Le 5ème arrondissement n'est pas forcément l'arrondissement le plus excitant de Paris, gastronomiquement parlant.
Entre les usines à gastroentérite du quartier de la Huchette et les déserts résidentiels, les pépites sont rares.
Quelques restaurateurs ambitieux, tels Sylvain Sendra chez Itinéraires, ont cherché à donner un coup de fouet au quartier et s'en sont, semble-t-il, quelque peu mordu les doigts.
Malheureusement, j'y ai travaillé ou étudié presque 10 ans, et vécu 3, plus 5 à proximité immédiate. Il se trouve que, le vendredi soir notamment, ça reste souvent notre point de rendez-vous.
On a donc eu l'occasion de tester bien des troquets, gastros ou rades de quartier, et finalement le tableau n'est pas si noir.
Voici un bilan-balade de quelques adresses allant de très potable à très bien si vous êtes dans le quartier, et que vous me faites confiance, bien entendu.
Certains néobistrots dans le coin de Saint-Michel sont, de notoriété publique, très bons, comme le Pré Verre, cuisine imaginative jouant beaucoup sur les épices, même s'il n'est plus aussi hype qu'il y a 5 ans, ou Ribouldingue, spécialiste des abats, dont je n'ai pas été fan.
Plus haut vers Luxembourg, on trouve les Papilles, cave à vins aux tarifs un peu déraisonnables (marge et droit de bouchon élevés), mais au bon accueil et au menu carte entrée-plat-fromage-dessert d'un bon rapport qualité prix (autour de 32 euros si je ne m'abuse) et avec une charcuterie de malade à l'époque en tout cas. Possibilité de réserver la table d'hôtes au sous-sol pour environ 12 personnes...
Dans le quartier des Gobelins, deux petits nouveaux ont eu un peu de presse, l'Agrume, et le Tourbillon. L'Agrume est culinairement ambitieux, le Tourbillon un peu moins, les deux sont tenus par des jeunes couples et des chefs bien formés qui vivent la leur première expérience "solo".
La rue de l'Agrume (rue des Fossés Saint-Marcel) est d'ailleurs en train de devenir, toutes proportions gardées, la rue Christian Constant Saint-Dominique du 5ème, puisqu'on y trouve également Agapes, à mon goût plutôt moyen - un poil vieillot et déprimant- mais qui a eu quelques bons échos.
Desvouges, un bistrot à vins alors en voie de décrépitude, a également changé de main il y a six mois: repris par deux bons vivants du Sud-Ouest (où en tout cas branchés par la cuisine de là-bas), "un petit coup de peinture plus tard", on y passe désormais un très bon moment. Carte un peu originale et pas légère pour un sou (saucisson cuit au vin et échalottes, cassollette d'escargots, nem toulousain, cannelloni au confit de canard etc). On ajoute une tarte aux pommes, caramel beurre salé, un mi-cuit ou du frometon, plus un bouteille de rouge du sud-ouest et on s'en tire pour 30 euros: à ce prix là, ça change agréablement du tartare-café gourmand.
Service super sympa, rigolard et passionné, qui nous a payé un coup pour se faire pardonner de s'être gouré sur l'addition (compter 4 couverts au lieu de 3, je pense que c'était plus de l'inattention ou un coup de trop qu'une subtile manoeuvre pour nous arnaquer).
A recommander comme adresse de quartier, voire un peu mieux, pas prise de tête. Surtout que ça ne semble pas la cohue.
Hier soir, dîner impromptu au Resto, rue Tournefort, derrière Mouffetard, qui a remplacé il y a deux-trois ans la Table Corse, excellent restaurant d'où vous devinez, malheureusement desservi par un service réservé uniquement aux habitués (le bon con de base devant accepter de manger son entrée-plat-dessert en 3h, le temps que la patronne finisse de tailler le bout de gras avec ses potes).
Appeler son micro-restaurant le Resto me semble une mauvaise idée, parce qu'en terme de référencement internet, difficile d'émerger... Et même trouver l'adresse relève de la gageure.
C'était plutôt désert hier soir, mais les deux jeunes femmes, en cuisine et au service, se sont bien occupées de nous, et on a pas mal mangé pour 28 euros. Tartare de crabe, poire rôtie au roquefort, terrine, onglet, canard, navarin, mi-cuit, tiramisu... du classique avec un petit effort de présentation ou dans les accompagnements (brick de légumes, etc), et un côté léger et féminin pas désagréable.
Je trouve cependant également étrange de proposer à la carte des vins une majorité de bouteilles au-dessus de 50 euros, voire entre 80 et 100 pour accompagner un menu-carte à 28 mais bon... quelques références dans les 25 euros quand même, qui ne m'ont pas semblé des découvertes fabuleuses, mais correctes.
Je ne sais pas si j'y retournerai, mais on ne fait pas beaucoup mieux dans le voisinage immédiat de la Rue Mouffetard.
A part bien sûr, le nettement plus haut de gamme la Truffière, qui fait, avec son côté vieille demeure, son menu du midi à 28 euros et sa très belle et exhaustive carte des vins, le bonheur des chercheurs des écoles ou facs environnantes pour emmener des collègues étrangers en "repas d'affaires" réunion de travail. Le soir, ça devient plus musclé niveau addition (dans les 70 euros ou plus) et je n'y suis jamais allé.
On peut néanmoins sur cette rue sympathique quoique trop touristique manger autre chose que les crêpes du Petit Grec: la Montagne (rue du Pot de Fer) est un rade qui présente surtout l'intérêt de vendre des bières pas chères et draine ainsi une partie de la jeunesse du coin, mais ils ont des burgers et tartares corrects pour une douzaine d'euros.
Pas beaucoup plus cher et assez similaire mais je pense d'un poil meilleure qualité, en tout cas pour manger, la Cave la Bourgogne, tout en bas de la rue Mouff', nourrit copieusement à base quasi exclusive de viande, de patates et de fromage, à rapprocher de Lili et Marcel (Bercy) ou de l'Alouette (Glacière). Pas beaucoup de vert dans les salades, de la quantité et une certaine qualité, et en conséquence pas mal d'affluence midi et soir.
Il y a aussi avec une carte similaire le Tournebride, au milieu de la rue, encore un peu plus cher (et me semble-t-il uniquement le midi pour manger).
On peut manger italien (pâtes, charcuterie, fromage) dans une rue parallèle chez Nonna Ines, une petite trattoria peut-être un peu chère (autour de 17 euros le midi, 30 le soir) mais charmante.
Ou, au niveau du métro Censier (rue Monge), une pizza égyptienne copieuse (et pas toujours bien cuite aux heures de pointe) à la Comedia pour une douzaine d'euros, agréable surtout pour sa terrasse sympa en été.
Toujours au niveau du métro Censier, on peut aller goûter la cuisine grecque, version gastronomique, chez Mavrommatis, ou plutôt, à mon goût, chez le petit frère plus décontracté (même proprio, ambiance plus bistrot) Aux délices d'Aphrodite. Une quarantaine ou cinquantaine d'euros le repas complet, selon le degré de lâchage.
Un peu plus haut rue Monge, nous allions de temps à autre manger au Foyer Vietnamien. Je ne m'y connais pas assez en cuisine asiatique pour vous dire ce que ça valait de façon absolue, mais le menu étudiant à 8 euros (si mes souvenirs sont bons) calait son homme.
De l'autre côté de la rue Mouffetard, en remontant vers Jussieu, on peut trouver plusieurs bons bistrots là depuis toujours: il y a le Buisson Ardent et son menu de bon niveau à 30 euros aux parfums un peu exotiques.
Je n'y suis jamais allé, mais Moissonnier et le Moulin à vent, rue des Fossés Saint-Bernard, avaient bonne réputation il y a quelques années. Il se peut que ça soit moins vrai aujourd'hui.
On peut néanmoins trouver dans la même rue l'AOC ou nous avions une fois fort bien mangé, dans le style bonnes viandes copieuses et patates, pas donné, il y a aussi pas mal de temps. Il semble que ça soit toujours les mêmes proprios.
En continuant sur la rue jusqu'aux quais, vous tomberez sur la Rôtisserie du Beaujolais, l'annexe bistrotière de la Tour d'Argent, idéal pour épater les amis touristes qui voudraient un goût de vieille France, de brasserie, de ripailles viandardes et de serveurs en tablier. Dans les 40 euros si ma mémoire est bonne.
En remontant la rue des Ecoles pour retourner d'où nous sommes venus, vers le Pré Verre, vous tomberez sur B.I.A., le véritable "diner" à l'américaine. Très bon burger pas très cher, mais il faut avoir envie de faire la queue une demi-heure pour l'avoir, et d'avoir pour uniques voisins de tables des adolescents en goguette.
Pas très loin de là vous trouverez le Louis Vins, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, un bistrot où j'aimais bien aller il y a environ 3 ans, avec un menu à moins de 30 euros (plats classiques et pas mal d'abats), une jolie cave et un patron super sympa.
Voila, je crois avoir fait le tour, je complèterai si des oublis valant le coup me reviennent en mémoire...
Et la prochaine fois, je vous montrerai que je suis aussi un baroudeur qui n'hésite pas à délaisser son petit nid et on parlera de restos dans le 13ème, le 6ème, et même en province.