L'an dernier, j'expliquais, sans être le premier, que le système français de recrutement pour le poste de Maître de Conférences, était, grosso modo, un sacré bordel.
Quelques causes:
- le plus souvent, une absence de politique scientifique globale au sein d'un labo (hormis celle du chacun pour sa gueule et du tirer dans les pattes de l'autre): d'où généralement, des "profils" de poste de 4 lignes les plus vagues possibles, afin que chaque groupuscule du labo puisse y glisser ses deux mots clefs et en conséquence présenter ses candidats.
- l'"égalité républicaine", un peu moins poussée qu'au CNRS -où le seul moyen de ne pas être auditionné est quasiment d'avoir oublié d'appuyer sur "valider" lors de l'élaboration de son dossier en ligne-, mais qui consiste tout de même à auditionner 8 candidats là où seuls quatre ont une chance quelconque d'obtenir le poste.
Quelques conséquences:
- L'audition même ne représente que 25 minutes chrono au sein d'un processus qui prend deux mois. En plus d'être un exercice à part qui reflète plus le talent d'acting et un certain don pour la maîtrise du flou artistique, cela signifie que:
- La valeur des candidats, sans être secondaire, est parfois fortement balancée par des jeux de pouvoir, copinages et autres renvois d'ascenseurs -pudiquement appelés de la "politique interne"- pouvant s'étendre sur plusieurs années.
- La moitié de la France de la recherche -celle qui a un poste permanent- examine l'autre -celle qui aimerait en avoir un- pendant le mois de mai (heureusement il reste les thésards pour bosser). Et comme en France, les permanents sont des gens importants, et les non-permanents de la merde en boîte, le système est plutôt pensé pour faciliter la vie aux premiers cités.
Alors, quand j'étais aux US, je pestais parce que d'un côté on me prévenait deux semaines à l'avance pour une audition et que de l'autre on exigeait que je réponde dans la minute dès qu'il fallait envoyer pour la vingtième fois le même document, parce qu'on me demandait de venir faire un séminaire puis qu'on me modifiait les dates parce que quelqu'un de vraiment important venait finalement ce jour-là, parce qu'on me faisait claquer 800 euros pour venir jouer la comédie vingt minutes, etc.
Maintenant, je suis sur place, et ça a ses avantages: le postage du dossier estampillé développement durable de 12 kilos est moins usant psychologiquement, et le prix de mes candidatures est compris dans mon forfait Intégrale puisque je ne me présente qu'en région parisienne cette année.
Postulant dans le labo où je travaille actuellement (je suis donc un semi-local, et, à titre de précision pour les farouches opposants, je ne suis pas le seul), l'inconvénient majeur est en fait que je suis aux premières loges pour évaluer en direct les tractations inter-équipes, les triples jeux et tactiques, les commérages et autres commentaires plus ou moins bienveillants sur les candidats, l'analyse digne d'"On refait le match" des forces en présence, etc.
Sans être omniprésent, c'est assez poussé pour que ça en soit un rien pénible. Et, vu que l'audition est dans un mois, je pense que ça va finir par devenir stressant.
Et que je vais finir par regretter le bon vieux temps du Candide qui débarquait à Charles-de-Gaulle 24h avant l'audition et avait eu autre chose à foutre que d'éplucher en détail le CV des autres candidats...
Pour finir sur une note plus réjouissante, enfin, si on veut, digne des 12 travaux d'Astérix, il semble que le dit laboratoire s'apprête à me convoquer pour une pré-audition. Vous savez, ce truc vaguement illégal que les labos font quand même... (cela dit, si un candidat lambda suit scrupuleusement la procédure légale, il ne sera probablement jamais auditionné, alors on est plus à ça près).
Sachant que j'ai déjà été candidat chez eux l'an dernier pour un poste MdC et cette année pour un poste CNRS, j'y ai déjà fait un séminaire et deux pré-auditions. Sachant d'autre part que je présente le même projet et qu'en 11 mois mon CV n'a pas radicalement été bouleversé, on mesure l'utilité de la chose...
Remarque je me dis que ça sera plus pénible pour ceux qui auront à faire semblant d'écouter le même speech pour la troisième fois que pour moi à le donner.
Je crois que mon chef essaie de nous (on est 3-4 dans le même cas) et de s'éviter ça, mais je crains que le règlement ne soit le règlement...