L'été venu, en France, je ne sais pas comment ça se passe chez les industriels, mais dans les labos de recherche comme dans beaucoup d'autres endroits qui ne font pas leur business dans les fringues ou le tourisme, l'activité est un peu ralentie. Pour faire dans l'euphémisme.
Entre mi-juillet et fin août, un grand nombre de chercheurs et d'étudiants prend typiquement entre 2 et 4 semaines de vacances, et éventuellement rajoute un petit congrès aux antipodes ou un "workshop" en Corse ou à Chypre. Le pic se situe, disons, les deux premières semaines d'août, où on peut environ compter quelque chose comme 20% des effectifs présents (en tout cas dans les labos où je suis passé).
Pendant cette période là, il y a toujours des gens qui vous expliquent qu'ils "bossent mieux quand les chefs sont pas là". Ou une variante: "quand le labo est désert".
J'imagine que pour certains, c'est vrai: après tout, il y a par exemple l'avantage non négligeable d'avoir la possibilité d'utiliser à temps plein une manipe habituellement surbookée.
En ce qui me concerne cependant, j'ai besoin d'un peu de pression pour être un minimum au taquet dans mon travail.
Quand j'ai une conf' ou des entretiens à préparer, un article à rédiger, une thèse à finir, effectivement, le fait d'être un peu peinard peut me donner un supplément d'efficacité.
Mais avouons-le, dans la recherche, il y a quand même des moments où la pression se relâche.
Et donc, quand il n'y a pas d'urgence particulière, que personne n'est là de toute façon, qu'il faut beau, chaud et que les filles sont belles, j'ai un peu tendance à m'astiquer la nouille. Au sens figuré, bien sûr. Je veux dire que je vais avoir tendance à prendre trois heures pour faire un truc qui m'en prendrait une si j'étais à fond, à arriver un peu plus tard et à partir plutôt plus tôt ou prendre deux heures de pause au déjeuner, à avoir moins de remords à m'éclipser pour aller voir un match, etc.*
C'est tout de suite moins vrai quand il y a un peu d'émulation sur le lieu de travail: si tout le monde est la et bosse, ça me pousse à ne pas me laisser aller.
Parce que, sans vouloir cafter ni tirer de conclusions hâtives, j'ai quand même l'impression que je ne suis pas seul à me la jouer pépère quand le labo est désert. Quand il y a 5 thésards et 2 post-docs (et 0 permanents) présents sur une unité qui compte habituellement 70 personnes, je vois peu de gens à fond, sauf éventuellement les chinois ou les indiens qui de toute façon bossent comme des chimistes quoi qu'il arrive.
En tout cas, il me semble bien que, parmi ceux qui m'expliquent le plus sérieusement du monde qu'ils sont super efficaces quand ils ont le labo pour eux tous seuls, il y en a pas mal qui arrivent à 10h, repartent à 16, prennent trois thés dans la journée et ne lèvent jamais le cul de leur bureau pour aller maniper.
Généralement, ce sont les mêmes qui le reste de l'année t'assènent au bout de deux heures de pause-café qu'ils sont surchargés de boulot en ce moment...
* Pour prendre un exemple concret: cette semaine, mes deux chefs sont en congrés. Mon co-bureau assiste aussi à une conférence. Pour la première fois depuis deux ans, je sais où je serai à la rentrée, et je n'ai pas à me demander quelle sera la prochaine personne à qui je devrai faire de la lèche. Je donne le préavis de départ de mon post-doc à la fin du mois. Comme cela aura duré à peine six mois dont quasi-deux de concours, il y a peu de chances que j'obtienne des résultats révolutionnaires. Il y a la Coupe du Monde et le Tour de France. Mon plus gros stress est de savoir si j'aurai le temps/l'argent d'aller voir Priscilla, et quand elle rentrera définitivement en France.
Bref, même si j'essaie de suivre honnêtement le plan de travail qu'on s'est fixé, je l'avoue franchement, je ne suis pas à 200%.