Je décale quelque peu la rédaction de mon (ou mes) article(s) sur la MGEN pour poser une petite question sur la durée du doctorat.
Les collègues des SHS s'époumonent depuis la parution d'un nouveau projet d'arrêté sur le "doctorat en 3 ans, vite fait mal fait" (en semblant ignorer que la durée de 3 ans est déjà inscrite dans la réforme LMD de 2002, mais aussi dans l'arrêté de 2006, et en fait, comme le souligne D. Monniaux, depuis même bien plus longtemps que ça; le nouveau projet d'arrêté ne faisant que limiter les possibilités de dérogation).
Je vais faire bref, même s'il serait intéressant de creuser.
Il y a environ 2/3 des doctorants SHS qui ne sont pas financés pour leur thèse (ce qui représente donc environ 14000 doctorants sur 22000).
Sur ce nombre, une large part (la moitié?) est enseignant du secondaire, le plus souvent à temps plein (les décharges pour la réalisation d'une thèse, sont, de ce qu'on m'a dit, rares). L'autre partie vit, j'imagine majoritairement, de vacations, d'un ou deux postes d'ATER (en bénéficiant de petits arrangements des établissements, je pense), d'aides familiales, ou de petits boulots divers pendant la durée de la thèse, qui est en moyenne dans ces disciplines de 5,5 ans pour ceux qui finissent (le taux d'abandon très élevé, autour de 30 à 40% - hélas je ne trouve pas le rapport AERES évoqué dans le lien, j'aurais bien vérifié les chiffres mais l'ordre de grandeur doit être ok).
Donc, la grande majorité des doctorants SHS effectue, de fait, une "thèse à temps partiel", puisqu'ils exercent une autre activité rémunératrice (censée être à temps plein dans le cas des enseignants du secondaire, par exemple).
Ceci posé, ma question est donc toute bête: comment peut-on affirmer qu'une thèse en 3 ans est impossible et que la qualité s'en ressentirait, alors que si je compare, pour faire simple, un temps plein pendant 3 ans (35h/semaine x 45 semaines/an x 3 ans = 4725h, exemple d'un doctorant pas vraiment furieux) à un temps partiel de 6 ans (15h/semaine - déjà pas mal si on est aux 35h sur un autre job par ailleurs- x52 - je suis sympa, j'imagine que le thésard non financé ne prend jamais de vacances- x 6 = 4680h), je trouve, en étant généreux, que les deux sont équivalents?
Point annexe: le doctorant financé sur contrat doctoral qui a fait une thèse en 5 ans (contrat doctoral temps plein + 2 ATER disons) a, a priori, pu faire largement plus que son collègue non financé sur toute la durée dans le même laps de temps. Bref, si la durée est "homogène", le contenu ne l'est probablement pas plus que dans les sciences dures et l'argument du "contenu" ne tient pas vraiment non plus.
Bref, mon avis, c'est plutôt que les "us et coutumes" sont durs à changer, et que beaucoup, chez les vieux de ces disciplines, ne semblent pas s'être remis de la disparition de la thèse d'Etat il y a une trentaine d'années, tandis que les jeunes perpétuent ce fonctionnement par habitude.
Donc selon moi, plus que la question de la durée, c'est la question du financement qui est cruciale. Mon point de vue, c'est qu'il ne faut pas inscrire en 1ère année de thèse quelqu'un sans financement pérenne (eg ni contrat doctoral, ni poste dans le secondaire, sous réserve d'obtenir une décharge). Ensuite, le choix politique est de savoir si du coup, on supprime à la hache 1/3 des doctorats SHS (et en vérité probablement beaucoup moins car je soupçonne que le taux d'abandon est plus élevé chez les doctorants non financés), sachant qu'a priori les thèses SHS ne sont pas surreprésentées en France par rapport à ce qui se fait à l'étranger, ou si on trouve le moyen d'en financer 5 ou 10000 de plus qu'actuellement.
Pour conclure, dans mon département aux USA, où plutôt qu'une durée, on définissait des critères de publication (typiquement 3 articles premier auteur minimum) les meilleures thèses étaient celles qui prenaient le moins de temps (en gros 4-4,5 ans avec 1 année complète de cours pour commencer), pas celles qui en prenaient 7... (dans ces cas là, le doctorant avait juste plus de mal à sortir ses papiers...).