7 mai 2009
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17:15
Au lieu de bêtement bosser sur mon talk au group meeting de demain ou encore sur les trois auditions des deux prochaines semaines, je vais plutôt disserter oiseusement (pour vous, mais avec plaisir, pour moi) sur un documentaire que j'ai vu récemment.
Ca s'appelle Anvil! (The story of Anvil), ça explique le jeu de mots pourri du titre de cet article, et ça traite, comme son nom l'indique aux plus anglophones d'entre nous, de l'histoire d'Anvil. Anvil, groupe de trash métal canadien, dont les lecteurs les plus férus de Hard Rock Magazine âgés de 30 ans et plus ont peut-être vaguement entendu parler au détour d'une brêve de 2 lignes et demi.
Petit résumé: Anvil est formé à la fin des années 70 par deux lycéens, Steve "Lips" Kudlow chanteur-guitariste, et, assez ironiquement, Robb Reiner à la batterie. Oui, l'homonyme de Rob Reiner, réalisateur du culte Spinäl Tap, faux documentaire (mockumentary, comme ils disent ici) sur un groupe de métal à succès en tournée dans les années 80*.
Le groupe a eu son quart d'heure de gloire au début des années 80, assurant quelques premières parties de grands groupes et étant convié à quelques gros festivals, mais un peu trop en avance sur leur temps, trash avant le trash, pas très bien produit ou conseillé, il a été rapidement eclipsé par les succès de Metallica, Megadeth, Slayer et autres Anthrax, qu'il a d'ailleurs influencé. Anvil garde un certain succès d'estime auprès des fans ultimes du genre, mais...
A 50 piges, les deux compères ont toujours les cheveux longs, Anvil existe toujours mais donne des concerts devant des salles de 42 personnes dont 38 alcooliques endormis, et dans la journée le chanteur est manutentionnaire dans une entreprise alimentaire.
Jusque là rien de bien inhabituel, après tout des groupes qui ont failli percer et qui ont pas pour cause de faute à pas de chance, mais qui continuent à jouer pour se faire plaisir 20 ans plus tard, ça doit se trouver.
Mais le documentaire devient à la fois drôle et émouvant, car le chanteur, grand gamin de 16 ans dans un corps de 50, continue à rêver (pour nous) ou à croire fermement (pour lui) que le groupe va exploser et qu'ils vont devenir des rockstars. Et l'amitié indéfectible que lui porte Reiner, pourtant plus blasé, le pousse à le suivre envers et contre tout: dans une tournée improbable en Europe de l'Est concoctée par une manager elle aussi improbable, pour recontacter le producteur qui les a fait percer en 83 devenu star du milieu, etc.
Ca peut sembler un peu pathétique et ça l'est par moment, mais c'est aussi assez poignant, voire revigorant: voir un mec continuer à croire en son rêve malgré les aléas de la vie, là où 99.99% des gens auraient renoncé depuis 20 ans, et par son énergie et son indéfectible optimisme presque réussir à nous faire croire que ce n'est pas complètement impossible, je dois avouer que ça fait du bien au blasé dans un monde de blasés que je suis.
Bref, c'est un documentaire que je vous encourage à aller voir (s'il sort en France: il a du passer dans 15 salles dans tous les Etats-Unis...), même si vous n'avez aucune affinité particulière pour le monde du métal, le côté métal étant ici finalement assez anecdotique. La preuve, Priscilla, plutôt fan de Raphaël et de Mano Solo, que j'avais traînée là, fut bouleversée (et chialer devant un hardos de 50 piges qui commence à perdre ses cheveux et qui porte du cuir, ça a pas du lui arriver souvent).
Un petit mot pour conclure: quand je disais que le fait qu'Anvil soit un groupe de métal n'avait que peu d'importance, ce n'est pas tout à fait juste. Pour la portée générale du message, c'est effectivement un fait mineur. Toutefois, il me semble que le fait qu'un groupe de musique ait cette histoire est profondément liée au genre heavy-metal: c'est le seul genre musical dont ceux qui le pratiquent ou l'écoutent sont des passionnés, et qui porte en lui par essence le rêve de la rockstar.
Les vrais amateurs, auditeurs ou musiciens, de heavy sont un peu comme les fanas de jazz, de blues ou de classique: des gens qui ont des connaissances encyclopédiques sur le sujet, des élitistes aux goûts souvent plus ou moins volontairement obscurs, et fidèles au style leur vie durant (il s'est déjà passé presque 15 ans entre mon premier et mon dernier concert de Maiden et je n'ai pas encore 30 ans). Cela dit, je ne crois pas que les musiciens jazz ou classique entretiennent l'espoir de devenir des stars, de remplir les stades et de fourrer de la groupie à tour de bras. Ils restent généralement plus mesurés dans leurs rêves: avoir un public plus large que leur cercle intime, et pour les plus extravagants d'entre eux, vivoter de leur musique.
Ceux qui ont des objectifs de carrière plus grandioses donnent plutôt dans la pop, le rock FM ou le rap, mais là, on remarquera que les groupes en question ont rarement des carrières très longues, et que le public amateur est plus versatile, comme la mode. Désolé pour les fans (et pis je peux me tromper), mais je ne suis pas sûr que si Coldplay n'avait pas percé, leur authenticité les aurait poussés à jouer dans des clubs devant 30 personnes pendant 20 ans tout en continuant à harceler les maisons de disque...
Bref, c'est grâce, ou à cause de cette combinaison assez rare de "musique pour élite passionnée" et de "succès commercial potentiel" propre au heavy-metal qu'à pu naître l'histoire triste et néanmoins rafraîchissante d'Anvil.
* C'était censé être caricatural et se moquer gentiment des excès du genre à cette époque, sexe, drogue, rock'n'roll, permanentes, chaînes et pantalons moule-burnes, mais les vrais groupes étaient eux-mêmes tellement clichés que beaucoup ont cru que le faux groupe décrit existait réellement et que le film était un vrai documentaire.
Ca s'appelle Anvil! (The story of Anvil), ça explique le jeu de mots pourri du titre de cet article, et ça traite, comme son nom l'indique aux plus anglophones d'entre nous, de l'histoire d'Anvil. Anvil, groupe de trash métal canadien, dont les lecteurs les plus férus de Hard Rock Magazine âgés de 30 ans et plus ont peut-être vaguement entendu parler au détour d'une brêve de 2 lignes et demi.
Petit résumé: Anvil est formé à la fin des années 70 par deux lycéens, Steve "Lips" Kudlow chanteur-guitariste, et, assez ironiquement, Robb Reiner à la batterie. Oui, l'homonyme de Rob Reiner, réalisateur du culte Spinäl Tap, faux documentaire (mockumentary, comme ils disent ici) sur un groupe de métal à succès en tournée dans les années 80*.
Le groupe a eu son quart d'heure de gloire au début des années 80, assurant quelques premières parties de grands groupes et étant convié à quelques gros festivals, mais un peu trop en avance sur leur temps, trash avant le trash, pas très bien produit ou conseillé, il a été rapidement eclipsé par les succès de Metallica, Megadeth, Slayer et autres Anthrax, qu'il a d'ailleurs influencé. Anvil garde un certain succès d'estime auprès des fans ultimes du genre, mais...
A 50 piges, les deux compères ont toujours les cheveux longs, Anvil existe toujours mais donne des concerts devant des salles de 42 personnes dont 38 alcooliques endormis, et dans la journée le chanteur est manutentionnaire dans une entreprise alimentaire.
Jusque là rien de bien inhabituel, après tout des groupes qui ont failli percer et qui ont pas pour cause de faute à pas de chance, mais qui continuent à jouer pour se faire plaisir 20 ans plus tard, ça doit se trouver.
Mais le documentaire devient à la fois drôle et émouvant, car le chanteur, grand gamin de 16 ans dans un corps de 50, continue à rêver (pour nous) ou à croire fermement (pour lui) que le groupe va exploser et qu'ils vont devenir des rockstars. Et l'amitié indéfectible que lui porte Reiner, pourtant plus blasé, le pousse à le suivre envers et contre tout: dans une tournée improbable en Europe de l'Est concoctée par une manager elle aussi improbable, pour recontacter le producteur qui les a fait percer en 83 devenu star du milieu, etc.
Ca peut sembler un peu pathétique et ça l'est par moment, mais c'est aussi assez poignant, voire revigorant: voir un mec continuer à croire en son rêve malgré les aléas de la vie, là où 99.99% des gens auraient renoncé depuis 20 ans, et par son énergie et son indéfectible optimisme presque réussir à nous faire croire que ce n'est pas complètement impossible, je dois avouer que ça fait du bien au blasé dans un monde de blasés que je suis.
Bref, c'est un documentaire que je vous encourage à aller voir (s'il sort en France: il a du passer dans 15 salles dans tous les Etats-Unis...), même si vous n'avez aucune affinité particulière pour le monde du métal, le côté métal étant ici finalement assez anecdotique. La preuve, Priscilla, plutôt fan de Raphaël et de Mano Solo, que j'avais traînée là, fut bouleversée (et chialer devant un hardos de 50 piges qui commence à perdre ses cheveux et qui porte du cuir, ça a pas du lui arriver souvent).
Un petit mot pour conclure: quand je disais que le fait qu'Anvil soit un groupe de métal n'avait que peu d'importance, ce n'est pas tout à fait juste. Pour la portée générale du message, c'est effectivement un fait mineur. Toutefois, il me semble que le fait qu'un groupe de musique ait cette histoire est profondément liée au genre heavy-metal: c'est le seul genre musical dont ceux qui le pratiquent ou l'écoutent sont des passionnés, et qui porte en lui par essence le rêve de la rockstar.
Les vrais amateurs, auditeurs ou musiciens, de heavy sont un peu comme les fanas de jazz, de blues ou de classique: des gens qui ont des connaissances encyclopédiques sur le sujet, des élitistes aux goûts souvent plus ou moins volontairement obscurs, et fidèles au style leur vie durant (il s'est déjà passé presque 15 ans entre mon premier et mon dernier concert de Maiden et je n'ai pas encore 30 ans). Cela dit, je ne crois pas que les musiciens jazz ou classique entretiennent l'espoir de devenir des stars, de remplir les stades et de fourrer de la groupie à tour de bras. Ils restent généralement plus mesurés dans leurs rêves: avoir un public plus large que leur cercle intime, et pour les plus extravagants d'entre eux, vivoter de leur musique.
Ceux qui ont des objectifs de carrière plus grandioses donnent plutôt dans la pop, le rock FM ou le rap, mais là, on remarquera que les groupes en question ont rarement des carrières très longues, et que le public amateur est plus versatile, comme la mode. Désolé pour les fans (et pis je peux me tromper), mais je ne suis pas sûr que si Coldplay n'avait pas percé, leur authenticité les aurait poussés à jouer dans des clubs devant 30 personnes pendant 20 ans tout en continuant à harceler les maisons de disque...
Bref, c'est grâce, ou à cause de cette combinaison assez rare de "musique pour élite passionnée" et de "succès commercial potentiel" propre au heavy-metal qu'à pu naître l'histoire triste et néanmoins rafraîchissante d'Anvil.
* C'était censé être caricatural et se moquer gentiment des excès du genre à cette époque, sexe, drogue, rock'n'roll, permanentes, chaînes et pantalons moule-burnes, mais les vrais groupes étaient eux-mêmes tellement clichés que beaucoup ont cru que le faux groupe décrit existait réellement et que le film était un vrai documentaire.