Je continue ma série sur les étudiants (encore un prof qui les déteste, se diront certains).
Je vais revenir sur quelques accrochages survenus (avec, en particulier, des sociologues et des psychologues) sur Twitter alors que je décrivais, me semble-t-il objectivement, des situations réelles. Situations réelles qui étaient donc contestées ou dont on rejetait la faute sur moi (membre de la caste des oppresseurs en tant qu'enseignant, mâle, et blanc).
Je mentionnais quelques cas d'étudiants étrangers qui postulent à une formation sans aucune intention de la terminer, mais dans l'unique but d'être inscrit à l'Université pour faciliter l'obtention d'un titre de séjour, cas qui finissent par se révéler problématiques d'un point de vue de "gestionnaire de filière".
Je ne dis pas que c'est bien ou mal, je dis juste que 1. c'est un fait (de tels étudiants existent, et je peux les comprendre, connaissant un peu le fonctionnement des préfectures à ce niveau), mais que 2. si j'acquiers la certitude (hors de tout doute raisonnable) que la raison de la demande d'inscription est celle-ci en priorité, et que l'étudiant va déserter au bout d'un ou deux mois une fois son sésame en poche, je ne souhaite pas avoir ces étudiants en charge*. Bien sûr, lors des entretiens, personne ne dit clairement qu'il n'a pas l'intention de suivre la formation et que ce qu'il veut, c'est juste être inscrit quelque part. Il y a néanmoins des signaux que l'on apprend à discerner.
Certains semblaient contester l'existence même de telles motivations (un étudiant est, par essence, toujours motivé, et s'il ne réussit pas, c'est la faute au système universitaire), je peux donc donner quelques exemples personnels:
- j'interviens dans un cadre de formation continue, qui en ce sens ne donne pas accès à un statut d'étudiant (et donc pas au visa correspondant). Dès que l'on précise cet état de fait lors du forum d'informations, la moitié des candidats potentiels disparaît sans demander son reste (et sans poser aucune autre question sur la formation elle-même).
- un copain d'école l'a fait. Ne trouvant pas de thèse et non désireux de devoir repartir chez lui, il s'est inscrit dans un 2ème master (DEA à l'époque), n'est jamais venu en cours et cherchait à la place du boulot/une thèse (qu'il a fini par trouver). C'est sûrement un cas isolé complètement cynique.
- un étudiant l'an dernier, que l'on avait accepté alors qu'il était déjà titulaire d'un master (chose que l'on ne fait pas souvent - voir lien plus haut) a aussi disparu très rapidement (moins de 2 mois). Très subtil, il a candidaté au poste d'ingénieur d'études que notre labo proposait au même moment. Autant dire que sa candidature n'a pas été examinée très avant (sans doute que ce n'est pas gentil de notre part).
- un autre a fait la même chose, en disparaissant un peu plus tard (environ 1 mois avant la session d'examen du 1er semestre, sans faire le stage donc, et en étant ajourné lors du jury final). Celui là n'a pas candidaté à un poste d'ingénieur chez nous, mais par contre il a submergé l'équipe pédagogique de mails en fin d'année civile, donc 2 ou 3 mois après le jury final. Après avoir disparu de nos radars depuis quasiment 1 an sans aucune justification (autre que "je n'ai pas trouvé de stage alors que pourtant j'ai envoyé plein de candidatures"), il nous demandait urgemment et instamment de l'aider à renouveler son titre de séjour en lui fournissant notamment une "attestation d'assiduité". Il me semble naturel que l'on n'ait pas eu spécialement envie d'accéder à cette requête, dans la mesure où, déjà et principalement, il n'avait pas été assidu. D'autre part, je suis d'avis que quand on joue avec les règles du système, il faut un minimum d'honneur personnel et essayer d'assumer un peu en ne sollicitant pas l'aide de ceux qu'on a, quand même, un peu roulé dans la farine.
Bref, il a insisté, nous a soutenu qu'il avait été présent tout le premier semestre et jusqu'aux examens (les enseignants ont probablement tous perdu sa copie), puis qu'il avait du partir dans son pays d'origine pour raisons familiales, puis qu'il avait été très malade (toutes ces justifications venant, dans la même discussion, et ce 9 mois après les faits, bien sûr: j'ai tenté de lui expliquer que si je m'absentais 9 mois de mon boulot, je devais fournir des justificatifs au début, pas à mon retour). On a fini par lui fournir un bulletin de notes contenant les quelques notes qu'il avait obtenues et signifiant l'absence de notes à partir de janvier et la non-réalisation du stage. Nous n'allions quand même pas lui faire une fausse attestation de présence.
En conclusion, je pense que l'on a été plutôt sympa, mais on m'a expliqué sans rire que cet étudiant était probablement très gêné et affligé de la situation et que notre léger énervement, outre son côté irrationnel, avait quelque chose d'inhumain face à la détresse du jeune homme (qui a quand même pris le temps de nous expliquer qu'il refaisait un master et que ça se passait très bien). Je laisse chacun se faire sa propre idée, mais surtout les collègues qui ont déjà eu à faire à ce genre de situations.
*Note: je suis tout à fait prêt à aider des étudiants que j'encadre dans leurs démarches, je l'ai déjà fait pour 1 de mes doctorants et 1 de mes post-doctorants (visite à 7h du matin à la préfecture, intrusion dans les bureaux de la DRH etc). Je le referai sans hésiter. Mais dans le cadre de mes activités d'enseignant, j'essaye de sélectionner les étudiants selon des critères académiques, je ne fais pas de politique ou de militantisme.