Je vois que les auditions approchent aux recherches google qui mènent à mon blog: en ce moment "audition" "projet de recherche" "CR2" "maître de conférences" etc se taillent la part du lion.
Maintenant que je suis de l'autre côté de la barrière, je peux essayer de synthétiser les clefs du succès, souvent déjà mentionnées ici et là sur le blog, pour obtenir un poste de chercheur ou d'enseignant-chercheur dans la fonction publique.
Attention, ça vaut ce que ça vaut, puisqu'après tout, je n'ai jamais été classé premier à une audition (3 fois 2ème, 1 fois 3ème, sur 6 tentatives).
Ceci s'adresse aux candidats non estampillés "candidats locaux" (si vous ne savez pas ce qu'est un candidat local, ne vous inquiétez pas, ça veut dire que vous n'en êtes pas un), et à ceux qui ne sont pas des génies purs que tout le monde s'arrache.
La plupart de ces "conseils" sont suffisamment généraux pour s'appliquer au concours de CR comme aux concours de MdC. Pour certains, cela paraîtra avant tout du bon sens: mais quand je vois les lieux communs que les so-called "coachs" en tout genre se font payer extrêmement cher, et après avoir croisé ces dernières années certains candidats totalement paumés, je me dis que ça peut toujours servir.
- Sachez ce que vous voulez faire: obtenir un poste de chercheur ou enseignant-chercheur est un travail de longue haleine, qui demandera en gros trois ans d'efforts post-thèse. Post-doc et ATER ne sont pas toujours des activités très gratifiantes (professionnellement et pécuniairement). Si post-doc n'est pour vous qu'un moyen de gagner du temps en gagnant un peu d'argent (et dans ce cas-là, autant en profiter pour voyager un peu), et la recherche publique qu'une option comme une autre, je déconseille. Faites fructifier votre doctorat et/ou votre diplôme d'ingé le plus tôt possible, dans les boîtes qui le valorisent (Saint-Gobain, Loréal, Michelin, Rhodia, Phillips, etc).
- N'attendez pas d'avoir fini votre thèse, et encore moins votre deuxième post-doc, pour commencer à vous renseigner sur les modalités des concours... les subtilités sont nombreuses: pour les connaître, il faut discuter, avec des collègues passés par là récemment ou des gens qui maîtrisent bien le système tels des membres de commission, et discuter franchement. Attention à la langue de bois en vigueur.
- Comme je l'ai déjà dit ailleurs, je pense qu'il est, dans une pure optique d'obtention de poste, préférable de ne pas faire de post-doc à l'étranger, contrairement à l'idée reçue. Loin des yeux, loin du coeur: le système français fonctionne encore suffisamment en vase clos pour qu'on vous oublie très vite. Un changement thématique est par contre assez nécessaire (on vous reprochera le manque de prise de risque, la sur-spécialisation), mais il est suffisant.
Le mieux étant bien entendu de choisir un labo dont le potentiel de recrutement est fort (et qui n'a pas déjà de candidats sous le coude, bien sûr).
- Faites votre propre pub, régulièrement: consultez les pages web des labos, contactez-les, demandez des noms à vos boss, allez faire des séminaires et des congrès. Faites du relationnel: conservez de bonnes relations avec vos chefs et anciens chefs, rencontrez les gens suceptibles de recruter, les membres de commission. Essayez par eux d'obtenir en "off" des infos sur des postes susceptibles d'être ouverts, avant leur parution officielle: cela permet d'avoir un temps d'avance sur la concurrence. Pensez aussi à devenir membres des sociétés savantes liées à votre domaine (sfv, sfc, sfp, gfp, que sais-je encore).
- Apprenez à maîtriser le calendrier, à ne pas attendre la publication au Journal Officiel pour agir. Apprenez à connaître les labos qui ont déjà recruté il y a peu et ne recruteront pas de sitôt, ceux qui n'ont pas recruté depuis longtemps et auront sûrement un poste ouvert sous peu, ceux qui sont dans les petits papiers du ministère et ont donc un poste par an... et commencez les prises de contact dès l'automne précédant.
- Car de façon générale, rappelons encore que ce qui fait obtenir un poste n'est pas indiqué sur le site du ministère. Respecter la règle du jeu "officielle", c'est l'assurance de ne pas avoir de poste, et de n'être auditionné que pour faire le nombre (voir plus bas). Tâchez de connaître les spécificités de votre discipline, et plus encore celles du ou des labos où vous candidatez...
- Apprenez à reconnaître les postes moisis. Les labos où on ne recrute que local, ceux où le poste est promis à machin parce qu'il y a un service à rendre à truc ou parce que ça fait trois fois qu'ils essaient de le recruter. Ceux où le management est mandarinal et où une seule personne décide de tout. N'y participez pas: ça coûte cher, c'est mauvais pour l'ego (on a vite l'impression qu'on est le bon con de service, qui a payé de sa poche son rôle de figurant permettant de rendre l'audition légale), et ça aigrit très vite.
- Je déconseille les candidatures "spontanées", que ce soit au CNRS ou pour un poste de MdC: une candidature dans un labo ou personne ne vous connaît, non soutenue en interne, au moins par une équipe à défaut de par tout le labo, est souvent vouée à l'échec, notamment au CNRS.
Bon, vu que c'est par une candidature de ce type que j'ai obtenu mon poste, quelques précisions: si vous tentez le coup, soyez, comme pour le reste, pro-actif. Contactez les gens dès parution du poste, allez les voir, présentez-leur vos travaux, posez des questions, tâchez de savoir si les choses sont ouvertes... faites en sorte, pendant les deux mois entre la parution du poste et le choix des candidats, de vous imposer comme une possibilité crédible.
- Chiadez votre projet de recherches. Obligatoire au CNRS, il est souvent demandé officieusement aussi pour les postes MdC. Le plus simple est de le rédiger avec l'aide de votre future et potentielle équipe d'accueil si elle l'autorise (si non, vous pouvez tenter de jouer la carte du flou artistique qui ne fâchera personne, mais cela ne suffira probablement pas dans le cadre d'une audition CR).
Attention à ce que votre apport personnel y apparaisse visiblement (typiquement, il ne faut pas que ça ressemble à une ANR refusée refourguée, ou "n'importe quel post-doc" pourrait faire le job: il faut que le projet vous corresponde). A l'opposé, il ne faut pas que le projet donne trop l'impression que vous ferez ce que vous avez envie de faire sans vous préoccuper des thématiques de l'équipe d'accueil: le projet doit montrer une adéquation labo-candidat (et profil recherché, dans le cas des postes MdC).
- En conséquence, je pense qu'il vaut mieux cibler quelques candidatures (disons 1 pour le CNRS, en mars, et 3-4 maximum en MdC au mois de mai, sur les postes dont les profils vous semblent a priori intéressants) que se disperser et candidater partout au petit bonheur avec un projet bateau qui ne convaincra nulle part.
Il me semble assez nécessaire de "choisir", dans une certaine mesure, son poste, surtout pour un MdC qui sera amené à y rester au moins 3 ans et où les mutations sont assez complexes: se retrouver dans un environnement, avec des collègues qu'on ne supporte pas, ou devoir bosser sur des sujets dont on se contrefout éperdument, ça fait vite retomber la joie d'avoir enfin un poste.
- Préparez à fond l'audition: une bonne planche peut largement rattraper un dossier "moyen" (surtout pour les postes MdC où on prendra en compte les "qualités d'enseignant"). Respectez le timing, soyez pédagogue, ni trop technique ni trop vulgarisateur. Ne faites pas trop dans la récitation, ne soyez pas "surpris" par vos slides, faites preuve d'enthousiasme sans paraître grande gueule.
N'oubliez pas que vous avez entre 10 et 20 minutes (temps variable fixé par la commission) pour présenter tout ce que vous avez fait (thèse, post-doc(s), enseignements) et tout ce que vous allez faire (projet de recherches), soit grosso modo un slide par an de travail. C'est un exercice de style très particulier qui doit se travailler...
Potassez les questions, essayez d'amener en douceur le jury sur ce dont vous avez envie de parler... bon, facile à dire, mais si vous êtes nul à l'oral depuis le bac français et que vous n'osez pas parler de vos travaux dans les congrès, je vous conseille d'aller lire les points ci-dessous.
- Sachez aussi ne pas vous acharner. Plus on s'attarde dans l'antichambre postdoquesque, plus la reconversion est délicate, et plus ces années sont considérées comme perdues par les futurs employeurs. Si vous enchaînez les classements dans toutes les auditions où vous vous présentez, je pense qu'il faut continuer même si le découragement pointe (les commissions connaissent les classements antérieurs et il y a de nombreux cas de "récompense pour efforts fournis"). Si par contre vous n'avez jamais été classé en deux campagnes, sachez dire stop, parce que ça signifie qu'il y a probablement quelque chose de rhédibitoire dans votre dossier.
- Toujours dans la continuation: interprétez intelligemment ce qu'on vous dit. Ou, souvent, ce qu'on vous sous-entend. Si un ancien chef, embêté, ne répond pas à vos mails et finit, contraint et forcé par vous marmonner au téléphone "ouais non, la lettre de recommandation, euh, je pense pas, tu comprends, je serai pas là j'ai pas le temps tout ça...", si on vous dit "non, non, rien n'est joué, mais quand même, tu es sûr que tu veux candidater?"... comprenez à demi-mot. Soyez honnête avec vous-même: si vous avez sorti un papier en 5 ans, si vous êtes incapable d'aligner trois mots en public, si ça se passe mal partout où vous passez, si vous avez eu un gros conflit avec un big ponte qui a la réputation d'être rancunier... sachez dire stop. Vite.
Ne garnissez pas les rangs des intérimaires de la recherche de plus de 35 ans, voguant de contrats de 12 mois en contrats de 6 mois, qui semblent avoir abandonné depuis longtemps toute espérance mais ne paraissent plus en mesure de faire autre chose.