Avant de parler de choses plus sérieuses (la visite chez Paul Bocuse entre autres), on peut mentionner rapidement deux chouettes restos du Pays Basque en terme de rapport qualité/quantité/prix.
Il faut dire qu'on bouffe plutôt pas mal dans la région, une cuisine généralement assez riche (+2 kilos sur la balance en 10 jours), et que les restos ne manquent pas, que ce soit du côté français ou espagnol.
Je ne me pose pas en dénicheur de bon plan, au contraire même: il y a plus de 10000 restos à Paris, j'estime (à tort ou à raison) que 80% d'entre eux sont génériques (donc médiocres) au mieux, et je suis donc plutôt du genre à recouper les informations. J'évite de me ruer dans un resto dès son ouverture, et de me taper 30 bouis-bouis pour découvrir celui pour lequel sous le rade cradingue sommeille Cendrillon.
Mais il arrive que, sans vraiment chercher, on tombe sur un "bon plan": pas un truc à se relever la nuit, mais où on mange "comme à la maison" en ayant l'impression de ne pas avoir payé beaucoup plus cher que si on l'avait fait soi-même. Parfois, c'est tout ce qu'on demande.
Alors donc, dans la vieille ville de San Sebastian, il y a une bonne centaine de bar à tapas/pintxos/raciones (les pintxos sont des bouchées servies au comptoir, les "raciones" des petites petites portions de plats) qui ont presque tous la même gueule, vendent les mêmes trucs à peu près au même prix (soit entre 1,5 et 2€ le pintxo, autour de 8 pour une racion). Ils poussent même jusqu'à avoir tous la même typographie pour leurs enseignes. J'ai l'impression que les gens du cru y restent finalement peu de temps, celui de boire un verre, manger deux trois trucs au bar, et s'en font plusieurs dans la soirée.
Dans l'ensemble c'est franchement pas mal, mais pas si donné que ça au final (pour se caler à coup de pintxos, je pense qu'il faut lâcher ses 15-20 boules). La bière n'est par contre pas très chère même si assez dégueu (2,5€ les 33cls de pisse), on peut préférer leur cidre (peu gazeux, assez amer, assez costaud, titrant à 5-6 degrés) qui ne coûte rien (autour de 4€ la bouteille de 75cls), ou leur vin blanc local, le txakoli, qui se boit bien s'il est très frais.
Certains bars font aussi "resto", avec des menus plus classiques à environ 20€, corrects mais pas forcément hyper copieux. A la carte, ça peut monter assez vite à plus de 30.
Dans l'un de ces bars, le Nagusia Lau (rue Nagusia aussi appelée Mayor, c'est facile), qui ne se distingue a priori pas vraiment des autres (beaucoup de touristes et locaux mélangés), mon oeil a toutefois été attiré par le menu "cidrerie": dans les cidreries de la côte, on peut paraît-il venir déguster les produits locaux tout en dînant traditionnellement; le menu est visiblement très codifié: omelette à la morue, morue frite, côte de boeuf, puis fromage de brebis et pâte de coing.
Le bar/resto proposait donc cela, sans trop de publicité, par une affiche collée au mur uniquement; c'était notre dernier soir à San Sebastian, donc l'envie de se poser un peu et de bien manger était là: le prix affiché, de 37€tout compris (alcool itou), était un peu élevé, mais on en avait eu pour 25-30 les autres soirs, alors bon...
Pas de photos, mais c'était vraiment pas mal: les deux entrées à base de morue à partager n'étaient pas énormes mais bonnes, et la côte de boeuf pour deux était de fort belle taille, très goûteuse, superbement cuite, avec de bonnes frites et des poivrons caramélisés. Un fromage assez musclé pour finir, une bouteille de cidre pour le repas, nous étions contents. Vint la vraie bonne surprise, c'est que le prix annoncé était pour 2, soit même pas 19€ tête: j'avais bien compris que le menu était pour deux personnes, mais pas que le prix affiché l'était aussi. Je ne m'en suis toujours pas tout à fait remis, par rapport aux prix des menus avoisinant ou des plats à la carte dans les restos fréquentés.
Plusieurs remarques sur un service désagréable dans ce resto lues sur le ouèb, ce ne fut pas le cas pour nous, malgré notre espagnol inexistant (ne parlons pas du basque), même si le rythme du repas est assez soutenu (on comprend bien qu'on est pas là pour rester 3h, mais cela ne semble comme je l'ai dit pas dans les moeurs des locaux non plus...). C'est peut-être pire en juillet-août aussi...
Faisons ensuite un tour à Bayonne, qui m'a globalement plus intéressée que Biarritz (très jolie aussi, dans un style plus balnéaire, mais dont la population sent un peu trop le bourgeois parisien en week-end - visiblement, c'est le cas depuis la fin du troisième empire, avec un coup de jeune donné à la fin du vingtième siècle avec l'essort du surf- pour sonner vraiment authentique).
Une bonne majorité des restos de la vieille ville sont concentrés sur les bords de la Nive, côté petit ou grand Bayonne. Toute proportion gardée, cela me fait penser aux restos du cours Saleya à Nice: collés les uns aux autres et à un rien près, tous le même prix, tous la même carte. Comme c'est moins touristique, c'est plutôt meilleur en qualité.
Nous avons par exemple plutôt bien mangé à la Grange, menu à 23€ si je me rappelle bien (le même tarif que partout), malgré un service très "cauchemar en cuisine" (entre un apprenti pas très dégourdi, un chef de salle ultra-stressé courant partout pas forcément très efficacement, et un chef de cuisine continuant à sortir les plats sans se préoccuper du désastre en salle; plusieurs personnes se barrant faute de pouvoir commander, quémandant un menu, attendant qu'on les place ou leurs plats trois plombes...).
Le deuxième soir, nous décidons d'abord de parcourir les trois rues du petit Bayonne pour voir si quelque chose d'un peu plus "dans son jus" ne nous tendrait pas les bras. Le temps à chier et le fait que ça soit un jour férié ne nous facilite pas la tâche...
Nous hésitons sur un resto estampillé Fooding, Talotegi, mais la carte affichant du "boudin de C. Parra" entre autres name-droppings parisianistes me broute un peu.
En face, nous tentons tant bien que mal de déchiffrer la carte manuscrite du Chiloa Gurmenta (7 rue des Tonneliers, Bayonne), qui affiche deux particularités: il y a de l'axoa à la carte, le fameux ragoût basque, et le menu est presque deux fois moins cher que partout aileurs (13€pour E+P+D).
En tant que parisien blaireau de 2ème classe, je ne peux pas envisager de passer 10 jours au pays basque sans bouffer d'axoa (le première classe ne sait pas ce que c'est). Comme je n'en ai vu presque nulle part à la carte, cela nous décide à rentrer dans le resto complètement vide, alors qu'il est 20h pétantes. Marrant comme, lorsque toutes les offres se ressemblent beaucoup, on hésite quand même toujours un peu à rentrer dans un resto deux fois moins cher que les autres...
La "déco" est un monument de cantine de province comme le Fooding ne peut imaginer que ça existe: dessous de table en papier sur lequel est imprimé de la pub "locale", serviette en papier dans le verre comme dans les pizzeria-couscous, et objets de la maison de campagne de mémé (le genre de restos vantés dans les pubs "locales" des petits cinés). La salle fait une grosse vingtaine de couverts, en longueur.
Le personnel est composé en tout et pour tout de la patronne/cuisinière/serveuse, prénommée Annie, visiblement là depuis 30 ans et des brouettes (même si parisienne d'origine), et d'une serveuse.
La serveuse nous propose (argh) un "petit kir" pour l'apéro, mais comme j'ai arrêté le kir, sauf circonstance exceptionnelle, il y a pas loin de dix ans, je demande "la carte des vins".
"Ah, non, on a pas de ça ici. En vin, on a du rouge: y a un bordeaux et deux côtes de gascogne; les côtes de gascogne, j'en ai un qui fait 13,5 et l'autre 14."
"On va prendre le 13,5, alors". (14€ la bouteille) Qui se boit plutôt bien (pas une piquette râpeuse).
On nous présente le menu oralement, en nous expliquant que c'est très copieux et qu'on n'est pas obligé de prendre une entrée. Honnête de prévenir, mais on la prend quand même parce qu'il fait faim, oeuf-ventrêche pour moi, et omelette basquaise pour Priscilla.
C'est effectivement très copieux, il y a je pense bien trois oeufs dans l'omelette, "fourrée" à la piperade (cette ratatouille basque, sans aubergines ni courgettes, c'est moins bon forcément mais on ne peut pas trop leur en vouloir de ne pas avoir les beaux légumes du sud-est). Encore une preuve que l'omelette est un plat génial, dans lequel tu peux tout mettre...
Quant à moi, j'ai une plaque de lard sur laquelle est posée deux oeufs au plat (un poil trop cuit), une bonne louchée de piperade sur le côté, et un peu de salade du sachet pour faire joli.
Effectivement, c'est copieux et comme vous pouvez le constater de visu assez gras, ça ferait bien un repas du midi. C'est bon aussi, dans le pur registre du truc que tu peux faire chez toi.
L'axoa est dans le même registre, familial et copieux, servi dans sa version traditionnelle (veau hachée) alors que j'avais jusque là expérimenté des versions plus "chics" (morceaux entiers de veau comme dans une blanquette).
Le resto s'est entre temps rempli, les assiettes ont un peu de mal à sortir. Le dessert, un gâteau basque, sera un peu en dessous (peut-être pas du jour et/ou pas fait maison?). S'il fait beau, on peut se contenter d'entrée plat à 11€, et aller prendre une glace ailleurs avant de se balader le long des remparts...
Bilan: 40€ pour deux menus et une bouteille de vin, pile-poil. On mettra un peu de temps avant de réussir à partir car la patronne vient faire l'addition elle-même et glisser son petit speech commercial. Comme dans les resto-squats les plus branchés, ne prend pas la carte bleue.
De la bonne bouffe de mémé, ni plus ni moins, à un très juste prix: c'est déjà pas si mal, ça se fait rare. N'hésitez pas à pousser la porte de chez Annie...
Pour conclure, mentionnons rapidement à Biarritz que les "plans pas chers" et populaires semblent majoritairement situés dans le quartier résidentiel en face de la côte des basques plutôt qu'en centre ville.
Par exemple, Casa Xabi (24 rue d'Espagne, à deux pas de notre hôtel...) propose un très bon "menu tapas" à volonté pour 14€, avec les classiques du coin (boudin, friture d'éperlans, coeurs de canards...): c'est simple mais bien réalisé. Les desserts sont anecdotiques (on peut tester le "yaourt" au lait de brebis). Encore une fois, l'ambiance était un peu morne en ce jour de semaine au temps médiocre, mais nous avons eu raison de pousser la porte de ce petit resto à la déco désuète qui ne paye pas de mine.
Dans le même registre mais dans une autre région, Docadn a récemment chroniqué le Poulpe, à Lorient.