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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 09:32

François Fillon expliquait récemment, au sujet de l'Education Nationale, qu'on peut faire mieux avec moins (budget et nombre d'enseignants en baisse).

 

On peut admirer une certaine constance dans le propos dès qu'il touche à la fonction publique, reflet d'une idéologie libérale bien assimilée plus que d'une quelconque étude sérieuse.

Encore que, si j'ai bien compris, un libéral, pas un démagogue, dirait plutôt "l'Etat ne sert pas à grand chose, il doit faire peu avec beaucoup moins".

 

 

Illustrons ce propos par une petite anecdote: je ne prétends pas que c'est une vérité générale, mais elle décrit la réalité "du terrain".

 

 

Il y avait une petite structure indépendante qui proposait au sein d'un établissement d'enseignement supérieur des formations hors cursus (professionnelles), qui fonctionnait bien, et dégageait pas mal de bénéfices (~50-100000 euros annuels pour un budget global de 600000 euros)*.

 

Après quelques années et suite à la restructuration globale de l'établissement, il a été décrété qu'on ne pouvait pas continuer comme ça: gestion qu'on disait opaque, prix des formations établis avec une bonne dose de pifomètre, intervenants extérieurs surpayés, personnels accumulant les heures complémentaires au détriment de leur "mission quotidienne", offre pas assez globale, etc.

Il y avait donc pas mal de bonnes raisons pour rattacher plus concrètement cette structure à l'établissement: rationalisation de l'offre et des budgets, meilleur contrôle de l'activité des personnels, etc. 

Et quelques mauvaises aussi: notamment, un certain nombre de mandarins locaux désireux de s'accaparer le succès du truc, et les gestionnaires qui eux lorgnaient sur le fric dégagé pour combler les déficits d'autres services.

 

Aussitôt dit, aussitôt fait: ceux qui pilotaient de loin la structure ont été relégués à des titres honorifiques de "conseillers", la secrétaire qui de facto s'occupait de tout et a fait valoir ses droits à la retraite a été remplacée par un "responsable" parachuté là. Ce responsable, fort de sa maîtrise des gestions humaines, ne s'est pas embarrassé de connaissances inutiles sur les spécificités de la structure, et a réussi en moins de six mois à ce que l'agent comptable et une secrétaire pédagogique obtiennent leur mutation.

Aujourd'hui, pour faire tourner la boutique, il n'y a plus que le responsable, une secrétaire en CDD payée 10 mois sur 12, et un stagiaire. Ces trois personnes, contre 5 auparavant qui avaient toutes plusieurs années de pratique sur ces postes, n'étaient pas là il y a 1 an.

La comptabilité a été externalisée sur d'autres services de l'établissement, et il y a désormais un fameux fichier excel qui permet de déterminer le juste prix du stage et son seuil de rentabilité sans lequel il est devenu impossible de discuter. 

 

Entre temps, l'offre des formations a été doublée, puisque généralisée à l'établissement entier.

 

 

Pour l'instant, le résultat n'est pas probant:

- Plusieurs intervenants extérieurs se plaignent de ne pas avoir été payés de leurs interventions de l'an dernier, et refusent désormais d'intervenir.

- Les stages se télescopent, ce qui crée des problèmes logistiques (pas assez de salles, de matériel, de personnel, etc). En tant que responsable scientifique d'une formation, j'ai du aller chercher la pause café moi-même car personne ne pouvait s'en charger.  

- La secrétaire est complètement paniquée: elle fait ce qu'elle peut, mais elle découvre les choses "sur le tas".

- Les documents se perdent.

- Il n'y a plus d'interlocuteurs au courant des subtilités d'organisation.

- Le prix des stages a augmenté de 10 à 20%.

- On est informé de leur ouverture à la dernière minute: organiser un planning d'une semaine avec des interventions de chercheurs ou MC est alors un véritable casse-tête.

- Les barêmes de rémunération autrefois bien établis ont été remis en cause et sont désormais du domaine du flou total (en gros, l'organisation de stage par un enseignant-chercheur pouvait rentrer dans le service statutaire, il y a de bonnes chances pour que ce soit désormais à l'oeil).

 

A tel point qu'on est allé demandé aux anciens qu'on avait mis sur la touche peu élégamment en évoquant leur probité, de remettre la main à la pâte, en faisant probablement appel à leur "sens civique" ou une variante.

On en a entendu certains gueuler, je crois que je peux comprendre.

 

La direction, comme à chaque fois, explique qu'il y a une période d'adaptation délicate à franchir, mais que le bateau vogue désormais dans la bonne direction.

Il est effectivement trop tôt pour juger, mais on est en droit de douter.

 

Aussi bizarre que cela puisse paraître, il ne semble évident à personne ayant un quelconque pouvoir décisionnel qu'une structure basée sur deux conceptions parfaitement antinomiques, exerçant d'un côté un contrôle accru, infantilisant et fondé sur la suspicion vis-à-vis de ses personnels, et de l'autre quémandant leur bonne volonté, ne peut pas fonctionner à long terme.

 

 

 

 

* ces bénéfices étaient ensuite reversés (partiellement?) aux labos de l'établissement qui dispensaient/organisaient les formations, pour entretien des machines servant aux démonstrations, achat de matériel, etc.

La aussi, quel sera le prorata reversé dans l'avenir, y en aura-t-il même un?

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commentaires

M
<br /> <br /> Environ 10 mois après sa nomination et suite à 2 mois de congés maladie, le secrétaire général a demandé et obtenu sa mutation.<br /> <br /> <br /> Sans que cela ne soit particulièrement de sa faute, je pense qu'on peut néanmoins conclure: en moins de 2 ans, une structure relativement efficace (bénéficiaire!!) qui fonctionnait grâce à de<br /> bonnes relations entre EC à qui on ne demandait de s'occuper que du pédagogique et administratifs en poste depuis longtemps, compétents et dévoués, est devenue du même niveau que le reste.<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> C'est un problème de certaines administrations, qui ne comprennent pas qu'elles font, au fond, appel à la bonne volonté des gens, et qu'en conséquence il vaut mieux ne pas les braquer.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> La, c'est de l'administration "haut placée", de la direction de personnel, comme je le disais dans le comm' précédent. Qui oublient hélas un peu que si les fonctionnaires sont des fainéants, ils<br /> ont aussi pour beaucoup une certaine idée du service public. Et que si on les fout en laisse en augmentant les couches successives de contrôle d'activité, il y a beaucoup de choses qui se<br /> faisaient "naturellement" finiront par ne plus être faites. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pour expliquer/justifier qu'il y a désormais plus de "vérificateurs" que d'"acteurs" dans l'établissement, j'entendais un décisionnaire parler de "machine de guerre" pour éponger les déficits,<br /> temporaire. Apparemment, le déficit ne se résorbe pas (vu les dernières recommandations au personnel, on peut même penser qu'il s'aggrave), mais les personnels sont exaspérés, font grève et/ou<br /> demandent leur mutation...<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> Je pense que ce que tu relates ici n'est pas une question de moyens mais plutôt d'une organisation qui frise l'amateurisme (pour être gentil). Assez typique de l'administration française. Pas que<br /> ça n'existe pas dans le privé mais dans ce cas la boîte se casse très rapidement la figure et elle est vite éliminée de la circulation. En anglais ils ont une bonne expression pour ce genre de<br /> cas : “if it ain't broke, don't fix it”, soit approximativement « si ce n'est pas cassé, ne répare pas ». Ils ont « réparé » quelque chose qui n'était pas cassé, on voit le résultat.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Oui, il y a de ça, mais il y aussi je pense depuis quelques temps une volonté dirigeante d'appliquer dans les corps publics un "management" du privé (ou fantasmé tel par des personnes qui n'ont<br /> jamais mis les pieds dans une entreprise privée). Qui est bien résumée par "on peut faire mieux avec moins". Facile à dire, pas toujours facile à exécuter... mais bon, vu que ceux qui<br /> communiquent là-dessus ne mettent jamais les mains dans le cambouis, rien ne les empêche de dire "voyez, on l'a fait!"... c'est le successeur qui paiera les pots cassés, de toute façon.<br /> <br /> <br /> <br />