Ci-dessous une petite liste, sans ordre particulier, des comportements de mes contemporains qui m'exaspèrent toujours. Quand je dis "exaspérer", ce n'est pas un vain mot, ça peut vraiment ruiner ma journée, ou au moins une part substantielle de celle-ci.
Ce sont souvent des choses liées au savoir-vivre tel qu'on me l'a enseigné (merci maman, merci papa, merci certains Professeurs de l'Ecole Publique et Laïque) et que je tolère mal de voir foulé aux pieds par des barbares bas du bulbe.
- A tous seigneurs, tout honneur: les blaireaux qui exhibent toute honte bue leur vie privée dans des lieux publics. J'excuse parfois (parce que, soyons honnêtes, j'en ai déjà été) la bande de potes bourrés, déjà moins la bande de pétasses en chaleur (parce que je suis misogyne). Mais je parle surtout des téléphoneurs impénitents qui, que l'on se trouve dans le métro, au restaurant ou au supermarché, ne ressentent aucune gêne à exposer en braillant leurs problèmes les moins intéressants à l'assemblée entière qui n'en demande pas tant.
La aussi, je veux bien tolérer ceux qui oublient de mettre leur téléphone sur veille, qui répondent d'un air gêné et chuchotent "j'arrive" ou "je te rappelle". Mais n'y revenez pas, ok?
Dans son dernier ouvrage, Deaf Sentence, David Lodge montre avec justesse que le plus énervant est qu'il n'y a pas de réaction possible qui soit efficace: soit, comme la majorité des gens que ça fait chier aussi, on se contente de soupirs, d'yeux levés au ciel, et de foutre son walkman à fond, soit on intervient et passe pour un "fasciste" (qui avait pensé que la liberté d'expression reviendrait à la liberté de raconter sa soirée de la veille à 100 personnes qui s'en battent le steack, et accessoirement à un interlocuteur au bout du fil - qui s'en bat probablement le steack lui aussi?), soit on se pourrit vraiment la journée par une engueulade inutile, pour peu que le goujat se sente offensé dans sa goujaterie.
- Puisque j'ai mentionné les supermarchés, je ne supporte pas les consommateurs moyens qui restent, l'oeil bovin, plantés trois plombes devant deux pots de yaourts ou de confiote, probablement les mêmes que ceux qu'ils achètent chaque semaine, à effectuer mentalement des comparaisons aussi mystèrieuses qu'inutiles. Ca pourrait se comprendre au rayon "boucherie", et encore: l'avantage, si on veut, de la grande distribution, c'est que les 50 morceaux de viande ont la même gueule, le même poids, et la même date d'emballage.
Bref, ces indécis lobotomisés retardent ceux qui, comme moi, estiment qu'ils ont mieux à faire de leur vie (par exemple regarder American Idol à la télé) et ont donc beaucoup travaillé pour optimiser le temps qu'ils passent au supermarché (je dois être à 30-45 minutes pour deux semaines).
- J'ai horreur des gens malpolis: par exemple, ceux qui ne disent pas "bonjour" lorsqu'on se croise dans un couloir ou un ascenseur. Pire encore, ceux qui ne répondent pas et fixent leurs chaussures. Je tiens d'ailleurs à remarquer que cela arrive beaucoup moins souvent aux US qu'en France. Dans le même genre, je balance souvent un "dis surtout pas merci, connard" à ceux qui pensent que le fait que je leur tienne la porte ou que je leur cède le passage en bagnole est un dû.
Tiens, en parlant de bagnole: comme 80% des gens, j'estime que je conduis mieux que la moyenne (un des paradoxes de la conduite). Bon, je veux bien relativiser, mais la ça ne souffre aucune discussion: je conduis mieux que la moyenne américaine (je rappelle que l'une des épreuves les plus dures du permis de conduire ici consiste à faire une marche arrière tout droit sur 30 mètres). Donc, je voudrais mentionner quelques comportements, irritants en eux-mêmes, mais qui deviennent franchement insupportables lorsqu'appliqués au volant:
- Le manque de bon sens. C'est un peu à la voiture ce que Ben Arfa est au football. On peut effectuer une manoeuvre conforme à la loi du code de la route, et créer une situation dangereuse. Il vaut souvent mieux décélerer et se rabattre que piler sur la voie de gauche de l'autoroute, par exemple. Ou ne pas rouler à 65 sur la voie de gauche même si c'est la limite technique de vitesse, si tout le monde roule à 85.
En fait, le manque de bon sens est assez insupportable en général: qui n'a pas eu envie de boxer un(e) abruti(e), qui, bloquant la porte du bus de toute son obésité, se met sur la pointe des pieds avec un sourire d'excuse signifiant "ah la la y a du monde aujourd'hui" plutôt que de sortir du bus et d'y remonter une fois la foule descendue?
- La gentillesse: c'est assez relié au bon sens ou à son absence, mais parfois il vaut mieux ne pas laisser passer quelqu'un que créer un embouteillage. Ou ne pas s'arrêter pour un piéton qui de toute façon ne pourra pas traverser à cause du trafic en sens inverse (alors que si on était passé, il n'y avait pas de voiture derrière et plus de voitures en face).
- Enfin, l'indécision: Rien de plus insupportable que ceux qui mettent trois heures à déboîter, ont besoin de 6 appels de phare pour se lancer quand vous leur cédez la priorité etc. "Les mous de la bite", de façon générale, me gavent: c'est aussi valable pour ceux qui hésitent deux heures entre le cheeseburger et le bacon-burger quand le pub est bondé ou essayent 50 paires de pompes pour partir sans rien.
- Je maudis ceux qui ne répondent pas aux mails. Je ne parle pas des potes, il m'arrive aussi de zapper et les vrais potes sont au-dessus de ça (mais qu'ils ne viennent pas me pipoter avec des "je suis overbooké en ce moment" alors qu'ils passent deux heures par jour sur fessebook). Je parle plutôt des relations professionnelles, au taquet quand elles ont "besoin" de vous et muettes lorsqu'elles n'estiment pas pouvoir tirer quelque bénéfice de votre correspondance.
- J'ai une tendresse particulière pour la colère teintée de lassitude que provoquent en moi ceux qui 1. s'expriment à coup de clichés ou lieux communs (exemples: "les fonctionnaires sont des feignasses", "les américains sont des bouseux incultes", "les patrons sont méchants", "la société est machiste") et 2. ont l'impression d'enrichir considérablement le monde de la pensée - économique, politique, sociale, artistique etc.
Si les clichés et lieux communs ont la vie dure, c'est probablement parce qu'ils recèlent une part plus ou moins grande de vérité. Donc, les utiliser, si possible en fixer les limites d'usage pour aller au-delà dans l'analyse, pourquoi pas? Mais de grâce, ne vous prenez pas pour des penseurs quand vous vous exclamez "l'écologie, c'est bien" et "la faim dans le monde, c'est caca".
Un exemple: mon coeur penche plutôt à gauche, mais généralement, sur un sujet politique ou économique, je préfère écouter un patron de PME affilié UMP à un président de syndicat lycéen de gauche...
- Dans le même genre, je peux ranger ceux qui ont une perception du monde totalement manichéenne (exemple: "les arabes sont des gentils et les juifs et les américains sont des méchants" ou l'inverse) et les adeptes de théories du complot diverses et variées, qui pensent sincèrement que la complexité du monde peut être entièrement résolue par des arguments binaires, des argumentaires définitifs de 500 caractères et des vidéos Youtube.
- Il y a une catégorie de personnes très représentée dans le monde scientifique qui me donne des envies de coup de boule: ceux qui aiment s'écouter parler (j'en suis parfois), mais qui, pour diverses raisons, apprécient d'autant plus leur logorrhée qu'elle concerne un sujet qu'ils ne maîtrisent absolument pas. Or, de ce point de vue là, je suis plutôt adepte du "mieux vaut ne rien dire et passer pour un con que l'ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet". Bref, ceux qui parlent pour ne rien dire, ou pire pour raconter des conneries, ou pire encore pour parler d'eux ou de leur recherche même et surtout si le sujet de départ n'a rien à voir, me sortent par les trous de nez.
- Une certaine élite intellectuelle a aussi la fâcheuse tendance à me donner des hémorroïdes, d'autant plus que j'en fais peut-être partie à mon corps défendant, au moins jusqu'à un certain point. Je parle de ceux pour qui l'Art est forcément élitiste, ceux qui, comme Desproges disait, "préféreraient crever plutôt que d'être plus de douze à avoir compris le dernier Godard". Qui pensent que tous ceux qui conçoivent l'Art comme une initiation populaire plutôt que comme de la branlette intellectuelle pour désoeuvrés plus ou moins fortunés sont des ploucs ou des vendus. Et qui pensent qu'un truc est bon simplement parce qu'il est imbittable.
- Enfin, une pensée particulière pour ces vieux qui regardent tout ce qui a moins de 50 ans comme un probable assisté social ou un criminel qui en veut à leurs économies (là aussi, je dois admettre que ça se voit peu ici). Et pour ces jeunes qui regardent tout ce qui a plus de 25 ans comme un vieux con de droite sans coeur et à tendance fascisante.
Voila. Je crois que j'ai suffisamment expectoré pour aujourd'hui. J'y reviendrai peut-être.
N'hésitez pas en attendant à titiller mon inspiration avec vos exécrations à vous.