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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 15:56

Je viens d'embaucher dans le cadre d'une ANR un post-doctorant.

 

Qui présente le sérieux désavantage (tout au moins quand on parle de travailler en France) d'être Libanais, avec un nom libanais, un passeport libanais, bref la totale.

 

Pour ceux qui l'ignorent, chaque fois que l'on embauche un étranger se pose le paradoxe suivant: il a besoin d'une carte de séjour valide pour signer un contrat de travail. Il a besoin d'un contrat de travail pour obtenir une carte de séjour.

 

On pourrait penser que depuis x dizaines d'années et y milliers de cas traités (surtout dans le petit monde de la recherche et de l'enseignement supérieur), quelqu'un quelque part aurait réfléchi à une manière de simplifier la procédure... quelle naïveté.

 

Bref, aujourd'hui, si j'ai bien compris (cela m'a valu quelques maux de crâne), le futur employé signe un contrat "sous réserve de l'obtention du titre de séjour", ce pré-contrat lui permet d'obtenir un récépissé à la Préfecture valable 3 ou 4 mois (équivalent d'un titre provisoire), qui lui permet d'obtenir le contrat, qui lui permet d'obtenir un rendez-vous à la Préfecture pour l'obtention du "vrai" titre de séjour.

Les choses se compliquent un peu quand, comme dans le cas de mon post-doctorant, son titre de séjour a périmé avant qu'il ait signé son nouveau contrat. Il faut rajouter alors une convention d'accueil signée par l'établissement et validée par la Préfecture de Police.

(je laisse des gens plus habitués que moi préciser les points sur lesquels je me serais montré imprécis ou incorrect, mais l'idée est là).

Soit.

C'est compliqué et pénible, mais on pourrait penser que les choses sont rodées et que tout roule... quelle naïveté.

 

 

Il y a quelques mois, je m'étais pris le chou avec la DRH en commençant par la personne en charge du dossier puis en finissant par remonter jusqu'à la directrice elle-même qui m'a pourri en m'expliquant qu'on ne venait pas sans rendez-vous, que je les dérangeais en pleine pause café en plein déménagement et que tout suivait son cours normalement.

Pourquoi cette prise de bec?

Parce que toutes les pièces pour l'établissement d'un contrat commençant au 1er septembre avaient été fournies le 15 juin au département, qui avait lui-même après toutes validations nécessaires soumis à la DRH tout début juillet.

Pourtant, le 31 août on m'a informé que le contrat n'était toujours pas prêt*, j'ai donc du annoncer à mon post-doc qu'il était officiellement sans-papiers et que je ne savais pas quand il commencerait ni s'il commencerait un jour.

Alors je suis allé dans les bureaux de la RH vers le 6 septembre, et même si je me fis jeter manu militari le soir venu je reçus un coup de fil "le contrat est prêt, nous prions votre post-doctorant de venir signer dans les plus bref délais**".

On notera également (pour rire) que le contrat était antidaté et que le post-doctorat a donc bien commencé officiellement le 1er septembre.

 

Je me suis longtemps demandé si c'était un heureux hasard ou si mon apparition énervée avait quand même eu pour effet de faire bouger le papier de son tas sur le bureau pour l'amener en haut de la pile...

 

 

Depuis, tout n'est pas réglé puisque mon post-doctorant attend sa convention d'accueil depuis six semaines.

Après avoir essayé sans succès de convaincre la DRH d'appeler la Préfecture de Police ou au moins de me donner le numéro de leur contact là-bas (quand on passe par le standard pour les étrangers on a le choix entre taper 1 qui envoie vers un numéro non attribué ou taper 2 qui envoie vers un numéro occupé - on nous conseille aussi de nous informer sur le minitel; authentique), j'ai fini par désespoir de cause par envoyer un mail à l'adresse de contact générique (chose qui je le reconnais marche plutôt bien aux impôts ou à la mairie, bref, à connaître).

Effectivement, deux jours après on m'a répondu, par téléphone s'il vous plaît, pour me dire que la convention venait d'être signée et serait renvoyée le lendemain à mon établissement.

 

Bref, encore un heureux hasard? Deux fois en quelques semaines, ça relève presque du miracle.

 

J'ai donc deux interprétations, potentiellement corrélées, autres que la coïncidence, et je dois avouer qu'aucune n'est flatteuse pour le système français:

- avoir un nom bien franchouillard et un statut de "Professeur d'Université" (ne chipotons pas et n'ayons pas de scrupules sur ses titres quand on s'adresse à l'administration, ainsi que me l'a suggéré Hady Ba qui connaît bien le problème) fait avancer les choses plus vite (même si je pense que je ne suis pas très bien vu par la DRH de mon établissement qui me prend pour un sous-fifre qui se la raconte) que quand on a un nom et un passeport exotique (et il vaut mieux être européen ou américain qu'africain).

- il faut gueuler pour faire bouger les choses: il n'y a pas de durée "normale" pour une procédure, c'est juste celui qui fait le plus chier le monde dont on va finir par vouloir se débarasser. Difficile ensuite de s'étonner du manque de savoir-vivre et du chacun pour sa pomme dans l'espace public.

 

 

Enfin, avec tout ça, la RH*** ne nous a toujours pas contacté pour nous dire qu'ils avaient reçu la convention d'accueil, ça fait dix jours qu'elle est censée être partie de la Préfecture. Mais c'est vrai qu'avec notre service de courrier interne, une lettre peut mettre 3 semaines pour arriver au bureau destinataire...

 

 

* traduction: il manquait la signature indispensable de je ne sais quelle huile jamais là, qui, comme on me l'a expliqué, ne peut pas connaître tous les dossiers puisqu'il signe 30 parapheurs de 20 documents par jour (personne ne semble se poser la question de l'intérêt d'engager les signatures de personnes qui doivent tellement l'engager qu'ils ne savent plus pour quoi ils le font). 

 

** oui, parce que eux mettent trois mois à faire bouger quoi que ce soit, mais quand il se passe quelque chose tu as 2h pour réagir.

 

*** Je ne me lasse pas de l'ironie de la présence du mot "humain" dans le terme "ressources humaines", alors que l'humain est vraiment la dernière des préoccupations... "oui, il est en situation irrégulière, on comprend qu'il soit stressé mais.... on s'en branle en fait la procédure suit son cours Monsieur"

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commentaires

P
<br /> « la DRH de mon établissement qui me prend pour un sous-fifre qui se la raconte »<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Encore une fois ça me fait totalement bondir. Il faudrait vraiment que certaines personnes dans l'administration se rendent compte que c'est à eux d'être au service<br /> des chercheurs et pas le contraire. C'est à eux de résoudre les problèmes administratifs dans les plus bref délais, sans importuner les chercheurs dans la mesure du possible. C'est à eux de<br /> communiquer de façon spontanée et complète sur l'état d'avancement des procédures. Je trouve que ça transcrit un problème profond et grave dans l'administration français. L'administration de la<br /> grande université de la prairie pouvait être lourde mais elle a toujours été efficace et présente pour régler tous les problèmes.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « Enfin, avec tout ça, la RH*** ne nous a toujours pas contacté pour nous dire qu'ils avaient reçu la convention d'accueil, ça<br /> fait dix jours qu'elle est censée être partie de la Préfecture. Mais c'est vrai qu'avec notre service de courrier interne, une lettre peut mettre 3 semaines pour arriver au bureau destinataire...<br /> »<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Les concepts avancés de téléphone et de message électronique ne les ont visiblement pas encore atteints.<br />
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M
<br /> <br /> Malheureusement, les arguments du genre "quand il n'y aura plus de recherche ni d'enseignement dans l'établissement, vous n'aurez plus de boulot" et "après tout vous êtes la normalement pour nous<br /> faciliter la vie, pas pour nous la rendre horrible" ne marchent pas vraiment même si c'est vrai (l'administration a toujours été très forte pour tourner à vide, mon chef me disait que j'étais<br /> bien naïf si je pensais que les services généraux fermeraient en cas de disparition des EC... il y aurait au moins 10 ans de latence avant qu'on se rende compte de quoi que ce soit).<br /> <br /> <br /> LEs chefs de service ont tendance à se prendre pour des gens vraiment importants que les EC font chier. S'ils sont prêts à (faire semblant d')écouter un vénérable Prof en cravate, un MCF en<br /> t-shirt avec une tête de puceau, ça leur en touche une sans déranger l'autre, c'est comme ça...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Concernant le concept de mail, il y a parfois l'excès inverse: la tendance à échanger 10 mails (parce que langage abscons, orthographe improbable, ou incapacité à répondre à plus d'une question<br /> par mail) quand un coup de fil ou 2mns en tête à tête résoudrait le pb... je préfère aller les voir, quand je peux (et quand j'en ai le courage).<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Ceci n'est pas sans rappeler ce que m'avait rapporté une amie, employée d'un service chargé d'instruire les dossiers des réfugiés étrangers. Elle avait des collègues qui, du moins d'après elle,<br /> avaient tout à fait le profil "dinde" : du style à se refaire les ongles en demandant "ah ? il y a une guerre, en Éthiopie ?".<br />
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D
<br /> D'habitude, quand on se plaint de l'administration, les gens le prennent avec le sourire ou nous disent qu'il y a bien pire ailleurs. Effectivement, dans de nombreux cas, c'est exaspérant mais ça<br /> n'a pas de conséquences autres que d'empêcher les (enseignants-)chercheurs de travailler. Pour ma part, je perd mon sens de l'humour quand l'incurie, l'inaction, l'incompétence aboutissent à ce<br /> qu'un étranger devienne illégal ou expulsable (ou qu'on lui dise "monsieur on ne trouve pas votre dossier, vous n'avez qu'à repartir en urgence dans votre pays à 800€ avion A/R pour refaire un<br /> visa"), ou encore quand on ne paye ou on ne rembourse pas dans des délais raisonnables des gens qui en ont besoin (cela m'énerve un peu sans plus si je suis payé ou remboursé 6 mois après les<br /> faits, mais je trouve que ça abuse si c'est un étudiant).<br /> <br /> <br />  <br />
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M
<br /> <br /> oui, le paiement des heures sup avec 1 an de retard, les commandes non passées pour mauvais titre de mail ou autre, c'est reloud mais pas fondamentalement "dramatique". Quand ça touche à un titre<br /> de séjour ou des gens en grande précarité, cela devient plus grave.<br /> <br /> <br /> Je pense que c'est ça qui m'a le plus énervé quand je discutais avec la respo RH: en gros, elle ne comprenait pas pourquoi je m'excitais alors que finalement ça ne me concernait pas directement,<br /> hein. Et puis, elle me disait "je comprends qu'il soit inquiet parce que sa carte de séjour a expiré - parce qu'on met trois mois à faire viser deux papiers par 27 personnes-, mais bon, la<br /> situation est parfaitement normale".<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> A ce propos, je ne peux conseiller que la lecture édifiante de cet article: http://www.rue89.com/2012/04/23/carnets-de-galeres-administratives-de-chercheurs-etrangers-en-france-230357<br /> <br /> <br /> voire de la version longue pour ceux qui ont du temps http://entempsreel.com/sites/default/files/En%20Temps%20R%C3%A9el%20Cahier%2049.pdf<br />
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