Ce n'est pas le titre d'une nouvelle fable de ce vieux salopard de La Fontaine.
C'est juste que, depuis le début de la semaine, je me réveille ensuqué, fatigué. Et puis, ça ne passe pas pendant la journée. J'ai l'impression que mon cerveau est continuellement enrobé dans de la ouate. Quand je rentre chez moi en fin d'apres-midi, je m'affale dans mon rocking chair et je regarde sans écouter, un filet de bave a la commissure des levres, Fox TV. Et j'ai beau me coucher tot, faire des grasses mat' le week-end, ça ne passe pas.
Généralement, c'est signe qu'il faut que je prenne des vacances. Ce ne serait pas étonnant, car depuis un an et demi, j'ai du prendre moins de dix jours de vraies vacances (meme le dernier Noël-Jour de l'An, consacré aux fuckin' formalités administratives en vue du départ de ce coté-ci de l'Atlantique, n'a pas été du bon vrai repos les couilles dans la vaseline a ne strictement rien bouener. Allez, ç'avait été quand meme bénéfique apres les 4 derniers mois assez intenses dus a la soutenance de these).
Je me souviens, j'étais souvent dans cet état la pendant mes années prépa.
D'ailleurs, il y a un article sur la prépa dans le Monde en ce moment. Une psychiatre nous informe que dans son centre crée pour aider les lycéens et étudiants en grand désarroi psychologique, 50% de ses patients viennent des meilleures prépas parisiennes (Henri 4, Louis le Grand...). Le tableau dressé est celui d'un univers quasi-carcéral (avec les profs-matons sadiques, les éleves qui n'ont plus de vie a part la pougne - "une vie entre parentheses" dit-elle, la branlette comme seule activité sexuelle et sportive, mais quand meme la franche camaraderie basée sur le "on est tous dans la meme galere").
Un article qui donne du grain a moudre au moulin de ceux qui aiment dénigrer cette noble institution.
Il faut dire que, dans un pays ou tout ce qui est "inégalitaire" est considéré comme discriminatoire, que penser de ces formations de haut niveau qui, bien qu'inconnues a l'étranger (un peu comme les anglais, on aime bien aussi avoir des trucs que y a que nous qu'on les a), amenent des étudiants dans des écoles d'ingénieurs ou de commerce, dont les meilleures sont, elles, mondialement réputées, en tout cas dans les milieux ou ça a de l'importance (et si les écoles elles-memes ne sont pas connues, il me semble que les ingénieurs français ont peu de difficultés a s'expatrier, preuve que la formation, elle, est appréciée).
Oh, certes, tout n'est pas rose dans le royaume de la prépa: c'est vrai, c'est un domaine ou l'héritage a son importance (une majorité non négligeable d'éleves a papa-maman-grandpapa et les frangins qui ont aussi fait prépa). Du coup, pour l'ascenceur social, c'est pas nécessairement trop ça. Mais bon, on ne vous demande pas votre pedigree non plus (j'aurais été mal barré avec un seul parent bachelier), le plus important c'est vous et ce que vous avez dans le ventre. Ce n'est pas illogique d'avoir plus de chances d'etre un poil matheux si toute votre famille l'est que si elle travaille dans la restauration par exemple. On retrouve ce problemes dans pas mal de corps de métiers (médecins, notaires...), difficile de faire la part des choses entre le "piston" et la "génétique".
Mais bon, je voudrais rétablir quelques vérités suite a cet article.
D'une part, les usines a X du centre parisien mentionnés dans l'article sont, d'apres tout ce qu'on m'en a dit et comparativement a ce que j'ai vécu dans une des meilleures prépas de province, un monde a part. Des classes dites **, c'est a dire ou sur 30 éleves, 30 éleves visent Polytechnique ou Normale Sup rue d'Ulm. Les deux blaireaux qui n'ont QUE Centrale Paris ou les Mines sont considérés comme des gros losers. Pression maximale, niveau tres homogene, ça a pas l'air d'etre fun tous les jours (il y a malgré tout, meme dans ces prépas, de loin les meilleures de France, des classes moins fortes ou ça doit etre plus sympa).
Dans la plupart des autres prépas, il n'y a qu'une classe ou deux, donc le niveau est plus hétérogene. Dans ma classe, entre les plus mauvais qui visaient des ENSI moyennes et les meilleurs qui visaient l'X, il y avait un monde d'écart. Du coup, il y a moins d'esprit de compétition, chacun fait son truc sans se préoccuper de savoir s'il intégrera mieux que bidule. Et ça oblige les profs a etre un peu plus attentionnés.
D'autre part, c'est vrai qu'on en chie en prépa. Ca reste de loin les trois années les plus éprouvantes de ma vie (c'est sans doute la preuve que j'ai pas eu une vie bien difficile). Ceux qui disent que ce sont les deux ou trois meilleures années de leur vie (voir quelques commentaires dans l'article du Monde), je les plains un peu quand meme. Certes il y a de bons moments, on se fait des potes qui restent, mais tout de meme, il y a moyen de s'éclater plus apres. Personnellement, les deux premieres années d'école d'ingé étaient bien dans le genre on ne fait rien, on ne pense pas a l'avenir et on profite (sexe, non pas sexe, mais drogue, alcool, rock'n'roll). J'ai préféré pour ma part les un an et demi du milieu de these, plus équilibrés: boulot stimulant, pas trop de pression, relation amoureuse idyllique, et toujours le temps de voir les potes pour refaire le monde et s'en mettre une bonne derriere le cornet. Ca c'était de la balle, dommage que ça n'ait pas duré 20 ans.
Enfin bon, revenons a la prépa, certes on en chie, mais on n'est pas non plus obligé pour intégrer une bonne école de lacher le sport, la musique, les sorties et tout ce qui distrait du boulot. J'ai envie de dire au contraire.
Si certains ont besoin de laisser tomber toute activité externe pour parvenir a s'accrocher, c'est peut-etre, tout simplement, qu'ils ne sont pas fait pour ça. Généralement, ceux qui sont déja a bloc le nez dans le guidon au lycée, quel que soit leur niveau, auront de grosses difficultés en prépa.
Quant aux dépressifs dont parle l'article, eux non plus ne sont pas fait pour ça (la prépa c'est dur, mais s'il faut suivre une thérapie pour en sortir, le jeu n'en vaut pas la chandelle). Ou alors, qu'ils ont déja des problemes, car apres tout a 18-20 ans, on est souvent dans le doute, pré ou pa.
Un probleme toutefois: je reconnais que la prépa a tendance a retarder un peu la maturité. Comme on bosse beaucoup a un age ou on a pas vraiment envie (sauf cas bien particulier de futur Jean-Marie Messier), les détentes consistent a se murger, puis, en école, la vie consiste a se murger (et aux exams a éviter d'etre dans les 5% du bas du classement qui auront des problemes pour passer), au moins les premiers temps. Bref, on commence généralement a se poser des questions sur son avenir en troisieme année d'école, i.e. aux alentours de 23 ans. J'imagine qu'a la fac, il faut se prendre en main un peu plus tot et faire preuve d'une volonté et d'une pugnacité plus forte.
Il y a aussi les blaireaux qui parlent de formatage de la pensée, parce qu'ils ont entendu qu'il y avait en prépa quelques coutumes débiles institutionnelles et vaguement pompées sur les coutumes débiles institutionnelles de fac de médecine... Bof, c'est comme partout, il y a quelques bas du front, mais la majorité des prépas sont des gens plutot réfléchis qui savent prendre du recul. Pas forcément beaucoup pendant leurs deux ou trois années de prépa, mais plus tard, si. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait un réel moule prépa-école. Bien sur, il y a des comportements inhérents au groupe social fréquenté qui se créent, mais pas plus qu'ailleurs: effectivement les gens que je fréquente n'ont généralement que peu de points communs avec un étudiant d'Assas. Mais il y a également beaucoup de personnalités différentes et potentiellement incompatibles: je me serais probablement mieux avec bien des étudiants de Jussieu ou d'ailleurs qu'avec certains tetes de bite, rares mais puissantes (oui, Thierry, je pense a toi), rencontrées en prépa-école.
Pour conclure, on n'apprend pas grand chose en prépa scientifiquement parlant, ou plutot ce qu'on apprend on l'oublie tres vite (hormis les bases qui servent dans l'école intégrée). Il serait d'aolleurs amusant de faire revenir aux concours un éleve d'école d'ingé un an apres son intégration. A part les quelques tres doués, je suis sur que les résultats seraient comiques (j'ai d'ailleurs fait plusieurs fois ce cauchemar).
Cependant, la formation est ailleurs:
- On apprend a bosser sous pression. En prépa, on a toujours énormément de boulot, entre les DM (devoirs maisons), les kholles, les DS (devoirs sur table), les TPs a rédiger, le TIPE (travail d'intéret personnel encadré, si si ça veut dire quelque chose) a préparer... Du coup, il faut etre:
- organisé. Savoir déterminé ce qui est important et ne l'est pas.
- efficace. Savoir faire en deux heures ce qu'on faisait auparavant en quatre.
Et c'est mine de rien un apprentissage essentiel, totalement empirique et pas du tout théorisé (chacun développe sa propre méthode, j'imagine), pour beaucoup de situations futures. En ce qui me concerne, ça m'a énormément servi en fin de these.
C'est la, ou, je pense, les éleves ingénieurs sont globalement meilleurs que ceux de la fac, et pas tellement en terme de compétences scientifiques: je respecte énormément les universitaires, car, a leur place, quasi sans encadrement, je n'aurais probablement pas été flamboyant (un peu feignasse, j'ai toujours eu besoin qu'on me pousse au train, sinon je me contentais d'etre dans le premier quart sans trop me fouler, chose sans doute insuffisante en fac).
Toutefois, la plupart de ceux que j'ai cotoyés bossaient vraiment tres mal: aux exams de DEA, leur méthodologie m'a plus d'une fois laissé pantois, et je me suis retrouvé avec de bien meilleures notes qu'eux en y passant probablement quatre fois moins de temps.
Bref, malgré tous ses défauts, la prépa, c'est pas si pire, ne croyez pas les psychodemesdeux et autres universitaires maoïstes frustrés qui voudraient les supprimer ainsi que les grandes écoles (ils ont du boulot vu la puissance de ces institutions) pour que tout le monde y soit égaux dans la médiocrité anonyme de la Fac. Et la on verrait vraiment ceux qui ont des couilles pour arriver a quelque chose.