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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 08:18

On débat fortement du suivi de carrière des enseignants-chercheurs en ce moment. Apparemment, ça a été mis en place en 2009, et c'est censé être quinquennal (je signale qu'ayant été recruté en 2010, je n'ai jamais rien eu à remplir à ce sujet... peut-être qu'on ignore mon existence?).

Globalement, pour tout un tas de raisons que je ne vais pas détailler ici, une bonne partie des collègues a l'air plutôt contre (vous pouvez aller lire les commentaires dans le lien ci-dessus).

 

Personnellement, sous cette forme ou sous une autre, je pense qu'il est important d'avoir un minimum de suivi "RH" des enseignants-chercheurs dans leur globalité, aujourd'hui peu ou prou inexistant. Je parle de suivi, pas de flicage (je sais que c'est une conception délicate chez nous, la naïveté qui m'habite s'explique certainement par mon passage chez les américains).

 

Une question je pense importante est celle du "non-publiant". Le "non-publiant", c'est un animal mythique: on connait tous quelqu'un qui connait quelqu'un qui en a vu, parfois on en a même croisé un personnellement, mais on a très peu de données fiables sur le bestiau. L'AERES avait tenté de collecter des données anonymisées, mais cela avait été jugé stigmatisant et a donc été stoppé assez rapidement (comme les notes). Le chiffre global était autour de 25% de non-publiants à l'échelle nationale, si je me souviens bien (j'ignore la validité de la méthodologie employée).

 

Or il serait intéressant d'avoir des données un peu propres sur le sujet, notamment parce que ça regroupe plusieurs populations, je crois. Et s'il y en a pour lesquelles il n'y a pas grand chose d'autre à faire que constater, il y en aurait pour qui des actions simples pourraient corriger le tir. Ce qui serait non seulement bénéfique pour les personnes concernées, mais aussi pour l'institution.

 

Il y a des situations endémiques: je peux rappeler le cas de cet établissement qui comptait 50% de non-publiants il y a quelques années. Dans un tel cas, c'est avant tout à l'établissement de se remettre en cause et de modifier sa gestion des ressources humaines. Dans l'exemple cité, le rapport AERES avait d'ailleurs eu pour conséquence la mise en place d'un certain nombre d'actions. J'ignore si elles ont été fructueuses, mais il y a eu au moins une première prise de conscience.

Il y a des situations qui pourraient, si on les recensait convenablement et les acceptait, être gagnantes-gagnantes: je me souviens de ces collègues en fin de carrière, non-publiants depuis longtemps mais qui géraient fort bien tout un tas de responsabilités chronophages que beaucoup aujourd'hui n'acceptent que pour mettre dans le CV mais sans y passer le temps nécessaire pour que ça tourne de façon raisonnable. La "hiérarchie" les a un peu humiliés sur la fin, ils sont partis amers et n'ont pas été remplacés par des profils équivalents. Force est de constater que ça tourne plutôt moins bien aujourd'hui. Un peu de souplesse dans le statut aurait pu en faire des "enseignants-administrateurs" reconnus et tout le monde (je pense) aurait été content.

Et puis, il y a ce collègue qui a démissionné de la fonction publique au bout de 3 ans, pas pour monter sa boîte ou partir dans le privé, non, sans autre emploi. Simplement (au moins en partie) parce qu'il avait été "stérilisé" hyper brutalement et qu'il ne le supportait plus. Il s'est lui aussi retrouvé très vite en charge de responsabilités chronophages et totalement non-stimulantes intellectuellement. Il n'a pas su dire non, ou freiner, ou trouver la force de malgré tout "se battre pour surnager" dans un environnement où on ne fait pas forcément toujours des cadeaux aux jeunes arrivants (déposer 10 AAP pour en avoir un, aller toquer aux portes des permanents seniors pour collaborer etc). Certains y parviennent, il y a eu dans quelques établissements des initiatives "locales" pour éviter que cela ne se produise, mais c'est souvent difficile. Et dans un cas comme celui-là, on peut penser qu'un peu d'aide aurait pu avoir un intérêt. Je n'ai pas d'idée précise de la forme que ça aurait pu prendre, mais un simple dialogue entre les parties et des initiatives pro-actives de décharge partielle de responsabilité et d'implication dans un projet, aurait, peut-être, permis de le faire rester.

 

Je pense qu'il y a beaucoup de cas, surtout dans le fonctionnement actuel et son côté hyper frustrant d'échecs successifs et continus aux demandes de financement, quand on n'est pas du bon côté de l'"effet Matthieu",, où on peut se décourager sans être, initialement, ni un nullos ni un branleur (j'en avais fait un article qui avait semble-t-il pas mal résonné à l'époque). Et je crois que dans beaucoup de ces cas, un peu de gestion humaine "bienveillante" pourrait permettre de trouver une solution. En tout cas, ça ne peut pas être pire que l'absence totale d'intérêt pour la question: si tout le monde s'en fout, pourquoi le principal interessé ne s'en foutrait-il pas? 

Alors certains labos font ça en local (chez nous, récemment, on a attribué un contrat doctoral à 2 EC en difficulté - je ne sais pas si c'est une bonne idée mais c'est au moins une tentative d'action), mais je reste convaincu que quelque chose à l'échelle institutionnelle (a priori, si on croit à l'autonomie des Universités, cette échelle serait celle de l'établissement) est faisable, et qu'un minimum de suivi des personnels enseignants-chercheurs est en ce sens nécessaire.

 

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commentaires

M
Cher Mixlamalice,<br /> <br /> on a beaucoup parlé négativement de la catégorie des "chercheurs non-publiants", confrérie pourtant honorable entre toutes. En effet, ne pas publier, lorsqu'on n'a pas de résultat scientifique valable ou pas d'activité de recherche, est un acte de probité et d'honnêteté. <br /> <br /> La catégorie des "non-chercheurs publiants" est autrement plus néfaste, parasite et nocive. De nombreux directeurs d'unités invitent leurs administrés à rejoindre cette classe, qui assure des bilans positifs, des chiffres en hausse, entraînant ainsi les félicitations de l'HCERES, bien peu regardante sur la réalité des activités de chacun.<br /> <br /> Bien à vous.
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N
Je comprends bien votre idée de fond : introduire un soupçon de RH au lieu de ne rien faire. Je suis plutôt d'accord, mais j'ai des doutes sur la forme.<br /> <br /> Il y a quelques années l'Académie des Sciences avait ainsi fait remarquer que le CNRS devrait se préoccuper davantage de ses procédures de recrutement plutôt que de celles d'évaluation des chercheurs. Est il bien nécessaire que l'université lui emboîte le pas et se mette au CRAC?<br /> <br /> " il y en aurait pour qui des actions simples pourraient corriger le tir." Quelles actions ? Une liste de non-publiants ne va pas donner "Un peu de souplesse dans le statut". Ne pourrait on plutôt commencer par là ?<br /> <br /> "un simple dialogue entre les parties et des initiatives pro-actives de décharge" là encore, il me semble que le problème n'était pas un défaut d'identification de la situation ?<br /> <br /> "si tout le monde s'en fout, pourquoi le principal intéressé ne s'en foutrait-il pas? " dans les cas cités, personne ne semble "s'en foutre" : vous parlez d'amertume, de découragement, de frustration... Le non-publiant est déjà suffisamment puni , faut il en rajouter une couche en apposant officiellement une étiquette ?<br /> <br /> On est dans un contexte qui est très contraint : beaucoup d'heures d'enseignement, pas beaucoup d'argent, les postes sont attachés à l'université et rendent la mobilité difficile, l'hyperspécialisation rend le changement de thématique périlleux, l'âge tardif de recrutement n'arrange rien...<br /> <br /> Je pense qu'on pourrait d'abord réfléchir à des mesures permettant d'introduire un peu de souplesse : mobilité vers d'autres corps de la fonction publique ? possibilité de retraite anticipée à l'instar des militaires ? ... effectivement on manque très vite d'idées.
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M
Je ne suis pas sûr d'avoir tout bien compris.<br /> Il y a une différence entre poser un diagnostic et trouver un remède efficace.<br /> Après, si on ne pose jamais de diagnostic, on a peu de chance de trouver un remède puisqu'alors on fait comme s'il n'y avait pas de problèmes.<br /> <br /> On peut avoir, à l'échelle locale (je parle à celle de l'établissement) ou nationale, une liste de non-publiants sans qu'elle ne soit rendue publique dans un but d'opprobre. Si le CNRS fait un suivi de carrière et tente de remettre en selle les cas à problèmes, il n'affiche pas publiquement, je crois, le nom de ceux-ci. Par contre, il faut bien savoir à un moment qu'il y a un problème pour tenter de le résoudre...<br /> Mais ce n'est pas parce que le problème est identifié qu'il va se résoudre par miracle.<br /> <br /> Concernant l'exemple donné: frustration aigreur, et parfois départ de la FP. Encore une fois, la question n'est pas de "poser une étiquette" (et à une certaine échelle, celle du labo notamment, ces choses se savent de toute façon), mais d'essayer d'éviter ça, ou de corriger le tir si c'est possible.<br /> De ce qu'une collègue du CNRS me dit, parfois, un peu de dialogue bienveillant et de médiation suffisent (je suis sans doute naïf, mais j'ai en même temps pu constater à mon niveau que des choses simples, avec les étudiants par exemple, comme les écouter, faire le conseiller d'orientation ou l'assistant social, sont assez souvent efficaces). Au CNRS, pour les cas plus graves, ils envisagent souvent un changement de labo, ce qui est plus difficile à l'Université. Mais bref, je crois qu'on peut déjà instaurer un dialogue plutôt que de laisser pourrir des situations. Certaines choses pourraient se régler assez facilement si identifiées assez tôt. <br /> <br /> La souplesse du statut, j'y crois aussi mais c'est un changement plus en profondeur qui prendra du temps (si on y arrive), et l'un n'empêche pas l'autre.
J
"Le chiffre global était autour de 25% de non-publiants à l'échelle nationale" ... et c'est compté avec des critères qui feraient hurler de rire n'importe quel collègue étranger raisonnablement actif, du genre au moins un papier (même pas en premier auteur ou avec un étudiant) tout les deux ans. Avec des critères reconnus internationalement (un papier par an, en premier ou avec un étudiant, serait raisonnable dans mon domaine) je n'ose imaginer à quel taux on arriverait.
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M
Oui je me souviens que les critères étaient très "a minima" en tout cas pour les disciplines à publication "classique". Mais je crois qu'il y avait aussi de grosses erreurs méthodo des débuts de l'AERES (du genre pas compter les proceedings alors qu'en info c'est le mode de publication standard, ou une définition de ce qui est "publi de rang A" problématique dans pas mal de domaine des SHS).