"Bois mort".
Expression utilisée dans le domaine académique américain pour désigner les Professeurs inactifs.
Si on se réfère au système académique français, nous avons tous l'impression que ça existe, qu'on en a rencontré, qu'il y en a dans tous les labos.
Cela dit, il me semble qu'il convient d'abord de s'entendre sur une définition commune de ce qu'est un "deadwood", ou de ce qu'est l'"inactivité" pour un Professeur (ou un personnel technique) dans un laboratoire.
En fait, définir clairement ce qu'on entend par deadwood n'est pas si facile:
Pour FSP, "la" blogueuse académique scientifique américaine, un "deadwood" est un Professeur mâle, âgé, qui n'a jamais été très productif car embauché à une époque où les critères de réussite étaient plus coulants.
C'est un peu vague.
Le critère de l'âge est d'autre part assez propre aux US où il n'y a d'une part pas de retraite obligatoire pour les Professeurs, d'autre part le système de "tenure track" qui pousse les gens à se bouger fortement pendant les 5-10 premières années de leur carrière.
En France, techniquement, on peut glander dès nomination (ou au bout d'un an, après la titularisation), mais il faudra partir à 60-65 ans (encore que, c'est susceptible de changer...).
Faisons donc une petite étude de cas, appliquée au système français:
- dans une grande école d'ingénieur. Un Professeur sans cours magistral (pourtant, a priori, seuls les Professeurs dispensent des CM dans cette école, les MC étant affectés aux TPs-TDs), qui se contente d'un TP dans l'année, qui n'a plus d'étudiants ni de projets financés (même quand il en demande on fait en sorte qu'il ne les obtienne pas), qu'on a mis seul dans un bureau le plus loin possible des autres permanents.
Oui, mais il a été (très) productif à une époque.
Oui, mais il possède toujours des équipements assez peu courants qu'il est le seul à maîtriser, forme des étudiants dirigés dans d'autres instituts ponctuellement, et finit par se retrouver sur suffisamment de publis pour être considéré comme publiant pour l'AERES. Voire, pour plus publier que certains collègues qui pourtant le méprisent.
- dans un établissement d'enseignement supérieur un peu à part (ni Université, ni IUT, ni grande école). Un Professeur classe exceptionnelle qui a construit une superbe carrière avant tout sur le relationnel, dans une "boutique" et à une époque où les critères d'évaluation ne sont pas ceux que l'on connaît (selon Web of Science, 11 articles publiés, h-index = 4, tout en se débrouillant pour n'assurer qu'une moitié de son service voire moins).
Oui, mais il ramenait au labo des étudiants, des contrats industriels et même du matos, pour des raisons qui m'échappent.
Oui, mais il contribue aussi au lancement d'antennes au Maghreb (même s'il en profite visiblement bien aussi) et a lancé un certain nombre de formations.
- un collègue qui n'a plus fait de recherche depuis les années 80.
Pour certains, c'est un critère déterminant de deadwoodisme.
Oui, mais il assure quasiment double service d'enseignements (certes payés en HC sur ce qui devrait être son temps de service*), accepte les cours pénibles que personne ne veut faire, et gère un peu les emmerdements liés à la réservation des salles, les plannings etc.
Et il ne passera jamais Professeur.
- un ingénieur de recherches fervent adepte du 9 to 5, responsable d'un appareillage mais jamais disponible pour former sur la machine (et qui vit mal quand de guerre lasse on finit par demander à quelqu'un d'autre), qui explique qu'il n'est pas la pour préparer les échantillons et qu'il faut recruter un technicien pour ça, et qui refuse de participer à des enseignements depuis qu'on lui a expliqué qu'il ne serait plus possible de lui rémunérer 200 heures complémentaires.
- il y a aussi ces EC ou Professeurs avec tellement de décharges administratives et autres délégations qu'ils en deviennent invisibles au laboratoire, tant en enseignement qu'en recherche.
Etc.
A mon humble avis, je dirais que dans ces exemples, il n'y a qu'un seul "deadwood" et il n'est pas enseignant-chercheur.
On peut critiquer les règles qui permettent ce qu'on peut considérer comme des écarts dans les autres exemples: heures complémentaires d'enseignement réalisé pendant ce qui devrait être un statutaire de recherche, décharges administratives "à la Luc Ferry", etc.
Mais dans tous les cas, ces personnes sont utiles au système, même si ce n'est pas forcément dans l'établissement qui les emploie ou en effectuant la fonction première pour laquelle ils sont censés oeuvrer.
Si on entend par "deadwood" le plus petit dénominateur commun: pas du tout de recherche, enseignement réduit au strict minimum sans aucun investissement pédagogique, pas de gestion/d'administration universitaire, je pense que ça concerne vraiment peu de monde.
* certaines personnes considèrent ceci comme un outrage. Personnellement, je m'en tape. S'il y a des gens qui sont disposés à faire ce qui me sort par les trous de nez, tant mieux pour moi. S'ils sont rémunérés pour ça, tant mieux pour eux.