Eh ouais, le syndrome Poulidor a encore frappé. Pour la 3ème fois en 5 auditions, je termine sur le podium, 2ème une 2ème fois.
Alors, rien de scandaleusement scandaleux, on n'est pas dans un cas où je me suis fait passer devant par quelqu'un avec 0 publis et pour seul atout d'être pote avec la moitié de la commission.
Ou plutôt, ce fut un scandaleux un poil plus subtil.
Car il me semble que, quand le lendemain de l'audition, la présidente de la commission s'excuse à moitié en te voyant, quand un des membres extérieurs se fend d'un coup de fil au chef pour expliquer que si le labo continue à faire de la merde comme ça, ils peuvent se passer de faire venir des extérieurs, quand même la directrice de labo, un rien confuse, déclare qu'il serait bon d'envisager de faire quelque chose pour toi, ce sont autant de signes forts que oui, tu t'es fait baiser la gueule.
Largement en tête au premier tour de vote lors des délibérations (il me manquait une voix pour la majorité absolue et passer au premier tour), je me suis retrouvé à égalité au second tour, et, après 4h de discussions intenses, j'ai été victime d'un coup de couteau dans le dos de la part d'un tout petit mec faux derche comme j'avais rarement vu.
Que ce gars là ne puisse pas me saquer ou veuille faire une crasse à l'équipe chez qui je présentais, why not. Mais je ne comprends pas pourquoi il se la joue pote avec moi en venant me tchatcher dans le bureau dès mon arrivée (alors que je ne savais même pas qui c'était), allant jusqu'à me donner des conseils pour l'audition il y a trois semaines (que je n'écoutais que d'une oreille puisqu'on m'avait annoncé que c'était un faux cul, et que de plus, au bout d'un moment, les conseils ça va bien), et allant jusqu'à me dire juste après l'audition dans le cadre d'une pause clope que ce que j'avais fait était hachement bien.
Monsieur Connard a donc osé balancer qu'il ne se sentait pas de bosser avec moi et qu'il préférerait l'autre candidate. Alors, c'est son choix même si étant là depuis à peine six semaines et enchaînant auditions sur auditions, il pourrait difficilement prétendre me connaître, humainement et scientifiquement. Et vu qu'il ne branle rien de toute façon et qu'aucun de nous deux n'avait mentionné son existence lors de nos présentations, l'argument était faible. Oui, mais il était 19h, l'ambiance au labo est connue comme être un peu fraîche et deux membres extérieurs qui voulaient se barrer et ne pas en rajouter ont donc changé d'avis.
End of the story.
Je crois que le pire, c'est que je suis le seul candidat ayant fait vraiment consensus, à savoir le seul pour lequel tous les membres du jury (même ceux qui n'ont pas voté pour moi) se sont accordés à dire que j'avais un bon dossier, un projet solide, que j'avais fait une bonne audition et bien répondu aux questions, "honnête mais positif".
J'étais vraiment satisfait en sortant, et apparemment j'avais bien réussi à éviter l'écueil toujours possible du "lui il est bon, mais il se la pète".
Personne n'a avancé un argument négatif à mon encontre au cours de 4h de délibérations, hormis, si on veut, El Connardo à 18h30.
Ca a l'air con comme ça, mais j'ai peut-être été "victime" d'une trop bonne candidature. Ca a l'air très con, et ça l'est, mais je vous explique: quand tu fais consensus, personne ne parle de toi pendant la délibération. Parce que quand ton nom arrive tout le monde dit "ah ben c'était vraiment bien, rien à dire". Et on passe, pour s'attarder et se prendre le bec sur les autres candidats. Du coup, quand vient le moment du vote, on t'a un peu oublié, et de plus personne n'a jamais suffisamment de burnes pour dire "bon, s'il est le seul à avoir convaincu tout le monde, pourquoi on s'emmerde?". Je crois que si les commissions ne passent pas 4h à se prendre le chou elles ont l'impression de ne pas avoir fait leur boulot correctement.
Au bout du compte, j'ai donc fini par me faire niquer pour des histoires surtout internes, un certain nombre de membres internes de la commission ayant en commun de ne pas pouvoir saquer ma boss, pour des raisons contextuelles (elle a une grande gueule), historiques (elle fait partie de l'héritage PGG, parti du labo en assez mauvais termes il y a 40 ans, chose que visiblement certains vieux de la vieille n'ont pas encore digéré*), et un rien de jalousie aussi (sans être une superstar, elle est plus reconnue internationalement que la grande majorité des autres vieux du labo).
Les extérieurs, eux, m'étaient apparemment majoritairement favorables.
La candidate retenue n'a rien d'une grosse buse, mais elle a suscité des interrogations au point que la commission a hésité à classer 5ème, puis 4ème etc.
Il y a quelque chose de bizarre dans un royaume où on te classe deuxième une année, où l'année d'après devant la même commission tout le monde s'accorde à dire que tu as mûri, progressé, où tous les autres candidats ont eu des arguments à leur encontre, que ce soit au niveau du dossier, du projet, de l'audition ou des trois, et où tu ne finis pas premier malgré tout...
Aujourd'hui, 2ème audition où je suis allé un peu en free lance. J'ai encore quelques irritations au fondement, même si je peux m'asseoir à nouveau. De plus le poste me laisse un peu songeur, je ne sais pas vraiment si j'en rêve ou pas. Cela ne s'est pas mal passé, difficile d'en savoir plus car c'est une communauté différente de celle que je fréquente habituellement. Je ne suis pas sûr que mon exposé ait captivé toute la commission, même si les gens ont été courtois et si je pense avoir fait une prestation honorable. Ne pas l'avoir me permettrait de ne pas avoir à me poser de questions (c'est un équivalent du syndrome de Stockholm: pris en otage par les auditions, je ne les supporte plus mais je ne veux pas m'en séparer).
Fin de la campagne 2010 ce soir...
Reste à savoir ce que la directrice entendait par "faire quelque chose": si c'est appuyer ma candidature au CNRS l'an prochain, je pense que ça ne suffira pas pour me convaincre. Le labo n'a pas grande chance de recruter, et je sais que même s'il m'appuie, il présentera sûrement d'autres candidats brillants.
Comme l'équipe avec qui je travaille commence à manquer de bras (permanents ou semi-permanents), si le labo me propose un contrat "jeune chercheur", ces postes sur projets de 3 ans renouvelables avec un salaire de CR1, on pourra discuter.
Ca laisse le temps de voir venir et d'avoir la commission CNRS à l'usure...
Wait and see donc, mais hier j'étais prêt à aller voir si Saint-Gobain aurait pas une petite place pour moi.
Parce que j'étais un petit jeune qui n'en veut, je suis maintenant un moins jeune désabusé, je ne voudrais pas finir en vieil aigri avant l'heure.
* pour ceux qui croient que la Science c'est le monde des bisounours: eh bien non. Les rancunes sont tenaces, et comme les carrières se font surtout grâce aux cerveaux, les guerres d'ego sont légions. C'est un peu comme le sport de haut niveau: il y a ceux qui acceptent l'idée qu'aussi balèze que tu sois, il y a de bonnes chances que tu finisses par affronter quelqu'un d'encore plus balèze. Et d'autres, la majorité, qui ne l'acceptent jamais.
Chez certains, ça pousse au dépassement. Chez d'autres, ça transforme en petite merde aigrie.
Par exemple, dans mon ex labo de thèse, le directeur du labo et d'autres permanents ne pouvait pas blairer mon directeur de thèse: ils le trouvaient nul, et l'idée qu'il obtienne l'immense majorité des financements et des étudiants du labo leur était proprement insupportable.
Certains se seraient remis en question (après tout, si un mec attire le blé et les thésards depuis dix ans, il n'est peut-être pas si nul), mais pas eux: le pire c'est qu'ils transmettaient leur haine sur ses étudiants. Si tu bossais pour lui, tu étais forcément une burne indigne. Au mieux, ils te manifestaient une indifférence polie, si tu étais discret et qu'ils te considéraient comme un médiocre parmi les nazes. Au pire, un mépris ironique pas trop dissimulé.
J'ai jamais vraiment compris, mais ce comportement de gamins prépubères, on le retrouve dans quasiment tous les labos français où je suis passé (un peu moins aux US où le chacun pour sa gueule et la culture de la gagne sont suffisamment bien ancrés dans les esprits pour que les permanents ne se fassent pas trop chier entre eux).