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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 14:16

Je décale quelque peu la rédaction de mon (ou mes) article(s) sur la MGEN pour poser une petite question sur la durée du doctorat.

 

Les collègues des SHS s'époumonent depuis la parution d'un nouveau projet d'arrêté sur le "doctorat en 3 ans, vite fait mal fait" (en semblant ignorer que la durée de 3 ans est déjà inscrite dans la réforme LMD de 2002, mais aussi dans l'arrêté de 2006, et en fait, comme le souligne D. Monniaux, depuis même bien plus longtemps que ça; le nouveau projet d'arrêté ne faisant que limiter les possibilités de dérogation).

 

Je vais faire bref, même s'il serait intéressant de creuser. 

 

Il y a environ 2/3 des doctorants SHS qui ne sont pas financés pour leur thèse (ce qui représente donc environ 14000 doctorants sur 22000).

Sur ce nombre, une large part (la moitié?) est enseignant du secondaire, le plus souvent à temps plein (les décharges pour la réalisation d'une thèse, sont, de ce qu'on m'a dit, rares). L'autre partie vit, j'imagine majoritairement, de vacations, d'un ou deux postes d'ATER (en bénéficiant de petits arrangements des établissements, je pense), d'aides familiales, ou de petits boulots divers pendant la durée de la thèse, qui est en moyenne dans ces disciplines de 5,5 ans pour ceux qui finissent (le taux d'abandon très élevé, autour de 30 à 40% - hélas je ne trouve pas le rapport AERES évoqué dans le lien, j'aurais bien vérifié les chiffres mais l'ordre de grandeur doit être ok).

Donc, la grande majorité des doctorants SHS effectue, de fait, une "thèse à temps partiel", puisqu'ils exercent une autre activité rémunératrice (censée être à temps plein dans le cas des enseignants du secondaire, par exemple).

 

Ceci posé, ma question est donc toute bête: comment peut-on affirmer qu'une thèse en 3 ans est impossible et que la qualité s'en ressentirait, alors que si je compare, pour faire simple, un temps plein pendant 3 ans (35h/semaine x 45 semaines/an x 3 ans = 4725h, exemple d'un doctorant pas vraiment furieux) à un temps partiel de 6 ans (15h/semaine - déjà pas mal si on est aux 35h sur un autre job par ailleurs- x52 - je suis sympa, j'imagine que le thésard non financé ne prend jamais de vacances- x 6 = 4680h), je trouve, en étant généreux, que les deux sont équivalents?

 

Point annexe: le doctorant financé sur contrat doctoral qui a fait une thèse en 5 ans (contrat doctoral temps plein + 2 ATER disons) a, a priori, pu faire largement plus que son collègue non financé sur toute la durée dans le même laps de temps. Bref, si la durée est "homogène", le contenu ne l'est probablement pas plus que dans les sciences dures et l'argument du "contenu" ne tient pas vraiment non plus.

 

Bref, mon avis, c'est plutôt que les "us et coutumes" sont durs à changer, et que beaucoup, chez les vieux de ces disciplines, ne semblent pas s'être remis de la disparition de la thèse d'Etat il y a une trentaine d'années, tandis que les jeunes perpétuent ce fonctionnement par habitude.

Donc selon moi, plus que la question de la durée, c'est la question du financement qui est cruciale. Mon point de vue, c'est qu'il ne faut pas inscrire en 1ère année de thèse quelqu'un sans financement pérenne (eg ni contrat doctoral, ni poste dans le secondaire, sous réserve d'obtenir une décharge). Ensuite, le choix politique est de savoir si du coup, on supprime à la hache 1/3 des doctorats SHS (et en vérité probablement beaucoup moins car je soupçonne que le taux d'abandon est plus élevé chez les doctorants non financés), sachant qu'a priori les thèses SHS ne sont pas surreprésentées en France par rapport à ce qui se fait  à l'étranger, ou si on trouve le moyen d'en financer 5 ou 10000 de plus qu'actuellement.

 

 

Pour conclure, dans mon département aux USA, où plutôt qu'une durée, on définissait des critères de publication (typiquement 3 articles premier auteur minimum) les meilleures thèses étaient celles qui prenaient le moins de temps (en gros 4-4,5 ans avec 1 année complète de cours pour commencer), pas celles qui en prenaient 7... (dans ces cas là, le doctorant avait juste plus de mal à sortir ses papiers...).

 

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commentaires

C
La question est : y a-t-il des labos en SHS ? En sciences dures, c'est facile : on est dans un labo, il y a une forte interaction entre directeur de thèse et doctorant. Même quand le chef est pas là, on peut souvent s'en sortir en allant voir d'autres personnes du labo. En littéraire et dans de nombreux domaines de SHS ce n'est pas le cas. Les profs/directeurs doivent sans doute s'accrocher au fait de ne voir leur doctorant d'une à deux fois par mois, et d'en avoir toute une tripotée. Il n'y a pas ce grand labo qui réunit tout le monde et qui dit clairement "recherche".
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M
cela dépend, en fait. Certaines sous-disciplines SHS ont "fait leur révolution": labos "en dur", recherche sur projets, contrats doctoraux etc. D'autres, pas du tout. Difficile de savoir si celles n'ont pas bougé ne bougent pas par inertie ou parce qu'il est impossible de changer, et de savoir alors comment ont fait celles qui ont bougé...
J
D'après ce que je peux lire, la critique qui est faite en SHS est que - implicitement ou pas - ce qu'on voudrait généraliser comme étant de "bonnes pratiques" sont comme par hasard celles des sciences dures. Or on le voit dans le domaine des publications: les pratiques ne sont pas du tout les mêmes: en SHS il est possible de retrouver des textes essentiels publiés dans des Mélanges, ce qui semble être une hérésie en sciences dures. Quant à l'insertion des doctorants, il n'est pas interdit de s'interroger - et de se scandaliser - des pratiques des recruteurs. Veut-on faire croire que tous les docteurs sur le carreau sont des docteurs qui auraient rédigé des thèses merdiques et qui de ce fait ne trouveraient pas à s'insérer? Aux US – qu’on fait mine de prendre en exemple – on peut accéder aux plus hautes fonctions des plus grosses boites avec en poche un Doctorat en philosophie ou en histoire médiévale. Si ce n’est pas le cas en France, ce n’est ni parce que les thèses en question sont merdiques, ni parce que les docteurs concernés voudraient tous intégrer la fameuse « fonction publique » avec ses salaires et autres avantages mirobolants, mais parce que les fonctions évoquées plus haut seraient largement trustées par les « grands corps » - les mêmes qui trustent d’ailleurs la haute fonction publique (cf. votre belle démonstration d’avril : http://laviedemix.over-blog.com/2015/04/jeune-docteur-la-france-elle-a-besoin-de-toi.html)
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M
J'ai dit ailleurs qu'il fallait se préoccuper de l'insertion (dans le privé, qui constituera qu'on le veuille ou non le point de chute de 80% des docteurs) des docteurs. Je ne crois pas forcément que la mauvaise considération du doctorat soit liée stricto sensu à la qualité moyenne de ceux-ci. Il y a probablement une composante historique forte liée à la dualité de l'ESR, et d'autres facteurs. Cela dit, nous (j'entends la communauté scientifique, toutes composantes confondues) pouvons, je pense, nous améliorer. Je ne suis pas décideur, et je ne vais pas m'étendre, car je n'ai de toute façon pas la science infuse, mais c'est un travail de longue haleine et des "petites choses simples" me sembleraient possibles.<br /> <br /> Il me semble par exemple, que financer les doctorants, ou s'assurer vraiment de leurs moyens de "subsistance", ainsi qu'une durée "raisonnable" (permettant de communiquer sur le fait qu'on a su faire avancer un projet dans un temps imparti), sont de bons éléments de communication en vue de l'embauche de docteurs dans le privé... je n'y peux rien si ces pratiques sont plutôt spécifiques aux sciences dures (mais je constate 1. que certaines sous-disciplines sciences molles sont plus "raisonnables" que d'autres sur ce sujet; et je reconnais que 2. ce n'est pas forcément suffisant: chimie ou biologie restent peu épargnées par le chômage)
J
En somme il est évident que les pratiques des différents champs disciplinaires peuvent être extrêmement différenciées (y compris d'ailleurs au sein d'un même champ!). Mais il en est de cette question comme de l'évaluation et des revues: les pratiques et les attendus ne sont pas du tout les mêmes, ce qui n'empêche pas les décideurs de vouloir soumettre tout le monde au même moule... en dépit du discours lénifiant sur la diversité des parcours, le droit à la césure, le droit au temps, le droit de ne pas avoir une trajectoire "linéaire", etc. etc.
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M
Je suis d'accord, mais ça n'empêche pas de s'interroger sur des "bonnes pratiques", qui elles pourraient être généralisées. Je pense que limiter les "dérogations" ou les rendre plus difficiles à obtenir est un pas dans la bonne direction (puisque ce travail n'a pas été fait par une partie de la communauté depuis plus de 30 ans...). Idem pour les "conditions de vie" des doctorants, se préoccuper de leur insertion professionnelle etc.<br /> Bien sûr c'est plus compliqué que de dire "laissez-moi faire avancer la science en prenant des doctorants gratos pendant 7 ans avant de les envoyer au chômage"...
J
Sur le principe on peut être d’accord ; mais vous oubliez qu’on est en France et dans ce pays a) on légifère sur tout et n’importe quoi, y compris sur des trucs qui laissent pantois nos collègues de l’étranger ; b) et surtout on impose partout la même chose en faisant fi des spécificités / particularités, qu’elles soient disciplinaires, géographiques, organisationnelles, etc. Ce matin (ce n’est pas une blague…) je suis tombé sur une thèse de médecine à la brocante : 49 pages. Il n’est pas difficile d’imaginer que ça doit prendre moins de temps que de faire une thèse de 1000 pages, comme celle de ce monsieur :<br /> http://alex.francois.free.fr/data/AlexFrancois_These_DescriptionMwotlap.pdf<br /> Et quand on doit se rendre au milieu du Pacifique pour faire des recherches ou des enquêtes, on imagine aussi que ça ne doit pas être la même chose que de faire ses manips dans son labo. Vous pensez que nos têtes d’œuf du Ministère s’embarrassent de ce genre de détails ? <br /> P.S. Quant à la VAE, ce n’est pas parce que des doctorats sont déjà délivrés de cette manière qu’on est obligés de trouver ça normal ; mais là aussi on ne voit pas comment on pourrait traiter de la même manière le cas du chimiste et le cas du latiniste
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M
Pour la VAE c'est que, je pense, elle concerne plutôt le chimiste (ou dans quelques cas particuliers, éventuellement, le "sociologue") que le latiniste ou l'historien médiéval... <br /> On a le droit d'être contre, personnellement les 2 cas dont on m'a parlé (faible statistique, mais en même temps, sur un total d'environ 100 en 5 ans...), ça se justifiait pas mal. Mais dans ce cas, on prend le temps d'expliquer que ça n'a rien de nouveau et on ne fustige pas le "nouvel arrêté" comme responsable de tous les maux...<br /> Pour la "taille" de la thèse, je crains aussi de ne pas être persuadé qu'en terme de temps passé et de qualité, 1000 pages soit nécessairement > 50 ou 100, mais c'est aussi que chez nous, être concis est plutôt perçu comme une qualité. Les thèses de 300 pages servent souvent à noyer le poisson, en sciences dures (eg "j'ai pas compris grand chose mais j'ai beaucoup travaillé").<br /> L'arrêté laisse la place aux dérogations, ne faisant que les limiter (ce qui est un peu le principe d'une dérogation, contrairement à certaines disciplines pour qui dérogation semble désigner plus la règle que l'exception)... donc si les manipes dans le Pacifique prennent longtemps, eh bien on prend 1 an de plus. Mais cela engage aussi la responsabilité du DT, si d'emblée il est posé que le sujet est intraitable dans un temps raisonnable.<br /> En sciences dures, c'est comme si toute la thèse ne dépendait que de résultats grands instruments, qu'en gros on ne peut réserver qu'1 semaine/an. Dans ce cas-là, ça ne devrait pas être un travail pour un doctorant. Mais pour un permanent, qui peut voir le temps long.
J
Parmi les points qui font sursauter les chercheurs en SHS, la question de la durée n'est évidemment pas celle qui pose le plus de problèmes; le fait est qu'on va encore emmerder les encadrants avec mille réunions et mille procédures bureaucratiques dont seul ce pays à la con a le secret; on avait déjà les enseignants référents supposés prendre par la main les étudiants et accessoirement leur changer les couches; maintenant la même logique va s'étendre au Doctorat; après avoir achevé la licence, on ne va pas s'arrêter en si bon chemin... <br /> A lire:<br /> http://www.qsf.fr/2015/05/11/communique-sur-le-projet-darrete-sur-le-doctorat/<br /> http://www.qsf.fr/2015/05/11/dottore-par-pascal-engel/
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M
Il me semble qu'il y a quand même une confusion (mais peut-être que ça vient de moi) entre "arrêté" qui définit dans les grandes lignes les règles du jeu et "projet politique" ou grande réflexion sur le doctorat et les enjeux de la recherche.<br /> Je vois aussi des paradoxes dans le texte que vous mettez en lien, puisqu'il demande de s'interroger sur la durée du doctorat et le nombre d'abandons, avant d'expliquer qu'on ne peut pas fixer une durée unique. Bref, y a un problème, mais y a pas de solution.<br /> Je trouve aussi que certaines assertions comme "la reconnaissance internationale du doctorat français qui ne jouit d'aucune contestation" sont pour le moins péremptoires...<br /> Quant à la VAE j'en ai déjà parlé il y a quelques jours... ce dispositif existe déjà depuis 2002, et depuis 2009 des doctorats sont déjà délivrés par ce biais (une vingtaine de cas/an. Tous types de formation continue confondus, on arrive à 200 thèse par an)<br /> Enfin, si "emmerder les encadrants" veut dire contrôler une fois par an que le gars suit a minima son étudiant (le communiqué parle aussi des pbs liés à la PEDR) en permettant au doctorant de présenter son travail et de parler de son expérience devant un jury neutre (ou inversement, que l'encadrant puisse exposer les problèmes de son étudiant, si besoin), je suis pour.<br /> Il me semble que nous sommes le seul pays où l'on se rend compte des problèmes le jour de la soutenance, quand il est trop tard pour faire autrement que de donner le diplôme...