a un peu humiliés sur la fin, ils sont partis amers et n'ont pas été remplacés par des profils équivalents. Force est de constater que ça tourne plutôt moins bien aujourd'hui. Un peu de souplesse dans le statut aurait pu en faire des "enseignants-administrateurs" reconnus et tout le monde (je pense) aurait été content.
Et puis, il y a ce collègue qui a démissionné de la fonction publique au bout de 3 ans, pas pour monter sa boîte ou partir dans le privé, non, sans autre emploi. Simplement (au moins en partie) parce qu'il avait été "stérilisé" hyper brutalement et qu'il ne le supportait plus. Il s'est lui aussi retrouvé très vite en charge de responsabilités chronophages et totalement non-stimulantes intellectuellement. Il n'a pas su dire non, ou freiner, ou trouver la force de malgré tout "se battre pour surnager" dans un environnement où on ne fait pas forcément toujours des cadeaux aux jeunes arrivants (déposer 10 AAP pour en avoir un, aller toquer aux portes des permanents seniors pour collaborer etc). Certains y parviennent, il y a eu dans quelques établissements des initiatives "locales" pour éviter que cela ne se produise, mais c'est souvent difficile. Et dans un cas comme celui-là, on peut penser qu'un peu d'aide aurait pu avoir un intérêt. Je n'ai pas d'idée précise de la forme que ça aurait pu prendre, mais un simple dialogue entre les parties et des initiatives pro-actives de décharge partielle de responsabilité et d'implication dans un projet, aurait, peut-être, permis de le faire rester.
Je pense qu'il y a beaucoup de cas, surtout dans le fonctionnement actuel et son côté hyper frustrant d'échecs successifs et continus aux demandes de financement, quand on n'est pas du bon côté de l'"effet Matthieu",, où on peut se décourager sans être, initialement, ni un nullos ni un branleur (j'en avais fait un article qui avait semble-t-il pas mal résonné à l'époque). Et je crois que dans beaucoup de ces cas, un peu de gestion humaine "bienveillante" pourrait permettre de trouver une solution. En tout cas, ça ne peut pas être pire que l'absence totale d'intérêt pour la question: si tout le monde s'en fout, pourquoi le principal interessé ne s'en foutrait-il pas?
Alors certains labos font ça en local (chez nous, récemment, on a attribué un contrat doctoral à 2 EC en difficulté - je ne sais pas si c'est une bonne idée mais c'est au moins une tentative d'action), mais je reste convaincu que quelque chose à l'échelle institutionnelle (a priori, si on croit à l'autonomie des Universités, cette échelle serait celle de l'établissement) est faisable, et qu'un minimum de suivi des personnels enseignants-chercheurs est en ce sens nécessaire.