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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 14:16

Je décale quelque peu la rédaction de mon (ou mes) article(s) sur la MGEN pour poser une petite question sur la durée du doctorat.

 

Les collègues des SHS s'époumonent depuis la parution d'un nouveau projet d'arrêté sur le "doctorat en 3 ans, vite fait mal fait" (en semblant ignorer que la durée de 3 ans est déjà inscrite dans la réforme LMD de 2002, mais aussi dans l'arrêté de 2006, et en fait, comme le souligne D. Monniaux, depuis même bien plus longtemps que ça; le nouveau projet d'arrêté ne faisant que limiter les possibilités de dérogation).

 

Je vais faire bref, même s'il serait intéressant de creuser. 

 

Il y a environ 2/3 des doctorants SHS qui ne sont pas financés pour leur thèse (ce qui représente donc environ 14000 doctorants sur 22000).

Sur ce nombre, une large part (la moitié?) est enseignant du secondaire, le plus souvent à temps plein (les décharges pour la réalisation d'une thèse, sont, de ce qu'on m'a dit, rares). L'autre partie vit, j'imagine majoritairement, de vacations, d'un ou deux postes d'ATER (en bénéficiant de petits arrangements des établissements, je pense), d'aides familiales, ou de petits boulots divers pendant la durée de la thèse, qui est en moyenne dans ces disciplines de 5,5 ans pour ceux qui finissent (le taux d'abandon très élevé, autour de 30 à 40% - hélas je ne trouve pas le rapport AERES évoqué dans le lien, j'aurais bien vérifié les chiffres mais l'ordre de grandeur doit être ok).

Donc, la grande majorité des doctorants SHS effectue, de fait, une "thèse à temps partiel", puisqu'ils exercent une autre activité rémunératrice (censée être à temps plein dans le cas des enseignants du secondaire, par exemple).

 

Ceci posé, ma question est donc toute bête: comment peut-on affirmer qu'une thèse en 3 ans est impossible et que la qualité s'en ressentirait, alors que si je compare, pour faire simple, un temps plein pendant 3 ans (35h/semaine x 45 semaines/an x 3 ans = 4725h, exemple d'un doctorant pas vraiment furieux) à un temps partiel de 6 ans (15h/semaine - déjà pas mal si on est aux 35h sur un autre job par ailleurs- x52 - je suis sympa, j'imagine que le thésard non financé ne prend jamais de vacances- x 6 = 4680h), je trouve, en étant généreux, que les deux sont équivalents?

 

Point annexe: le doctorant financé sur contrat doctoral qui a fait une thèse en 5 ans (contrat doctoral temps plein + 2 ATER disons) a, a priori, pu faire largement plus que son collègue non financé sur toute la durée dans le même laps de temps. Bref, si la durée est "homogène", le contenu ne l'est probablement pas plus que dans les sciences dures et l'argument du "contenu" ne tient pas vraiment non plus.

 

Bref, mon avis, c'est plutôt que les "us et coutumes" sont durs à changer, et que beaucoup, chez les vieux de ces disciplines, ne semblent pas s'être remis de la disparition de la thèse d'Etat il y a une trentaine d'années, tandis que les jeunes perpétuent ce fonctionnement par habitude.

Donc selon moi, plus que la question de la durée, c'est la question du financement qui est cruciale. Mon point de vue, c'est qu'il ne faut pas inscrire en 1ère année de thèse quelqu'un sans financement pérenne (eg ni contrat doctoral, ni poste dans le secondaire, sous réserve d'obtenir une décharge). Ensuite, le choix politique est de savoir si du coup, on supprime à la hache 1/3 des doctorats SHS (et en vérité probablement beaucoup moins car je soupçonne que le taux d'abandon est plus élevé chez les doctorants non financés), sachant qu'a priori les thèses SHS ne sont pas surreprésentées en France par rapport à ce qui se fait  à l'étranger, ou si on trouve le moyen d'en financer 5 ou 10000 de plus qu'actuellement.

 

 

Pour conclure, dans mon département aux USA, où plutôt qu'une durée, on définissait des critères de publication (typiquement 3 articles premier auteur minimum) les meilleures thèses étaient celles qui prenaient le moins de temps (en gros 4-4,5 ans avec 1 année complète de cours pour commencer), pas celles qui en prenaient 7... (dans ces cas là, le doctorant avait juste plus de mal à sortir ses papiers...).

 

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30 avril 2015 4 30 /04 /avril /2015 14:35

On a beaucoup parlé du projet d'arrêté sur la formation doctorale, qui a fuité et a déclenché l'ire de bon nombre d'associations, ou de blogueurs, ayant tous en commun de venir des sciences dites molles (résumé ici, personnellement j'ai trouvé les réactions citées par D. Monniaux tout bonnement hallucinantes...).

 

On a vu fleurir pas mal de commentaires comme quoi le "doctorat en VAE" (validation des acquis de l'expérience) serait un doctorat au rabais, ou la porte ouverte aux diplômes de complaisance comme ces "doctorats professionnels" dont on a parlé il y a quelques temps.

Je voudrais rappeler que c'est un dispositif qui existe depuis 2002. Les premiers cas de doctorats délivrés en VAE datent de 2009.

Ce dispositif permet d'obtenir sur la base d'une expérience professionnelle tout ou partie d'un diplôme.

Sur les 17 ou 18000 VAE partielles ou totales attribuées en France chaque année depuis 2007, seules 4000 concernent un diplôme d'enseignement supérieur (BTS, licence, master etc).

Sur ces 4000 VAE de l'enseignement supérieur, la moitié est une validation totale du diplôme (pour les autres, il faut valider des unités d'enseignement complémentaire ou autre procédure).

 

Le diplôme de doctorat en VAE représente quant à lui en gros 20 cas par an depuis 2009. Sur, rappelons-le, 10 à 12000 doctorats délivrés dans le même temps en France.

 

Pour avoir participé à plusieurs jurys VAE (pour des diplômes d'ingénieur), je dois dire que:

1. c'est un dispositif que je trouve pertinent, qui permet de valoriser le parcours professionnel, qui peut inciter plus de gens à opter pour la formation continue (même en validation partielle, cela permet de "gagner du temps" pour obtenir un diplôme, et donc de diminuer le "puits de potentiel" pour ceux qui aimeraient reprendre des études mais ont peur de la durée ou du degré d'implication nécessaire en cours du soir par exemple). Il n'y a plus beaucoup de dispositifs favorisant l'"ascenseur social", celui-ci en est un, je crois.

2. c'est un processus lourd et long (voir par exemple ici ou la), qui nécessite du travail personnel (mémoire, soutenance...), pas mal d'accompagnement, etc. Il y a un jury constitué d'enseignants spécialistes, puis un deuxième jury national ou équivalent. Bref, on peut sans doute truander, comme pour tout, mais je pense qu'il y a des diplômes de complaisance plus faciles à obtenir que par ce biais là.

 

Qui est concerné par le doctorat en VAE? En sciences dures pas grand monde selon moi. Je connais un ou deux cas, il s'agit de chercheurs ou chefs de projet R&D industrielle, rentrés dans l'entreprise à l'époque où un diplôme d'ingénieurs suffisait pour faire de la recherche (dans les grands groupes, même en France, ce n'est quasiment plus le cas aujourd'hui). Ce sont des gens qui ont participé à des collaborations avec le monde académique, écrit des publications, breveté, etc.

Bref, c'est un profil assez rare, comme du reste ceux qui demandent un diplôme d'ingénieurs en VAE (environ 200 cas par an: généralement des personnes avec un BTS ou une licence pro qui par leurs qualités personnelles, ont, après une dizaine d'années, fini par obtenir des responsabilités de cadre au sein de leur entreprise, sans en avoir le diplôme, ni le salaire).

Ces personnes font ça je pense pour des questions d'ego (pas mal placé), une forme de volonté de vouloir légitimer leur parcours, de dialoguer "d'égal à égal", et aussi de pouvoir faire reconnaître leurs compétences hors de l'entreprise qui les emploie. Cela peut être aussi une forme de "reconnaissance" de l'entreprise, qui leur finance la demande en vue de les promouvoir formellement par la suite. *

Je ne crains vraiment pas l'explosion des doctorats délivrés par ce biais là, puisqu'il existait déjà, et si cela peut donner un peu plus de visibilité au dispositif, pourquoi pas.* 

(mode troll on) Si on me dit que cela peut dévaloriser le doctorat ou sa perception, je répondrais qu'il y a des choses qui me semblent plus importantes à régler (les doctorats non financés de 7 ans faits à côté d'un travail à temps plein par exemple). (mode troll off)

Il existe visiblement une autre modalité, la thèse sur travaux, dont j'avoue que la différence avec la VAE m'échappe quelque peu, même expliquée dans ce document (p.23-24). Je pense que dans le cas de la VAE, on demande au moins en partie la rédaction d'un manuscrit "original". 

 

 

Voila, et sinon, bien que je pense que la dualité GE/Université est un problème de notre enseignement supérieur, je n'aime toujours pas trop voir des raccourcis musclés. Donc, quand je lis que les écoles d'ingénieur ne forment pas à la recherche, c'est sans doute vrai pour une large partie d'entre elles, mais il faut tout de même signaler que sur les 60% de 10000 nouveaux docteurs "sciences dures" annuels, quelque chose comme 15 ou 20% sont ingénieurs (petit calcul extrapolé de ce document, je n'ai pas trouvé mieux). On pourrait peut-être faire un bilan chez les recrutés MCF ou CR dans les sections qui s'y prêtent, je pense qu'on serait surpris aussi... Alors certes, sur 30000 ingénieurs diplômés par an, c'est assez peu: sur les 202 écoles habilitées, il n'y en a guère que quelques dizaines qui effectivement ont une politique de recherche un peu poussée.

 

 

 

* on peut sans doute militer pour qu'un jour, il n'y ait plus besoin d'avoir un diplôme pour légitimer une carrière, mais en attendant, soyons pragmatiques

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13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:39

Bon, ok, c'est facile, mais après tout, les politiques abusent eux-mêmes trop des petites phrases pour que l'on se réfrène. Donc hier, à un colloque sur le doctorat, la ministre a dit:

 

 

Alors, certes, ce n'est pas de la recherche privée, mais ce sont des "fonctions de responsabilité" donc on peut regarder un peu parmi ses collaborateurs si on fait confiance aux jeunes docteurs. Je me suis prêté au jeu suite à une remarque de @Alexis_Verger.

 

  

 

Il se trouve que j'ai fait ça vite et j'ai raté quelques personnes, notamment celles nommées en mars 2015

 

En refaisant le compte, et en comptant la ministre, j'arrive à 5 docteurs (les 4 nommés en mars - conseiller ESR, conseiller santé et recherche médicale, conseiller recherche, conseiller innovation- le sont et ont tous bossé dans la recherche après leur thèse, 3 ans au minimum, et il faut ajouter le conseiller en charge formation du supérieur) et 2 doctorants sur 27 personnes.

Alors, ce n'est peut-être pas si mal finalement? (même si le côté "jeune" reste douteux, seul l'un de ces docteurs, et les deux doctorants, ayant moins de 40 ans)

Dans le même cabinet, on trouve au minimum 8 Sciences Po et 6 ENA (dont quelques-uns ont le combo). Pour ceux qui viennent de l'inspection générale des finances ou de l'éducation nationale, je ne sais pas quelle est la "formation".

Mais c'est probablement le ministère le plus représenté en termes de docteurs, non? Encore heureux, me direz-vous, notamment sur les postes de conseillers en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche proprement dit. On attend juste de les trouver sur des postes plus génériques maintenant.

 

Enfin, ça m'a valu un petit succès twitteresque, avec des RT de N. Brafman du Monde et de S. Huet de Libération notamment. C'est bien là le plus important...

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7 avril 2015 2 07 /04 /avril /2015 11:36

Je publie et réfère des articles chez Elsevier et autres Wiley.

 

Certaines des études sur lesquelles je travaille et publie sont "alimentaires" (j'entends par là que l'intérêt scientifique n'est pas majeur, mais qu'il y a un peu d'argent et une ligne de plus sur le CV à la clé).

 

Je suis en train de remplir un dossier pour faire des expertises dans le cadre du Crédit Impôt Recherche.

 

J'ai accepté de m'occuper de trucs qui ne m'intéressent absolument pas et ne devraient pas relever du travail d'un enseignant-chercheur, ou de me laisser abuser par l'institution, pour de mauvaises raisons.

 

J'ai trop souvent fermé ma gueule lorsque j'ai été confronté à certaines procédures internes aussi inutiles que chronophages et humiliantes.

 

Il y en a sans doute eu, et il y en aura sûrement encore, beaucoup d'autres...

 

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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 11:09

Vous connaissez mon dada: les données chiffrées sur le système français d'enseignement supérieur et de recherche.

Et mon obsession: trop d'administratif dans l'enseignement supérieur et la recherche tue l'administratif.

 

J'avais fait quelques petites analyses à l'échelle de mon établissement, notamment en utilisant le rapport d'activités/bilan social qu'à une époque j'avais pu me procurer une ou deux années d'affilée.

 

Dans mon établissement, je rappelle que j'estimais en gros, as far as I can tell, 1 administratif pour 1 enseignant chercheur (en comptant les PAST et ATER, mais pas les vacataires; et de l'autre, en comptant les gestionnaires de terrain ainsi que les services centraux, RH, comptabilité, service financier, mais pas les services centraux "techniques"). Les chiffres exacts sont difficiles à trouver, puisqu'il ne sont pas présentés de cette façon, mais je sais que certains de mes lecteurs étaient dubitatifs. Au CNRS, par exemple, en allant fouiller dans le bilan social, on peut estimer que le ratio administratifs/chercheurs, tous statuts confondus, est de l'ordre de 1 pour 5.

 

Chez Gaia Universitas, je suis tombé sur cette carte diffusée par la CPU (et apparemment faite par l'AEF) et expliquant les "COMUE" (regroupements d'universités et d'établissements parce que "big is beautiful" pour le classement de Shanghaï, en tout cas c'est ce dont persuadés nos gouvernants depuis 10 ans), que j'ai trouvée proprement hallucinante.

 

 

Un peu de data sur l'ESR français

Sur cette carte, on voit, si je lis et compte bien, qu'à l'échelle nationale, on a 0.83 administratif pour 1 chercheur/enseignant-chercheur/enseignant dans les établissements de l'ESR.

C'est en fait assez stable: il n'y a que deux regroupements d'établissements qui ont un ratio inférieur à 0.6 (Côte d'Azur et Lille), plus sans doute un troisième (chiffres non communiqués concernant les administratifs), PSL, qui regroupe majoritairement des établissements de prestige ayant compris que pour continuer à attirer ou conserver des bons éléments au niveau enseignants-chercheurs comme étudiants, ne pas trop les faire chier pouvait être un plus (en termes administratifs, on dirait "assouplissement du régime procédural: trouver la solution dans l’exploitation des marges de manœuvres offertes par le socle de la règlementation et insuffler plus de flexibilité aux pratiques").

De l'autre côté, on voit que deux regroupements (HESAM, qui se veut aussi une COMUE "prestige" mais dont l'existence a été remise en cause récemment suite à la défection d'une de ses composantes majeures, ainsi qu'Aix-Marseille) franchissent la barre symbolique du 1 pour 1, avec même une valeur de 1.2 administratif pour 1 chercheur/enseignant dans le cas d'HESAM. Toulouse est à 0.99...

 

Mais à part ça, tout le monde est entre 0.7 et 0.9. Que dire, sinon que selon moi, c'est trop?

 

D'autant que, comme je l'avais souligné dans un billet précédent, la répartition n'est pas du tout uniforme: à l'échelle de mon laboratoire, qui dépend de 3 tutelles, nous avons 4 administratifs (secrétaire, secrétaire pédagogique, 2 gestionnaires). 1 par tutelle, la 4ème personne étant financée depuis quelque chose comme 15 ans sur fonds propres du laboratoire. Nous sommes plus de 30 chercheurs et enseignants chercheurs, on est donc sur un ratio d'1 pour 9. Bref, au plus près du terrain, là où potentiellement (de mon point de vue limité de petit homme de terrain) ils pourraient vraiment être utiles et nous apporter de la plus-value, rassurons-nous, des administratifs, il n'y en a presque plus.

Et vu que les regroupements se feront certainement à effectifs constants, que ces regroupements impliquent une strate supplémentaire à gérer, sans qu'aucune en-dessous ne soit supprimée, il est fort probable que toute l'échelle administrative "monte d'un cran", et que les labos se retrouvent encore plus dépourvus dans un futur plus ou moins proche. 

 

Loin de moi l'idée de prétendre qu'un établissement, encore moins qu'un regroupement d'établissements, de même qu'une entreprise, puisse tourner sans services centraux, gestionnaires, administratifs, comptables, ressources humaines etc. 

Après, je ne crois pas qu'il existe une boîte qui fonctionne avec x fonctions support pour x ingénieurs... et dans notre cas, ce sont quand même les chercheurs et enseignants-chercheurs qui "produisent". Le jour où on arrivera à un ratio du style de celui du CNRS, tout ira bien mieux selon moi: contraint ou forcé, les procédures devront être allégées et on n'aura plus besoin de 5 niveaux de signature pour changer une ampoule dans un couloir. Mais avant que ce jour béni arrive, il faudra boire le calice jusqu'à la lie (par exemple via les ZRR).

On peut aussi évoquer brièvement le "taux d'encadrement", soit le nombre d'élèves pour un enseignant.

La moyenne est à 14 étudiants par enseignant, mais il y a de plus fortes disparités. A priori, il y a d'ailleurs également de fortes disparités au sein de différents établissements d'un même regroupement.

Sans surprise, le leader de ce classement est PSL, avec moins de 6 étudiants par enseignant. A ce taux là, effectivement, on travaille bien...

Le bonnet d'âne est pour un autre regroupement d'île de France, Paris Lumière, avec 37 étudiants par enseignant.

D'un côté, Nanterre et Paris 8, de l'autre l'ENS, l'ESPCI, le Collège de France, les Mines, l'Institut Curie etc, personne n'est vraiment surpris...

Sinon, à quelques exceptions près, c'est entre 15 et 20.

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 14:59

J'ai participé à mon premier jury de thèse, en tant que co-encadrant (le sous-fifre qui, en France, a le droit d'encadrer mais pas vraiment le droit de signer quoi que ce soit d'officiel, n'ayant pas reçu l'habilitation, ce sésame divin qui vous fait passer légalement de padawan à senseï).

 

Il se trouve que cette thèse était une cotutelle (j'y reviendrai par ailleurs) entre notre établissement et une université américaine. L'étudiant, chinois, ayant passé 2/3 voire 3/4 de son temps aux USA, et 1 an en France, la soutenance a eu lieu là-bas.

 

Il y a deux choses à dire avant de commencer: la soutenance (ou "Defense", comme on dit chez eux) est beaucoup moins "codifiée" que chez nous. Outre les variations entre disciplines, il y a au sein d'une discipline des façons de procéder relativement différentes d'un département à l'autre, même pour une discipline donnée. Chez nous, c'est beaucoup plus homogène.

D'autre part, le formalisme et la solennité me semblent moins présentes. Ce n'est pas la grande procession de la famille et des amis, il n'y a généralement pas de pot de thèse après (ou alors, il est bref, et ne dure pas toute l'après-midi ou toute la nuit). Il y a probablement un effet de distance (les familles américaines sont souvent éclatées sur un territoire largement plus grand que le notre), mais aussi le fait que la soutenance n'est finalement qu'une étape parmi d'autres pour décrocher le titre de docteur (il existe la aussi, de façon variable selon les départements, entre disons 2 et 4 "examens de passage" au cours du doctorat). Enfin, devoir rester quelques mois de plus pour amender le manuscrit ou pour publier un papier demandé dans le cadre de la validation est très fréquent, quand c'est chez nous uniquement pratiqué pour "sanctionner". 

 

Mais la chose qui m'a le plus frappé, et la je demande à mes lecteurs s'ils ont constaté ça aussi ou si c'était plus le fruit de la composition du comité (le directeur de thèse américain a la réputation, même en conf', d'être assez "frontal" dans ses questions), c'est le fait que le terme "defense" n'est pas ici un vain mot.

L'étudiant, qui de l'avis de tout le comité, a fait une bonne voire très bonne thèse, a du vraiment défendre ses positions, la partie américaine du comité le poussant dans ses retranchements sans montrer trop de bonhomie. L'appréciation positive du travail de l'étudiant n'a eu lieu que pendant les délibérations en l'absence de celui-ci, pas pendant les questions (alors qu'en France, il serait d'usage, quand on pose une question un peu méchante, de commencer par quelques compliments, un sourire, des précautions stylistiques etc).

Bref, pendant 2h de questions, l'étudiant n'a pas été à la fête et a vraiment transpiré. 

 

Etrangement, il y a la un petit paradoxe. Dans un cadre informel, les américains sont souvent dans le superlatif, là où le français sera dans l'understatement. Ce qui est "pas mal" pour nous est au minimum "great" pour un américain moyen.

Mais dans le boulot quand ça compte vraiment, business is business, et la les américains me semblent souvent plus "cash" que nous. "No hard feelings", cela dit. Après, on va s'en jeter un: "let's have a stiff one".

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2 décembre 2014 2 02 /12 /décembre /2014 09:05

Je voudrais faire passer ici 2 messages:

 

1. L'emploi académique, de chercheur ou d'enseignant-chercheur, n'est pas, ne sera pas, et n'est probablement nulle part dans le monde le débouché naturel des Docteurs.

D. Monniaux en a fait un long papier, mais alors que les chiffres concernant les ouvertures de poste au CNRS viennent de sortir, on peut faire quelques rappels: il y a en gros, depuis quelques années, 300 postes ouverts par an au CNRS en CR2 et CR1. A cela, on peut ajouter 1300 ou 1400 postes de Maître de Conférences dans l'ensemble de nos Universités et Grandes Ecoles dépendant du MESR.

Si l'on rajoute les quelques dizaines de postes ouverts dans d'autres EPST (INRA, INRIA, INSERM, IFFSTAR...), ainsi que ceux dans les écoles d'ingénieur ne dépendant pas directement du Ministère de l'ESR (ESPCI, X, Mines, Agro...) voire même les postes dans des instituts avec des statuts particuliers mais fonctionnant comme des centres de recherche "classiques" (Institut Pasteur, CEA...), on doit arriver à environ 2000 postes ouverts annuellement.

 

On délivre de 10 à 12000 doctorats par an ces derniers temps (11000 en 2010).

 

La recherche publique ou l'enseignement supérieur, et donc le public en général (on va négliger le nombre de Docteurs qui finissent dans la haute administration...) n'absorbe ainsi que 20% des nouveaux diplômes (on pourrait raffiner le modèle en intégrant les recrutés non diplômés en France, et en soustrayant les diplômés non français qui repartent dans leur pays d'origine, ça ne change pas l'ordre de grandeur je pense).

 

Si l'on revenait aux niveaux de 2000-2004, période relativement "faste" de recrutement, on aurait en gros 3000 embauches (2000 postes de MCF, 600 au CNRS plus le reste).

 

Ce ratio, que l'on parle de 20% ou 30%, est probablement très similaire à ce que l'on peut trouver ailleurs dans le monde (il est difficile de trouver les chiffres exacts aux Etats-Unis, mais on délivre environ 50000 doctorats pour quelques milliers de postes d'Assistant Professor par an). 

 

On voit donc clairement qu'une "politique pluriannuelle de création d'emploi" réclamée par les organisations dans l'enseignement supérieur et la recherche n'est pas la solution aux problèmes de débouchés des docteurs, comme on peut parfois l'entendre (souvent par les mêmes qui expliquent que la loi Sauvadet limitant à 6 ans l'emploi à durée déterminée dans le public tue la recherche française...). 

Même la création de 30000 emplois supplémentaire sur 10 ans, proposée par Sciences en Marche, n'absorberait (en imaginant qu'elle soit mise en place) au total que 50 ou 60% du nombre des docteurs "produits annuellement", et seulement sur cette durée. 

Bref, la politique pluriannuelle de création d'emploi aurait beaucoup de points positifs pour le fonctionnement de l'enseignement supérieur et de la recherche, ne serait-ce notamment que parce qu'il manque l'équivalent de 10000 équivalents temps plein pour l'enseignement à l'échelle du pays, mais n'est pas une solution à ce problème. Communiquer en ce sens me semble au mieux une erreur, au pire un mensonge.

Ainsi, je pense que notre responsabilité, en tant que chercheurs et enseignants-chercheurs, est de faire comprendre aux jeunes que nous formons qu'une carrière académique sera l'exception, pas la règle. Et qu'il faut réfléchir le plus tôt possible à un plan B.

 

Ce qui m'amène à mon deuxième point:

 

2. Il existe un problème réél, en France, de débouchés des Docteurs dans le privé. Et ce problème nous est propre.

En 2007, 3 ans après la thèse, le taux de chômage des docteurs en France était de 10%. On tourne plutôt autour de 3-4% dans la majorité des autres pays. En gros, en France, le taux de chômage des docteurs est équivalent à celui de la population globale. Il est typiquement 2 fois plus faible que ce taux global dans les autres pays de l'OCDE.

Autre point intéressant: le taux de chômage des M2 en France est de l'ordre de 7%, et 5% pour les ingénieurs. Aux USA, le taux de chômage des MSc est de 3,5%, similaire voire un peu plus élevé que le taux de chômage des docteurs. Le doctorat "diminuant" l'employabilité (par rapport au diplôme d'ingénieur mais aussi par rapport au Master) semble donc la aussi propre à la France (même si la tendance paraît s'inverser récemment, le doctorat restant stable mais les M2 ayant été touchés par la crise).*

 

On lit parfois que, tout simplement, on diplôme trop de docteurs en France, comparativement à notre "besoin". Je ne le crois pas. Ramené à la population globale, l'Allemagne délivre quasiment 2 fois plus de doctorats que nous, toutes disciplines confondues. Les Etats-Unis une proportion similaire (voire un peu plus élevée) que la nôtre. Le taux de chômage des docteurs dans ces pays est largement (typiquement 4 fois) plus bas que chez nous. La différence de taux de chômage global (10% chez nous, autour de 5 chez eux), n'expliquant pas tout. 

Ce n'est donc pas une question de "nombre" uniquement: ni de nombre total, ni de nombre d'emplois dans le public.

 

On peut aussi se dire qu'il s'agit avant tout d'un problème général lié à l'employabilité des Docteurs en Lettres, Langues, Sciences Humaines et Sociales. La aussi, c'est sans doute un peu plus complexe. Le ratio est d'environ 2/3 de doctorats délivrés en sciences pour 1/3 en SHS en France. C'est assez proche aux USA. En Allemagne le ratio serait même inversé (mais certains chiffres présentés ici ne collent pas tout à fait avec ceux lus ailleurs...). Le taux de chômage des docteurs étant très faible dans ces pays, tous champs disciplinaires confondus, on peut supposer que si "inemployabilité des docteurs de SHS" il y a dans ces pays, elle est nettement moins marquée que chez nous.

 

Maintenant, que peut-on dire du problème français?

- Le taux de chômage pour les thèses CIFRE ou allocations de recherche est de 6 ou 7%. Aujourd'hui, 33% des thèses sont encore non financées (pour les SHS seules, le ratio est inversé puisque seules 33% des thèses sont financées). Cela veut donc dire que le taux de chômage pour les docteurs dont le doctorat n'a pas été financé est très élevé (autour de 15%?). 

- On peut aussi identifier en gros 2 populations en termes de taux de chômage: les disciplines au-dessous de 8% (Maths, Physique, Informatique, Sciences de l'Ingénieur, mais aussi Droit), celles au-dessus de 12 (Langes et Sciences Humaines mais aussi Chimie et Sciences de la Vie et de la Terre). Pour cette deuxième catégorie, on peut être plus subtil en regardant le taux d'emploi dans le secteur public: plus de 80% pour les LSHS, moins de 60 pour la Chimie et les SVT.

Il y a donc probablement 2 facteurs un peu différents qui interviennent: manque de reconnaissance du doctorat dans le privé pour l'un, tension sur le marché de l'emploi pour l'autre (la chimie et les sciences de la vie sont assez "embouteillés" depuis longtemps...).

 

 

D'où vient-il?

Cela va faire cliché et redite, mais je crois qu'il reste une "incompréhension" de ce qu'est le doctorat et de ce qu'il peut impliquer comme compétences dans beaucoup d'entreprises. Je pense que la dualité du système français (Grandes Ecoles versus Universités), et le fait qu'historiquement les Grandes Ecoles ont la main dans les entreprises, renforce ce problème.

Ce n'est bien sûr pas vrai de toutes les entreprises, mais il y a semble-t-il une certaine frilosité (ou méconnaissance) vis-à-vis de la recherche et de l'innovation, parce que l'on cherche une rentabilité à très court terme. Même dans les boîtes disposant de centres de recherche réputés, il faut batailler pour "vendre" aux décideurs des projets de rupture à long terme. De plus, le centre de recherches est souvent la porte d'entrée du docteur mais à moyen terme l'évolution est ailleurs. La notion d'expert senior est assez éloignée de nos standards. Et dans les petites entreprises, on voit le docteur comme concurrent de l'ingénieur, or avec les ingénieurs on fonctionne bien donc à quoi bon.

Les universitaires ont leur part de responsabilité: par exemple en n'étant pas clairs avec leurs étudiants sur les points exposés ci-dessus, ou en leur faisant miroiter des postes qui n'existent pas, ou en leur disant que tout ça c'est que la faute des politiques.

En laissant soutenir trop de thèses de mauvaise qualité pour tout un tas de mauvaises raisons (et notamment un manque de contrôle d'étapes, ce que les comités de thèse sont aujourd'hui un peu censés faire)

En faisant souvent la confusion, voulue ou non, "emploi scientifique" = "postes académiques" (je l'ai vu dans un paquet de présentations estampillées CNRS). Un petit symbole qui dit bien des choses, je trouve.

En ne proposant pas grand chose en termes de formations à la recherche d'emploi non plus (même si de plus en plus d'écoles doctorales proposent des choses de ce style, parfois obligatoires).

Il me semble aussi que la vision française du doctorat est trop axée sur l'"hyperspécialisation" qu'il représente.  Cela aussi est vrai du côté de l'employeur comme du docteur. "Mais pourquoi je recruterais quelqu'un qui a fait de l'optimisation de réacteurs  à plasma froid pour traitements de composés organiques volatils/ qui s'est intéressé à la sociologie des punks à chien?" et "Mais pourquoi je candidaterais chez Boston Consulting Group alors que ce que j'ai fait c'est de la synthèse totale du taxol/comprendre les migrations de population dans le Marais poitevin au 16ème siècle?". Ma maigre expérience des USA m'a laissé entrevoir de ce point de vue une plus grande ouverture d'esprit réciproque (mais peut-être que je me leurre).

 

Que peut-on envisager?

Je ne suis pas politicien, je n'ai pas l'oreille des politiciens, et je ne suis convaincu ni de leur volonté de changer les choses, ni de leur pouvoir pour le faire, mais j'aimerais juste vous avoir convaincu de ces 2 points:

L'emploi académique ne permet pas, ne permettra jamais, et n'a pas vocation à absorber le flux de docteurs diplômés chaque année.

La France ne diplôme pas trop de docteurs par rapport aux standards internationaux, mais ne sait pas bien les employer. 

L'une des mesures du CIR, donnant un crédit d'impôt pendant 2 ans à une entreprise embauchant un docteur pour son premier emploi "privé", me semble intéressante. Il faudrait sans doute en faire plus de publicité... 

La reconnaissance du doctorat en entreprise, impliquant un changement culturel assez fort, passera probablement par une amélioration du "contrôle qualité" des thèses soutenues. Je pense que les comités de thèse mis en place récemment et qui se généralisent, sur le modèle de ce qui se pratique aux USA, va dans ce sens.

Dans l'autre sens, les entreprises gagneraient aussi à prospecter un peu plus à la recherche de potentiels futurs employés dans les laboratoires, comme cela se pratique courramment aux USA (voir commentaire).

Pour conclure sur une touche polémique, je dirais enfin que les doctorats non financés et interminables n'aident visiblement pas, ni à la reconnaissance du doctorat comme "expérience professionnelle" tant défendu par les associations, ni les doctorants eux-mêmes dans leur recherche d'emploi, si j'en crois les chiffres plus hauts. La aussi, des pistes de réflexion ont été abordées par D. Monniaux. Resterait juste à trouver l'argent, mais ça aiderait sans doute à responsabiliser quelques "directeurs de thèse" pas toujours hyper scrupuleux...

 

 

* Bien sûr, le taux de chômage n'est qu'un indicateur parmi d'autres. Un autre indicateur qui serait intéressant serait le pourcentage d'emplois "sous-qualifiés" pour les docteurs. Dans le rapport du CAS mis en lien plus haut, on peut juste avoir une idée du % d'emplois "hors recherche" (mais c'est un sens très large, et donc pas forcément "sous-qualifié"), qui est toujours autour de 25-30% (sauf au Royaume-Uni, 40%).

 

 

 

Et allez voir un article très intéressant sur cette question même s'il date un peu, d'un "pionnier" du blogging scientifique, vaquant depuis à d'autres occupations.

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31 octobre 2014 5 31 /10 /octobre /2014 09:26

Silence radio depuis quelques jours pour plusieurs raisons, la principale étant beaucoup de soucis et de temps perdu pour des problèmes de visa du nouveau doctorant.

Parce que bon, il faut parler des conditions de travail qui se dégradent pour les statutaires, mais on peut aussi parler de l'accueil des précaires, surtout quand ils n'ont pas la chance d'être français.

 

Hier, plein d'espoir, je l'ai accompagné à la Préfecture de Police, et jusqu'à environ 10h30 j'ai vraiment cru qu'on partirait avec le fameux "récépissé" libératoire (en fait, qui donne 3 mois de sursis avant le stress d'après, mais qui quand même permet d'être payé, couvert etc).

Hélas, le xème examen du dossier par le xème préposé a révélé l'existence d'un problème insoluble dont personne ne s'était rendu compte auparavant, à une semaine de l'expiration du titre de séjour actuel du doctorant.

La seule solution qu'on propose alors, tout naturellement, est que le doctorant retourne dans son pays pour refaire une demande de là-bas ("comme ça, c'est sûr que ça va marcher"). Les gens, par ailleurs globalement plutôt gentils mais quand même très centrés sur le "papier" plus que sur l'"humain" (sans doute une déformation professionnelle pour tenir le coup), ne semblent pas vraiment se rendre compte qu'ils évoquent un solution à 2k€ et typiquement 3 à 6 mois de retard, pour quelqu'un qui du coup sera sans revenus.

Du coup, on nous propose une alternative qui est de demander par courrier la bienveillance du chef du bureau y, dont on ne saura jamais le nom et dont on nous explique qu'on ne peut pas le contacter comme ça mon bon monsieur (question bête de ma part: "vu qu'on est là et qu'on a tous les papiers, ça serait pas plus simple d'aller lui parler directement?" "mais monsieur il s'agit d'un CHEF DE SERVICE!!" "pardon, suis-je bête, comment ai-je pu oser?").

Ma journée, de 08h30 à 16h30, a donc été passée à la Préfecture le matin (en gros 3h de présence pour 45 minutes d'entretiens maximum), puis a écrire des lettres, passer des coups de fil, et courir partout pour essayer de faire ce qui était en mon pouvoir (c'est à dire finalement très peu) pour débloquer la situation. A 17h30, complètement déprimé (je ne peux qu'imaginer l'état du doctorant...), je suis rentré chez moi. Ce n'est pas le plus important, mais je ne peux m'empêcher de penser que ce temps perdu pour moi (et pour tous mes collègues dans la même situation), c'est aussi un peu la collectivité qui jette l'argent par les fenêtres (à moins que l'on ne m'explique qu'aller à la Préfecture et apprendre le droit concernant le séjour des étrangers sur notre sol ne fasse partie des missions pour lesquelles on m'a recruté).  

 

 

Quelques remarques générales, propres à beaucoup d'administrations mais probablement exacerbées ici dans la mesure où l'on est souvent face à des cas graves du point de vue de l'humain.

- Les individus sont comme je l'ai dit plutôt sympathiques et semblent faire de leur mieux, mais la machine est impitoyable. La (dé)responsabilisation est également problématique: il est impossible de connaître le nom de son interlocuteur. Il n'est écrit nulle part (tout le monde est appelé par sa fonction), et même quand on le demande on ne vous le donne pas. Nous avons réussi à obtenir un prénom. Idem pour les numéros de téléphone. Les gens veulent bien vous aider, mais surtout sans s'engager à l'écrit (les écrits restent), et parfois même cela se fait comme à l'abri des oreilles indiscrètes ("on va sortir du bureau et discuter dans le couloir ce sera mieux").

- On voit bien que soit les procédures sont imbittables, soit les personnels sont mal formés, soit elles évoluent tellement souvent qu'ils n'arrivent pas à rester à jour. Qu'on se rende compte après 2 mois de procédure et 2 visites à la Préfecture que dans ce cas de figure, elle n'aurait jamais dû être entamée, ce n'est quand même pas normal. Que, selon le préposé, on ait des sons de cloches totalement différents, non plus. Que toutes les 5 minutes on nous dise "attendez, je vais demander à machin, qui va appeler truc, qui va aller voir muche et on aura la réponse", me semble assez symbolique.

- Le corollaire de tout ça, c'est qu'on te propose comme solution de demander au grand chef de t'accorder un passe-droit en expliquant ton problème, et que ça ne semble choquer personne que la solution a un problème administratif soit que le responsable décide de lui-même qu'il n'y a plus de problèmes.

 

 

Du coup, de frustration, j'ai écrit un bref document google doc relatant cette histoire et les autres qui ont touché des personnes de notre équipe. Pour l'instant, je pense qu'en 5 ans, un cas sur 2 de recrutements d'étrangers a posé des problèmes. Vous me direz, cyniquement, que le plus simple, ce serait de recruter des français ou à défaut des européens. Après, pour prendre un exemple concret, sur nos deux derniers postes d'ATER, le taux de candidatures européennes était typiquement 10%. C'est quand même plus élevé pour d'autres types de postes, mais bon, tout compris si on dit qu'1 candidature sur 2 est d'origine asiatique, africaine ou sud-américaine. Il est assez logique que les recrutements, en moyenne, suivent un ratio similaire.

Le problème, si j'ose dire, ici est que l'étudiant concerné ne vient pas du Maghreb ou du Moyen-Orient: il n'est donc pas "habitué" (triste à dire, mais le précédent post-doc, dont j'avais raconté quelques problèmes ici, m'expliquait "oh, être sans-papier 1 ou 2 mois tu sais c'est normal"). Bref, je crains de plus en plus qu'il n'abandonne la thèse.

Si vous souhaitez alimenter ce document avec les problèmes que vous avez directement (en tant qu'étranger vous-même) ou indirectement (en tant que responsable scientifique ou collègue proche), n'hésitez pas. Pour l'instant, le document est lu et partagé, mais le succès d'un point de vue écriture est faible...

https://docs.google.com/document/d/1cUAqxQ4xkzJX1liZCVVLkrU15ITqm71YTxH7BzzVvtc/edit?pli=1

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 16:21

Il m'arrive en ce moment quelque chose d'étrange et d'inédit (pour moi) avec un papier.

 

Il a été refusé de peu par l'éditeur d'un bon* journal de ma branche après 3 reviews, l'une concluant 'accept with minor revisions', l'autre 'accept with major revisions', et le damné reviewer 3 'reject'.

Il faut noter que même le reviewer 3, qui a soulevé quelques questions intéressantes, ne remettait pas en cause la "validité" du papier, mais plutôt son caractère novateur et son aptitude à être dans le "top 30% des papiers soumis" (sans qu'on sache trop ce que ça veut dire, c'est désormais une question essentielle lorsque l'on réfère un papier). Je craignais un peu ce genre de reproches, du reste.

J'ai quand même hésité à tenter la négociation avec l'éditeur (puisqu'après tout 2 reviewers sur 3 étaient prêts à accepter le papier et que le 3ème ne nous faisait pas de graves reproches de fond), et puis je me suis dit naïvement qu'en prenant en compte les commentaires "faciles" des 3 reviewers et en resoumettant dans le journal d'à côté, aux thématiques assez proches mais un peu moins côté, ça passerait.

Surprise, on me renvoie cette fois le papier au bout d'une semaine, directement rejeté par les éditeurs scientifiques.

Je viens de resoumettre une troisième fois à un journal encore un peu en-dessous, et il se peut que l'éditeur se pose aussi des questions puisqu'il n'est toujours pas indiqué "under review".

 

Honnêtement, j'ai un peu de mal à comprendre.

Est-ce que le papier est révolutionnaire? Certainement pas.

Est-ce qu'il est "purement incrémental"? Je ne pense pas (voir ci-dessous). 

Est-ce qu'il est honnête, est-ce que le post-doc qui a mené l'étude a bossé sérieusement, est-ce qu'on a fait un effort d'écriture, et est-ce que le papier peut avoir un intérêt pour une petite branche de la communauté? Je le crois.

Récemment, j'ai eu un papier, qui m'avait demandé pas mal de boulot personnel mais qui d'un point de vue scientifique était autant que je puisse juger grosso modo du même niveau (qui est le mien, il ne faut pas se leurrer) accepté en 4 semaines, relu par un seul reviewer qui n'avait rien à redire, dans un journal équivalent. On me dira que le côté aléatoire fait partie des joies de ce métier...

 

J'identifie en fait un problème potentiel: il s'agit d'un papier très "engineering". Grosso modo, on a adapté, en la simplifiant, une "recette" de chimie développée par des chimistes dans le cadre d'applications de type biophysique. Les matériaux ainsi préparés doivent nous servir pour des problématiques de physique des matériaux. Le papier est donc centré sur la "fabrication" et les "caractérisations" appropriées vis-à-vis des problématiques physiques qui vont nous occuper dans la suite.

Du coup, on est un peu le cul entre 3 chaises sur ce papier: les reviewers avec un background "chemical engineering" nous disent qu'on a fait de la chimie un peu dégueulasse (mais le but c'était de faire simple). Les biophysiciens (puisque c'est la communauté classique qui utilise cette "recette") nous demandent pourquoi on ne fait pas de la biophysique avec ces matériaux. Les physiciens ne lisent pas la partie chimie et trouvent nos résultats "préliminaires" un peu légers du point de vue de la physique. Idem pour les références: on cite beaucoup d'articles dans des journaux de biochimie/biophysique, mais ce n'est pas là qu'on a envie de soumettre... Et du coup, là où on a envie de soumettre, après une lecture rapide, ils pensent qu'on est hors-sujet.

 

Bref, je pense qu'on va finir par y arriver, mais je sens qu'on va encore transpirer.

 

Ca semble aussi conforter une deuxième impression (difficilement quantifiable) qu'on a avec un collègue, à savoir que les "petits" journaux très spécialisés (avec des reviewers issus d'une micro-communauté et donc hyper pointus sur la thématique) sont presque plus pénibles pour y faire accepter son article que les "gros" plus généraux, qui communiquent beaucoup sur des délais raccourcis d'acceptation, des thématiques très vastes etc (je ne parle pas ici des très gros comme Nature ou Science; et encore, eux aussi ne sont pas chiants: dans 90% des cas, le papier est vidé en moins de 48h).

 

 

* si on estime que l'impact factor du journal est une bonne mesure, dans ma branche les meilleurs journaux spécialisés sont à 4-6, les bons à 3-4, les corrects à 1.5-3. Ensuite, on a des journaux plus généraux, soit physique, soit chimie, soit matériaux, entre 7 et 12, et puis après, rarement (jamais en ce qui me concerne), les Nature, Science, et leur déclinaisons autour de 20 et plus.

 

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24 septembre 2014 3 24 /09 /septembre /2014 10:15

Dans un labo que je connais, il était extrêmement courant, jusqu'à il y a peu, de prolonger en 4ème voire 5ème année les thèses par un ATER, ou d'inciter les jeunes docteurs à rester au labo faire un post-doc, un petit contrat industriel, etc.

 

Je trouve que ça symbolise bien cette fausse empathie, ou empathie intéressée, qui semble bénéfique et bienveillante à court terme mais s'avère néfaste à moyen terme, qu'on rencontre dans notre milieu.

 

Ok, à court terme, on a l'air sympa: on offre un job, fût-il temporaire, à un jeune. Dans le contexte actuel, c'est déjà pas mal. Pour le doctorant en fin de thèse, qui est souvent un peu dans le doute métaphysique, c'est la solution de facilité. Sauf qu'à moyen terme, il n'y a généralement aucune intention de l'embaucher pour de bon (même si parfois ce genre de choses est évoqué comme argument), et ça le grille au minimum un peu, parfois complètement, le CV pour une carrière académique. Dans les commissions de recrutement, "tiens, mais pourquoi il a fait 5 ans dans son labo de thèse?". Il n'est pas non plus facile de justifier face à un industriel ces contrats "alimentaires".

Ainsi, je me souviens de cette personne, qui a du passer 5 ou 6 ans d'affilée dans le labo entre sa thèse et ses différents contrats. Elle était devenue en quelque sorte le "super technicien", qui connaissait toutes les manipes du labo, formait tout le monde, et n'en retirait personnellement pas grand chose. Finalement, tout ce petit monde sympa qui la prolongeait de six mois en six mois a vu arriver la loi Sauvadet et a conclu en réunion "bon ben faut qu'elle dégage". Mais ils la regrettent beaucoup aujourd'hui: normal, certes elle n'apprenait pas beaucoup scientifiquement et se flinguait un peu la carrière, mais c'était bien pratique pour les permanents qui lui refilaient leurs étudiants en formation...

 

Or, quand on essaye de s'affranchir de la sympathie qu'on peut éprouver pour une personne et qu'on tente de réfléchir à la situation dans sa globalité ou sur du long terme, on passe pour un connard sans coeur (tant du point de vue des collègues, qui soit ne sont pas conscients de leur cynisme, soit font semblant, que parfois du point de vue des jeunes chercheurs, ce qui est plus triste). Mais est-ce que le mec sympa, c'est vraiment celui qui, au final, t'aura pourri ton CV et te jettera au bout de 3 ou 4 ans parce qu'il n'a "pas les moyens de te titulariser", tout en ayant bien profité de tes compétences?

 

Ces pratiques ont un peu stoppé, pas parce qu'il y a une épiphanie dans le labo au sein des permanents, mais simplement parce que le nombre de postes d'ATER ont fortement baissé, et que les durées moyennes des thèses ont été épinglées par l'AERES (je vous ai dit que j'aimais bien l'AERES...).

 

 

On a le même genre de situations avec les personnels de catégorie C ou certains contractuels gestionnaires payés sur contrats de type 10 mois sur 12. Il y a plein de gens sympas pour prendre la défense individuelle de ces personnes, et pour leur donner plein de boulot à un salaire horaire bien en-dessous du SMIC. Si on s'élève contre l'existence même de ces contrats ou de ces conditions de travail, on est implicitement accusé de vouloir mettre des gens au chômage, de ne pas prendre en compte la bonne marche du système, etc.

 

 

(Désolé, texte écrit un peu sur le vif, sans avoir pris beaucoup de temps pour le peaufiner, il y a sans doute des passages légers tant sur le fond que sur la forme - encore plus que d'habitude, je veux dire)

(Cela rejoint aussi un peu mon article sur la sélection à l'université)

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