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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 09:58

Il y a un blog, découvert par hasard*, que j'aime bien, qui ne fait pourtant a priori pas vraiment partie de mon univers: il ne parle pas de science, pas de bouffe (à part le McDo), pas de musique. Il parle beaucoup de littérature, mais souvent de types qui me sont étrangers (bds, mangas, comics, SF...), de jeux vidéos (j'ai arrêté aux débuts de la PS2), des petites misères de la vie étudiante (ça fait quand même 7-8 ans que j'ai eu mon diplôme d'ingé), etc.

Mais, malgré cette dichotomie quasi-exclusive, ça fait partie des 10 blogs que je consulte régulièrement depuis environ un an, ce qui est assez rare pour être souligné.

Pourquoi? La personnalité de l'auteur telle qu'elle transparaît dans ses écrits, peut-être, son style assez catchy aussi. Et puis, sa "jeunesse", qui permet de nourrir virtuellement mon syndrome Peter Pan.

 

Bref.

 

Il y a peu, l'auteur du blog recommandait One Day, roman de Dave Nicholls. Sorti en 2009, il vient d'être traduit en français et on peut donc le trouver sur tous les promontoires Fnac.

Amateur féru de littérature anglaise contemporaine, n'ayant pas grand chose de captivant sur le feu, j'ai profité d'une visite chez WH Smith pour me l'acheter en V.O. (et surtout en poche parce que 25 euros dans un bouquin, faut pas déconner, sauf cas exceptionnel).

Puis, quelques semaines plus tard, je l'ai lu.

 

N'y allons pas par quatre chemins, j'ai trouvé que c'était de la merde en boîte.

 

Quelques détails maintenant:

 

First of all, rarement des personnages m'avaient autant agacé.

 

Généralement, les romans qui me les brisent menu sont commis par une certaine bourgeoisie incapable de regarder autre chose que son nombril, de parler d'autre chose que de ses petits problèmes de riches et de ses médiocres histoires de fesses, complètement insensible à la "réalité" du monde qui les entoure, qu'elle ne connaît de toute façon pas.

Un bon roman n'est pas forcément un manifeste historico-politico-économico-social à vocation universelle, mais il y a aussi des limites à l'onanisme, fut-il intellectuel.

Au tournant du 20ème siècle, les tenants de cette littérature boursouflée, très parisianiste, contente d'elle même sous un pseudo-vernis de dérision, sont Jean Cocteau, Raymond Radiguet (qui a au moins eu le bon goût de mourir jeune), Colette, etc.

Il y a ensuite eu une migration de Montparnasse vers Saint-Germain-des-Près, puis éventuellement vers certains coins du 16ème ou de Neuilly dont j'ignore l'existence, mais cette caste très franco-française existe toujours: les versions modernes des rebelles des beaux quartiers sont Emma Becker ou Lolita Pille, qui surmontent leurs problèmes existentiels de gosses de riches en racontant par écrit et in extenso leurs soirées "sodomie et coco" (pour la version quinqua, voir Houellebecq ou Angot).

Du grand art sûrement, et idéal à commenter au Flore, mais moi je m'en branle: j'irais même jusqu'à dire que la vacuité d'une existence érigée en manifeste artistique et portée aux nues par une critique consanguine m'irrite (le fondement).  

 

Je n'avais encore jamais vu d'exemple de roman à ce point self-absorbed chez nos amis anglo-saxons - un bon point pour eux-, c'est désormais chose faite. En version plus populo, certes.  

 

Donc, les deux personnages sont franchement insupportables:

- lui est purement et simplement "obnoxious": fils de bonne famille, beau gosse, oisif, inculte, inepte, content de lui.

- elle est ce qu'on appelle outre-Atlantique une "whiny bitch". Jamais heureuse, toujours à pleurer sur son sort, trop grosse, trop moche, trop célibataire, pas avec le bon mec, pas assez ci, pas assez ça, etc.

On est censé les suivre évoluer sur quasiment 20 ans, et on sent que l'auteur essaie de nous vendre leur maturité progressive, mais c'est un ratage complet, et ils restent en fait profondément les mêmes qu'à 18 piges: deux petits cons que je n'avais absolument aucune envie de connaître.

Alors, on peut kiffer un roman dont le héros est insupportable, mais il faut quand même que ça soit voulu par l'auteur (la Conjuration des Imbéciles, par exemple). Ici, il m'a semblé comprendre que les personnages sont censés être sympathiques, ou en tout cas le devenir au fur et à mesure... 

 

Même au-delà des personnages, leur histoire d'amour et d'amitié est également totalement creuse et absolument non crédible:

- un mec comme ça ne tombe jamais amoureux d'une fille comme elle.

A-t-on déjà vu un crétin semi-mondain obnubilé par son image et pensant avec sa bite dans les bras d'une "girl next door" mal fagotée? Peut-être, mais pas plus d'une nuit.

A-t-on déjà vu un crétin semi-mondain, alcoolique et qui pense avec sa bite, entretenir pendant dix ans l'amitié platonique d'une instit' de province chiante à mourir et donneuse de leçons?

Womanizer et "amitié homme-femme" me semblent deux concepts antinomiques, surtout si la gonzesse est une cruche (dans les Liaisons Dangereuses, ça passe). Du coup, leurs rencontres-retrouvailles dans les bars branchés sont largement aussi réalistes que les vaudevilles de Feydeau.

- Mais soit, admettons: la littérature, comme Closer et Voici, peut être là pour vendre du rêve. Je ne demande rien mieux que de croire à leur histoire si des éléments tangibles venaient m'y aider.

Là, rien. Visiblement, leur histoire commence par un coup d'un soir pré-remise des diplômes, même pas consommé.

Le couple, et ce dès le départ, semble n'avoir jamais rien à se dire, à part se balancer des pauvres vannes tellement écrites que même un épisode du Saturday Night Live paraît improvisé en comparaison.

Alors comme ils n'ont rien à se dire, ils passent leur temps à se sourire (la pauvreté stylistique et psychologique du roman est caractérisée par l'emploi à 1658 reprises du verbe "to grin" et de ses dérivés).

Même le climax décrivant la journée clé qui a tout fait naître est d'une médiocrité abyssale: ils se baladent presque sans un mot, font la sieste, se tripotent vaguement en échangeant trois poncifs sur le temps qu'il fait et le futur, rentrent pour baiser et sont interrompus par l'arrivée des parents du mec.

Peut-être que le coup de foudre existe, encore faut-il qu'il y ait quelques connections profondes à un moment ou à un autre pour que ça perdure, surtout lorsque les chemins ont toutes les raisons possibles de se séparer (ils sont diamétralement opposés en terme de carrière, de goûts artistiques, d'amis, d'opinions politiques...). J'ai du mal à accepter que sourires béats et un peu de chambrage suffisent à combler une relation de deux décennies: ici, on saura juste, pendant tout le livre, qu'ils se sentent bien quand ils sont ensemble, et que quand ils ne sont pas ensemble c'est pas pareil. Super, mais un peu court pour tenir 400 pages (parce qu'en plus, c'est long). 

 

Je passe sur les ficelles grosses comme les câbles du pont de Brooklyn (l'épisode de la "bouteille échangée" m'a profondément marqué, mais on peut aussi citer la déclaration d'amour qui aurait pu tout changer mais à deux minutes près finit sur le répondeur, etc), sur les clichés éculés utilisés de façon éhontée (le voyage initiatique en Inde, la découverte de Paris bohême - le 10ème arrondissement...- et l'histoire d'amour avec un mec qui s'appelle Jean-Pierre - sans déconner...), sur les emprunts à peine déguisés (si l'épisode du mariage où la nana un peu trop grosse arrive en retard et a des tâches de transpiration sous les bras, c'est pas du Bridget Jones...) et sur le dénouement tire-larmes à deux sous et jamais vu (p'tain, pile-poil quand ils réalisent qu'en fait ils sont faits l'un pour l'autre et qu'ils commencent à être heureux, paf, elle crêve comme une merde**).

 

Mais alors, pourquoi l'as-tu fini, connard?

Bon, déjà, j'ai expliqué ailleurs que, depuis quelques années, je finissais quasiment tous les livres que j'avais entamés au-delà de la page 20 (exceptions notables: Microfictions de Jauffret, et Vente à la criée du lot 49 de Pynchon).

Et puis, le procédé narratif est lui plutôt original: chaque chapitre décrit la journée anniversaire de leur rencontre, depuis celle-ci jusqu'à 20 ans plus tard. Cette journée, souvent banale, permet de faire le point sur leur relation, et est généralement racontée "des deux côtés", c'est-à-dire en décrivant successivement les tenants et aboutissants pour les deux personnages.

Et enfin, ça se lit plutôt facilement: c'est énervant, mais pas exigeant. Pour faire caca, ça vaut largement l'Equipe.

 

Mais quand même, avec 10 euros, je vous conseillerais d'acheter autre chose (comme le suggère un commentaire, 10 numéros de l'Equipe, douze rouleaux de PQ, un CD de Manowar, ou même un bon livre***).

Quant à moi, trop tard, on peut pas gagner à tous les coups.

Tout cela reste bien sûr extrêmement subjectif: pourquoi, au fond, ce bouquin qui a eu d'excellentes critiques -entre autres, de Nick Hornby dont j'apprécie souvent les goûts- n'a-t-il pas fonctionné avec moi?

 

En tout cas, une bonne critique vacharde et totalement gratuite, ça faisait longtemps et ça fait du bien. Donc, quelque part, merci à Dave Nicholls qui m'a permis de penser à autre chose qu'à l'administration.

 

 

 

* sur un autre blog que je lisais à l'époque, l'auteur disait du mal de David Foenkinos, ce qui m'a tout de suite incité à cliquer sur son lien.

 

** désolé d'avoir spoilé ce qu'on sent venir à 3 kms pour ceux qui avaient encore envie de le lire. Et puis, c'est même pas la toute fin. Non, on doit encore se taper la dépression du mec, après.

 

*** dans le registre love story impossible, on peut par exemple citer "Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" de Murakami.

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commentaires

M
<br /> <br /> Hier j'ai vu les Petits Mouchoirs, c'est un peu la même chose que One Day en film, les points communs sont confondants:<br /> <br /> <br /> - personnages qu'on nous vend comme sympas mais qui sont à peu près tous des sales cons self-centered (qui laisse son "meilleur pote" entre la vie et la mort parce que bon, c'est les vacances, et<br /> de toute façon en soin intensif on peut pas le visiter beaucoup?).<br /> <br /> <br /> - traits de caractères et rebondissements qu'on sent venir à trois plombes (la baba-cool qui fume son pétard après l'amour, l'accident etc).<br /> <br /> <br /> - des "amis de 15 ans" qui passent leur temps à s'engueuler et qui à part ça n'ont tellement rien à se dire qu'ils se "huggent" 75 fois en 2h30 (ou, en vacances, regardent les films de vacances<br /> des années précédentes).<br /> <br /> <br /> - un film interminable (2h30 donc)<br /> <br /> <br /> - une bonne vieille émotion facile à la fin pour pleurer dans les chaumières. Bon, en fait le personnage on l'a vu que deux minutes donc on s'en fout un peu, difficile pour moi d'avoir de<br /> l'empathie. On rachète les sales cons qui l'ont abandonné parce qu'ils chialent un coup...<br /> <br /> <br /> - des gros clichés assénés comme des révélations philosophiques ("il m'a dit que le plus important c'était de vivre"), surtout par le "pote Jean-Louis".<br /> <br /> <br /> - je passe sur un François Cluzet à contre-emploi total et qui surjoue à la Depardieu dans Cyrano...<br /> <br /> <br /> - Bon, à part ça, ça se laisse regarder... <br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Sans oublier les personnages de 35 piges avec les préoccupations d'étudiants post-bac...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Schéma classique:  ce livre est devenu une rom-com avec Anne Hathaway<br /> <br /> <br /> http://www.lemonde.fr/cinema/article/2011/08/23/un-jour-comedie-romantique-de-la-journee_1562230_3476.html <br /> <br /> <br /> Ceux à qui ma critique avait donné envie pourront y aller de ma part et me dire si c'est aussi bien...<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Une des premières a avoir investi ce terrain "nous les bobos, on s'emmerde mais on sait s'amuser quand il le faut" fut Catherine Millet et sa vie sexuelle (notamment dans les camionnettes de<br /> chantier, c'était en 2001), la mère Angot ne pouvait pas faire en-dessous (en fait si !!) en terme de "je ne suis pas qu'une accoucheuse de roman, j'ai une vie au pieu aussi"... <br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Ah, je ne maîtrise pas à fond l'historique de la vie sexuelle des écrivains de Saint-Germain.<br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, Emma Becker, étudiante à Censier, montre entre deux éjacs faciales les traces de merde sur ses draps à ses frères et soeurs après une séance de bounga-bounga. Le genre se renouvelle<br /> tout en finesse.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Zut, moi qui pensait que "Piège en haute mer" racontait les émois d'un cuisinier à queue de cheval torturé par la difficulté de faire comprendre la cuisson basse température du cabillaud à un<br /> groupuscule violent, inculte mais néanmoins disposé a tester la cuisine nord-coréenne avec laquelle notre créateur de cambuse avait planter sa préapration au concours de MOUS (Meilleur Ouvrier<br /> US)... Pour les romans "coke, partouze dans des camionnettes de chantier & sodomie" je plussoie devant le vide souvent abyssal de ces carnets intimes sans intérêts de bourgeois dépressifs et<br /> cons comme des caniches abricot...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Je dois avouer humblement que je n'en ai jamais lu en intégralité, mais quelques extraits de Angot (son histoire d'amour avec Doc Gynéco, ça envoie du bois), quelques films inspirés de ces<br /> romans, le principe même de l'autofiction (comment s'inventer écrivain quand on n'a pas d'imagination: raconter sans aucun humour et détachement sa pauvre vie ou sa psychothérapie comme si elle<br /> valait celle de Jean Valjean), les interviews pleines de posture de ces "intellos" à mêche, ça suffit à me donner la gerbe.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Salut Mix,<br /> <br /> <br /> Ah, un bon gros navet littéraire, c'est comme un bon film d'introspection avec Steven Seagal ou un album accapella d'Etienne Daho !! "La conjuration des imbéciles": Ignatius Reilly est<br /> un must d'antipathie naturelle...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Ah, disons que les films de Steven Seagal ont au moins le mérite de ne pas tromper sur la marchandise: quand on va voir Piège en Haute Mer, c'est pour voir de la baston, des explosions, et<br /> éventuellement les nichons de Miss Chépukoi... Pareil pour les JCVD.<br /> <br /> <br /> La je comparerais ça plutôt à un film de genre, qui se voulait relativement ambitieux, complètement foiré et qui vire du coup au grotesque. Angel-A de Besson, par exemple (je suis le site des<br /> Gérard pour trouver l'inspiration).<br /> <br /> <br /> <br />