Difficile de faire un "programme" cohérent... Mais je vais jeter quelques idées personnelles sur l'enseignement supérieur et la recherche. Personne ne me l'a demandé, mais cela fait du bien de se confronter à la réalité de ce qu'on penserait vraiment pertinent.
On va faire du plus utopique au plus concret.
1 - Bon, déjà je pense qu'il faudrait investir massivement dans l'ESR. Après tout, 3% du PIB, la stratégie de Lisbonne, ça a presque 20 ans maintenant, et on est toujours à 2.25% ou quelque chose comme ça. Mais la, il est à craindre que ça ne soit pas pour demain même si c'est la priorité de tout le monde en théorie, dans la pratique ça ne l'est jamais (l'Allemagne est à 2.9).
2 - Je pense que pas mal d'emmerdes actuelles viennent de la dualité Universités - Grandes Ecoles. A l'Université l'enseignement de masse sans sélection et la recherche, aux grandes écoles l'enseignement hyper sélectif (et, hormis quelques exceptions notables, peu ou pas de recherche). Je n'ai pas d'idée claire sur la façon dont tout pourrait être remis à plat et que cela soit satisfaisant, mais je suis désormais à peu près convaincu que cette dichotomie de 2 siècles n'a plus vraiment de raison d'être. Cela dit, je pense que j'aurai le temps de mourir avant que quoi que ce soit change (le lobby des classes préparatoires et des grandes écoles est un peu plus puissant que celui des universitaires).
Il y a aujourd'hui probablement trop d'universités en France. 2 centres régionaux (un peu plus pour Paris) semblent un bon compromis (on passerait donc de plus de 80 à une trentaine). Pour cela il faudrait un programme de logements sociaux et de bourses ambitieux.
Il faut aussi une vraie rationalisation de l'offre de formation: éviter les masters très similaires dans un même centre, éviter les masters avec 5 étudiants et/ou tournant grâce au recrutement d'étudiants dont la formation initiale est faible ou mal connue (voir point 3).
2 bis - on pourrait avoir la même réflexion avec le CNRS. Création d'un statut unique avec 128 HED ou 96 HED pour tous? (Il y a en gros 60000 EC pour un peu plus de 10000 chercheurs dont une bonne partie enseigne déjà: autant dire qu'avec l'augmentation des effectifs étudiants annoncés, il va falloir trouver des heures, d'autant qu'il manque déjà au moins 10000 ETP...).
2 ter - je suis un peu partagé sur les PRAG à l'Université, mais vu qu'il y a des manques importants en force enseignante, avec un grand nombre d'heures assurées actuellement par des vacataires dont le recrutement n'est pas toujours optimisé, et qu'un recrutement massif de 10000 EC ou plus ne se fera pas en 2 ans; vu également qu'il y a de la demande du côté des PRAG, je me dis que les intégrer dans les cours de licence générale n'est pas une mauvaise idée, surtout les jeunes (si l'alternative est de les envoyer contre leur gré en collège ou lycée...).
3 - Je suis pour une forme de sélection, sur dossier (comment la gérer?) par filière à l'Université (à l'entrée en L1 puis à l'entrée en M1, puis pour le doctorat, comme le prévoit le LMD).
4 - Je suis pour un maintien de la gratuité ou quasi-gratuité des frais de scolarité (cf point 1). Par contre, il ne me semblerait pas déraisonnable de demander aux étrangers de payer des frais de scolarité correspondant au coût réel (donc autour de 10000€: cela rapporterait 3 milliards d'€ en supposant que le nombre d'étrangers actuel reste constant, environ 300000. Même à supposer qu'il baisse, on pourrait tabler sur 1 milliard de recettes). On pourrait imaginer des systèmes de bourse et/ou de crédits d'impôts pour ceux qui ensuite resteraient travailler en France. J'avoue que j'ai du mal à comprendre aujourd'hui la plus-value pour le pays d'étudiants se formant gratuitement et à qui on ne propose ensuite pas d'emplois...
4 bis - Bien sûr, ceci devrait être réinvesti dans la rénovation des locaux. Avouons que pas mal d'Universités françaises ne donnent pas vraiment envie de venir... (ou plutôt: gratuitement, ça passe, mais à 10k€ l'année, on attend autre chose). Même si cela s'est pas mal amélioré par endroits (je pense à ceux qui ont connu Jussieu dans les années 1990-2000).
5 - Je pense que la fin de la semestrialisation avec une forme de souplesse dans le suivi des UE, dans le choix des parcours, et l'accumulation de crédits, sur un compte personnel, au rythme choisi par l'étudiant serait une bonne chose. Cela favoriserait aussi la formation continue (on pourrait proposer une formule "à distance"). Par exemple, la licence correspond à 180 crédits ECTS, une UE est en général 3, 4 ou 6 ECTS, et dans le cadre classique, on fait 45 ECTS en un semestre. Rien n'empêcherait d'imaginer qu'un étudiant puisse faire 15 ou 60 ECTS en un semestre (il faudrait probablement définir un minimum et un maximum), et qu'un salarié puisse profiter de ce type de parcours.
5 bis - développement en parallèle de l'apprentissage (dans le secondaire mais aussi le supérieur) et des procédures de validation d'acquis.
6 - Je crois que la fonctionnarisation des chercheurs et enseignants-chercheurs reste une bonne chose. Une revalorisation des grilles serait appréciable. Néanmoins, je pense que l'autonomie des universités est une bonne chose. Maîtrise du calendrier, développement raisonné de certaines disciplines etc. On pourrait imaginer dans cette optique un statut de fonctionnaire territorial. Cela ne faciliterait néanmoins pas les mutations, aujourd'hui extrêmement complexes, alors qu'il faudrait un peu "libérer les énergies". Alors, comment faire?
6 bis - Suppression du recrutement local (définition du localisme: 3 ans dans le même labo, reset après 2 ans dans un autre labo). Augmentation significative du temps de l'audition (mise en place qui existe déjà parfois d'une partie enseignement), visite du laboratoire obligatoire avant l'audition (financée par les labos). Il faudrait probablement diminuer le nombre d'auditionnés, et pour cela définir des profils plus précis pour le recrutement.
7 - Il faut redonner des moyens à l'ANR. Probablement revenir aux financements de 2009 voir à 800 millions d'€ ou plus (aujourd'hui, environ 450 millions). L'idée serait que 25% des projets (environ) seraient financés.
7 bis - mettre en place une procédure robuste et pérenne pour l'évaluation des projets ANR, procédure qui actuellement change chaque année. La procédure de cette année semble plutôt moins mauvaise que les années précédentes (phase 1 évaluée par un comité, possibilité de réponse aux évaluateurs en phase 2). Mettre en place un meilleur suivi des projets par l'ANR en améliorant les recrutements, conditions salariales et perspectives d'évolution des chargés de projets ANR (aujourd'hui, il n'est pas rare d'avoir 3 interlocuteurs différents sur la durée d'un projet de 4 ans...).
7 ter - passer de 3 à 5k€/C-EC pour les crédits récurrents (budget: environ 200 millions).
8 - Incitation au développement des ressources propres dans les universités et les laboratoires.
9 - Je suis pour le maintien de l'HCERES et la mise en place d'une évaluation des EC sur le modèle de ce qui existe au CNRS. Je suis pour la prise en compte de l'avis des étudiants sur les enseignements prodigués.
Je ne suis pas défavorable à la modulation des services. S'il me semble important qu'un EC ou C conserve une activité de recherche au moins a minima (en ce sens, les premiers critères définis par l'HCERES: 2 articles - ou proceedings selon les communautés - sur une période de 4 ans pour les EC, et 4 pour les C, m'apparaissaient plutôt conservatifs), il ne me déplairait pas qu'un certain nombre d'activités "administratives" (même si je plaiderai pour moins d'administratif pour les C et EC) soient mieux reconnues et valorisées (gestion de filière notamment). Rien ne devrait s'opposer à des carrières d'EC "enseignants administratifs" (en faisant la distinction entre les postes de gestion lourde et les postes honorifiques).
10 - Suppression de la qualification (et donc probablement du CNU) et de l'HDR. Un jeune recruté doit pouvoir obtenir une certaine forme d'indépendance en répondant à des AAP dédiés (dans lesquels on ne lui reprocherait plus d'être "trop jeune" ou pas assez "mentoré").
11 - Réserver l'accès au CIR aux TPE et PME. Développer les mécanismes CIR d'incitation à l'embauche des docteurs dans le privé. Rebasculement d'une large partie du CIR (celle non affectée au recrutement de docteurs) des grandes entreprises vers le budget de la recherche publique.
12 - Financement des thèses obligatoire. Pour les salariés ou enseignants: possibilité de thèse en 6 ans si décharge à mi-temps. Faciliter les mécanismes de détachement/congés pour effectuer la thèse. Thèse en 3 ans avec 2 réinscriptions max possibles si contraintes spécifiques disciplinaires justifiées. Généralisation des comités de suivi de thèse. Prise en compte des temps caractéristiques de soutenance et du devenir des docteurs dans la promotion des directeurs de thèse.
12 bis - mise en place de collaborations industrie/université (ou d'un meilleur dialogue) par mise en place d'un guichet unique chargé de valoriser les diplômes (le doctorat mais pas que) sur le marché de l'emploi. Cela permettrait aussi de développer le concept de doctorant/conseil.
13 - Maintien de la loi Sauvadet.
14 - Rebasculement du personnel administratif des services centraux vers les laboratoires.
15 - Généralisation de la CB professionnelle pour les C et EC.
16 - pas de fermeture budgétaire annuelle.
17 - Simplification des achats: fin des marchés publics et marchés agences de voyage. Mise en place d'un système de déclaration en ligne (fin des ordres papier) pour la déclaration des missions, congés etc.
17 bis - En ce sens, revalorisation de certaines fonctions support dont les grilles actuelles ne permettent que trop rarement sur le long terme des recrutements de haut niveau (par exemple: secrétariat pédagogique, gestion, DSI). On ne peut pas toujours miser sur la bonne volonté ou le sacerdoce.
18 - Généralisation des délégations de signature au directeur de labo ou d'équipe pédagogique.
Bon, je suis sûr que j'ai plein d'autres idées et en même temps ce dont j'ai toujours peur c'est que certains points se contredisent, mais ça fera une base pour retravailler.... J'amenderai au fur et à mesure.
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