20 février 2010
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11:00
Le Courrier International a pour dossier cette semaine "Les parisiens, quelques raisons de les détester".
Quand je suis tombé dessus chez le marchand de journaux, je n'ai pu résister au plaisir de l'acheter, tant, depuis mon retour, j'ai du mal à me réhabituer à la goujaterie parisienne, alors qu'au contraire je n'ai pas eu de problème à me réacclimater à la ville elle-même.
Ce ne sont pas les mèches rebelles je sais tout de la rive gauche ou les serveurs gouailleurs* qui me broutent, eux me font plutôt rigoler et sont une institution: sans eux, Paris ne serait plus Paris. Et puis, ils sont copiés et jamais égalés dans toutes les grandes villes où je suis passé.
Ce qui me sort par les trous de nez en ce moment, ce sont plutôt ces commerçants qui ne disent ni bonjour ni au revoir ni merde quand on leur achète le journal ou une baguette. Ce sont ces passants qui vous bousculent ou vous piétinent sans jamais vous adresser une parole ou un sourire d'excuse, qui vous coupent la route sans même ralentir, ou marchent à deux à l'heure en occupant toute la chaussée. Ce sont ces personnes qui ne vous remercient pas, ne vous regardent même pas, quand vous les laissez passer ou leur tenez la porte.
Pire, quand vous faites preuve de courtoisie, cela semble susciter une surprise extrême tant ça a l'air d'être devenu inhabituel: que vous vous arrêtiez à un passage clouté pour laisser passer une petite vieille, que vous cédiez votre place à un mec en béquilles dans le bus ou que vous aidiez une maman à monter sa poussette dans le couloir du métro et le "bénéficiaire" du petit geste vous regarde avec des yeux ronds.
Finalement, les seuls qui semblent avoir conservé un rien de politesse, ce sont les vieux (s'ils ne sont pas dans un bus ou ne tentent pas de vous griller pas dans la queue au Franprix), et les petits jeunes quand ils sont bien élevés: bizarrement, il semble que les parents continuent à apprendre les règles d'urbanité de base, même si eux ne les respectent plus depuis un bail. Ca dure jusqu'à ce que les hormones et l'acné n'entrent en scène, je pense.
Mais ce qui me marque le plus en ce moment, c'est surtout cette absence totale d'"eye contact" que j'ai déjà mentionnée plus haut. Personne ne vous regarde jamais dans les yeux.
Une maman m'a écrasé trois fois les pieds avec sa poussette en 30 secondes (dans une queue où elle persistait à vouloir avancer alors que ça n'avançait pas), sans jamais m'adresser un regard malgré mes oeillades appuyées, et au bout d'un moment un rien courroucées. Les commerçants rendent la monnaie sans un regard. Les exemples sont innombrables.
C'est cette attitude, je pense, qui révèle le mieux une déshumanisation rampante: est-ce plus marqué qu'il y a quelques années ou est-ce que cela me choque plus après deux années loin de tout ça? Ou est-ce dû au fait que, pour la première fois, je suis à Paris en flâneur?
Car, certes, c'est l'effet mégapole où chacun se préoccupe avant tout de ces fesses, mais je trouvais les relations plus "humaines" à Boston ou même à New-York: les commerçants ont encore conscience qu'une bonne relation avec le client potentiel peut les servir, on peut sociabiliser dans un bar même si on n'y connaît personne, les gens s'arrêtent pour vous aider quand ils vous sentent perdus, griller dans la queue n'est pas un sport national et on a droit à un sourire et un mot d'excuse quand on se fait bousculer.
Le "superficiel" à la ricaine a aussi du bon.
Alors voila, je pense que mon étonnement ne durera pas longtemps, et qu'après une petite réadaptation à base d'1h quotidienne dans le RER B, je serai de nouveau, moi aussi, un gros connard (après 7 ans à Paris, j'en étais un, je ne me leurre pas).
* La "race" des serveurs parisiens est malheureusement en train de disparaître car la nouvelle génération et les établissements à la mode, comme à New-York, se contentent de traiter le consommateur comme de la merde, sans humour.
Quand je suis tombé dessus chez le marchand de journaux, je n'ai pu résister au plaisir de l'acheter, tant, depuis mon retour, j'ai du mal à me réhabituer à la goujaterie parisienne, alors qu'au contraire je n'ai pas eu de problème à me réacclimater à la ville elle-même.
Ce ne sont pas les mèches rebelles je sais tout de la rive gauche ou les serveurs gouailleurs* qui me broutent, eux me font plutôt rigoler et sont une institution: sans eux, Paris ne serait plus Paris. Et puis, ils sont copiés et jamais égalés dans toutes les grandes villes où je suis passé.
Ce qui me sort par les trous de nez en ce moment, ce sont plutôt ces commerçants qui ne disent ni bonjour ni au revoir ni merde quand on leur achète le journal ou une baguette. Ce sont ces passants qui vous bousculent ou vous piétinent sans jamais vous adresser une parole ou un sourire d'excuse, qui vous coupent la route sans même ralentir, ou marchent à deux à l'heure en occupant toute la chaussée. Ce sont ces personnes qui ne vous remercient pas, ne vous regardent même pas, quand vous les laissez passer ou leur tenez la porte.
Pire, quand vous faites preuve de courtoisie, cela semble susciter une surprise extrême tant ça a l'air d'être devenu inhabituel: que vous vous arrêtiez à un passage clouté pour laisser passer une petite vieille, que vous cédiez votre place à un mec en béquilles dans le bus ou que vous aidiez une maman à monter sa poussette dans le couloir du métro et le "bénéficiaire" du petit geste vous regarde avec des yeux ronds.
Finalement, les seuls qui semblent avoir conservé un rien de politesse, ce sont les vieux (s'ils ne sont pas dans un bus ou ne tentent pas de vous griller pas dans la queue au Franprix), et les petits jeunes quand ils sont bien élevés: bizarrement, il semble que les parents continuent à apprendre les règles d'urbanité de base, même si eux ne les respectent plus depuis un bail. Ca dure jusqu'à ce que les hormones et l'acné n'entrent en scène, je pense.
Mais ce qui me marque le plus en ce moment, c'est surtout cette absence totale d'"eye contact" que j'ai déjà mentionnée plus haut. Personne ne vous regarde jamais dans les yeux.
Une maman m'a écrasé trois fois les pieds avec sa poussette en 30 secondes (dans une queue où elle persistait à vouloir avancer alors que ça n'avançait pas), sans jamais m'adresser un regard malgré mes oeillades appuyées, et au bout d'un moment un rien courroucées. Les commerçants rendent la monnaie sans un regard. Les exemples sont innombrables.
C'est cette attitude, je pense, qui révèle le mieux une déshumanisation rampante: est-ce plus marqué qu'il y a quelques années ou est-ce que cela me choque plus après deux années loin de tout ça? Ou est-ce dû au fait que, pour la première fois, je suis à Paris en flâneur?
Car, certes, c'est l'effet mégapole où chacun se préoccupe avant tout de ces fesses, mais je trouvais les relations plus "humaines" à Boston ou même à New-York: les commerçants ont encore conscience qu'une bonne relation avec le client potentiel peut les servir, on peut sociabiliser dans un bar même si on n'y connaît personne, les gens s'arrêtent pour vous aider quand ils vous sentent perdus, griller dans la queue n'est pas un sport national et on a droit à un sourire et un mot d'excuse quand on se fait bousculer.
Le "superficiel" à la ricaine a aussi du bon.
Alors voila, je pense que mon étonnement ne durera pas longtemps, et qu'après une petite réadaptation à base d'1h quotidienne dans le RER B, je serai de nouveau, moi aussi, un gros connard (après 7 ans à Paris, j'en étais un, je ne me leurre pas).
* La "race" des serveurs parisiens est malheureusement en train de disparaître car la nouvelle génération et les établissements à la mode, comme à New-York, se contentent de traiter le consommateur comme de la merde, sans humour.