Je suis un "collectionneur" de CDs. Je dois en avoir à vue de pif 350, dont grosso merdo 200 à ranger dans la vaste catégorie "métal" (du nuclear metal au hard FM en passant par le celtic folk metal), et le reste dans la encore plus vaste catégorie "pas métal" (pop, rock, chanson française, nouvelle chanson française, variétoche, blues, pas de jazz, pas de classique).
Si j'étais psychologue, je vous expliquerais pourquoi, entre ça et l'habitude de manger du pain avec mes yaourts, j'ai, enfant ou adolescent, calqué tant de comportements, qui pour la plupart me sont d'ailleurs restés, sur ceux de mon frère ainé. Ou alors du côté compulsif de la chose, qui fait que sur les 350 CDs, j'en écoute 50 régulièrement, 200 occasionnellement, et 100 jamais (je dois même en avoir un ou deux que je n'ai pas déballés, c'est dire la gravité de la situation).
Mais en fait, on s'en branle.
Ce dont je voulais vous causer, ce sont ces CDs méconnus, que j'ai dénichés souvent par hasard, ou parfois par méconnaissance de l'histoire de la musique, et qui selon moi n'ont pas eu un succès en rapport avec leurs qualités intrinsèques. Je les séparerais, là encore, en deux catégories distinctes:
- Les albums malheureusement pour eux estampillés "métal", et donc passés quasi-inaperçus, qui auraient pourtant pu avoir un public beaucoup plus large ne serait-ce que s'ils avaient été placés dans la section "rock" à la Fnac, section qui fait moins peur au grand public, celui qui voit le "métal" comme un assemblage de bruits dissonnants crées par des jeunes voyoux aux cheveux longs qui tuent des chats dans les cimetières entre deux séances de messes noires. Bref, des albums de "métal" pas très "métal" mais trop assimilés "métal", voyez? Dans la même catégorie, on peut aussi ranger les albums "métal" vraiment "métal", pondus par des groupes inconnus, qui le sont restés mais qui auraient mérité de ne plus l'être vu la qualité de l'album largement supérieure à la moyenne des productions du même genre.
- Les albums considérés par les fans du groupe concerné (ou les critiques) comme faibles voire indignes de sa discographie, et ce généralement pour des raisons n'ayant pas grand chose à voir avec les chansons proprement dites (arrivée d'un nouveau chanteur forcément moins bien que l'ancien, virage artistique vers des contrées "trop commerciales" etc).
Quelques exemples, maintenant.
Dans la première catégorie:
- Ayreon, le double CD Universal Migrator. Ayreon est le projet ambitieux d'Arjen Lucassen, et donne dans l'opéra rock, à la croisée du progressif, du métal, voire de la pop et de l'électronique. Lucassen écrit et joue quasiment toute la musique, et invite des guitaristes renommés pour les soli, et des chanteurs de tous horizons pour les textes. Je n'irais pas jusqu'à clamer que les chansons pourraient passer sur NRJ, mais cet album franchement mélodique et bien foutu, avec quelques "tubes" potentiels, peut définitivement plaire aux amateurs de rock progressif, type Yes, Pink Floyd ou Marillion, sans le côté démonstratif un peu pénible d'un Dream Theater. L'alternance des chanteurs est également plutôt agréable, l'univers de chaque chanson étant bien adapté aux différentes voix.
- Mago de Oz, La Leyenda de la Mancha ou le double CD Finisterra. Mago de Oz est un groupe espagnol qui donne dans le "métal celtique". En gros, imaginez du Matmatah plus énervé, plus technique, et sans les paroles ciblées "ado rebelle" (je ne parle pas espagnol, mais les albums sont souvent "conceptuels"). Il y a quelques réminiscences Maidenesques ou plus généralement heavy, notamment pour les duels de guitare et la voix aigüe parfois très poussée du chanteur. Cela dit, je vous mets au défi d'écouter Fiesta Pagana ou la Danza del Fuego sans vous mettre à sautiller niaisement en tapant des mains. Le succès du groupe est malheureusement limité à l'Espagne et à l'Amérique du Sud, ils ne sont à ma connaissance passés qu'une fois en France dans le cadre d'un festival (et encore était-ce pour un set acoustique d'une demi-heure). Cela dit, même si je trouve que depuis, leurs albums sont moins entraînants, pour cause de virage plus progressif et conceptuel pas forcément judicieux, ils sont très faciles à dénicher chez Gibert Joseph, pour les curieux.
- Luca Turilli, King of the nordic twilight. Luca Turilli est le guitariste du groupe de "Hollywood Metal" Rhapsody (of Fire depuis quelques années pour des raisons de copyright). J'ai tendance à trouver Rhapsody un peu pénible, pompeux avec un chanteur pénible, comme du mauvais Yngwie Malmsteen en somme. Bizarrement, cet album de Luca Turilli tout seul, c'est mieux, un poil plus catchy, moins boursouflé. Et le chanteur, un allemand sorti d'on ne sait où, a une voix excellente. Quasiment toutes les chansons ont un pouvoir de pénétration immédiat (non, ce n'est pas sale, ça veut juste dire qu'on les retient bien, un peu comme du Christophe Maé, par exemple...).
- Within Tempatation, Mother Earth: Within Temptation a connu le succès avec un album assez médiocre (The Silent Force) lorgnant très fort du côté du créneau Evanescence qui venait juste de splitter et laissait la place libre: à la clef, entre autres, un Zénith et une première partie de Maiden au Parc des Princes. Bref, un néo-métal moyennement inspiré, plus poppy que métal d'ailleurs, et avec une chanteuse bien gaulée pour les clips. Malheureusement, les suiveurs ne sauront jamais que leur album précédent, Mother Earth, était quant à lui une petite perle de métal atmosphérique (la seule chose de métal ici étant l'utilisation de guitares électriques avec un son saturé), et que Sharon, en plus d'avoir de grosses miches, a une voix potentiellement envoutante. Plusieurs chansons de cet album (Mother Earth, Ice Queen, Our Farewell) auraient mérité de passer en radio, leurs maisons de disques n'auraient ainsi pas eu à les convaincre de changer de style pour percer.
- The 69 Eyes, Paris Kills. Leur musique donne dans le "Goth'n'Roll". Clairement, ça veut dire que c'est plus pêchu que du gothique à la My Dying Bride ou Type O Negative. Comment ça c'est tout sauf clair? Bon ok, bande de vermisseaux boursouflés d'ignorance: musicalement, on est assez proche du hard FM à la Bon Jovi. Bon Jovi vous connaissez quand même, merde?
Par contre, le chanteur a une voix définitivement "goth", c'est à dire qu'il ferait passer Barry White pour un ado n'ayant pas encore mué. Le tout est plutôt plaisant à écouter, et si j'étais leur manager, je les aurais bien mis sur le créneau de ces blaireaux de Tokio Hotel, bref le genre de groupes qui génère de l'explosion de foufounes chez les pucelles en mutation hormonale. Malheureusement ils ont probablement un style trop destroy pour les jouvencelles, ou surtout pour leurs parents (alors que la permanente du chanteur de Tokio Hotel fait très propre sur elle. Il a de plus tellement l'air gay que l'émoustillement des minettes en devient comique).
- Skylark, The Divine Gates (double, voire triple album). Skylark est un groupe italien franchement inconnu (même la presse spécialisée n'en parle quasiment jamais, de ce que j'ai pu en voir), et franchement c'est dommage. Ils sont un peu dans la même veine que Rhapsody ou Stratovarius, bref, du métal symphonique, avec tempos élevés, soli échevelés à la Malmsteen, duels clavier-guitare, chanteur à voix suraigue. Rien de bien révolutionnaire mais à mon sens leurs compos sont largement meilleures que celles de Rhapsody, groupe autrement "successful". Je les ai découverts par hasard mais c'est un groupe qui me semble-t-il aurait mérité de faire une plus belle carrière.
Dans la deuxième catégorie, je citerais:
- Iron Maiden, The X-Factor: premier album post-Bruce Dickinson. Pour bon nombre de fans, Blaze Bayley était une catastrophe (les fans les plus extrêmes ne s'étaient déjà jamais complètement remis du départ de Paul DiAnno en 1982...): pour la seule fois de sa carrière, Maiden s'est trouvé jouer dans des salles de type Zénith, au lieu des Bercys habituels. Mais bon, à mon sens cet album est très bon, malgré quelques chansons pourraves (mais Maiden a toujours eu du mal à sortir des albums sans une ou deux bouses). Plus sombre qu'à l'accoutumée, un peu plus "prog" aussi peut-être. The Sign of the Cross est LA chanson qui m'a fait adorer Maiden. C'est aussi sur The X-factor que Steve Harris a sorti ses premières compos systématiques "démarrage arpège lent, montée en puissance, puis tagada tagada guerrier" (un peu à la Hallowed Be Thy Name) qu'on retrouve depuis en un ou deux exemplaires, en souvent moins inspirées, sur tous les albums (The Clansman, No more lies etc).
- Helloween, The time of the Oath. Helloween est un groupe de speed metal qui a connu son heure de gloire au milieu des années 80 avec le double album Keeper of the seven keys. Puis le co-leader du groupe (Kai Hansen) est parti fonder Gamma Ray (dont je parlerai plus bas) et l'intérêt du public est pas mal retombé. L'arrivée d'Andi Deris au chant a suscité moult critiques et la plupart des albums se sont fait descendre en flèche par la presse spécialisée. The time of the Oath est pourtant un très bon album de speed mélodique, avec ce qu'il faut de refrains catchys, de tempos 250 bpms et de wohohoh, dans la plus pure tradition "Future World". Les deux ballades ne dépareilleraient pas chez Scorpions.
- Gamma Ray, Powerplant. Gamma Ray a un succès critique plutôt plus important que Helloween, mais Helloween vend probablement plus de disques (c'est toujours le même schéma type John Lennon vs Paul McCartney). Plusieurs de leurs albums ont été bien reçus par la critique, mais ce Powerplant est passé assez inaperçu. C'est pourtant à mon goût leur meilleur album, avec une reprise des Pet Shop Boys, une parodie de Manowar, et des chansons moins sombres qu'à l'accoutumée, bref dans la veine d'un Helloween old school.
Enfin, deux CDs qui sont un peu à cheval sur les deux catégories:
- WASP, The Crimson Idol. The Crimson Idol, c'est pour moi l'exemple type de l'album sorti au mauvais moment, et victime de la réputation de son compositeur. WASP était un groupe à succès (aux US tout au moins) qui donnait dans la provoc facile (diffusion de films pornos en concert, paroles licencieuses, costumes ridicules etc). Musicalement, du hard ricain classique, un poil plus bourrin que Poison ou Bon Jovi mais rien de bien méchant (hormis la voix assez agressive de Blackie Lawless). A la fin des années 80, les groupes de ce genre (Motley Crüe etc) ont commencé à passer de mode, remplacés par Metallica, puis par Kurt Cobain. Blackie Lawless, âme du groupe, très influencé par Pete Townshend des Who a sorti cet album conceptuel (ou opéra rock, j'ai jamais vraiment pigé la différence, si tant est qu'il y en ait une) à la Tommy en 1992. Il raconte la gloire puis la décadence de Jonathan, star de rock. Cet album passé presque inaperçu, car sorti six mois après Nevermind et par un mec connu surtout pour avoir sur scène une bite en plastique crachant du feu et ses chansons de 3 minutes intitulées "I fuck like a beast", est pourtant superbe musicalement parlant. L'histoire et les paroles sont aussi très chiadées. Une mélodie revient fréquemment, jouée différemment. Les tempos varient, et rien n'est à jeter. Si je ne devais vous en conseiller qu'un dans la liste, ce serait celui-la.
- Rage, The end of all days. Rage est un groupe de trash allemand, dont les vieux albums ne sont pas sans rappeler les vieux Metallica, avec des compositions moins chiadées. Depuis quelques années, ils donnent plus dans le heavy assez lourd avec des touches symphoniques (ils ont joué avec le Lingua Mortis Orchestra et leur nouveau guitariste, Victor Smolski, est un peu le nouveau Malmsteen). Du coup, il y a eu une transition qui dura en gros trois albums, au milieu des années 90, entre ces deux styles pas si éloignés mais pas si proches quand même. Pour moi, le dernier album de cette période transitoire est énorme. Un croisement de Maiden sous amphétamines pour les tempos et la musicalité (avec une reprise musclée du Trooper), et de Metallica pour la lourdeur du son et la voix puissante de Peavy Wagner. Le seul petit bémol est ici les soli (pas au niveau des groupes susmentionnés), mais bon, parfois, même dans le heavy metal, la branlette de manche n'est pas ce qu'il y a de plus fondamental.
Voila, vous reste plus qu'à consulter Wikipédia pour en savoir plus sur les groupes dont à propos desquels je vous ai pondu cet article, puis à vous rendre chez votre revendeur préféré ou à télécharger tout ça plus ou moins légalement: pensez quand même que la plupart de ces groupes, niveau ventes et donc revenus, c'est pas U2 ni même Metallica.