Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
  • Contact

Profil

  • mixlamalice
  • Misanthrope optionnellement misogyne et Esprit Universel.

Recherche

27 décembre 2014 6 27 /12 /décembre /2014 13:07

Spoiler alert: je vais parler de choses que je ne maîtrise absolument pas, mais nous sommes en France, pendant les périodes de fêtes qui plus est, il est donc important d'avoir un avis sur tout.

 

J'ai dans mes proches relations un notaire. C'est quelqu'un de plutôt mesuré et d'ailleurs assez pessimiste de nature, il pense donc que sa profession telle qu'elle existe aujourd'hui ne sera plus à moyen terme.

Je ne suis moi-même a priori pas un farouche défenseur des notaires (mais qui l'est vraiment?, comme il le dit lui-même), ou plutôt de leur communication actuelle, que je trouve un peu gonflée.

Néanmoins, il m'a fait quelques remarques intéressantes pour mettre leur mouvement de protestation face à la loi Macron en perspective.

 

Premièrement, il faut rappeler que les notaires sont régis par un numerus clausus. Eg, ce n'est pas parce qu'on a le diplôme, qu'on peut, contrairement à un avocat par exemple, louer un local et mettre sa plaque devant "M. Michu, notaire".

Il y a en France en gros 8000 notaires (+ 1000 "notaires salariés" qui ne possèdent pas de parts dans une étude). 

Il y a 2 façons de "devenir" stricto sensu notaire: racheter les parts (ou la totalité) d'une étude existante (ou l'hériter de papa/maman) ou réussir un concours annuel (chaque année, l'Etat décide qu'à tel endroit, il manque une étude, qu'il faut donc en installer une, et elle est attribuée par concours: soit n études à distribuer, le concours classe les candidats, le 1er choisit là où il veut aller, le 2ème a n-1 choix, etc, jusqu'à ce que toutes les études soit pourvues).

La voie concours est très minoritaire (quelques dizaines de places par an, moins de 20 par an depuis 5 ans). Lorsque l'on réussit le concours, l'emprunt bancaire pour s'installer est "minimal" (en gros, louer ou acheter un local, l'équiper, et acheter le logiciel d'utilisation obligatoire qui vaut dans les 50k€).

La donne est différente quand on rachète une étude. Par exemple, 25% d'une étude à Antibes a coûté à un collègue de ma connaissance 1.2 M€. Il faut donc voir que le notaire débutant souscrit un prêt bancaire avec remboursements du genre 8k€/mois sur 15 ans. C'est d'ailleurs sans doute pour ça qu'il y a beaucoup d'héritiers dans ce milieu. Bien sûr, ce n'est pas de l'argent perdu et la revente de l'affaire en fin de carrière permet de faire un joli complément de retraite, mais ça fait quand même une bonne moitié de carrière avec pas mal de pression.

Bref, le notaire gagne en moyenne 17k€ net/mois. Il faut quand même penser qu'avec ces sommes là on est imposé au global à pas loin de 40%. Une fois le prêt remboursé, bon, on va pas pleurer misère pour eux, mais déjà ça fait moins rêver. D'autant que le notaire est aussi un petit patron, et que quand il rédige des actes, il engage un peu plus sa signature que d'autres parties. 

 

Il faut voir aussi qu'il y a environ 1000 nouveaux diplômés notaires par an. La plupart exerce donc des activités de type "clerc" ou " notaire assistant" (aux rémunérations de type 2k€ net/mois). Les notaires salariés sont aux alentours de 4k€/mois. On est déjà un peu plus loin des nantis même si ça reste confortable.

 

Le point ici, c'est que le gouvernement veut instaurer la libre installation (eg supprimer le numerus clausus, le concours etc). C'est peut-être une bonne idée en soit, et probablement qu'un certain nombre de diplômés qui font le sale boulot du notaire pour 10x moins seraient contents de pouvoir s'installer. Il est aussi normal que dans une réforme, il y ait des perdants... Mais ici, en gros, on explique à quelques milliers de gars qui se sont endettés à hauteur d'1M€ que demain, quelques dizaines de milliers d'autres peuvent potentiellement venir ouvrir à côté de chez eux, sans avoir à débourser un kopeck. Déjà, on peut comprendre que ça rende un peu jaloux, mais si en plus ça conduit à diviser le revenu par 2 ou 3, le mec commence à transpirer vis-à-vis de son énorme prêt bancaire.

 

Bon, voila, ceci mis sur la table, je comprends mieux que certains gueulent. Après, il y a quelques poignées de notaires parisiens qui gagnent plus d'1M€/an et tout le monde est d'accord pour dire que ces types là sont dans une situation de rente, qu'il faut faire quelque chose etc. Mais franchement, ce n'est probablement pas eux qui seront affectés le plus par la réforme. 

 

C'est un peu la même problématique avec les pharmaciens (numerus clausus itou, et officines très chères à acheter), ou les taxis avec leurs licences. Dieu sait que je ne suis pas un défenseur des taxis, surtout à Paris, mais on peut comprendre que celui qui a acheté sa licence 300k€ l'ait mauvaise si, sans compensation, demain n'importe qui peut foutre taxi sur sa voiture et se lancer.

 

Donc, quand on veut flinguer une corporation, et il y a sans doute de bonnes raisons pour le faire, il faut aussi, quand on gouverne, prévoir ces contreparties et compensations. Si on se contente de dire, "c'est comme ça, et désolé mais pour vous c'est dans le cul lulu", c'est un peu normal que ça ne passe pas, surtout si la dite corporation a des pouvoirs soit de nuisance, soit de lobbying.

 

 

Je ne sais pourquoi, il semble que ce travail prédictif soit de toute façon inconnu des décideurs. Beaucoup plus localement, je pense à ces formations de chez moi, qui ferment à tour de bras, sans se préoccuper du devenir de ceux qui les ont commencées. "oui, la, ça ferme, ok, mais on a 10 inscrits là, qui ont commencé il y a 2-3 ans et qui donc pourront pas finir, on en fait quoi?" "ah, c'est pas notre problème, c'est pas rentable c'est tout" "au temps pour moi, je croyais qu'on avait comme une sorte de mission de service public" "pardon?"

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
En general Mix est plutôt bon sur les ordres de grandeurs et les raisonnement hand-waving, mais j'ai du mal avec l’argument “je-gagne-beaucoup-mais-je-dois-rembourser-mon-etude-que-je-compte-revendre-quand-meme”<br /> <br /> Il y a en effet 2 arguments un peu contradictoires<br /> <br /> 1. Racheter une étude coute cher mais le notaire peut espérer la revendre en fin de carrière<br /> <br /> 2. La salaire n'est pas si mirobolant car les notaires doivent rembourser leur etude.<br /> <br /> Que je sache l’etude n’est pas remboursée 2 fois ! Pour un systeme ou les prix de reventes sont stable, l’achat puis la revente d’une etude est une operation transparente financierement. Donc il n’est pas vraiment justifié de déduire du salaire net le cout du remboursement (a vu de nez 5k-6k euro/mois en extrapolant les chiffres de mix). Ou alors on dit clairement que les notaires recoivent un super pecule de ~1Meur en prenant leur retraitre ! <br /> <br /> En d’autre terme, l’argument ““je-gagne-beaucoup-mais-je-dois-rembourser-mon-etude” ne s’appliquera qu’au notaires lésés a la revente, ou ceux qui comptent leguer leur étude a leur progéniture !<br /> <br /> D’ailleur un argument similaire est souvent sortis pour justifier le salaire tres elevé des médecins US (facteur 2-4 par rapport a l'europe/japon): “oui on gagne beaucoup mais on doit rembourser nos frais de scolarité”. En pratique ce prêt est vite remboursé….
Répondre
D
Tout de même, ce système rappelle la vénalité des charges sous l'Ancien régime, la Paulette, tout ça...
Répondre
M
Je suis d'accord avec ça (les notaires, c'est napoléonien me semble-t-il). Après, on peut estimer nécessaire de réformer un système, mais il faut aussi penser à dédommager (que ce soit les 5000 notaires ou les 50000 taxis qui ont investi x centaines de milliers d'€). Sinon, on rentre dans un cadre d'&quot;expropriation&quot;.<br /> Enfin, un dernier argument en faveur des notaires, qu'ils ne se sont pas privés d'employer mais que je trouve légitime (même si je pense que le notaire parisien multimillionnaire, au fond, s'en fout sévère), c'est que ce cadre &quot;étatique&quot; définit une bonne couverture du territoire. Aujourd'hui, le notaire dans la cambrousse près de Périgueux, il est pas millionnaire, mais il est aidé financièrement la corporation.<br /> Demain, si chacun met sa plaque où il veut, personne n'ira se faire chier dans un trou pour 2 smics, et il y aura probablement des déserts notariaux comme il y a des déserts médicaux (on me dira qu'on y va moins souvent, mais ça peut être emmerdant malgré tout)
D
J'aimerais un peu d'information sur ces histoires de déciles: souvent, ce n'est pas clair si c'est mesuré par foyer, par travailleur? Et si c'est par travailleur, est-ce que cela prend en compte seulement les salariés, ou également les entrepreneurs, artisans, commerçants et professions libérales?
Répondre
M
C'est pour ça que je regarde souvent le site révolution fiscale, qui parle bien de revenu individuel et dans la distribution française &quot;globale&quot; (bref, ça prend en compte les temps partiels, les libéraux etc). On peut même choisir de ne regarder que les &quot;ETP&quot; (comme on dit chez nous).<br /> Malheureusement c'est en brut ce qui ne me semble pas hyper pertinent: le brut d'un fonctionnaire est souvent un peu &quot;minable&quot; mais comparativement son net plus intéressant, moins de prélèvements que les salariés du privé. Idem, les salariés de start-up ont un net plus proche du brut que les salariés de grands groupes (mais moins d'avantages autres aussi).<br /> <br /> Par contre, le site observatoire des inégalités ne s'intéresse qu'aux salariés si je ne m'abuse. Par contre il raisonne en net.<br /> <br /> Le mieux est encore de fouiller sur le site de l'INSEE, même si je trouve qu'il est très difficile d'y trouver ce qu'on cherche. Notamment, je crois qu'on peut trouver le net par &quot;individu&quot; d'un foyer (en prenant des &quot;parts&quot; pour les enfants éventuels) qui me semble ce qu'il y a de plus pertinent...
L
Mmmh je prefere quand tu ecrits sur les sujets que tu maitrise... Je trouves juste que 4k€ net/mois c'est dans les 8% des salaires les plus elevé quand meme (en france hein, dans le monde tu dois doit faire parti des fameux 1% avec un salaire comme ca) , donc ca doit faire rever certains oui. Donc ca ne devrait pas choquer qu'un gouverment de gauche s'y attaque non?
Répondre
M
Mais je suis tout à fait d'accord que beaucoup de gens ignorent (ou font mine d'ignorer) leur &quot;position&quot; vis-à-vis du reste de la population française. Les interviews de pilote à l'époque de leur grève étaient par exemple assez cocasses (ou tragiques, c'est selon) de ce point de vue.<br /> <br /> Sinon, ce que j'aime bien chez les chercheurs, quand même, c'est que grosso modo quand on manifeste c'est pas trop pour la sauvegarde de nos acquis ou la hausse de notre pouvoir d'achat, mais pour l'amélioration de nos conditions de travail et la diminution de la précarité. C'est sans doute assez naïf (ou faussement naïf) et aussi pour ça qu'on nous prend pour des cons, mais bon, c'est quand même plus &quot;noble&quot; comme revendications que d'autres.
M
Oui, ça m'arrive de regarder les déciles et tu as raison, c'est sans doute ça qu'il faut regarder (j'aime bien ce site: http://www.revolution-fiscale.fr/simuler/distrib/ parce que c'est plutôt revenus que salaires).<br /> <br /> Mais après, c'est peut-être mon côté physicien-loi d'échelle, j'aime bien les échelles log. Ou plutôt, disons que de façon assez générale, le fait que la distribution des revenus français soient très (autant) ramassés (genre 2/3 de la population dans un facteur 3) ça a tendance à m'attrister. Qu'à 1000 on soit pauvre et qu'à 3000 on soit riche, c'est un peu démoralisant, même quand on ne base pas sa vie sur le pognon qu'on gagne.<br /> Donc oui, je sais que je suis plutôt dans les &quot;privilégiés&quot;, dans le top 20% voire sans doute 15%, et je suis globalement satisfait de mon niveau de vie et de mes contributions, mais j'ai pas l'impression d'abuser et je ne suis pas vraiment convaincu que ce soit à des gens comme moi que le gouvernement doive faire rendre gorge...<br /> <br /> Le corollaire: qu'on tape ceux qui gagnent 3000 en donnant l'impression qu'on ne sera content que quand tout le monde gagnera 1000 (pendant que ceux qui gagnent 100000 sont peinards), c'est sans doute de gauche, mais ça ne me semble pas forcément très malin.<br /> <br /> Pour les notaires, plus que leur revenu, c'est que l'Etat fasse comme s'il n'y avait pas d'investissement lourd de la part de la majorité de ces gars qui me semble un peu &quot;démago&quot;. Mais bon, c'est vrai qu'ils sont une cible assez &quot;facile&quot; vis-à-vis de l'opinion.
L
Hé, je suis plutôt d'accord avec toi, en temps que chef d'un labo de 5 permanents et deux thésards dans un établissement publique je suis à un peu moins de 4k€/mois et je n'ai pas l’impression d'être un nanti...<br /> <br /> Pourtant je ne pense pas qu'il faut compter en nombre de SMIC, on sur nos impressions, car celui qui est à 4000 €/mois, gagne plus que 93% des français (source http://www.inegalites.fr/spip.php?page=salaire) ! Oui je sais ça parait fou ! (et attention il faut ajouter les aides sociales dedans !)<br /> <br /> J'ai souvent cette discussion avec des gens qui pensaient faire parti des classe moyenne car ils étaient CR CNRS, mais ils font parti des 10% dès qu'ils sont à 3400€/ mois ! Or si on ne considère pas que les 10% des revenus les plus important d'un pays ne sont pas des &quot;riches&quot; qui mettre dans cette tranche ? Dans les programme des &quot;vrai&quot; parti de gauche, ce sont clairement les classes visés. <br /> <br /> D'ailleurs peu de gens semble savoir se situer sur l'échelle des salaires en france (http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&amp;id_article=1997&amp;id_groupe=9&amp;id_mot=130&amp;id_rubrique=1)
M
Ou plutôt, si, quand on regarde en décile force est de constater qu'à 4k€ net/mois en France on est un &quot;nanti&quot;, mais je ne suis sans doute pas suffisamment de gauche pour penser qu'entre un &quot;pauvre&quot; et un &quot;riche&quot; et il y a &quot;seulement&quot; un facteur 2 ou 3 en termes de revenu.
M
Sans doute, mais même de gauche, je ne suis pas comme Hollande à penser (ou juste dire pour se faire élire) qu'à 4k€ net/mois (qui n'est guère que ~3 SMIC ou 2,5x le salaire médian) on est un nanti. <br /> Des professions &quot;protégées&quot; à 4k€/mois il y en a des cartons (plutôt en début de carrière, tout compris je suis moi-même à ~3k€ net/mois, on peut parler aussi des agrégés).<br /> Des professions à 10k€ (genre les pilotes) on en a vu d'autres aussi, avec probablement moins de &quot;charges&quot; même si de la pression.<br /> <br /> Après je chiale pas sur les notaires, mon point c'est juste que taper sans contrepartie sur des gens qui pour beaucoup se sont pas mal endettés, c'est quand même un peu normal qu'ils gueulent...<br /> <br /> J'essaie de parler le plus rarement possible de politique, même à table (mais en vieillissant ça devient dur), je ferai mieux peut-être la prochaine fois :)
G
Oui, l’État devrait rembourser les licences des professions réglementées - après tout il est responsable de cette situation. Je ne sais pas s'il existe des études pour chiffrer ce coût, mais ça doit être énorme. Il faudra bien payer un jour pour les conneries qu'ont faites les hauts-fonctionnaires d'il y a deux siècles.<br /> Si on veut rester dans un système étatique - ou non-libéral - il faudrait interdire l'héritage et donc d'attribuer les études à titre viager sur concours ; je crois que c'est le système belge. S'il y a 8000 études, ça devrait faire 150-200 places à attribuer par an.
Répondre
M
Oui, le coût probablement énorme: de l'ordre du milliard minimum pour les notaires, probablement idem pour les taxis, plus les pharmaciens etc.<br /> Pas mal la vision belge (en oubliant le facteur coût pour un gouvernement sans fric): &quot;renationalisation&quot; des études (ou rachat par l'Etat au fur et à mesure des départs en retraite) puis redistribution sur concours.