Après mes fameux "conseils aux candidats" aux postes de Maître de Conférences (MC) ou de Chargé de Recherches (CR), billet dont la fréquentation explose entre mars et mai, quelques mots pour ceux qui sont à la recherche d'un poste d'ATER (toujours dans le cas des sciences dures)*.
En effet, je suis en charge du suivi des dossiers pour le recrutement sur le poste d'ATER ouvert au labo, et j'ai donc pu voir en quelques semaines à peu près tout ce qu'il ne fallait pas faire, et en déduire un certain nombre de choses qu'il était bon de faire.
Mes conseils peuvent être résumés comme suit, je détaillerai ensuite:
- si vous avez déjà une bonne expérience d'enseignement (typiquement au moins une centaine d'heures), et/ou si vous n'envisagez pas spécifiquement une carrière d'enseignant-chercheur, fuyez ces postes.
- évitez à tout prix d'avoir l'air complètement "clueless" dès le premier contact.
Point 1: il faut bien comprendre que dans la majorité des cas, et ce phénomène s'accentue depuis la mise en place de l'AERES et autres, les recrutements d'enseignants-chercheurs sont axés sur la production scientifique du candidat. Il y a probablement encore quelques exceptions dans les petits labos "familiaux", mais dans la plupart des cas, il n'y aura pas photo entre un candidat présentant un CV avec 10 publis et 150h d'enseignements, et un candidat à 2 publis et 500h d'enseignements, même si un "minimum vital" est souvent demandé (typiquement trois années de monitorat, des vacations substantielles ou déjà une année d'ATER).
Pour un poste de CR, c'est clair, l'enseignement ne représente rien d'autre qu'un (tout petit) plus éventuel, et la qualité scientifique est tellement compétitive que faire un ATER revient quasiment à se tirer une balle dans le pied.
Bref, les postes d'ATER, qui impliquent une grosse charge d'enseignement sur un temps réduit et rendent difficile une grosse production scientifique, ne sont, je pense, qu'utiles à ceux qui doivent absolument étoffer leur dossier enseignement dans le cadre d'une candidature à un poste de MC.
Si vous ambitionnez uniquement le CNRS, que vous avez déjà un bagage d'enseignant potable, ou que vous envisagez de postuler à terme dans le privé, optez pour un post-doctorat 100% recherche.
C'est un conseil qu'on m'a donné il y a longtemps déjà, et avec un peu plus d'expérience, j'y adhère totalement: il faut bien prendre conscience qu'"aimer l'enseignement et y consacrer beaucoup de temps" n'est en aucun cas un critère suffisant (ni parfois même nécessaire) pour un recrutement MC**.
Les exceptions acceptables pouvant être pour finir la rédaction de son manuscrit de thèse en évitant de passer par la case chômedu, ou lorsqu'un labo a de grandes chances de recruter l'année d'après et considère donc son recrutement d'ATER comme une espèce de pré-recrutement (c'est notre cas).
Point 2: les postes d'ATER étant ce qu'ils sont, à savoir, parlons franchement, globalement assez peu considérés, j'admets que la situation n'est pas toujours facile. Peu ou pas de pub sur les postes, calendrier et procédures de recrutement floues et à géométrie variable, c'est pas le paradis du candidat.
Mais tout de même, quand on fait l'effort d'afficher un profil détaillé, de le transmettre aux sociétés savantes, de fournir des liens vers les pages où la procédure de candidature est explicitée, d'encourager les candidats à nous contacter, on attend au moins qu'ils en fassent la lecture attentive.
Donc:
- les mails qui commencent par "votre thèse (ou votre post-doctorat) m'intéresse" finissent directement à la poubelle (et, si j'étais plus méchant que je ne le suis pour l'instant, contribueraient à discréditer toute candidature future de l'étudiant).
- les mails "candidature-type" avec juste le nom du poste qui change sont à proscrire.
- les candidatures "hors profil" peuvent être appréciées, mais dans une certaine limite: si vous avez fait de la physique théorique, ne candidatez pas sur un poste d'ATER de chimie organique. Si vous sentez que votre profil se situe à la marge, signalez-le d'emblée et indiquez que vous souhaitez élargir vos domaines de compétences. N'attendez pas qu'on vous en fasse la remarque pour vous montrer surpris, et évitez le vieux bluff ridicule du type "non, mais ça je connais, j'ai fait un projet de deux mois en licence sur ces questions".
- les mails "je candidate" envoyés à l'enseignant-chercheur quand il est clairement indiqué sur la fiche que pour candidater il faut envoyer un dossier à la DRH ne font pas sérieux (même s'il est toujours apprécié de contacter en parallèle directement l'équipe d'accueil, je pense).
- les mails "comment faut-il faire pour candidater?" ou encore "je vous envoie les pièces et je compte sur vous pour les transmettre à qui de droit" quand tout est expliqué dans la pièce jointe, encore moins.
- proposer une visite ou en cas d'impossibilité géographique un contact téléphonique sera toujours apprécié, car montrant un certain intérêt pour le poste: dans ce cas-là, allez jusqu'à consulter le site web du labo et éventuellement jusqu'à lire un ou deux abstracts sur les travaux récents, plutôt que de répondre "pas du tout" quand on vous demande si vous êtes un peu au courant des activités du labo.
- etc
Bref, globalement, faites preuve, une fois de plus, de bon sens et ne vous sabordez pas en passant pour le clampin type "j'ai vu de la lumière alors j'ai sonné".
Conseil apparemment stupide, mais qui, s'il est bien suivi, suffit déjà à faire sortir du lot votre candidature: dans mon cas, sur une quinzaine de candidatures, un gros tiers seulement en faisait preuve. Si on rajoute la courtoisie élémentaire et l'adéquation entre le profil du candidat et celui du poste, j'ai déjà probablement mon top 3...
* je vais bien entendu partir du principe qu'une candidature à un poste d'ATER est un choix motivé relevant d'un plan de carrière, et pas uniquement "parce qu'il faut bien manger" ou parce que c'est un moyen de renouveler sa carte de séjour, raisons compréhensibles mais qui rendent l'analyse un poil plus complexe (je peux juste dire qu'à mon avis, c'est toujours une mauvaise idée).
** on peut le déplorer et oeuvrer pour ou espérer que cela change, mais c'est un fait.