Nous rentrons dans la dernière ligne droite des auditions pour les postes MCF (Maître de Conférences).
J'aurai probablement plus de choses à dire quand j'aurai moi-même écouté les candidats à notre poste, mais quelques mots consensuels.
L'audition est un exercice à part, puisqu'il faut grosso modo présenter 10 ou 15 ans de sa vie en 15 minutes.
La réussite de l'exercice se joue donc, au fil du rasoir, sur la capacité à savoir se vendre, à bien "vulgariser" pour intéresser le jury et le convaincre de vos qualités pédagogiques, tout en étant suffisamment profond scientifiquement pour ne pas donner l'impression que vous n'avez fait que survoler ou pas franchement compris ce dont vous parlez.
Ainsi, il est clairement déraisonnable voire rhédibitoire de vouloir être exhaustif, de parler de toutes vos expériences, toutes vos publis, tous vos projets.
C'est encore pire si cela suit l'ordre chronologique: celui-ci est ce qu'il est, mais c'est un peu comme quand on rédige un article scientifique. Personne ne raconte les manipes dans l'ordre où elles ont lieu. Il faut trouver une unité a posteriori, et ne pas hésiter à faire ressortir certaines expériences plutôt que d'autres.
Déjà, tout ce qui a lieu avant la thèse est à proscrire (vous pouvez éventuellement passer quelques secondes sur le fait que vous avez fait une école d'ingénieurs, surtout si elle est prestigieuse et si ce n'est pas fréquent dans votre domaine - sans en faire des caisses non plus, hein, certains universitaires peuvent être susceptibles).
Concernant ses activités de recherche, surtout quand on commence à avoir du "bagage", il faut faire des choix: à mon avis, il faut se focaliser sur deux projets ou deux bouts de projets maximum, dont au moins un issu de la thèse (on vous reprochera de ne pas en parler du tout) et au moins un assez détaillé (pour montrer les compétences scientifiques).
Le but est de choisir celles parmi vos expériences qui se rapprochent le plus de celles du labo d'accueil (de façon directe, c'est-à-dire en terme de thématiques, ou de façon indirecte, en terme de questions scientifiques posées au sens large ou de techniques ou compétences acquises), et qui vous permettront d'introduire le mieux votre projet de recherche.
En pratique, comment faire?
On commence par se présenter, de façon générale avec typiquement 1 slide sur le cursus, 1 slide sur les activités d'enseignement, et 1 slide ou 2 sur les activités de recherche présentées de façon chronologique et exhaustive, en quelques mots et en mentionnant les publis et brevets.
A ce moment, on fait ressortir les deux sujets dont on va donner plus de détails en justifiant pourquoi ceux-là plutôt que les autres ("pour des questions de temps", "par rapport au projet de recherches que je compte proposer", etc - on peut aussi mentionner qu'"on ne parlera pas de tel sujet pour des raisons de confidentialité" ou autre: je pense que tout cela est apprécié).
Puis 2 ou 3 slides sur chaque projet (plus si on ne parle que d'un seul, mais cela me semble dangereux ou en tout cas à justifier soigneusement, sauf si bien sûr vous sortez juste de thèse), avec si possible un minimum de profondeur scientifique. Si vous perdez un peu une partie du jury vers le 10ème slide, ce n'est pas grave si vous avez réussi à les intéresser jusque là: au contraire, ça peut donner un certain cachet.
Vous pouvez conclure par un bilan personnel (mon collègue aime beaucoup, moi moins, mais je n'ai pas la recette miracle).
Du début jusque là, compter une dizaine de minutes, puis ensuite enchaîner avec 1 slide de "projet d'enseignement": très brièvement, cela consiste à dire qu'on s'intégrera dans l'équipe pédagogique.
Si vous avez monté une manipe simple pendant votre parcours, ou travaillé sur des TPs dont vous voyez qu'ils n'existent pas dans l'équipe d'accueil, c'est souvent bien vu de dire qu'on pourra, modestement, proposer de nouveaux enseignements sur telle thématique en montant une petite manipe de coin de table (évitez par contre le "sous réserve d'acheter un profilomètre optique à 150000 euros, je ferai bien telle expérience pour des L1")*.
Et puis, deux ou trois slides sur le projet de recherche, dont la profondeur dépend beaucoup des desiderata de l'équipe ou du labo qui recrute...
Enfin, ne pas oublier une conclusion pour ne pas faire dans le "coïtus interruptus".
Comptez entre 10 et 15 slides selon leur degré de remplissage et votre mode de fonctionnement pour une audition de 15 minutes.
Les répétitions sont ici cruciales: ce n'est pas un séminaire où personne ne regardera vraiment la montre et où on ne vous en voudra pas si vous reprenez une explication ou un résultat.
On peut vous interrompre, on vous fera signe quand il reste 2 minutes etc.
Il faut maximiser le temps de parole, donc on ne peut pas vraiment se permettre de bafouiller ou revenir en arrière.
Il faut travailler les enchaînements entre slides pour que tout paraisse fluide.
N'hésitez pas à mettre vos chefs à contribution, ils seront normalement prêts à vous aider. Et commencez à répéter assez longtemps à l'avance (par exemple pas comme notre ATER qui veut répéter pour la première fois ce soir pour son audition de demain et qui ne nous a même pas montré ses slides avant: clairement, il ne sera pas raisonnable de lui proposer beaucoup de changement même si ce n'est pas à la hauteur).
Tout avis argumenté, contradictoire ou pas, est évidemment le bienvenu en commentaire.
* bien évidemment, cela n'engage à rien: je n'ai jamais monté la manipe dont j'avais parlé pour le poste où j'ai été recruté, et personne ne m'en a jamais reparlé.