L'"Etat Stratège" est de nouveau à la mode.
Le commissariat général au plan, supprimé en 2006, vient de faire sa réapparition, sous un autre nom, sans doute moins connoté (les plans quinquennaux, depuis la disparition de l'URSS, ça a un peu perdu de son attrait).
Je ne suis pas apte à juger de la pertinence d'un état stratège en général, mais dans le même registre j'ai été interpellé par la mise en place de la commission Innovation 2030, dont le but médiatiquement affiché est de "découvrir l'Apple français de demain".
En France, en 2013, on pense que le géant industriel du futur se trouve en faisant s'asseoir autour d'une table une vingtaine d'"experts" gouvernementaux.
Voila, il n'y aurait presque rien d'autre à rajouter.*
Mais quand même, quelques mots supplémentaires: 150M€ sont débloqués pour cette commission, sur les investissements d'avenir. On envisage notamment des concours d'innovation. Un peu sur la mode du concours Lépine?
Et puis, si on regarde en détail le pedigree des membres de la commission (voir lien plus haut), on peut faire une ou deux remarques saisissantes:
- sur les 20 membres, la moyenne d'âge est de 60 ans pile-poil. Soit 77 ans en 2030; une bonne partie aura passé l'arme à gauche d'ici là. 3 ont moins de 50 ans, aucun moins de 45.
- sur les 20 membres, on trouve 7 hauts fonctionnaires slash dirigeants d'entreprise, 2 économistes, 1 journaliste, 1 philosophe et 4 hommes politiques (dont 2 ont un passé "scientifique"). 15 personnalités sur 20 qui ne sont donc pas vraiment ce qu'on peut appeler des "acteurs" de l'innovation...
Enfin, il y a 4 chercheurs, réputés pour leurs liens présents ou passés avec l'innovation et 1 "web entrepreneur" d'Etat.
En tout cas, le dirigeant de l'Apple français d'aujourd'hui (qui est-il? X. Niel?) ou de dans 5 ans, il n'est pas dans la commission.
- et pour conclure, la familiarité de certains noms et leur présence quasi-continuelle dans bon nombre de commissions passées et à venir, laisse vraiment penser qu'on tourne au sommet avec quelques centaines de personnes, quel que soit le sujet de réflexion.
* on pourrait naïvement estimer que faciliter administrativement la vie des entrepreneurs, par exemple en faisant le tri entre les structures de valorisation et les multiples dispositifs existants, aussi invisibles que concurrents, ou qu'examiner sérieusement l'utilisation du crédit impôt recherche pour l'attribuer efficacement à des entreprises innovantes et pas avant tout comme moyen d'optimisation fiscale, seraient déjà une bonne piste de travail.