Les Etats-Unis sont une Terre de paradoxes.
Un qui me frappe tout particulierement est celui de la production artistique.
Les Etats-Unis sont le symbole de la "culture de masse" dans tout ce qu'elle a de plus abrutissant. Les films formatés tous pareils (quatre sous-genres différents quand meme, il en faut pour tout le monde: le film d'action qui pète, la comédie grasse qui tache, la comédie romantique qui colle, et le dessin animé qui brille), les chansons que tu as l'impression d'entendre la même en boucle dès que tu allumes la radio (la encore, de la chanteuse à guitare au groupe de rock de gosses de riches en passant par le punk aseptisé, il y a quelques sous-catégories), les bouquins policiers avec toujours la même histoire (Mary Higgins Clark est un excellent exemple), j'en passe et des pires.
Oui, mais voila. Les Etats-Unis, c'est aussi l'idée de la société de consommation poussée à l'extrême. En conséquence, dès qu'il y a trois clients potentiels, il y a toujours des entrepreneurs (ici, le mot veut bien dire ce qu'il veut dire) prêts à prendre des risques. Ainsi tout courant, meme ultra-minoritaire, mais susceptible de rapporter du pognon, ne fut-ce qu'un chouia, sera représenté. Réflechissons-y, ce n'est pas si con: un album de low-fi enregistré dans le garage du producteur rapportera probablement moins de blé que le dernier Britney Spears, mais il coutera aussi beaucoup moins cher à produire, et le risque de faire un four moins grand. Il est donc tout a fait possible d'être gagnant.
Du coup, les Etats-Unis, parrallèlement à leur lobotomisante culture pop-corn, présentent aussi une scène indé-underground terriblement vivace. Certes, les motivations ayant conduit les grands groupes tels la Fox ou Sony a ouvrir une section "indépendante" ne relèvent probablement pas de la philantropie, mais plutôt du cynisme absolu. Après réflexion, je me dis: et alors?
Ne boudons pas notre plaisir. La culture américaine, dès que l'on sort un peu des sentiers battus, ce qui n'est pas si difficile, est me semble-t-il autrement plus réjouissante que la notre, où, paralysés par la peur de perdre un centime, les décideurs ne font que suivre ce qui se fait ailleurs. Ou promeuvent des collègues membres du microcosme culturellonaniste parisien qui aime à se tripoter la nouille de façon consanguine, qui exhibent plus ou moins métaphoriquement mais toujours fièrement leurs vies de cons et assimilent ça à de l'art.
Les américains produisent The Fall, à Paris sort Un conte de Noël. Chuck Palahniuck écrit Fight Club, Lolita Pille sort Hell. Beirut se réclame de Brel, Anaïs est visiblement influencée par Helen Fielding...
Attention, il y a quand meme des points noirs, de ceux que Biactol ne peut annihiler. Le principal étant qu'un courant minoritaire et fier de l'être, regorgeant de talents finisse par devenir mainstream, par quelque alchimie inexplicable (je ne crois pas que les maisons de disque puissent planifier ce genre d'évènements, par contre elles s'y adaptent tres vite). C'est ce qui est arrivé au Grunge et a Kurt Cobain, ou alors aux comédies grasses à humour scatologique des freres Farrelly. Vous me direz que ce n'est pas forcément un mal. Malheureusement, si, car le rouleau compresseur se met alors en marche, ce qu'un gars comme Cobain, jeté en plein milieu de cette ambiance schizophrénique ("vas-y Kurt, dis fuck au system dans tes chansons, ça vend a mort et on s'en met plein les fouilles") n'a pas supporté. Tous ceux qui, à défaut d'avoir du talent, sont appatés par le gain, les 15 minutes de gloire reglementaires ou les groupies, s'engouffrent dans la breche: à ce point la, le talent n'a plus aucune importance pour les producteurs du moment qu'on est bien dans le moule.
Il devient alors délicat pour le public de séparer le bon grain de l'ivraie, tout étant mis sur le meme plan (combien de 40 ans toujours puceau pour des Scary Movie 22?). Et puis moi je suis pas n'importe qui et ça me fait chier d'etre un gars mainstream, alors quand le métal devient le genre en vogue, j'éructe de rage. S'il faut se mettre à écouter la has been Whitney Houston pour rester underground, je le ferai. C'est ça etre rebelle. Heureusement, Mariah Carey et Céline Dion continuent a vendre.