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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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27 janvier 2007 6 27 /01 /janvier /2007 13:15

Je reprends à mon compte le néologisme version Ségolène Royal et la citation philosophique Lorienne de Jean-Pierre Raffarin (autant dire deux de nos politiques les plus talentueux). Par beaufitude, j'entends la contraction de "beauf' attitude".

On croise la beaufitude malheureusement partout, mais la pire est je crois lorsqu'on la rencontre chez des gens riches. Mon point de vue est peut-être politiquement peu correct (du moins chez les décérébrés chroniques qui, tels des messieurs Jourdain de pacotille, font du manichéisme sans le savoir, et s'empresseront donc de transformer ma pensée en une conclusion de portée générale, type "pauvres=vulgaires, riches=classes"), mais le voici tout de même: lorsqu'on rencontre un grossier personnage dans le PMU du coin ou au McDonald's, c'est certes désagréable, mais pas choquant.
Par contre, quand on se retrouve (exceptionnellement car je ne fais pas moi-même partie de la confrérie des fortunés) dans le cadre d'une soirée onéreuse à l'ambiance feutrée et que l'un des convives se comporte comme le pire des gougnafiers, cela le devient (choquant. Je sais, mes phrases sont trop longues, ce n'est pas facile de suivre, mais je suis chez moi).

La scène se passe dans un restaurant chic de l’île Saint-Louis. L’établissement était auparavant tenu par un acteur célèbre et cultivait donc un style typiquement parisiano-insupportable fait de médiocre cuisine prétentieuse, de prix prohibitifs, et de clientèle mi-people bas de gamme ou copains de l’acteur en question, mi-bobos branchouilles de tous âges. Depuis peu, le restaurant a été racheté par un chef brillant, ancien triplement étoilé ayant officié dans des lieux gastronomiques prestigieux.

Nous nous offrons ma dulcinée et moi-même, ce cadre romantique pour nos deux ans de partages de soucis (ou vie commune). L’île Saint-Louis est toujours aussi belle, la bâtisse abritant le restaurant est superbe, ses poutres apparentes étant rehaussés par la décoration post-moderne (meubles anguleux aux couleurs froides, lumière tamisée…) de la maîtresse de maison.

Tout s’annonçait pour le mieux, malgré un sommelier jeune mais manquant tout de même terriblement de classe. Mais nous passâmes rapidement outre. Les amuse-bouche étaient divins, le vin bon, et le foie gras-sauce saké-soja avec compote de poires allait bientôt bouleverser mes papilles lorsque ce qui allait, malheureusement, devenir nos voisins de table (quand je dis voisin, j’entends 5 bons mètres) entrèrent. L’un, le verbe haut (toujours très peu distingué lorsque l’ambiance générale invite plutôt à la discrétion de bon aloi), la chemise froissée largement ouverte et dépenaillée, semblait le chaperon. L’autre, plus discret, jouait le rôle du Candide provincial.

Les quelques remarques claironnées sur le bon vieux temps de son ami « Jean-Claude » (l’acteur anciennement propriétaire susnommé), sur les anciens serveurs et sur la décoration qui était mieux avant donnèrent le ton. La cigarette allumée à mon nez délicat essayant de se mettre en osmose avec mes papilles pour « comprendre » au mieux cette entrée de foie gras (je peux vous paraître snob, mais si vous avez déjà essayé un restaurant de ce genre, oui, la cuisine devient quelque chose de complexe qu’il faut tenter de saisir) fut, déjà, la première goutte d’eau.

Je finis par dire au maître d’hôtel que la fumée m’importunait, ce qui sembla le mettre dans l’embarras. Je ne fus peut-être pas suffisamment clair, mais j’étais prêt à changer de place (ce qui m’aurait permis de m’éloigner de ces deux cons). Mais il ne l’entendit pas ainsi. Après quelques circonvolutions, il finit par exposer ma requête, sans me nommer (toutefois, comme nous étions à peu près les seuls à distance raisonnable, il ne faisait guère de doute que cela venait de moi). Sans faire trop de manières, la cigarette fut éteinte.

Tout se passa ensuite correctement jusqu’au dessert, malgré un manque de discrétion toujours très patent qui nous permit d’ouïr la fine fleur de leurs remarques (« c’est vachement différent du cuistot d’avant mais c’est pas mal quand même » «  tu crois que les champignons de Paris c’est des en boîte ? 40 euros pour des champignons de Paris, quand même, ils s’emmerdent pas »… tant de remarques qui confirmèrent si besoin était que ces rustres auraient pu manger chez Flunch sans avoir le sentiment que ce n’était pas la même cuisine).

Arriva la fin du repas, nous en étions au café. Candide, ennuyé pendant que Pangloss discutait cognacs avec le sommelier, sortit son palm-pilote et se mit à faire mumuse avec le son à fort volume. Ti tou tou ti tou tou tou. Une cliente anglaise très chic arrivée entre temps semblait elle aussi affligée, mais jusque là nous avions plutôt pris le parti d’en rire.

C’est alors que Monsieur Gros Con appela le maître d’hôtel et annonça d’une voix de stentor: « Dites-moi, les emmerdeurs à côté –il parlait de nous-, vu qu’ils ont fini de bouffer, ils vont plus nous empêcher de fumer la, si ? C’est des étrangers, non ? »

Le maître d’hôtel, un noble petit vieux, blêmit un peu mais tenta de garder sa contenance. Il savait parfaitement que j’avais tout entendu. Le sentant quelque peu hésiter sur la formulation, je pris l’initiative et lui dit (moi aussi suffisamment fort pour que ces messieurs nous entendent) : « puisque nous sommes des emmerdeurs, je pense que non, nous ne souhaitons pas qu’ils fument ». Monsieur me répondit (toujours sans me regarder) : « Vous avez l’ouïe fine, c’est bien ». « Et vous, vous manquez de discrétion, c’est mal ». « Je vous remercie de vouloir chercher à m’éduquer, mais à mon âge ce n’est plus la peine ».

Fin du dialogue. Je regrette d’avoir manqué de réactivité et de ne pas lui avoir rétorqué « Il n’est jamais trop tard pour essayer d’arrêter d’être un gros con ». Malheureusement, cette réplique germa dans mon cerveau quelques minutes trop tard.

Le repas se termina peu après avec les excuses diverses des serveurs.

Je regrette infiniment que cet épisode ait fini par prendre le pas sur la divine cuisine que j’ai goûté ce soir-là. Je regrette car, dans quelques années, je me souviendrai plus probablement de l’algarade que de ce que nous mangeâmes. Mais la beaufitude avait encore frappé.

Remarque : la cigarette semble jouer un rôle majeur dans la beaufitude, surtout au restaurant. La seule fois de ma vie où je suis allé dans un doublement étoilé, un autre gros porc plein de foie gras et de fric, accompagné de sa pouf de 30 ans moins âgée, courroucé de ne pas être en salle fumeur, est allé se planquer dans les toilettes pour s’en griller une. Lamentable.
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commentaires

C
ah, les nouveaux riches...
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M
<br /> Je sais pas si c etait un nouveau riche mais j avais rarement ete confronte a un mec aussi vulgaire. Malheureusement mes craintes etaient un peu fondees, ce dont je me souviens en premier quand je<br /> pense a cette soiree, c'est ce gros con.<br /> <br /> <br />