Attention, billet tendance réac.
J'avais déjà évoqué cette idée dans un précédent article, mais je me demande si l'une des difficultés principales dans l'enseignement des sciences dures dans le supérieur n'est pas tout simplement la pratique, ou plutôt la maîtrise, de la langue française.
Mon hypothèse, c'est que les difficultés que l'on rencontre à faire passer des concepts scientifiques parfois basiques (je ne fais rien de très compliqué d'un point de vue physique ou mathématique) sont souvent liées à une "incompréhension" linguistique. Partiellement ou exclusivement, c'est une autre question...
Mais quand 15% environ d'une promotion (niveau M1) confond "statique" et "statistique", que cela se répète bon an mal an d'une promotion à l'autre, c'est je pense assez significatif: les deux mots se "ressemblent", mais leurs sens n'ont absolument rien en commun.
C'est un exemple parmi d'autres, j'avais mentionné dans mon article précédent la difficulté pour certains à comprendre ce qu'est une "masse volumique" alors que le nom qu'on lui donne est on ne peut plus clair.
De façon plus générale, j'ai beaucoup de mal à faire passer des notions de modèle physique, d'interpolation, d'extrapolation, de limite, d'homogénéité etc.
Je m'aperçois également que souvent, mes énoncés, en TD ou en examen, ne sont pas compris, pour des questions de syntaxe ou parfois de vocabulaire (ça vient peut-être de moi, mais généralement mes textes, sur le blog ou ailleurs, ne suscitent pas l'incompréhension de ceux de Kant).
Je me souviens par exemple d'un examen où j'avais demandé une démonstration "rigoureuse", le mot étant souligné, d'un résultat du cours. Visiblement, moins de 10% de la promo a saisi que cela voulait dire que je ne souhaitais pas la version raccourcie.
Ok, je n'enseigne ni à Ulm ni à Polytechnique, mais tout de même dans des établissements relativement reconnus à un stade où les étudiants ont déjà été un peu sélectionnés.
Alors je ne vais pas faire d'interprétation. Je ne vais ni faire mon Finkielkraut et dire que c'est la faute de l'immigration de masse. Une bonne partie de mes élèves est aussi terroir qu'on peut l'être. Je ne vais pas non plus faire mon Brighelli et dire que c'est la faute du pédagogisme, de l'appauvrissement de la Culture et du rap (il parait que les rappeurs américains ont plus de vocabulaire que Shakespeare, alors...). Enfin, je ne vais pas faire L. Bonod et mettre en cause Wikipédia.
A vrai dire, je ne sais même pas si mon constat est justifié ou si c'est juste une manifestation du syndrome du vieux con associé à celui du prof blasé.
D'autres collègues ont-il constaté cela? Y a-t-il eu des "études" plus quantitatives sur le sujet? Si c'est avéré, y a-t-il des interprétations qui vont un peu plus loin que le café du commerce? Dois-je me mettre à faire lire Notre-Dame de Paris à mes étudiants?