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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 11:25

Les débats sur Twitter sont houleux à ce sujet.

Pour faire court, je m'étonne toujours quand je vois des collectifs de "précaires" (je mets des guillemets car je définis le sens du mot tel que je l'utilise 2 paragraphes plus bas) défendre les postes de demi-ATER (que je vois bêtement comme une aberration), ou se battre contre la limitation de la durée des thèses.

Généralement, assez rapidement, on me fait comprendre que je suis un néo-libéral macroniste à tendance fascisante. Comme le débat sur twitter est souvent complexe, de par la nature même de ce réseau, et encore plus aujourd'hui dans un climat un peu tendu d'indignation quasi-permanente à tous propos, je voudrais profiter du fait que ce blog existe toujours pour poser au calme quelques éléments (au moins, en un sens, je suis chez moi).

 

Tout d'abord, entendons-nous bien sur la définition de "précaire": je ne vais ici parler que des doctorants non financés spécifiquement pour leur travail de thèse (et qui ne sont par ailleurs pas en poste par exemple dans l'Education Nationale). Ce terme s'applique également à tous les personnels en post-formation sur des contrats CDD (post-doctorat, ATER post-thèse, ingénieur d'études ou de recherches etc), même si ici le propos sera axé sur des problèmes concernant les doctorants. Je trouve personnellement abusif de définir un doctorant financé comme "précaire": il est bien évidemment en CDD, puisque financé pendant la durée de sa formation, à ce stade non achevée, et dont la durée normale est de 3 ans.

Enchaînons donc avec la durée des thèses: depuis 2006 au moins (mais probablement bien avant, j'ai la flemme de remonter le temps), il est écrit dans l'arrêté" La préparation du doctorat s'effectue, en règle générale, en 3 ans. Des dérogations peuvent être accordées, par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale et après avis du directeur de thèse et du conseil de l'école doctorale, sur demande motivée du candidat. La liste des bénéficiaires de dérogation est présentée chaque année au conseil scientifique". La durée moyenne des thèses (toutes disciplines confondues) étant de 4 ans, il est probable que l'arrêté n'ait jamais vraiment été appliqué, en tout cas dans sa partie "administrative".

L'arrêté de 2016 se veut plus spécifique: "La préparation du doctorat, au sein de l'école doctorale, s'effectue en règle générale en trois ans en équivalent temps plein consacré à la recherche. Dans les autres cas, la durée de préparation du doctorat peut être au plus de six ans.
Des prolongations annuelles peuvent être accordées à titre dérogatoire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de thèse et après avis du comité de suivi et du directeur d'école doctorale, sur demande motivée du doctorant. La liste des bénéficiaires de ces dérogations est présentée chaque année au conseil de l'école doctorale et transmise à la commission de la recherche du conseil académique ou à l'instance qui en tient lieu dans les établissements concernés."

On précise donc que 3 ans est la durée "normale" en équivalent temps plein. Ainsi, un enseignant du secondaire peut l'effectuer en 6 ans (on omettra ici qu'un enseignant du secondaire sans décharge appropriée occupant déjà un temps plein, le compte n'y est pas vraiment...). Mais je m'étais déjà il y a quelques temps interrogé sur la question subtile de la durée des thèses, n'y revenons pas.

 

Ce qui m'intéresse dans l'arrêté de 2016, c'est le rôle du directeur de l'école doctorale: " L'inscription est renouvelée au début de chaque année universitaire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et, à partir de la troisième inscription, du comité de suivi individuel du doctorant. En cas de non-renouvellement envisagé, après avis du directeur de thèse, l'avis motivé est notifié au doctorant par le directeur de l'école doctorale. Un deuxième avis peut être demandé par le doctorant auprès de la commission recherche du conseil académique ou de l'instance qui en tient lieu, dans l'établissement concerné. La décision de non-renouvellement est prise par le chef d'établissement, qui notifie celle-ci au doctorant.
Lors de l'inscription annuelle en doctorat, le directeur de l'école doctorale vérifie que les conditions scientifiques, matérielles et financières sont assurées pour garantir le bon déroulement des travaux de recherche du doctorant et de préparation de la thèse."

Dans l'arrêté de 2006, la "vérification" n'avait lieu que pour la première inscription. Dit autrement (mais je comprends peut-être mal), un doctorant sans conditions de ressources (i.e. qui n'a ni de financement de type contrat doctoral, ANR ou autre pour payer son salaire, au minimum autour de 1650€ brut mensuel, et qui n'est pas déjà employé par exemple par l'Education Nationale ou éventuellement une entreprise privée) ne devrait pas être inscrit (ou réinscrit) en thèse. 

 

Or, que lit-on dans l'état de l'emploi scientifique en 2014 (certes avant la parution du nouvel arrêté, on peut donc penser, sans trop y croire, que les choses évolueront un peu dans l'avenir): sur 65000 doctorants, environ 10000 n'ont aucune source de financement connue par les écoles doctorales (j'entends donc par la qu'ils ne sont pas non plus salariés ou déjà fonctionnaires). Les doctorants en sciences et santé représentent la moitié du total des doctorants, avec environ 5% de thèses non financées. Quand on regarde les autres disciplines, LSHS, droit et économie, on voit donc que 33% des doctorants sont sans financements. Ce qui veut dire que 70% des thèses non financées sont dans ces disciplines (7000 personnes). 

On m'explique donc que, si on corrèle l'inscription en thèse à l'obtention d'un financement par le doctorant (ou par son directeur de thèse, selon les modalités du dit financement), on signe la mort de certaines disciplines.

Pourtant, que voit-on également? Sur ces 65000 doctorants, 25% environ (autour de 16000) ne soutiendront jamais leur thèse. Environ 2000 en sciences (5% du pool de doctorants de ces disciplines), et le reste en droit et LSHS (14000 personnes) soit quelque chose comme 45% du total. 

Je sais que corrélation n'est pas causalité, mais l'envie est forte de faire un lien entre absence de ressources financières (qui plus est pendant une durée longue, puisque les thèses de LSHS durent en moyenne 60 mois contre 42 pour les sciences) et obtention du diplôme (cette corrélation, si elle existe, serait très facile à faire si les ED étaient capables de remonter leurs données au Ministère: je serais curieux de voir de telles données, même à l'échelle de quelques ED). Le lien entre la bonne santé scientifique d'un domaine et part non négligeable de travaux non achevés me semble plus ténu.

 

Précarité dans l'enseignement supérieur, qu'y faire?

Alors on me dit: oui, mais les doctorants sont aussi la pour maintenir la tenue des enseignements à l'Université dans des disciplines en tension. Car en fait, les doctorants sans sources connues de financement sont souvent des vacataires en enseignement de l'Université. On joue ici sur une subtilité du statut de vacataire: si au sens "traditionnel", le vacataire a nécessairement un emploi principal (à hauteur minimale de 900 heures par an, donc en gros au moins un mi-temps), les agents temporaires vacataires ne doivent pas nécessairement justifier d'un emploi principal. Par contre, leur service est normalement limité 96 HETD (un demi-service enseignement), soit un revenu d'environ 3700€ annuel net. Difficile d'affirmer qu'il puisse s'agir d'un "revenu suffisant permettant d'assurer des conditions financières nécessaires au bon déroulement de la thèse". En termes d'ETP, ces situations représentent au maximum 2500 ETP environ sur un total de 50000: on devrait donc pouvoir s'arranger différemment.  

 

Je milite donc (façon de parler, ce n'est pas mon genre) pour un respect littéral des textes: on ne doit pas inscrire en thèse quelqu'un qui n'a pas de moyens de subsistance associés directement à la préparation de son doctorat (et dont le montant minimal est celui fixé par le contrat doctoral). Fut-ce contre son gré. Etre directeur d'école doctoral, c'est probablement assez ingrat, mais ce serait bien qu'ils assument un peu les responsabilités inhérentes.

Avantage de la mesure: elle ne coûte rien, je pense. Elle contribuera aussi je pense à "professionnaliser" auprès des entreprises l'image du doctorat, cheval de bataille des association de promotion du doctorat (même si je sais qu'en tant qu'universitaire je devrais plutôt m'occuper d'élever les âmes, je suis assez bas du front et donc j'aime bien que les gens que je forme aient un boulot - qui ne leur déplaît pas trop et qui n'est pas extrêmement éloigné de ce à quoi on les a formés- à la fin; rappelons qu'un boulot à l'Université est par construction plus une exception que la règle, indépendamment de la pénurie actuelle de poste - sauf à diplômer 5 fois moins de doctorants qu'actuellement ou considérer qu'il faut 5 fois plus de postes académiques qu'actuellement*). 

Concrètement, je comprends que l'on veuille se battre pour que les doctorants qui subsistent via 96h de vacations et 4000€ dans l'année soient payés plus rapidement. J'ai du mal à voir en quoi cela réglera le caractère endémique du problème, par contre. A mon sens, ce n'est pas qu'une question de fric, et même pas principalement une question de fric, c'est avant tout une question de (mauvaises) pratiques érigées en normes de fonctionnement dont on croit ou cherche à faire croire qu'elles sont indépassables (ainsi, l'exemple des contrats d'ATER ou de demi-ATER en cours de thèse là ou, hormis pour les agrégés pour lesquels il existe des règles particulières, un ATER est normalement un contrat pour les docteurs, un doctorant sur un poste d'ATER s'engageant a priori à soutenir sa thèse avant la fin du dit contrat).

 

Pour revenir sur la durée des doctorats: imaginons la faire passer à 4 ans. Cela revient à augmenter de 33% le budget des contrats doctoraux, mais aussi des dotations CIFRE, des budgets de personnel dans les  ANR etc. Je n'ai rien contre discuter de mesures qui coûtent très cher, mais il faut le mettre sur la table dès le départ (et être aussi conscient que demander +33% pour quelque chose, quel que soit le contexte, est un souhait qui a peu de chances d'être exaucé). Je n'ai rien contre les inscriptions en 4ème année dérogatoires non plus, mais la aussi il faut un peu responsabiliser les directeurs de thèse là où ça ne se fait pas: si le doctorant ne soutient pas dans les temps définis comme "normaux", au directeur de thèse de trouver le financement adéquat pour terminer le travail. 

 

Et pour conclure, car je sais qu'on me reprochera d'être un scientiste, qui, en plus d'être obtus, pique tous les financements et tous les postes aux malheureux "mous". Qui est le plus mal loti? Je vous laisse méditer le petit graphe ci-dessous. Ca n'a pas nécessairement grand chose à voir avec le reste de l'article (encore que), mais j'ai fait ça un peu par hasard récemment et je trouve que c'est très parlant.

 

 

* ce qui ferait en gros doubler le nombre d'enseignants-chercheurs en 10 ans

** 

Précarité dans l'enseignement supérieur, qu'y faire?
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1 juin 2017 4 01 /06 /juin /2017 10:51

Pour ceux qui ne me suivent pas sur twitter, j'ai créé un nouveau blog, parce que je n'en avais pas assez d'inactifs encore.

Il s'agit d'anecdotes sur le fonctionnement parfois pénible de l'administration dans le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche.

N'hésitez pas à me transmettre vos anecdotes, mêmes et surtout anonymes.

Ne cherchez pas de but profond là dessous, il s'agit principalement d'en rire (jaune, parfois, mais ça fait du bien quand même). 

Le blog est la: Mammouth Universitaire

 

Mais comme il paraît que ça fait pas avancer les choses, je signale un autre site qui se veut plus pro-actif: Rogue ESR

Bon, je ne suis pas politicien ni activiste, et peut-être que c'est la façon de fonctionner, mais j'ai un peu de mal quand 50% des propositions consistent à dire "donnez-nous plus d'argent" sans justifications ni contreparties, même si je salue l'effort collaboratif. Mais, finalement, je trouve qu'on réfléchit souvent mieux tout seul (ou en petit nombre): au moins on a des chances d'être d'accord avec soi-même. Cf "mon programme"

 

 

 

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17 avril 2017 1 17 /04 /avril /2017 15:18

Difficile de faire un "programme" cohérent... Mais je vais jeter quelques idées personnelles sur l'enseignement supérieur et la recherche. Personne ne me l'a demandé, mais cela fait du bien de se confronter à la réalité de ce qu'on penserait vraiment pertinent. 

 

 

Mon affiche de campagne

Mon affiche de campagne

 

On va faire du plus utopique au plus concret.

1 - Bon, déjà je pense qu'il faudrait investir massivement dans l'ESR. Après tout, 3% du PIB, la stratégie de Lisbonne, ça a presque 20 ans maintenant, et on est toujours à 2.25% ou quelque chose comme ça. Mais la, il est à craindre que ça ne soit pas pour demain même si c'est la priorité de tout le monde en théorie, dans la pratique ça ne l'est jamais (l'Allemagne est à 2.9). 

2 - Je pense que pas mal d'emmerdes actuelles viennent de la dualité Universités - Grandes Ecoles. A l'Université l'enseignement de masse sans sélection et la recherche, aux grandes écoles l'enseignement hyper sélectif (et, hormis quelques exceptions notables, peu ou pas de recherche). Je n'ai pas d'idée claire sur la façon dont tout pourrait être remis à plat et que cela soit satisfaisant, mais je suis désormais à peu près convaincu que cette dichotomie de 2 siècles n'a plus vraiment de raison d'être. Cela dit, je pense que j'aurai le temps de mourir avant que quoi que ce soit change (le lobby des classes préparatoires et des grandes écoles est un peu plus puissant que celui des universitaires). 

Il y a aujourd'hui probablement trop d'universités en France. 2 centres régionaux (un peu plus pour Paris) semblent un bon compromis (on passerait donc de plus de 80 à une trentaine). Pour cela il faudrait un programme de logements sociaux et de bourses ambitieux.

Il faut aussi une vraie rationalisation de l'offre de formation: éviter les masters très similaires dans un même centre, éviter les masters avec 5 étudiants et/ou tournant grâce au recrutement d'étudiants dont la formation initiale est faible ou mal connue (voir point 3).

2 bis - on pourrait avoir la même réflexion avec le CNRS. Création d'un statut unique avec 128 HED ou 96 HED pour tous? (Il y a en gros 60000 EC pour un peu plus de 10000 chercheurs dont une bonne partie enseigne déjà: autant dire qu'avec l'augmentation des effectifs étudiants annoncés, il va falloir trouver des heures, d'autant qu'il manque déjà au moins 10000 ETP...).

2 ter - je suis un peu partagé sur les PRAG à l'Université, mais vu qu'il y a des manques importants en force enseignante, avec un grand nombre d'heures assurées actuellement par des vacataires dont le recrutement n'est pas toujours optimisé, et qu'un recrutement massif de 10000 EC ou plus ne se fera pas en 2 ans; vu également qu'il y a de la demande du côté des PRAG, je me dis que les intégrer dans les cours de licence générale n'est pas une mauvaise idée, surtout les jeunes (si l'alternative est de les envoyer contre leur gré en collège ou lycée...).

3 - Je suis pour une forme de sélection, sur dossier (comment la gérer?) par filière à l'Université (à l'entrée en L1 puis à l'entrée en M1, puis pour le doctorat, comme le prévoit le LMD). 

4 - Je suis pour un maintien de la gratuité ou quasi-gratuité des frais de scolarité (cf point 1). Par contre, il ne me semblerait pas déraisonnable de demander aux étrangers de payer des frais de scolarité correspondant au coût réel (donc autour de 10000€: cela rapporterait 3 milliards d'€ en supposant que le nombre d'étrangers actuel reste constant, environ 300000. Même à supposer qu'il baisse, on pourrait tabler sur 1 milliard de recettes). On pourrait imaginer des systèmes de bourse et/ou de crédits d'impôts pour ceux qui ensuite resteraient travailler en France. J'avoue que j'ai du mal à comprendre aujourd'hui la plus-value pour le pays d'étudiants se formant gratuitement et à qui on ne propose ensuite pas d'emplois...

4 bis - Bien sûr, ceci devrait être réinvesti dans la rénovation des locaux. Avouons que pas mal d'Universités françaises ne donnent pas vraiment envie de venir... (ou plutôt: gratuitement, ça passe, mais à 10k€ l'année, on attend autre chose). Même si cela s'est pas mal amélioré par endroits (je pense à ceux qui ont connu Jussieu dans les années 1990-2000).

5 - Je pense que la fin de la semestrialisation avec une forme de souplesse dans le suivi des UE, dans le choix des parcours, et l'accumulation de crédits, sur un compte personnel, au rythme choisi par l'étudiant serait une bonne chose. Cela favoriserait aussi la formation continue (on pourrait proposer une formule "à distance"). Par exemple, la licence correspond à 180 crédits ECTS, une UE est en général 3, 4 ou 6 ECTS, et dans le cadre classique, on fait 45 ECTS en un semestre. Rien n'empêcherait d'imaginer qu'un étudiant puisse faire 15 ou 60 ECTS en un semestre (il faudrait probablement définir un minimum et un maximum), et qu'un salarié puisse profiter de ce type de parcours.

5 bis - développement en parallèle de l'apprentissage (dans le secondaire mais aussi le supérieur) et des procédures de validation d'acquis.

6 - Je crois que la fonctionnarisation des chercheurs et enseignants-chercheurs reste une bonne chose. Une revalorisation des grilles serait appréciable. Néanmoins, je pense que l'autonomie des universités est une bonne chose. Maîtrise du calendrier, développement raisonné de certaines disciplines etc. On pourrait imaginer dans cette optique un statut de fonctionnaire territorial. Cela ne faciliterait néanmoins pas les mutations, aujourd'hui extrêmement complexes, alors qu'il faudrait un peu "libérer les énergies". Alors, comment faire? 

6 bis - Suppression du recrutement local (définition du localisme: 3 ans dans le même labo, reset après 2 ans dans un autre labo). Augmentation significative du temps de l'audition (mise en place qui existe déjà parfois d'une partie enseignement), visite du laboratoire obligatoire avant l'audition (financée par les labos). Il faudrait probablement diminuer le nombre d'auditionnés, et pour cela définir des profils plus précis pour le recrutement.  

7 - Il faut redonner des moyens à l'ANR. Probablement revenir aux financements de 2009 voir à 800 millions d'€ ou plus (aujourd'hui, environ 450 millions). L'idée serait que 25% des projets (environ) seraient financés. 

7 bis - mettre en place une procédure robuste et pérenne pour l'évaluation des projets ANR, procédure qui actuellement change chaque année. La procédure de cette année semble plutôt moins mauvaise que les années précédentes (phase 1 évaluée par un comité, possibilité de réponse aux évaluateurs en phase 2). Mettre en place un meilleur suivi des projets par l'ANR en améliorant les recrutements, conditions salariales et perspectives d'évolution des chargés de projets ANR (aujourd'hui, il n'est pas rare d'avoir 3 interlocuteurs différents sur la durée d'un projet de 4 ans...).

7 ter - passer de 3 à 5k€/C-EC pour les crédits récurrents (budget: environ 200 millions).

8 - Incitation au développement des ressources propres dans les universités et les laboratoires.  

9 - Je suis pour le maintien de l'HCERES et la mise en place d'une évaluation des EC sur le modèle de ce qui existe au CNRS. Je suis pour la prise en compte de l'avis des étudiants sur les enseignements prodigués.

Je ne suis pas défavorable à la modulation des services. S'il me semble important qu'un EC ou C conserve une activité de recherche au moins a minima (en ce sens, les premiers critères définis par l'HCERES: 2 articles - ou proceedings selon les communautés - sur une période de 4 ans pour les EC, et 4 pour les C, m'apparaissaient plutôt conservatifs), il ne me déplairait pas qu'un certain nombre d'activités "administratives" (même si je plaiderai pour moins d'administratif pour les C et EC) soient mieux reconnues et valorisées (gestion de filière notamment). Rien ne devrait s'opposer à des carrières d'EC "enseignants administratifs" (en faisant la distinction entre les postes de gestion lourde et les postes honorifiques).

10 - Suppression de la qualification (et donc probablement du CNU) et de l'HDR. Un jeune recruté doit pouvoir obtenir une certaine forme d'indépendance en répondant à des AAP dédiés (dans lesquels on ne lui reprocherait plus d'être "trop jeune" ou pas assez "mentoré"). 

11 - Réserver l'accès au CIR aux TPE et PME. Développer les mécanismes CIR d'incitation à l'embauche des docteurs dans le privé. Rebasculement d'une large partie du CIR (celle non affectée au recrutement de docteurs) des grandes entreprises vers le budget de la recherche publique.

12 - Financement des thèses obligatoire. Pour les salariés ou enseignants: possibilité de thèse en 6 ans si décharge à mi-temps. Faciliter les mécanismes de détachement/congés pour effectuer la thèse. Thèse en 3 ans avec 2 réinscriptions max possibles si contraintes spécifiques disciplinaires justifiées. Généralisation des comités de suivi de thèse. Prise en compte des temps caractéristiques de soutenance et du devenir des docteurs dans la promotion des directeurs de thèse.

12 bis - mise en place de collaborations industrie/université (ou d'un meilleur dialogue) par mise en place d'un guichet unique chargé de valoriser les diplômes (le doctorat mais pas que) sur le marché de l'emploi. Cela permettrait aussi de développer le concept de doctorant/conseil. 

13 - Maintien de la loi Sauvadet. 

14 - Rebasculement du personnel administratif des services centraux vers les laboratoires.

15 - Généralisation de la CB professionnelle pour les C et EC.

16 - pas de fermeture budgétaire annuelle.

17 - Simplification des achats: fin des marchés publics et marchés agences de voyage. Mise en place d'un système de déclaration en ligne (fin des ordres papier) pour la déclaration des missions, congés etc.

17 bis - En ce sens, revalorisation de certaines fonctions support dont les grilles actuelles ne permettent que trop rarement sur le long terme des recrutements de haut niveau (par exemple: secrétariat pédagogique, gestion, DSI). On ne peut pas toujours miser sur la bonne volonté ou le sacerdoce.

18 - Généralisation des délégations de signature au directeur de labo ou d'équipe pédagogique.

 

Bon, je suis sûr que j'ai plein d'autres idées et en même temps ce dont j'ai toujours peur c'est que certains points se contredisent, mais ça fera une base pour retravailler.... J'amenderai au fur et à mesure. 

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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 09:45

Je continue ma série sur les étudiants (encore un prof qui les déteste, se diront certains).

 

Je vais revenir sur quelques accrochages survenus (avec, en particulier, des sociologues et des psychologues) sur Twitter alors que je décrivais, me semble-t-il objectivement, des situations réelles. Situations réelles qui étaient donc contestées ou dont on rejetait la faute sur moi (membre de la caste des oppresseurs en tant qu'enseignant, mâle, et blanc).

Je mentionnais quelques cas d'étudiants étrangers qui postulent à une formation sans aucune intention de la terminer, mais dans l'unique but d'être inscrit à l'Université pour faciliter l'obtention d'un titre de séjour, cas qui finissent par se révéler problématiques d'un point de vue de "gestionnaire de filière".

Je ne dis pas que c'est bien ou mal, je dis juste que 1. c'est un fait (de tels étudiants existent, et je peux les comprendre, connaissant un peu le fonctionnement des préfectures à ce niveau), mais que 2. si j'acquiers la certitude (hors de tout doute raisonnable) que la raison de la demande d'inscription est celle-ci en priorité, et que l'étudiant va déserter au bout d'un ou deux mois une fois son sésame en poche, je ne souhaite pas avoir ces étudiants en charge*. Bien sûr, lors des entretiens, personne ne dit clairement qu'il n'a pas l'intention de suivre la formation et que ce qu'il veut, c'est juste être inscrit quelque part. Il y a néanmoins des signaux que l'on apprend à discerner. 

Certains semblaient contester l'existence même de telles motivations (un étudiant est, par essence, toujours motivé, et s'il ne réussit pas, c'est la faute au système universitaire), je peux donc donner quelques exemples personnels:

- j'interviens dans un cadre de formation continue, qui en ce sens ne donne pas accès à un statut d'étudiant (et donc pas au visa correspondant). Dès que l'on précise cet état de fait lors du forum d'informations, la moitié des candidats potentiels disparaît sans demander son reste (et sans poser aucune autre question sur la formation elle-même).

- un copain d'école l'a fait. Ne trouvant pas de thèse et non désireux de devoir repartir chez lui, il s'est inscrit dans un 2ème master (DEA à l'époque), n'est jamais venu en cours et cherchait à la place du boulot/une thèse (qu'il a fini par trouver). C'est sûrement un cas isolé complètement cynique.

- un étudiant l'an dernier, que l'on avait accepté alors qu'il était déjà titulaire d'un master (chose que l'on ne fait pas souvent - voir lien plus haut) a aussi disparu très rapidement (moins de 2 mois). Très subtil, il a candidaté au poste d'ingénieur d'études que notre labo proposait au même moment. Autant dire que sa candidature n'a pas été examinée très avant (sans doute que ce n'est pas gentil de notre part). 

- un autre a fait la même chose, en disparaissant un peu plus tard (environ 1 mois avant la session d'examen du 1er semestre, sans faire le stage donc, et en étant ajourné lors du jury final). Celui là n'a pas candidaté à un poste d'ingénieur chez nous, mais par contre il a submergé l'équipe pédagogique de mails en fin d'année civile, donc 2 ou 3 mois après le jury final. Après avoir disparu de nos radars depuis quasiment 1 an sans aucune justification (autre que "je n'ai pas trouvé de stage alors que pourtant j'ai envoyé plein de candidatures"), il nous demandait urgemment et instamment de l'aider à renouveler son titre de séjour en lui fournissant notamment une "attestation d'assiduité". Il me semble naturel que l'on n'ait pas eu spécialement envie d'accéder à cette requête, dans la mesure où, déjà et principalement, il n'avait pas été assidu. D'autre part, je suis d'avis que quand on joue avec les règles du système, il faut un minimum d'honneur personnel et essayer d'assumer un peu en ne sollicitant pas l'aide de ceux qu'on a, quand même, un peu roulé dans la farine.

Bref, il a insisté, nous a soutenu qu'il avait été présent tout le premier semestre et jusqu'aux examens (les enseignants ont probablement tous perdu sa copie), puis qu'il avait du partir dans son pays d'origine pour raisons familiales, puis qu'il avait été très malade (toutes ces justifications venant, dans la même discussion, et ce 9 mois après les faits, bien sûr: j'ai tenté de lui expliquer que si je m'absentais 9 mois de mon boulot, je devais fournir des justificatifs au début, pas à mon retour). On a fini par lui fournir un bulletin de notes contenant les quelques notes qu'il avait obtenues et signifiant l'absence de notes à partir de janvier et la non-réalisation du stage. Nous n'allions quand même pas lui faire une fausse attestation de présence.

En conclusion, je pense que l'on a été plutôt sympa, mais on m'a expliqué sans rire que cet étudiant était probablement très gêné et affligé de la situation et que notre léger énervement, outre son côté irrationnel, avait quelque chose d'inhumain face à la détresse du jeune homme (qui a quand même pris le temps de nous expliquer qu'il refaisait un master et que ça se passait très bien). Je laisse chacun se faire sa propre idée, mais surtout les collègues qui ont déjà eu à faire à ce genre de situations. 

 

 

*Note: je suis tout à fait prêt à aider des étudiants que j'encadre dans leurs démarches, je l'ai déjà fait pour 1 de mes doctorants et 1 de mes post-doctorants (visite à 7h du matin à la préfecture, intrusion dans les bureaux de la DRH etc). Je le referai sans hésiter. Mais dans le cadre de mes activités d'enseignant, j'essaye de sélectionner les étudiants selon des critères académiques, je ne fais pas de politique ou de militantisme.  

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25 février 2017 6 25 /02 /février /2017 16:37

J'enseigne quelques portions de modules à des étudiants de M1 et de M2 (Pro) dont la thématique principale est la science des matériaux, et qui sont de niveau assez moyen.

J'ai constaté des fortes lacunes

- mathématiques: l'incapacité, par exemple, à faire des opérations simples (addition, division, pourcentage...) s'ils n'ont pas de calculette ou à questionner le résultat donné par celle-ci dans le cas où il paraît complètement aberrant. Ne parlons pas de poser ou encore moins résoudre une équation, une partie non négligeable n'est pas capable d'écrire le théorème de Pythagore (je ne plaisante pas).

- physiques: cela revient à ce que je dis précédemment, mais très peu ont un quelconque recul sur la notion de grandeur physique. Récemment, un étudiant dans une copie d'examen a calculé que la taille caractéristique d'une chaîne de polymère était 10^27 angströms. C'est 1000 fois la distance Soleil-Pluton, ce qui paraît un peu grand pour une taille de molécule. Cet exemple est extrême, mais vraiment, la notion d'ordre de grandeur, ou d'homogénéité sont complètement absente de leurs réflexions.

 

Quand on a un bac + 5 science des matériaux, censé concurrencer un diplôme d'ingénieurs, je trouve ça problématique d'avoir un niveau de mathématiques et de physique de lycéen médiocre. Mais j'ai déjà parlé de ça. Depuis quelques années, je vois une autre lacune qui me semble encore plus problématique: en fait, on a l'impression que les étudiants (pourtant francophones dans leur majorité) ne comprennent plus le français. 

C'est une chose de ne pas savoir résoudre un problème de mathématiques ou de physique parce qu'on ne maîtrise pas l'outil ou qu'on ne parvient pas à faire la mise en équation ou sa résolution. C'en est une autre de ne pas comprendre la question posée.

 

Je vais donner un exemple récent. 

Dans un TD, je demandais si un mélange de composition donnée vérifiait la propriété lambda.

La résolution de la question consistait donc à écrire l'équation permettant de déterminer si la propriété lambda était vérifiée, et à rentrer dans l'équation la valeur de la composition du mélange. On obtenait comme réponse que ça ne marchait pas.

La deuxième question était donc: quelle est la composition limite pour que la propriété lambda soit vérifiée. Dans ce cas, il fallait donc écrire l'équation telle que la propriété soit vérifiée, et déterminer la composition.

Sauf que, tous mes étudiants (7 ou 8, de M2) ont repris pour valeur de composition celle de la première question. Bref, ils n'ont pas compris qu'ici, c'était l'inconnu. 

Je vous avoue que j'en suis resté comme deux ronds de flan et que j'ai eu peine à leur expliquer le problème de leur raisonnement.

 

Je suis encore assez jeune dans le métier, mais j'ai l'impression que cette mauvaise maîtrise du langage est assez récente, et se développe rapidement. Avez-vous constaté la même chose ou est-ce que je m'emballe?

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20 juin 2016 1 20 /06 /juin /2016 15:32

Le sujet avait déjà fait couler beaucoup d'encre lorsque le projet de nouvel arrêté doctoral avait fuité il y a quelques mois. La propension qu'ont les gens (même les universitaires) qui ne savent pas de quoi ils parlent d'avoir un avis tranché étant parfois assez pénible, j'avais déjà fait un article à l'époque.

 

Las, le mot VAE (validation des acquis de l'expérience) apparaît de nouveau dans le nouvel arrêté (nouvel arrêté qui par ailleurs ne propose, en vrai, rien de bien nouveau comme l'a expliqué M. Clavey).

Peu importe qu'il ne concerne pas le doctorat, comme l'explique bien E. Ruiz (franchement, allez lire son billet), mais bien l'obtention d'un master permettant l'inscription en doctorat. 

Peu importe également que le dispositif d'obtention du doctorat par VAE existe en théorie depuis 2002, et en pratique depuis 2009. Peu importe qu'il ne concerne qu'une dizaine de cas par an (voir mon précédent article ou ces documents).  

Peu importe que des universités réputées le pratiquent depuis cette date (UPMC entre autres). Et qu'elles sont parfaitement conscientes qu'elles seront scrutées sur ce point et n'ont donc pas vraiment intérêt à faire n'importe quoi (cf ci-dessous, le profil des "bénéficiaires").

Peu importe que la démarche à accomplir soit tout sauf une sinécure, comprenant la rédaction d'un manuscrit, une soutenance devant un jury d'enseignants-chercheurs, d'avoir à justifier au cours de sa carrière en entreprise d'un travail de recherche ayant donné lieu à publications, brevets etc. 

Peu importe que les quelques cas dont on peut voir des témoignages aient tous un pedigree très solide et pouvant démontrer des résultats scientifiques "académiques" que beaucoup de doctorants aimeraient avoir à la fin de leur thèse: voir par exemple ici, la ou la. 

Peu importe que, selon toute vraisemblance, le nombre tendra plutôt à diminuer qu'à augmenter (le profil, en sciences dures, des candidats à cette voie d'obtention du doctorat, est plutôt celui de personnes qui ont intégré des centres de R&D de groupes industriels il y a une vingtaine d'années, à une époque où le doctorat n'était pas "obligatoire" pour cela. Aujourd'hui, de ce point de vue, la France s'est uniformisée avec les pratiques internationales, en tout cas dans les grands groupes et dans les start-ups: par exemple, dans le centre R&D de Saint-Gobain, 90% des "ingénieurs de recherche" sont docteurs)

 

Non, malgré tout ça, on voit fleurir tout un tas de tribunes aussi mal informées, alarmistes, et disons le franchement, je n'ai pas d'autre mot, plus nullissimes les unes que les autres, sur ce qui serait la porte ouverte à toutes les fenêtres. 

Hélas, elles se sont répandues comme une traînée de poudre: moi qui pensais que ce qui était excessif est insignifiant, je suis bien naïf.

 

On y trouve de la théorie du complot à la petite semaine, comme quoi le but caché est que les ingénieurs et hauts fonctionnaires fainéants mais désireux de briller à l'international  - où seul le beau doctorat est reconnu - pourront en obtenir un sans transpirer un bon coup.

Le fait que le procédé existe depuis près de 10 ans, qu'il ne concerne que 10 personnes par an depuis tout ce temps, ne semble hélas calmer personne.

Le fait qu'aujourd'hui, quelque chose comme 1/3 des nouveaux doctorants soient des diplomés de grande école non plus.

On y évoque un aspect financier que les universités cupides chercheraient à développer quitte à brader le diplôme. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais j'ai en tête un coût pour une demande VAE qui dépend du nombre de "crédits" demandés (fixés par le LMD) et qui est de l'ordre de grandeur du k€. On m'a parlé dans certaines disciplines d'un chiffre plus élevé (plus proche de 10k€) sans que je puisse le vérifier. Quoi qu'il en soit, le budget typique d'une université chiffrant dans les environs de 100M€, et en vertu des volumes discutés plus haut, on voit qu'il y a quand même plus à miser sur les contrats de recherche, européens ou même CIFRE, ANR etc. Et qu'au niveau de l'enseignement, les formations directes pour industriels sont par exemple une voie largement plus rentable (4 jours de formations dans le cadre du DIF peuvent se chiffrer facilement à 10k€, avec beaucoup plus de demande potentielle...).

 

Et puis, on y trouve (non seulement dans ces tribunes mais également dans les commentaires de ceux qui les ont diffusées, bien souvent des doctorants) une certaine idée "romantique" du doctorat qui me paraît bien éloignée des réalités du terrain. 

Non, un doctorat n'est pas toujours un travail fondamental, ni un projet unique de 3 ans (ou plus) "indépendant" mené de A jusqu'à Z, ni un travail qui fera date dans le domaine. 

Il peut s'agir de quelque chose de très appliqué, il peut s'agir de multiples projets autour d'une thématique donnée (regardez certaines thèses de physiques, par exemple: "quelques processus dynamiques aux interfaces" dont la 1ère phrase est "this work presents three topics of research"). Il peut s'agir d'un petit bout d'un énorme projet (cf les thèses sur projets européens). Il peut s'agir, soit parce que l'étudiant est moyen soit même parce que le sujet n'est finalement pas si bon que ça, d'une thèse médiocre, moyenne, ou même bonne, mais sans impact majeur. Il peut même dans certains cas s'agir d'un travail qui ne serait pas si éloigné que ça d'un travail "d'ingénierie" pour un ou plusieurs industriels dont la valeur ajoutée du point de vue recherche est difficile à cerner (je pense à certaines thèses CIFRE ou financées par des FUI ou autres). 

Pour moi, ce que le diplôme de doctorat valide, ce n'est ni une hyperspécialisation sur un sujet bien précis (dans la majorité des cas, on n'a, il faut l'admettre, plus jamais l'occasion de retoucher à ce sujet), ni une capacité à "survivre" (certains doctorants se vivent visiblement comme un Soljenitsyne masochiste au goulag, et on retrouve parfois cette conception chez certains encadrants pour décerner le diplôme: "untel n'est absolument pas qualifié pour être docteur, mais ça fait 3 ans qu'il s'acharne"), ni l'accomplissement d'un chemin personnel vers la sagesse (ce n'est pas Shaolin non plus).

Ce que ça valide, c'est une certaine capacité à s'imprégner d'un sujet (qu'on a souvent pas vraiment choisi), développer une méthodologie, pour aller (plus ou moins) au-delà de l'existant. Et à être capable de restituer ceci via un manuscrit, des articles ou des brevets, et une soutenance. Je ne vois rien qui ne puisse se faire, en théorie, dans un cadre industriel.  

 

Je trouve d'autre part étonnant que cette mythologie de la thèse comme le grand oeuvre d'une vie, cette quête personnelle dont la pureté est mise sur un piédestal, soit véhiculée majoritairement par des gens provenant de disciplines où l'on tolère que 2/3 des thèses soient effectuées comme un (pardonnez-moi, je vais être provocant) "hobby", e.g. en dehors d'une activité principale, le soir et le week-end, sans être financé spécifiquement pour ce travail. Qu'il s'agisse, au mieux, de personnes avec un emploi stable (par exemple, professeurs du secondaire), au pire de personnes sans sources de revenus connues et qu'on voit, en parallèle, se plaindre de leur précarité. Tout en défendant, bien sûr, son caractère de "première expérience professionnelle".

Je vois plus de dangerosité à ce que des directions d'écoles doctorales tolèrent encore, allant à l'encontre des missions qui leur sont confiées ("le directeur de l'école doctorale s'assure que les conditions scientifiques, matérielles et financières sont réunies pour garantir le bon déroulement des travaux de recherche du candidat et de préparation de la thèse" dit l'arrêté), l'inscription en thèse de personnes en grande précarité, que dans la possibilité pour un actif ayant, dans le cadre de son activité professionnelle, effectué une activité de recherche quantifiable, d'obtenir un diplôme que pour une raison X ou Y il n'a pu obtenir en "formation initiale". Je vois aussi, finalement, plus de facilité à évaluer un tel travail qu'un travail qui aurait été mené en "hors temps de travail".

Je pense aussi qu'il y a eu et qu'il y a encore suffisamment de doctorats de "complaisance" décernés, à des célébrités (les frères B., Elizabeth T., Jean-Christophe C.) mais aussi à des anonymes (qui n'a jamais assisté à une soutenance dont on se dit à demi-mot qu'elle n'aurait jamais du avoir lieu mais qu'on a fini par accepter pour sauvegarder les apparences ou quelle que soit la raison?) pour que l'on s'inquiète plus de ce contrôle de qualité là, dans un cadre de "revalorisation" du diplôme, que d'un phénomène qui ne sera de toute façon jamais plus qu'epsilonesque. En ce sens d'ailleurs, je suis un fervent partisan des comités de thèse mis en place dans un certain nombre d'écoles doctorales depuis quelques années, et qui sont généralisés dans le nouvel arrêté. 

 

Pour conclure, je reviens vers une considération plus générale: il y a en France une obsession du diplôme obtenu en formation initiale. Je peux comprendre qu'au moment de la première embauche, avoir tel diplôme ou tel niveau d'études ouvre la porte à certains métiers et à certaines rémunérations. Je suis par contre toujours surpris quand 25 ans plus tard, des gens de toute évidence extrêmement compétents, à qui on a confié des responsabilités, ne peuvent, par exemple, passer "ingénieur" ou obtenir un "statut cadre" dans leur entreprise parce que leur diplôme "initial" n'est pas suffisant. Je me leurre peut-être mais j'ai l'impression que les anglo-saxons sont plus pragmatiques de ce point de vue là (eg qu'au bout d'un certain temps, celui que tu es devient plus important que celui que tu as été pendant tes études). Et je suis donc favorable à toute démarche qui tendrait à diminuer un peu ce qui m'apparaît comme une ineptie. Si le développement de la formation continue et de la VAE en est une, je prends. 

 

 

PS: je ne blâme pas ceux qui ne connaissent rien à la VAE. Moi-même, pur produit "formation initiale", je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à il y a 5 ans. Mais il se trouve que depuis, j'ai été amené à participer en tant que jury/examinateur de dossier, à 2 à 3 VAE par an, du niveau bac+2 au niveau bac+5 (jamais doctorat pour l'instant, notamment pour les raisons de rareté expliquées ci-dessus...). Je blâme plutôt leurs opinions tranchées sur des sujets sur lesquelles ils n'ont fait aucun effort pour se renseigner. Pas vraiment très "pro" pour des universitaires.

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 21:12

Une étudiante m'a envoyé 13 ou 14 mails de questions (plus un coup de fil) en moins de deux mois depuis que l'UE a commencé.

Des questions assez compliquées à traiter par mail tant elles montrent une incompréhension assez forte de tout ce que j'ai pu raconter.

J'ai donc répondu 12 fois courtoisement, consciencieusement, longuement et de mon mieux, bien qu'intérieurement un peu tendu au fil du temps.

 

Aujourd'hui, à peine envoyée la 12ème réponse (un mail de 20 lignes tout de même), que je recevais le 13ème mail de question.

La question cette fois (exceptionnellement il n'y en avait qu'une) était "pouvez-vous me donner la définition de telle grandeur physique?".

Après un juron sonore (entendu par mon collègue du bureau d'à côté) j'ai renvoyé le lien vers la page wikipédia correspondante, ainsi qu'un laconique "je ne vais plus pouvoir répondre à vos questions".

J'ai reçu quelques heures plus tard une réponse outrée mettant en doute mon professionnalisme.

 

J'ai donc pris ma plus belle plume pour écrire ceci.

 

"

Bonsoir,

 

Nous avons échangé 27 mails si je compte bien depuis le début de l'UE il y a moins de deux mois.

Parfois, je vous réponds tard (comme ici) ou bien pendant le week-end, ou bien même pendant mes vacances. Je passe du temps à vous répondre et j'essaye d'être le plus clair possible et de ne pas me contenter de 2 lignes. Répondre à quelques uns de vos mails a occupé plus de 5% du volume horaire d'un certain nombre de mes journées. J'aimerais que cela soit apprécié ou au moins reconnu.

 

Maintenant, je souhaite vous faire partager quelques chiffres:

1. Je reçois environ 100 mails par semaine.

2. J'ai ce semestre dans les UE où j'interviens plus d'une centaine d'étudiants. Si chacun m'envoyait 10 mails/mois, cela ferait 1000 mails à traiter par mois (en sus des 500 que je reçois déjà), 6000 sur le semestre.

3. Je suis enseignant-chercheur, l'enseignement n'est censé représenter que la moitié de mon temps de travail soit 800 heures annuelles environ.

 

En vertu de ces chiffres, ce que je vous dis n'a rien d'offensant, mais est simplement mathématique. Je n'ai vraiment pas le temps de répondre à tous vos messages.

D'autant plus quand il s'agit de vous redonner des définitions de grandeurs qu'à défaut de connaître on peut trouver, excusez-moi, facilement (dans google, premier lien, définition aussi claire que celle que je pourrais vous donner). Je ne peux pas réexpliquer tout ce qui est censé être acquis dans une UE de L3.

 

J'en suis désolé.

Je continuerai à répondre à vos questions si j'estime que mon aide est nécessaire à votre compréhension. Je ne traiterai pas celles dont je pense que vous pouvez obtenir la réponse moyennant un peu de travail personnel.

 

Cordialement,

"

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26 novembre 2015 4 26 /11 /novembre /2015 09:50

J'ai déjà beaucoup écrit sur les concours et les modalités de recrutement de Maître de Conférences, tant du côté candidat que membre de comité, et pas toujours en bien (voir les liens sur cette page).

 

Récemment, j'ai eu quelques "débats Twitter" (vraiment pas le meilleur lieu pour le débat selon moi) avec plusieurs personnes sur une (relativement) nouvelle règle imposée par le Ministère (depuis la loi Sauvadet de 2012 et donc mise en place pour les comités depuis 2013 ou 2014) concernant la composition des comités de sélection, à savoir respecter "une proportion minimale de 40% de chaque sexe" (sauf dérogations particulières pour quelques sections CNU, par exemple le génie électrique, section 63, qui ne compte que 16% de femmes...).

 

Quand on voit ce genre de graphiques, on se dit que ça tombe sous le sens:

 

Parité et comités de sélection

Néanmoins, on va voir qu'en réalité c'est un peu plus compliqué que ça...

Déjà, d''un point de vue d'ancien "organisateur" de comité, cela fait un peu rire jaune quand on regarde l'ensemble des règles à respecter (voir ici). Cela donne lieu à d'amusantes notices explicatives délivrées par les Universités pour constituer un comité de sélection. Pour mémoire, il faut respecter un "triple quorum" (parité rang A et rang B ou assimilés*, au moins autant de membres extérieurs que de membres internes dans le comité, et donc 40% de chaque sexe, le tout sur 2 réunions "physiques" avec les mêmes membres, la visioconférence n'étant pas toujours tolérée, notamment pour les auditions).

Cela dit, ce n'est pas la nouvelle règle de mixité que je critique mais plutôt l'amoncellement de règles hyper strictes censées prévenir toute "dérive" supposée (localisme, favoritisme, sexisme, etc) et garantir l'"égalité républicaine devant le concours". Tout cela pendant qu'on méprise assez ouvertement les candidats (auditions de 15 minutes, déplacements à leurs frais etc) et que chaque année plusieurs auditions sont publiquement critiquées et parfois retoquées.

Mais bref, la n'est pas le propos.

Pour revenir à cette règle de proportion minimale de 40%, j'aimerais déjà comprendre quel problème elle est censée résoudre (fut-ce partiellement): s'agit-il du déficit d'attrait des carrières académiques pour les femmes? Si tel est le cas, c'est, je crois, en amont qu'il faut travailler (lycée etc) plutôt qu'en bout de chaîne.

S'agit-il de sexisme à l'Université? Les histoires de harcèlement sont nombreuses en France et ailleurs (probablement, je le regrette, qu'elles sont moins "médiatisées" en France qu'ailleurs). Les comportements "inappropriés" aussi, mais cela me semble une problématique un peu différente, même si connectée (surtout s’ils arrivent pendant les auditions, il paraît – je n’en ai jamais été témoin mais j’ai entendu comme tout le monde des histoires- j’y reviendrai).

Y a-t-il des problèmes également au niveau du recrutement? C'est possible, mais ça mérite d'être documenté. De mémoire j'avais en tête une proportion beaucoup plus faible de femmes "de rang A" (Professeur) que de "rang B" (Maître de Conférences), mais j'avais envie de creuser un peu, c'est donc ce que j'ai fait.

Pour ceci, le bien-aimé site du Ministère qui met publiquement en ligne tout un tas de rapports et dans certains cas même les fichiers de données.

J'ai regardé les chiffres pour trois années, 2008, 2011 et 2014 (désolé, je n'ai pas le temps de faire plus...)

2008 est une année intéressante car on y trouve une analyse détaillée non seulement des postes, mais aussi des candidatures.

Donc, en 2008, nous avions sur la cohorte de qualifiés Maître de Conférences, 43.5% de femmes, et sur la cohorte de qualifiés Professeur, 30% de femmes.

Pour les candidatures aux postes (ce n'est pas parce qu'on est qualifié qu'on candidate, et de plus la qualification est valable 4 ans), on avait 29% de candidatures de femmes sur des postes PU, et 44% de femmes sur des postes MCF.

Pour les postes pourvus, on trouve 43% de femmes sur des postes MCF, et 28% sur des postes PU.

En 2011, on n'a pas d'informations sur les candidatures, simplement sur les qualifiés et sur les postes pourvus.

Ce qui nous donne pour la qualification, 29.5% de femmes qualifiées PU, et 43% MCF.

Au niveau des postes, 44.5% de femmes nommées sur des postes MCF, et 34% sur des postes PU.

En 2014, 47% de femmes qualifiées MCF et 33% PU. On peut aussi regarder les candidatures à la qualification: les femmes représentent 48% des dossiers examinés MCF, et 34% des dossiers examinés PU. Le taux de réussite est de 68% pour les femmes en MCF (71% pour les hommes), et 73% pour les femmes en PU (74% pour les hommes).

Pour le recrutement, 43.5% de femmes MCF et 36% de femmes PU.

Enfin, sur la population totale des enseignants-chercheurs (environ 53000 personnes), il y a 36% de femmes, représentant 43% des Maîtres de Conférences, et 22.5% des PU.

De façon générale, il y a bien une diminution significative de la proportion de femmes nommées aux postes de rang A par rapport à la proportion aux postes de rang B. Il faudrait pour mieux cerner les causes aller voir les recrutements 10 à 15 ans plus tôt (le temps de passer de MCF à PU) mais on (je) ne trouve les données genrées qu'à partir de 2003 (en 2003, 42.5% de femmes nommées MCF, et 26.5% de femmes PU).*

Si on regarde les données de façon "horizontale" (sur une année donnée), on constate qu'il y a un très bon accord entre les proportions respectives de qualifiées et de nommées. Soit, en gros, toutes sections confondues, 43% de femmes au niveau MCF (constant depuis 10 ans) et par contre une proportion plus variable au niveau PU.

Si on regarde donc les données de façon "verticale" (au cours du temps), la proportion de femmes nommées MCF est comme on l'a dit constante, et la proportion de femmes nommées PU en augmentation de presque 10 points. Cela semble s'accompagner aussi d'une plus grande proportion de femmes qui "demandent" (et obtiennent) la qualification (en 2005, dernière année où les données sont disponibles, seulement 25% de femmes qualifiées PU, 42% MCF).

Voilà pour les données et l'analyse "brutes". Je vais maintenant rentrer dans l'interprétation (discutable, elle).

Je ne vois pas de problèmes dans les recrutements MCF, en tout cas en termes d'attributions de postes favorisées pour les hommes, et au "premier ordre". Il y a 40-45% de femmes qui se présentent, il y a 40-45% de femmes qui ont un poste. Doit-on atteindre 50%? Je n'en sais rien (certains domaines fonctionnent avec 60% de femmes, d'autres avec 20, et là il faudrait faire, je crois, quasiment une analyse par section et qui remonterait également jusqu’au secondaire**)... J'aimerais connaître la proportion de femmes dans les cohortes de docteurs aussi...

Au niveau PU, on identifie clairement une baisse de la proportion de femmes, qui tend à s'atténuer avec le temps (en 11 ans, on passe de 26% de femmes nommées PU à 36%, mais il faut bien sûr "intégrer" ces effets sur plusieurs années pour voir la proportion de femmes PU en poste augmenter significativement). Ceci s'accompagne cependant d'une baisse similaire du nombre de candidatures par rapport au vivier de femmes MCF (si j'assume que les candidatures sont liées à la qualification, ce qui me semble une hypothèse raisonnable). Or, la qualification n'est pas plus refusée aux femmes qu'aux hommes, ce sont les femmes qui en proportion la demandent moins.

La « vraie question » me semble donc être : « pourquoi les femmes demandent-elles moins la qualification PU? » (qui est généralement, une « formalité »).

Je vois deux hypothèses :

Une forme plafond de verre ou d'auto-censure (ou de syndrome de l’imposteur). Il me semble qu'elle ne peut pas être corrigée par la parité des comités de sélection, puisqu'elle se situe en amont.

Des carrières académiques encore « en moyenne » plus lentes chez les femmes pour des raisons extérieures (vie de famille etc). Or, dans les sections que je connais, il y a une distribution assez faible autour de l’âge moyen, concernant les recrutements PU. On retrouve d’ailleurs ce phénomène pour les recrutements MCF (pour schématiser, en 2 ans on passe de « encore un peu jeune » à « trop vieux » pour le poste). Et donc, si on a le « bon dossier » pour candidater PU à 45 ans quand la moyenne de recrutement est 40, on ne demande pas la qualification parce qu’on sait bien qu’on n’aura pas de poste.

Cette question est d'ailleurs assez proche de ce qu'on a pu observer pour la PES (prime d'excellence scientifique, 2009-2012): si les femmes l'ont moins (29% de femmes MCF bénéficiaires, 20% de femmes PU bénéficiaires) c'est avant tout parce qu'elles la demandent moins (32% de candidatures de femmes MCF, 21.5% de candidatures de femmes PU).

Pour conclure, j'ai l'impression (peut-être fausse) que cette règle de parité ne répond pas vraiment aux problèmes posés au niveau du recrutement. Peut-être qu'elle répond à d'autres problèmes (par exemple, améliorer l'implication des femmes dans les instances décisionnelles) ?. Je constate aussi que le phénomène d'auto-censure semble s'atténuer ces 10 dernières années et donc la proportion de femmes accédant à des postes de rang A a largement augmenté. Je pose une question naïve: y a-t-il eu des actions menées (et si oui, lesquelles précisément) ou cette correction de la communauté s'est-elle faite "naturellement"?

 

 

Note:

Je remercie vivement @chtruchet, que ces questions intéressent beaucoup et qui a accepté de relire avec bienveillance mon texte bien qu’elle ne partage pas une bonne partie de l’analyse.

Je tiens également à citer deux-trois remarques très intéressantes qu’elle m’a faites, et auxquelles je n’avais pas songé (et qui sont largement susceptibles de faire évoluer mon opinion sur le bien-fondé de cette nouvelle règle même si par principe, après quelques années de pratique, je serais plutôt pour la suppression de toute règle administrative dans l’ESR):

« - un nombre non négligeable de femmes dans un COS agit comme une garantie. Garantie d'une part, côté jury, qu'il n'y ait pas de remarques ou questions déplacées (ça existe, ou du moins ça a existé les : « vous allez faire des enfants? » Ou "là on a le choix entre elle et lui, on va prendre lui comme ça on est sûr qu'il nous emmerdera pas avec ses maternités"). Garantie côté candidat que tu te retrouves pas avec une nana devant 12 mecs, situation inconfortable s'il en est. Même si les 12 mecs sont irréprochables d'ailleurs : ça, la candidate, elle ne peut pas le savoir !

- Que ce soit les femmes qui ne veulent pas monter, ou les hommes qui les éliminent, peu importe en réalité : dans tous les cas, c'est un pb de RH. Pour devenir clean, la première chose à faire est d'éliminer les biais faciles (ensuite, c'est compliqué, on réfléchit). Un biais énorme est de laisser le recrutement à un seul sexe***. On ne sait pas dans quel mesure il pèse, mais c'est de toute façon pas sain. Donc, je pense qu'il faut l'éliminer même sans forcément en attendre la révolution. […] Car évidemment, ça ne suffit pas. Il faut l'intégrer dans une politique plus générale, ce qui est maintenant le cas dans la majorité des Universités.

- être dans un COS, ça donne un vrai pouvoir. Une fois que tu y es, tu sièges, tu votes, tu pèses. Si tu fais bien le job, en plus, ça te donne un énorme carnet d'adresses. […] C’est quand même un vrai plus je pense. »****

 

 

* on me dit qu’il existe un « indicateur d’avantage masculin », et qu’on peut m’envoyer de la documentation dessus. Je la lirai.

** ici les analyses divergent : on me dit parfois qu’il faut regarder le problème « général », ce que j’ai fait ici, et parfois le problème « section par section » (ce que j’avais vaguement essayé de faire sur Twitter, sans pousser trop loin, car c’est long et un rien fastidieux). Cela dit, à l’occasion, je regarderai les données de quelques sections bien choisies dans le genre de la 63ème, je pense qu’elles se trouvent sans problèmes.

*** ou plutôt « la possibilité de » (ne pas imposer de critère de mixité ne signifie pas forcément que le comité sera non paritaire) (NdeMix)

**** pour le dire plus clairement, il s'agit d'activités qui, de façon générale, sans être fondamentales, sont de potentiels "accélérateurs de carrière" ou en tout cas "valorisables" dans un dossier PU (case "responsabilités administratives et activités collectives" + "reconnaissance de la communauté"). Cela peut donc jouer favorablement selon un type "positive feedback" (NdeMix)

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 09:30

Question qui agite beaucoup sur Twitter ou sur Gaia, le salaire (ou plutôt traitement) des enseignants-chercheurs; notamment dès que l'on compare à ce que gagnent les profs de CPGE.

 

Je laisse à d'autres le soin de faire le petit calcul "moyen" pour les profs de CPGE (encore qu'il faudrait peut-être le faire pour les agrégés), mais je vais ici exposer quelques éléments concernant les enseignants-chercheurs.

 

La durée moyenne de la thèse est de 4 ans. A ce stade, si la personne a eu une scolarité normale, elle soutient donc à 27 ans. 

L'âge moyen de recrutement est 34 ans (31.5 ans pour les sciences exactes).

Suite aux réformes de 2009 concernant le reclassement, l'échelon d'entrée est l'échelon 4 (maximum de départ, et si les 4 ans de thèse + les 6 ou 7 ans suivantes sont des activités d'enseignement et de recherche et peuvent donc être comptabilisées à hauteur de 6 ans et 8 mois, soit la durée des échelons 1 à 3).

 

L'âge moyen de l'enseignant-chercheur est 47 ans. 

 

L'âge moyen de passage PU est 44 ans. On compte 1/3 de PU pour 2/3 de MCF. En considérant que, à 47 ans, une bonne part des MCF qui ne sont pas passés PU sont MCF hors classe, on va considérer pour le salaire moyen la moyenne entre MCF classe normale et MCF hors classe/PU 2ème classe.

 

A 47 ans, le MCF classe normale gagne 2976€ net. Le PU/MCF Hc gagne 3120€ net, soit une moyenne à 3050.

 

A cela il faut rajouter une indemnité de résidence, qui oscille entre 0 et 3% du traitement brut, soit en gros 100€ net, prenons donc 50 comme moyenne.

 

A cela il faut rajouter un supplément familial de traitement, environ 110€ net pour 2 enfants. 

 

A cela il faut rajouter une prime d'enseignement supérieur, que touchent tous les enseignants-chercheurs, et qui compte pour environ 90€ net/mois. 

 

Ensuite, la PEDR concerne environ 15% des enseignants-chercheurs, son montant varie beaucoup mais fixons le à 6000€ brut (celui des PU "normaux" et des MCF "majorés"), ce qui, moyenné sur toute la population, rajoute 60€ net/mois. 

 

Enfin, les heures complémentaires, moyennées sur toute la population, représentent environ 15% d'un service par enseignant-chercheur, soit 25 à 30HED, à 38€ net l'HED, soit 80€ net/mois.

 

Au total, 

 

3050+50+110+90+60+80 = 3450€ net mensuels pour un enseignant-chercheur "moyen" (d'âge moyen, à la carrière moyenne etc). 

 

Pour les sciences exactes seules, où les carrières sont un peu accélérées, rajoutez typiquement 150€ net mensuels. 

 

Amis agrégés, à vos chiffres.

 

-----------------

Sources:

http://laviedemix.over-blog.com/article-reclassement-64739328.html

http://caillaud.blogspot.fr/2009/11/salaire-et-traitement-des-enseignants.html

http://www.fonction-publique.gouv.fr/indemnites-de-residence-et-supplement-familial-de-traitement

http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/statistiques/13/4/Prime_d_encadrement_doctoral_et_de_recherche_2014_412134.pdf

http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/statistiques/09/8/Origine2014_FINAL2_395098.pdf

https://www.univ-lille3.fr/drh/votre-carriere/remuneration/primes/

http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr//file/statistiques/90/2/bilan_social_superieur_2014_435902.pdf

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17 août 2015 1 17 /08 /août /2015 11:07

Une petite réflexion un rien désabusée en revenant de vacances.

 

Il est de bon ton de taper sur les enseignants-chercheurs vénaux qui ont abandonné la recherche pour se consacrer à l'enseignement, profitant de ce système étrange faisant qu'il est possible de se faire payer des heures complémentaires (d'enseignement) sur le service "normal" qu'on ne fait pas ou plus (la recherche).

Je ne vais même pas m'étendre sur certains problèmes inhérents à la fonction, et surtout sur la rigidité de la "fiche de poste", présupposant que l'on fait le même travail dans une école d'ingénieur où les enseignants ont 40h de service annuel et des labos richement dotés, et un IUT où tous les enseignants sont en double service avec 0 moyens pour la recherche.

 

Je voudrais ici plutôt stigmatiser l'évolution actuelle en France et prendre un cas lambda, le mien. Je suis dans un labo correct (difficile à définir, mais de taille raisonnable, bien évalué mais pas excellement par l'AERES ou sa nouvelle mouture, quelques chercheurs réputés nationalement, pas de "star" internationale), niveau enseignement je fais mes 192h plus de 10 à 50 heures complémentaires bon an mal an (dont un bon nombre en jurys ou autres "responsabilités pédagogiques" moins contraignantes que des cours magistraux). Je pense que c'est assez représentatif, ni "privilégié" ni "France d'en bas".

 

J'ai eu la chance d'avoir une ANR blanche lors de ma 1ère année (elle finit dans quelques mois). L'année d'après, une bourse permettant de mettre en place une cotutelle et de payer un étudiant américain pour venir travailler un an avec moi dans le cadre de son PhD. De façon non formelle, je me suis retrouvé également actif dans 2 ou 3 projets obtenus par les 2 collègues de l'équipe.

 

L'an dernier, les 2 ANR dans lesquelles j'étais impliqué n'ont pas été retenues. J'ai également reçu un avis négatif pour un appel à projets jeune chercheur local, ainsi que pour une nouvelle demande de bourse d'échange d'un étudiant américain.

J'ai quand même obtenu un contrat doctoral, après pas mal de négociations (en gros, nous avons du "partager" un sujet de thèse à partir de deux très différents, avec un collègue...). Mes collègues de l'équipe ont obtenu un FUI: hyper industriel, mais bon, ça fait toujours une petite poire pour la soif pour des congrès ou le maintien de quelques équipements.

Cette année, 2 nouveaux sujets ANR rejetés (dont 1 où j'étais porteur). Encore un échec pour un dossier de partenariat international. J'attends sans beaucoup d'espoir la réponse pour l'appel à projet jeune chercheur. Pas plus de succès chez mes deux collègues.

Certains projets méritent sans doute plus de réflexion ou peut-être même manquent d'intérêt, mais d'autres ont été extrêmement bien évalués et malgré tout non financés.

Bref, en ce moment j'ai deux thésards co-encadrés financés. Il me reste environ 20k€ sur l'ANR, à écouler dans les 6 mois. Ensuite, plus rien, en propre, niveau fonctionnement ou équipement. Le fonctionnement mutualiste avec les collègues permettra de vivoter un an ou deux, de finir les thèses. Et après?

 

Bon an mal an, je publie mes deux ou trois papiers par an. C'est pas de la "paradigm shift" science, mais je pense que c'est honorable, que les papiers sont globalement lus par la communauté. Quand je suis évalué par le CNU, on m'explique que je suis nul ou médiocre au mieux.

On m'explique qu'il faut aller voir à l'Europe, mais mon CV étant jugé médiocre à l'échelle nationale, comment peut-il être suffisant à l'échelle européenne?

 

Alors, franchement, combien de temps vais-je accepter de passer pour un gland de tous les côtés? Quand est-ce que je vais finir par me dire que le jeu de dupes, ça fait chier, et que, si je n'ai pas le courage de me barrer, autant au moins prendre le peu de pognon que je peux ramasser? Parce que franchement, les collègues (et parfois même le Ministère directement) qui te tannent pour te refiler des cours, des trucs administratifs, des évaluations de machins divers, le tout payé en sus, ce n'est pas ce qui manque. Et comme ça peut monter à ~10k€ annuels en plus sur la fiche de paye sans trop d'efforts...

 

 

Plutôt que de blâmer les collègues qui n'ont pas la chance d'être "excellents" ou jugés tels de faire un choix qui apparait de plus en plus raisonnable, il faudrait sans doute s'interroger sur ce système si décourageant. Ce n'est certainement pas ce gouvernement qui s'y penchera: beaucoup trop terre-à-terre quand on est dans la stratosphère.

 

On peut parfois céder à la tentation complotiste et se demander si tout cela n'est pas voulu, pour créer deux corps de métier différents, l'un dédié à la recherche (d'excellence uniquement), l'autre aux sombres tâches et à l'enseignement, avec un ration d'environ 20% pour 80%, le tout couplé à une transformation du paysage universitaire, avec une dizaine de pôles d'excellence axés sur la recherche et le reste basé sur le modèle des "college" américains (délivrance des licences majoritairement). Mais la vérité, je pense, est plus prosaïque: les politiques se foutent complètement de l'enseignement supérieur et de la recherche, le bateau vogue on ne sait où et tout le monde s'affaire dans son petit coin pour faire tourner la machine comme il peut sans aucune vision. Il se trouve juste que c'est vers la qu'on se dirige, mais ça pourrait aussi bien être ailleurs (on appelle ça Hanlon's razor).

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