Andy Warhol, qui, comme la plupart des "artistes contemporains" dotés d'un cerveau, avait probablement pertinemment conscience de se foutre de la gueule du monde, n'était donc pas dénué de lucidité.
Ainsi, il avait prédit, comme vous le savez tous, que dans le futur tout le monde aurait son quart d'heure de gloire. Certes on n'y est pas encore, mais avec l'explosion de la télé-réalité et des sites de partage, on s'en rapproche assez vite: dernierement, pour les infiniment médiocres qui ne parviennent pas a attirer les producteurs pourtant pas tres regardants, la mode est a se suicider en direct sur Internet, moyen efficace quoiqu'un peu radical d'avoir son nom mentionné dans les breves AFP.
Alors voila, moi c'est arrivé, il y a peu. Mon quart d'heure de gloire, hein, pas mon suicide en direct. Ben oui, réflechissez un peu: sinon comment c'est que je vous écrirais ces quelques mots?
Quand je parle de quart d'heure de gloire, je n'entends pas mon exposé ovationné par pas moins de 300 personnes lors de ma derniere conférence ("ovationné" = ils se sont réveillés quelques instants, au son de "je vous remercie de votre attention", pour applaudir mollement avant de se rendormir pendant que le prochain conférencier s'avançait) ni mon formidable papier récemment accepté qui sera lu par facilement 10 groupes de recherches de par le monde.
Je parle de mon apparition dans le livre de Pierre Assouline "Breves de blog", qui est en quelque sorte un "best-of" des commentaires des intervenautes comme il dit, sur son blog La République des Livres (RdL).
Le bouquin est sorti il y a quelques mois déja, mais ne commentant qu'assez épisodiquement sur la RdL, je ne pensais absolument pas en etre. Et puis dernierement, sur ce blog, tenu par l'une des habituées (ou ex habituée, l'histoire est compliquée a suivre), un autre intervenaute régulier, Montaigneacheval, avait au détour d'une phrase sous-entendu que je faisais bel et bien parti du livre.
Profitant de mon retour en France, titillé que j'étais par la curiosité, je suis allé vérifier a la Fnac la plus proche, pour effectivement trouver a la page 105 un petit bout de l'un de mes commentaires, qui ressemble un peu a ce que je raconte ici, en un peu plus percutant. A mon humble avis ce n'est pas ce que j'ai écrit de plus drole sur la RdL mais ne chipotons pas:
je dois avouer que j'en ai ressenti une certaine fierté. Et que j'ai acheté le bouquin (21 euros tout de meme).
Ok, techniquement, ce n'est pas vraiment un quart d'heure de gloire: d'une, c'est un bouquin qui n'a été acheté probablement que par les intervenautes et les fans absolus de Pierre Assouline. De deux, je n'ai droit qu'a un seul commentaire perdu au milieu de 600, il faut donc avoir l'oeil attentif pour le remarquer. De trois, le commentaire est publié sous mon pseudonyme "mixlamalice", pseudonyme qu'assez peu de gens peuvent rattacher a un visage. Bref, les bains de foule et les photos dans Closer, c'est pas encore pour demain.
Mais quand meme, je remercie Pierre Assouline de m'avoir offert la chance d'etre publié dans un vrai livre imprimé, meme sur 5 lignes et sous pseudonyme. J'en suis encore tout retourné. Et je suis content d'avoir laché béatement mes 21 euros, ce qui n'est pas si fréquent (bon la en fait, c'était ceux de mon pere, donc la pillule serait tout de meme passée).
Certes l'ami Pierrot a fait son beurre a peu de frais: parce que bon, lire ou faire lire pendant un an quelques milliers de messages pour en sélectionner de quoi remplir 400 pages sans rien demander d'ailleurs aux contributeurs (Maitre Eolas, tout cela est-il bien légal: un message déposé sur un blog appartient-il au propriétaire du blog ou a celui qui écrit le message?), c'est probablement fastidieux, mais en tout cas moins exigeant que de se fendre d'un nouveau roman. On notera cependant la présence de 50 pages de préface sur "le nouvel age de la conversation" (pas inintéressantes d'ailleurs) pour que ça fasse moins scandaleux.
Enfin, je suis sur que plein de contributeurs ont réagi comme moi, a savoir qu'"écrivains" plus ou moins frustrés, ils étaient au fond bien contents d'avoir été publiés, et pardonnaient généreusement a Monsieur Assouline, en bon capitaliste, d'avoir fait un peu de profit sur leur dos.