Pendant que les "so-called" italiens nous bassinent* sur le massacre à la crème fraîche de la "carbonara", personne ne s'insurge sur une autre hérésie gastronomique: le fromage râpé dans le gratin dauphinois. Je perds un an de vie chaque fois qu'on l'évoque devant moi.
Donc je prends ma plume pour vous apprendre une "vraie" recette de gratin dauphinois**.
Y a pas plus con, il suffit juste de suivre quelques principes: c'est un plat riche, donc vous oubliez la crème allégée et autres conneries, et il ne faudra pas lésiner: en gros une brique de crème entière liquide 20cls par personne, celle à 30 ou 35% de matière grasse. Quant aux patates, un aphorisme de ma presque belle-mère résume on ne peut mieux ma pensée: "il n'y a jamais trop de patates".
C'est un plat simple, puisqu'il n'y a que deux ingrédients: de la crème et des patates (avec sel et poivre bien sûr, et en bonus potentiel un peu de beurre pour ceux qui aiment se la jouer chef, et un peu d'ail si vous voulez puer de la gueule).
Si vous voulez foutre du fromage, moins de crème, des oignons, des lardons, de la chapelure, ou je ne sais quelle connerie, libre à vous mais dites que vous faites un gratin de patates, une tartiflette ou du gloubi-bloulga et ne venez pas me chauffer à blanc.
On prend des patates "anciennes" (bien bourrées d'amidon), assez volumineuses si possible. Une fois lavées puis épluchées, le but est de les couper en tranches le plus fines possibles, par exemple avec une mandoline, sinon un bon couteau. C'est un peu long et fastidieux (les tranches doivent faire 1/3 ou 1/4 de mm si on fait les choses bien), mais ça n'a rien de compliqué. Au pire, vous mettez du Manowar en fond sonore pour vous donner du courage. On ne rince surtout pas après la coupe, c'est l'amidon qui fera la liaison avec la crème.
On étale 4-5 couches de pommes de terre le plus uniformément possible dans un plat frotté au beurre et à l'ail écrasé si ça vous fait plaisir, de sorte à avoir quelques mms d'épaisseur. On sale, on poivre, on recouvre de crème jusqu'à affleurer à la surface des couches de patate (environ une brique: ne pas avoir peur, ça doit "baigner"). On recommence jusqu'à avoir environ 3-4 cms d'épaisseur au total dans le plat. C'est un plat de terroir, alors c'est pour 4 minimum, plutôt 6 ou plus, on n'est pas dans les conneries chichiteuses de verrines d'un dîner presque parfait.
Les chefs recommandent souvent de mettre en plus quelques noix de beurre sur le dessus du plat, soit pour les plus extrêmes entre les couches (pour eux, il faut toujours mettre du beurre pour que ça ait du goût), mais avec en gros 1L de crème fraîche pour 4, j'ai décidé de songer à mon cholestérol.
On enfourne à four préchauffé 180°C, environ 2h.
La crème peut déborder facilement au cours de la cuisson, prenez un plat haut ou protégez votre four... Si cela dore trop en surface, on recouvre d'un papier alu et on peut baisser un peu, 150°C.
Le temps est indicatif (cela peut être plus que 2h): lorsque c'est prêt, il ne doit pas rester de crème "résiduelle"; le gratin est "solide", confit sans être sec, mais on peut quasiment le découper et il offre de la tenue. Le "gratiné" en surface est assuré par la crème fraîche.
Il y a des variantes (Michel Rostang préconise un mélange lait - crème, mais alors il faut faire bouillir, etc; Guy Savoy utilise un bain marie: bref, c'est plus compliqué), mais l'essentiel est là et le reste n'est que littérature. La conclusion, c'est gardez votre râpé pour autre chose, par pitié.
* à raison, mais sans vraiment comprendre que la "carbo" lardons leader price crème fraîche premier prix ne se targue pas d'être authentique: c'est un plat réalisé par les étudiants fauchés et les célibataires qui n'ont aucune envie de cuisiner. Des lardons de merde et de la pancetta et du parmegiano achetée chez le traiteur italien ne s'adressent pas à la même clientèle...
En ce sens, le massacre du gratin dauphinois est autrement plus scandaleux: l'"authentique" ne coûte pas plus cher et n'est pas plus chiant à préparer que son ersatz (il est un peu plus long à cuire).
De toute façon, certains italiens sont persuadés qu'ils ne bouffent que des pâtes et de la pizza parce que Catherine de Médicis a dans sa dot ramené en France tous les grands chefs italiens: bref, que la grande cuisine française est italienne, pendant qu'ils n'ont gardé que les plats de pauvres...
** je ne suis pas dauphinois, mais les blogueurs experts de l'Italie ne font qu'y vivre depuis trois ans, alors pourquoi je pourrais pas me la raconter moi aussi?