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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 11:25

Les débats sur Twitter sont houleux à ce sujet.

Pour faire court, je m'étonne toujours quand je vois des collectifs de "précaires" (je mets des guillemets car je définis le sens du mot tel que je l'utilise 2 paragraphes plus bas) défendre les postes de demi-ATER (que je vois bêtement comme une aberration), ou se battre contre la limitation de la durée des thèses.

Généralement, assez rapidement, on me fait comprendre que je suis un néo-libéral macroniste à tendance fascisante. Comme le débat sur twitter est souvent complexe, de par la nature même de ce réseau, et encore plus aujourd'hui dans un climat un peu tendu d'indignation quasi-permanente à tous propos, je voudrais profiter du fait que ce blog existe toujours pour poser au calme quelques éléments (au moins, en un sens, je suis chez moi).

 

Tout d'abord, entendons-nous bien sur la définition de "précaire": je ne vais ici parler que des doctorants non financés spécifiquement pour leur travail de thèse (et qui ne sont par ailleurs pas en poste par exemple dans l'Education Nationale). Ce terme s'applique également à tous les personnels en post-formation sur des contrats CDD (post-doctorat, ATER post-thèse, ingénieur d'études ou de recherches etc), même si ici le propos sera axé sur des problèmes concernant les doctorants. Je trouve personnellement abusif de définir un doctorant financé comme "précaire": il est bien évidemment en CDD, puisque financé pendant la durée de sa formation, à ce stade non achevée, et dont la durée normale est de 3 ans.

Enchaînons donc avec la durée des thèses: depuis 2006 au moins (mais probablement bien avant, j'ai la flemme de remonter le temps), il est écrit dans l'arrêté" La préparation du doctorat s'effectue, en règle générale, en 3 ans. Des dérogations peuvent être accordées, par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale et après avis du directeur de thèse et du conseil de l'école doctorale, sur demande motivée du candidat. La liste des bénéficiaires de dérogation est présentée chaque année au conseil scientifique". La durée moyenne des thèses (toutes disciplines confondues) étant de 4 ans, il est probable que l'arrêté n'ait jamais vraiment été appliqué, en tout cas dans sa partie "administrative".

L'arrêté de 2016 se veut plus spécifique: "La préparation du doctorat, au sein de l'école doctorale, s'effectue en règle générale en trois ans en équivalent temps plein consacré à la recherche. Dans les autres cas, la durée de préparation du doctorat peut être au plus de six ans.
Des prolongations annuelles peuvent être accordées à titre dérogatoire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de thèse et après avis du comité de suivi et du directeur d'école doctorale, sur demande motivée du doctorant. La liste des bénéficiaires de ces dérogations est présentée chaque année au conseil de l'école doctorale et transmise à la commission de la recherche du conseil académique ou à l'instance qui en tient lieu dans les établissements concernés."

On précise donc que 3 ans est la durée "normale" en équivalent temps plein. Ainsi, un enseignant du secondaire peut l'effectuer en 6 ans (on omettra ici qu'un enseignant du secondaire sans décharge appropriée occupant déjà un temps plein, le compte n'y est pas vraiment...). Mais je m'étais déjà il y a quelques temps interrogé sur la question subtile de la durée des thèses, n'y revenons pas.

 

Ce qui m'intéresse dans l'arrêté de 2016, c'est le rôle du directeur de l'école doctorale: " L'inscription est renouvelée au début de chaque année universitaire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et, à partir de la troisième inscription, du comité de suivi individuel du doctorant. En cas de non-renouvellement envisagé, après avis du directeur de thèse, l'avis motivé est notifié au doctorant par le directeur de l'école doctorale. Un deuxième avis peut être demandé par le doctorant auprès de la commission recherche du conseil académique ou de l'instance qui en tient lieu, dans l'établissement concerné. La décision de non-renouvellement est prise par le chef d'établissement, qui notifie celle-ci au doctorant.
Lors de l'inscription annuelle en doctorat, le directeur de l'école doctorale vérifie que les conditions scientifiques, matérielles et financières sont assurées pour garantir le bon déroulement des travaux de recherche du doctorant et de préparation de la thèse."

Dans l'arrêté de 2006, la "vérification" n'avait lieu que pour la première inscription. Dit autrement (mais je comprends peut-être mal), un doctorant sans conditions de ressources (i.e. qui n'a ni de financement de type contrat doctoral, ANR ou autre pour payer son salaire, au minimum autour de 1650€ brut mensuel, et qui n'est pas déjà employé par exemple par l'Education Nationale ou éventuellement une entreprise privée) ne devrait pas être inscrit (ou réinscrit) en thèse. 

 

Or, que lit-on dans l'état de l'emploi scientifique en 2014 (certes avant la parution du nouvel arrêté, on peut donc penser, sans trop y croire, que les choses évolueront un peu dans l'avenir): sur 65000 doctorants, environ 10000 n'ont aucune source de financement connue par les écoles doctorales (j'entends donc par la qu'ils ne sont pas non plus salariés ou déjà fonctionnaires). Les doctorants en sciences et santé représentent la moitié du total des doctorants, avec environ 5% de thèses non financées. Quand on regarde les autres disciplines, LSHS, droit et économie, on voit donc que 33% des doctorants sont sans financements. Ce qui veut dire que 70% des thèses non financées sont dans ces disciplines (7000 personnes). 

On m'explique donc que, si on corrèle l'inscription en thèse à l'obtention d'un financement par le doctorant (ou par son directeur de thèse, selon les modalités du dit financement), on signe la mort de certaines disciplines.

Pourtant, que voit-on également? Sur ces 65000 doctorants, 25% environ (autour de 16000) ne soutiendront jamais leur thèse. Environ 2000 en sciences (5% du pool de doctorants de ces disciplines), et le reste en droit et LSHS (14000 personnes) soit quelque chose comme 45% du total. 

Je sais que corrélation n'est pas causalité, mais l'envie est forte de faire un lien entre absence de ressources financières (qui plus est pendant une durée longue, puisque les thèses de LSHS durent en moyenne 60 mois contre 42 pour les sciences) et obtention du diplôme (cette corrélation, si elle existe, serait très facile à faire si les ED étaient capables de remonter leurs données au Ministère: je serais curieux de voir de telles données, même à l'échelle de quelques ED). Le lien entre la bonne santé scientifique d'un domaine et part non négligeable de travaux non achevés me semble plus ténu.

 

Précarité dans l'enseignement supérieur, qu'y faire?

Alors on me dit: oui, mais les doctorants sont aussi la pour maintenir la tenue des enseignements à l'Université dans des disciplines en tension. Car en fait, les doctorants sans sources connues de financement sont souvent des vacataires en enseignement de l'Université. On joue ici sur une subtilité du statut de vacataire: si au sens "traditionnel", le vacataire a nécessairement un emploi principal (à hauteur minimale de 900 heures par an, donc en gros au moins un mi-temps), les agents temporaires vacataires ne doivent pas nécessairement justifier d'un emploi principal. Par contre, leur service est normalement limité 96 HETD (un demi-service enseignement), soit un revenu d'environ 3700€ annuel net. Difficile d'affirmer qu'il puisse s'agir d'un "revenu suffisant permettant d'assurer des conditions financières nécessaires au bon déroulement de la thèse". En termes d'ETP, ces situations représentent au maximum 2500 ETP environ sur un total de 50000: on devrait donc pouvoir s'arranger différemment.  

 

Je milite donc (façon de parler, ce n'est pas mon genre) pour un respect littéral des textes: on ne doit pas inscrire en thèse quelqu'un qui n'a pas de moyens de subsistance associés directement à la préparation de son doctorat (et dont le montant minimal est celui fixé par le contrat doctoral). Fut-ce contre son gré. Etre directeur d'école doctoral, c'est probablement assez ingrat, mais ce serait bien qu'ils assument un peu les responsabilités inhérentes.

Avantage de la mesure: elle ne coûte rien, je pense. Elle contribuera aussi je pense à "professionnaliser" auprès des entreprises l'image du doctorat, cheval de bataille des association de promotion du doctorat (même si je sais qu'en tant qu'universitaire je devrais plutôt m'occuper d'élever les âmes, je suis assez bas du front et donc j'aime bien que les gens que je forme aient un boulot - qui ne leur déplaît pas trop et qui n'est pas extrêmement éloigné de ce à quoi on les a formés- à la fin; rappelons qu'un boulot à l'Université est par construction plus une exception que la règle, indépendamment de la pénurie actuelle de poste - sauf à diplômer 5 fois moins de doctorants qu'actuellement ou considérer qu'il faut 5 fois plus de postes académiques qu'actuellement*). 

Concrètement, je comprends que l'on veuille se battre pour que les doctorants qui subsistent via 96h de vacations et 4000€ dans l'année soient payés plus rapidement. J'ai du mal à voir en quoi cela réglera le caractère endémique du problème, par contre. A mon sens, ce n'est pas qu'une question de fric, et même pas principalement une question de fric, c'est avant tout une question de (mauvaises) pratiques érigées en normes de fonctionnement dont on croit ou cherche à faire croire qu'elles sont indépassables (ainsi, l'exemple des contrats d'ATER ou de demi-ATER en cours de thèse là ou, hormis pour les agrégés pour lesquels il existe des règles particulières, un ATER est normalement un contrat pour les docteurs, un doctorant sur un poste d'ATER s'engageant a priori à soutenir sa thèse avant la fin du dit contrat).

 

Pour revenir sur la durée des doctorats: imaginons la faire passer à 4 ans. Cela revient à augmenter de 33% le budget des contrats doctoraux, mais aussi des dotations CIFRE, des budgets de personnel dans les  ANR etc. Je n'ai rien contre discuter de mesures qui coûtent très cher, mais il faut le mettre sur la table dès le départ (et être aussi conscient que demander +33% pour quelque chose, quel que soit le contexte, est un souhait qui a peu de chances d'être exaucé). Je n'ai rien contre les inscriptions en 4ème année dérogatoires non plus, mais la aussi il faut un peu responsabiliser les directeurs de thèse là où ça ne se fait pas: si le doctorant ne soutient pas dans les temps définis comme "normaux", au directeur de thèse de trouver le financement adéquat pour terminer le travail. 

 

Et pour conclure, car je sais qu'on me reprochera d'être un scientiste, qui, en plus d'être obtus, pique tous les financements et tous les postes aux malheureux "mous". Qui est le plus mal loti? Je vous laisse méditer le petit graphe ci-dessous. Ca n'a pas nécessairement grand chose à voir avec le reste de l'article (encore que), mais j'ai fait ça un peu par hasard récemment et je trouve que c'est très parlant.

 

 

* ce qui ferait en gros doubler le nombre d'enseignants-chercheurs en 10 ans

** 

Précarité dans l'enseignement supérieur, qu'y faire?
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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 21:57

Il y a quelques années, j'habitais dans le quartier Reuilly-Diderot et pour me rendre à mon travail, j'empruntais le bus 57.

Souvent, je croisais, le matin, un père et sa fille, assis quasiment toujours à la même place, tout au fond.

Je ne les ai pas oubliés.

La raison principale pour laquelle ils sont restés dans ma mémoire, c'est que la jeune fille, d'une quinzaine d'années, était trisomique. Une deuxième raison était l'amour et la complicité qui semblaient relier ce père à sa fille et irradiaient autour d'eux.

Cela m'émouvait, régulièrement, même si bien sûr je ne voulais pas passer le trajet, sans-gêne, à les scruter.

Le père descendait à Gare de Lyon. Il embrassait tendrement sa fille qui continuait seule son trajet jusqu'à après mon arrêt, probablement pour se rendre à l'établissement dans lequel elle était scolarisée. 

 

Dans une quinzaine d'années, j'espère que je serais ce père pour ma fille, arrivée il y a 3 semaines. Et qu'elle et moi partagerons une aussi belle relation. 

 

 

 

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13 juin 2017 2 13 /06 /juin /2017 10:05

Je m'adresse à mon lectorat universitaire: vous connaissez les reviewers d'article qui, jugeant un article représentant disons 2 ans de boulot et montrant un petit résultat nouveau, écrivent en substance "hmm oui c'est pas mal mais il aurait fallu faire ça en plus pour que ça soit bien", le ça en question correspondant à 2 ans de boulot supplémentaire pour confirmer au 2ème ordre le résultat principal de l'article, qu'il était déjà ambitieux de montrer à l'ordre 0.

C'est déjà pénible.

Mais aujourd'hui, on retrouve ces "reviewers" sur des articles de blog et même sur twitter. En gros, tu passes une partie de ton temps libre à éplucher des documents, disons-le souvent un peu arides, pour faire des mises en perspective ou des compilations de données un peu parlantes. En général, on travaille à "gros grains" d'abord, et puis, si on peut (i.e. si on a le temps ET que des sources sont disponibles ce qui est loin d'être toujours le cas) on raffine. Mais le "gros grain" est souvent déjà une avancée par rapport au non-existant. Mais la, c'est le festival de "il faudrait dissocier selon les 60 sous-disciplines" ou "vous avez regardé sur les 10 dernières années, mais ce qui serait pertinent ce serait sur les 40 dernières années". 

Et il y a aussi les "contradicteurs systématiques" ou "pinailleurs de l'extrême" qui, visiblement peu habitués à la physique à la Fermi, viennent corriger une grave erreur du type "non ce n'est pas un facteur 2, c'est un facteur 1,93". Récemment, j'en ai eu un qui, pour "démonter" l'un de mes propos sous pseudonyme, m'a cité un article... que j'avais écrit sous mon vrai nom. "Oui, je connais ce travail, non, il ne dit pas ce que vous prétendez..."

 

Donc, un article de blog c'est du grain à moudre, ce n'est pas un article soumis dans un journal à comité de lecture. Quand je fais des articles avec une ambition d'être un tant soit peu sérieux, je donne les sources. Libre à chacun de les reprendre, de les creuser, d'en trouver d'autres, de rebondir. Mais les remarques sur la faible quantité de travail et/ou le peu de pertinence du "gros grain", c'est assez fatigant pour ce qui reste un hobby. Un hobby avec certes une volonté de compréhension et de pédagogie, mais néanmoins sans prétention académique.

 

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17 avril 2017 1 17 /04 /avril /2017 15:18

Difficile de faire un "programme" cohérent... Mais je vais jeter quelques idées personnelles sur l'enseignement supérieur et la recherche. Personne ne me l'a demandé, mais cela fait du bien de se confronter à la réalité de ce qu'on penserait vraiment pertinent. 

 

 

Mon affiche de campagne

Mon affiche de campagne

 

On va faire du plus utopique au plus concret.

1 - Bon, déjà je pense qu'il faudrait investir massivement dans l'ESR. Après tout, 3% du PIB, la stratégie de Lisbonne, ça a presque 20 ans maintenant, et on est toujours à 2.25% ou quelque chose comme ça. Mais la, il est à craindre que ça ne soit pas pour demain même si c'est la priorité de tout le monde en théorie, dans la pratique ça ne l'est jamais (l'Allemagne est à 2.9). 

2 - Je pense que pas mal d'emmerdes actuelles viennent de la dualité Universités - Grandes Ecoles. A l'Université l'enseignement de masse sans sélection et la recherche, aux grandes écoles l'enseignement hyper sélectif (et, hormis quelques exceptions notables, peu ou pas de recherche). Je n'ai pas d'idée claire sur la façon dont tout pourrait être remis à plat et que cela soit satisfaisant, mais je suis désormais à peu près convaincu que cette dichotomie de 2 siècles n'a plus vraiment de raison d'être. Cela dit, je pense que j'aurai le temps de mourir avant que quoi que ce soit change (le lobby des classes préparatoires et des grandes écoles est un peu plus puissant que celui des universitaires). 

Il y a aujourd'hui probablement trop d'universités en France. 2 centres régionaux (un peu plus pour Paris) semblent un bon compromis (on passerait donc de plus de 80 à une trentaine). Pour cela il faudrait un programme de logements sociaux et de bourses ambitieux.

Il faut aussi une vraie rationalisation de l'offre de formation: éviter les masters très similaires dans un même centre, éviter les masters avec 5 étudiants et/ou tournant grâce au recrutement d'étudiants dont la formation initiale est faible ou mal connue (voir point 3).

2 bis - on pourrait avoir la même réflexion avec le CNRS. Création d'un statut unique avec 128 HED ou 96 HED pour tous? (Il y a en gros 60000 EC pour un peu plus de 10000 chercheurs dont une bonne partie enseigne déjà: autant dire qu'avec l'augmentation des effectifs étudiants annoncés, il va falloir trouver des heures, d'autant qu'il manque déjà au moins 10000 ETP...).

2 ter - je suis un peu partagé sur les PRAG à l'Université, mais vu qu'il y a des manques importants en force enseignante, avec un grand nombre d'heures assurées actuellement par des vacataires dont le recrutement n'est pas toujours optimisé, et qu'un recrutement massif de 10000 EC ou plus ne se fera pas en 2 ans; vu également qu'il y a de la demande du côté des PRAG, je me dis que les intégrer dans les cours de licence générale n'est pas une mauvaise idée, surtout les jeunes (si l'alternative est de les envoyer contre leur gré en collège ou lycée...).

3 - Je suis pour une forme de sélection, sur dossier (comment la gérer?) par filière à l'Université (à l'entrée en L1 puis à l'entrée en M1, puis pour le doctorat, comme le prévoit le LMD). 

4 - Je suis pour un maintien de la gratuité ou quasi-gratuité des frais de scolarité (cf point 1). Par contre, il ne me semblerait pas déraisonnable de demander aux étrangers de payer des frais de scolarité correspondant au coût réel (donc autour de 10000€: cela rapporterait 3 milliards d'€ en supposant que le nombre d'étrangers actuel reste constant, environ 300000. Même à supposer qu'il baisse, on pourrait tabler sur 1 milliard de recettes). On pourrait imaginer des systèmes de bourse et/ou de crédits d'impôts pour ceux qui ensuite resteraient travailler en France. J'avoue que j'ai du mal à comprendre aujourd'hui la plus-value pour le pays d'étudiants se formant gratuitement et à qui on ne propose ensuite pas d'emplois...

4 bis - Bien sûr, ceci devrait être réinvesti dans la rénovation des locaux. Avouons que pas mal d'Universités françaises ne donnent pas vraiment envie de venir... (ou plutôt: gratuitement, ça passe, mais à 10k€ l'année, on attend autre chose). Même si cela s'est pas mal amélioré par endroits (je pense à ceux qui ont connu Jussieu dans les années 1990-2000).

5 - Je pense que la fin de la semestrialisation avec une forme de souplesse dans le suivi des UE, dans le choix des parcours, et l'accumulation de crédits, sur un compte personnel, au rythme choisi par l'étudiant serait une bonne chose. Cela favoriserait aussi la formation continue (on pourrait proposer une formule "à distance"). Par exemple, la licence correspond à 180 crédits ECTS, une UE est en général 3, 4 ou 6 ECTS, et dans le cadre classique, on fait 45 ECTS en un semestre. Rien n'empêcherait d'imaginer qu'un étudiant puisse faire 15 ou 60 ECTS en un semestre (il faudrait probablement définir un minimum et un maximum), et qu'un salarié puisse profiter de ce type de parcours.

5 bis - développement en parallèle de l'apprentissage (dans le secondaire mais aussi le supérieur) et des procédures de validation d'acquis.

6 - Je crois que la fonctionnarisation des chercheurs et enseignants-chercheurs reste une bonne chose. Une revalorisation des grilles serait appréciable. Néanmoins, je pense que l'autonomie des universités est une bonne chose. Maîtrise du calendrier, développement raisonné de certaines disciplines etc. On pourrait imaginer dans cette optique un statut de fonctionnaire territorial. Cela ne faciliterait néanmoins pas les mutations, aujourd'hui extrêmement complexes, alors qu'il faudrait un peu "libérer les énergies". Alors, comment faire? 

6 bis - Suppression du recrutement local (définition du localisme: 3 ans dans le même labo, reset après 2 ans dans un autre labo). Augmentation significative du temps de l'audition (mise en place qui existe déjà parfois d'une partie enseignement), visite du laboratoire obligatoire avant l'audition (financée par les labos). Il faudrait probablement diminuer le nombre d'auditionnés, et pour cela définir des profils plus précis pour le recrutement.  

7 - Il faut redonner des moyens à l'ANR. Probablement revenir aux financements de 2009 voir à 800 millions d'€ ou plus (aujourd'hui, environ 450 millions). L'idée serait que 25% des projets (environ) seraient financés. 

7 bis - mettre en place une procédure robuste et pérenne pour l'évaluation des projets ANR, procédure qui actuellement change chaque année. La procédure de cette année semble plutôt moins mauvaise que les années précédentes (phase 1 évaluée par un comité, possibilité de réponse aux évaluateurs en phase 2). Mettre en place un meilleur suivi des projets par l'ANR en améliorant les recrutements, conditions salariales et perspectives d'évolution des chargés de projets ANR (aujourd'hui, il n'est pas rare d'avoir 3 interlocuteurs différents sur la durée d'un projet de 4 ans...).

7 ter - passer de 3 à 5k€/C-EC pour les crédits récurrents (budget: environ 200 millions).

8 - Incitation au développement des ressources propres dans les universités et les laboratoires.  

9 - Je suis pour le maintien de l'HCERES et la mise en place d'une évaluation des EC sur le modèle de ce qui existe au CNRS. Je suis pour la prise en compte de l'avis des étudiants sur les enseignements prodigués.

Je ne suis pas défavorable à la modulation des services. S'il me semble important qu'un EC ou C conserve une activité de recherche au moins a minima (en ce sens, les premiers critères définis par l'HCERES: 2 articles - ou proceedings selon les communautés - sur une période de 4 ans pour les EC, et 4 pour les C, m'apparaissaient plutôt conservatifs), il ne me déplairait pas qu'un certain nombre d'activités "administratives" (même si je plaiderai pour moins d'administratif pour les C et EC) soient mieux reconnues et valorisées (gestion de filière notamment). Rien ne devrait s'opposer à des carrières d'EC "enseignants administratifs" (en faisant la distinction entre les postes de gestion lourde et les postes honorifiques).

10 - Suppression de la qualification (et donc probablement du CNU) et de l'HDR. Un jeune recruté doit pouvoir obtenir une certaine forme d'indépendance en répondant à des AAP dédiés (dans lesquels on ne lui reprocherait plus d'être "trop jeune" ou pas assez "mentoré"). 

11 - Réserver l'accès au CIR aux TPE et PME. Développer les mécanismes CIR d'incitation à l'embauche des docteurs dans le privé. Rebasculement d'une large partie du CIR (celle non affectée au recrutement de docteurs) des grandes entreprises vers le budget de la recherche publique.

12 - Financement des thèses obligatoire. Pour les salariés ou enseignants: possibilité de thèse en 6 ans si décharge à mi-temps. Faciliter les mécanismes de détachement/congés pour effectuer la thèse. Thèse en 3 ans avec 2 réinscriptions max possibles si contraintes spécifiques disciplinaires justifiées. Généralisation des comités de suivi de thèse. Prise en compte des temps caractéristiques de soutenance et du devenir des docteurs dans la promotion des directeurs de thèse.

12 bis - mise en place de collaborations industrie/université (ou d'un meilleur dialogue) par mise en place d'un guichet unique chargé de valoriser les diplômes (le doctorat mais pas que) sur le marché de l'emploi. Cela permettrait aussi de développer le concept de doctorant/conseil. 

13 - Maintien de la loi Sauvadet. 

14 - Rebasculement du personnel administratif des services centraux vers les laboratoires.

15 - Généralisation de la CB professionnelle pour les C et EC.

16 - pas de fermeture budgétaire annuelle.

17 - Simplification des achats: fin des marchés publics et marchés agences de voyage. Mise en place d'un système de déclaration en ligne (fin des ordres papier) pour la déclaration des missions, congés etc.

17 bis - En ce sens, revalorisation de certaines fonctions support dont les grilles actuelles ne permettent que trop rarement sur le long terme des recrutements de haut niveau (par exemple: secrétariat pédagogique, gestion, DSI). On ne peut pas toujours miser sur la bonne volonté ou le sacerdoce.

18 - Généralisation des délégations de signature au directeur de labo ou d'équipe pédagogique.

 

Bon, je suis sûr que j'ai plein d'autres idées et en même temps ce dont j'ai toujours peur c'est que certains points se contredisent, mais ça fera une base pour retravailler.... J'amenderai au fur et à mesure. 

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12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 08:48

Un petit mot sur l'actualité.

Fleur Pellerin, politicienne nouvelle génération parfaitement dans le moule de l'ancienne (ESSEC, Sciences Po Paris, ENA) est virée du Ministère de la Culture. François Hollande, lors de sa nomination, ne lui avait pourtant pas demandé grand chose: "rien d’autre que « d’aller voir Jack [Lang] », qui « a des idées », et de « [se] taper » des « spectacles »".

 

Hélas (pour elle), outre sa gestion des cas Agnès Saal et Mathieu Gallet/Radio France, entre autres, ce qui a surtout choqué le Landerneau, c'est qu'elle ait admis assez ouvertement n'avoir jamais lu de Modiano, lorsque celui-ci obtint le Prix Nobel. 

J'avoue humblement que, bien que lisant au moins 2 livres par mois, essentiellement des romans, depuis l'âge de 8 ans, je ne l'ai jamais lu non plus (mais comme je suis un scientifique peu cultivé, ça ne pose pas de problèmes). 

 

On (le dit Landerneau médiatico-politique en tout cas, je pense qu'une grande partie des gens se contrefout du ministère de la Culture) fait donc semblant de croire qu'un "bon" ministre de la Culture se doit d'être quelqu'un ayant lu tous les auteurs potentiellement nobélisables, connaissant les grands musiciens, amateur d'opéras, de concerts classiques et de jazz mnimaliste. Franchement, il y a certes, j'imagine, une partie "représentation" dans la fonction de ce ministre, mais après tout on peut bien aller à l'opéra simplement pour s'y montrer et s'y faire grave chier, tant que ça ne se voit pas trop. Pour le reste, j'espère que son travail au quotidien ne mobilise que rarement comme ressources intellectuelles la connaissance de l'oeuvre intégrale de Modiano ou J-M-G. Le Clézio (autre auteur français nobélisé dont je n'ai rien lu, si ce n'est les 50 premières pages du Procès-Verbal qui m'est ensuite tombé des mains).

 

En parallèle, il n'y a pas si longtemps, un ministre de l'Education Nationale, X. Darcos (universitaire, une fois n'est pas coutume), peut avouer en rigolant à la télé qu'il n'a aucune idée de comment on fait une règle de 3.

 

 

 

 

Vous me direz qu'au fond, ça ne sert pas plus pour la fonction que d'avoir lu Modiano et que tout ça, c'est un procédé débile (depuis utilisé à toutes les sauces par Bourdin) discréditant les politiques.

Je me fais sans doute une fausse idée du travail des politiques, mais il me semble qu'admettre qu'on ne maîtrise pas le calcul niveau primaire ou collège est un peu plus inquiétant que de ne pas avoir lu un romancier primé. Parce qu'en gros, ça montre qu'on est incapable de comprendre un budget, d'analyser les chiffres donnés dans un rapport (les mettre en perspective, comprendre la méthodologie employée), qu'on ne sait pas raisonner en termes d'ordre de grandeur (si je concentre mon action sur telle somme mais qu'elle représente un pouième des sommes mises en jeux, est-ce que mon action a un intérêt autre que politique?) etc.

En conclusion, j'"over-analyse" sans doute un peu trop, mais je vois dans ces deux situations (qui ne sont que des exemples parmi tant d'autres) le symbole d'une "élite" historiquement très majoritairement issue des disciplines "littéraires" et un peu méprisante envers la bassesse terre-à-terre des "matheux", "physiciens", et autres "scientifiques".

Bref, si tu veux briller à Saint-Germain, dire en riant que tu sais pas compter ta monnaie quand tu payes ton café à 8€ c'est du dernier chic, mais si t'as pas lu l'intégrale de Foucault, t'es pas vraiment capable de penser.

Or, naïvement, j'aurais tendance à penser que pour mener des politiques publiques, des bases scientifiques solides sont plus importantes qu'une maîtrise des principaux concepts philosophiques ou de la vie littéraire du 20ème siècle.

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26 novembre 2015 4 26 /11 /novembre /2015 09:50

J'ai déjà beaucoup écrit sur les concours et les modalités de recrutement de Maître de Conférences, tant du côté candidat que membre de comité, et pas toujours en bien (voir les liens sur cette page).

 

Récemment, j'ai eu quelques "débats Twitter" (vraiment pas le meilleur lieu pour le débat selon moi) avec plusieurs personnes sur une (relativement) nouvelle règle imposée par le Ministère (depuis la loi Sauvadet de 2012 et donc mise en place pour les comités depuis 2013 ou 2014) concernant la composition des comités de sélection, à savoir respecter "une proportion minimale de 40% de chaque sexe" (sauf dérogations particulières pour quelques sections CNU, par exemple le génie électrique, section 63, qui ne compte que 16% de femmes...).

 

Quand on voit ce genre de graphiques, on se dit que ça tombe sous le sens:

 

Parité et comités de sélection

Néanmoins, on va voir qu'en réalité c'est un peu plus compliqué que ça...

Déjà, d''un point de vue d'ancien "organisateur" de comité, cela fait un peu rire jaune quand on regarde l'ensemble des règles à respecter (voir ici). Cela donne lieu à d'amusantes notices explicatives délivrées par les Universités pour constituer un comité de sélection. Pour mémoire, il faut respecter un "triple quorum" (parité rang A et rang B ou assimilés*, au moins autant de membres extérieurs que de membres internes dans le comité, et donc 40% de chaque sexe, le tout sur 2 réunions "physiques" avec les mêmes membres, la visioconférence n'étant pas toujours tolérée, notamment pour les auditions).

Cela dit, ce n'est pas la nouvelle règle de mixité que je critique mais plutôt l'amoncellement de règles hyper strictes censées prévenir toute "dérive" supposée (localisme, favoritisme, sexisme, etc) et garantir l'"égalité républicaine devant le concours". Tout cela pendant qu'on méprise assez ouvertement les candidats (auditions de 15 minutes, déplacements à leurs frais etc) et que chaque année plusieurs auditions sont publiquement critiquées et parfois retoquées.

Mais bref, la n'est pas le propos.

Pour revenir à cette règle de proportion minimale de 40%, j'aimerais déjà comprendre quel problème elle est censée résoudre (fut-ce partiellement): s'agit-il du déficit d'attrait des carrières académiques pour les femmes? Si tel est le cas, c'est, je crois, en amont qu'il faut travailler (lycée etc) plutôt qu'en bout de chaîne.

S'agit-il de sexisme à l'Université? Les histoires de harcèlement sont nombreuses en France et ailleurs (probablement, je le regrette, qu'elles sont moins "médiatisées" en France qu'ailleurs). Les comportements "inappropriés" aussi, mais cela me semble une problématique un peu différente, même si connectée (surtout s’ils arrivent pendant les auditions, il paraît – je n’en ai jamais été témoin mais j’ai entendu comme tout le monde des histoires- j’y reviendrai).

Y a-t-il des problèmes également au niveau du recrutement? C'est possible, mais ça mérite d'être documenté. De mémoire j'avais en tête une proportion beaucoup plus faible de femmes "de rang A" (Professeur) que de "rang B" (Maître de Conférences), mais j'avais envie de creuser un peu, c'est donc ce que j'ai fait.

Pour ceci, le bien-aimé site du Ministère qui met publiquement en ligne tout un tas de rapports et dans certains cas même les fichiers de données.

J'ai regardé les chiffres pour trois années, 2008, 2011 et 2014 (désolé, je n'ai pas le temps de faire plus...)

2008 est une année intéressante car on y trouve une analyse détaillée non seulement des postes, mais aussi des candidatures.

Donc, en 2008, nous avions sur la cohorte de qualifiés Maître de Conférences, 43.5% de femmes, et sur la cohorte de qualifiés Professeur, 30% de femmes.

Pour les candidatures aux postes (ce n'est pas parce qu'on est qualifié qu'on candidate, et de plus la qualification est valable 4 ans), on avait 29% de candidatures de femmes sur des postes PU, et 44% de femmes sur des postes MCF.

Pour les postes pourvus, on trouve 43% de femmes sur des postes MCF, et 28% sur des postes PU.

En 2011, on n'a pas d'informations sur les candidatures, simplement sur les qualifiés et sur les postes pourvus.

Ce qui nous donne pour la qualification, 29.5% de femmes qualifiées PU, et 43% MCF.

Au niveau des postes, 44.5% de femmes nommées sur des postes MCF, et 34% sur des postes PU.

En 2014, 47% de femmes qualifiées MCF et 33% PU. On peut aussi regarder les candidatures à la qualification: les femmes représentent 48% des dossiers examinés MCF, et 34% des dossiers examinés PU. Le taux de réussite est de 68% pour les femmes en MCF (71% pour les hommes), et 73% pour les femmes en PU (74% pour les hommes).

Pour le recrutement, 43.5% de femmes MCF et 36% de femmes PU.

Enfin, sur la population totale des enseignants-chercheurs (environ 53000 personnes), il y a 36% de femmes, représentant 43% des Maîtres de Conférences, et 22.5% des PU.

De façon générale, il y a bien une diminution significative de la proportion de femmes nommées aux postes de rang A par rapport à la proportion aux postes de rang B. Il faudrait pour mieux cerner les causes aller voir les recrutements 10 à 15 ans plus tôt (le temps de passer de MCF à PU) mais on (je) ne trouve les données genrées qu'à partir de 2003 (en 2003, 42.5% de femmes nommées MCF, et 26.5% de femmes PU).*

Si on regarde les données de façon "horizontale" (sur une année donnée), on constate qu'il y a un très bon accord entre les proportions respectives de qualifiées et de nommées. Soit, en gros, toutes sections confondues, 43% de femmes au niveau MCF (constant depuis 10 ans) et par contre une proportion plus variable au niveau PU.

Si on regarde donc les données de façon "verticale" (au cours du temps), la proportion de femmes nommées MCF est comme on l'a dit constante, et la proportion de femmes nommées PU en augmentation de presque 10 points. Cela semble s'accompagner aussi d'une plus grande proportion de femmes qui "demandent" (et obtiennent) la qualification (en 2005, dernière année où les données sont disponibles, seulement 25% de femmes qualifiées PU, 42% MCF).

Voilà pour les données et l'analyse "brutes". Je vais maintenant rentrer dans l'interprétation (discutable, elle).

Je ne vois pas de problèmes dans les recrutements MCF, en tout cas en termes d'attributions de postes favorisées pour les hommes, et au "premier ordre". Il y a 40-45% de femmes qui se présentent, il y a 40-45% de femmes qui ont un poste. Doit-on atteindre 50%? Je n'en sais rien (certains domaines fonctionnent avec 60% de femmes, d'autres avec 20, et là il faudrait faire, je crois, quasiment une analyse par section et qui remonterait également jusqu’au secondaire**)... J'aimerais connaître la proportion de femmes dans les cohortes de docteurs aussi...

Au niveau PU, on identifie clairement une baisse de la proportion de femmes, qui tend à s'atténuer avec le temps (en 11 ans, on passe de 26% de femmes nommées PU à 36%, mais il faut bien sûr "intégrer" ces effets sur plusieurs années pour voir la proportion de femmes PU en poste augmenter significativement). Ceci s'accompagne cependant d'une baisse similaire du nombre de candidatures par rapport au vivier de femmes MCF (si j'assume que les candidatures sont liées à la qualification, ce qui me semble une hypothèse raisonnable). Or, la qualification n'est pas plus refusée aux femmes qu'aux hommes, ce sont les femmes qui en proportion la demandent moins.

La « vraie question » me semble donc être : « pourquoi les femmes demandent-elles moins la qualification PU? » (qui est généralement, une « formalité »).

Je vois deux hypothèses :

Une forme plafond de verre ou d'auto-censure (ou de syndrome de l’imposteur). Il me semble qu'elle ne peut pas être corrigée par la parité des comités de sélection, puisqu'elle se situe en amont.

Des carrières académiques encore « en moyenne » plus lentes chez les femmes pour des raisons extérieures (vie de famille etc). Or, dans les sections que je connais, il y a une distribution assez faible autour de l’âge moyen, concernant les recrutements PU. On retrouve d’ailleurs ce phénomène pour les recrutements MCF (pour schématiser, en 2 ans on passe de « encore un peu jeune » à « trop vieux » pour le poste). Et donc, si on a le « bon dossier » pour candidater PU à 45 ans quand la moyenne de recrutement est 40, on ne demande pas la qualification parce qu’on sait bien qu’on n’aura pas de poste.

Cette question est d'ailleurs assez proche de ce qu'on a pu observer pour la PES (prime d'excellence scientifique, 2009-2012): si les femmes l'ont moins (29% de femmes MCF bénéficiaires, 20% de femmes PU bénéficiaires) c'est avant tout parce qu'elles la demandent moins (32% de candidatures de femmes MCF, 21.5% de candidatures de femmes PU).

Pour conclure, j'ai l'impression (peut-être fausse) que cette règle de parité ne répond pas vraiment aux problèmes posés au niveau du recrutement. Peut-être qu'elle répond à d'autres problèmes (par exemple, améliorer l'implication des femmes dans les instances décisionnelles) ?. Je constate aussi que le phénomène d'auto-censure semble s'atténuer ces 10 dernières années et donc la proportion de femmes accédant à des postes de rang A a largement augmenté. Je pose une question naïve: y a-t-il eu des actions menées (et si oui, lesquelles précisément) ou cette correction de la communauté s'est-elle faite "naturellement"?

 

 

Note:

Je remercie vivement @chtruchet, que ces questions intéressent beaucoup et qui a accepté de relire avec bienveillance mon texte bien qu’elle ne partage pas une bonne partie de l’analyse.

Je tiens également à citer deux-trois remarques très intéressantes qu’elle m’a faites, et auxquelles je n’avais pas songé (et qui sont largement susceptibles de faire évoluer mon opinion sur le bien-fondé de cette nouvelle règle même si par principe, après quelques années de pratique, je serais plutôt pour la suppression de toute règle administrative dans l’ESR):

« - un nombre non négligeable de femmes dans un COS agit comme une garantie. Garantie d'une part, côté jury, qu'il n'y ait pas de remarques ou questions déplacées (ça existe, ou du moins ça a existé les : « vous allez faire des enfants? » Ou "là on a le choix entre elle et lui, on va prendre lui comme ça on est sûr qu'il nous emmerdera pas avec ses maternités"). Garantie côté candidat que tu te retrouves pas avec une nana devant 12 mecs, situation inconfortable s'il en est. Même si les 12 mecs sont irréprochables d'ailleurs : ça, la candidate, elle ne peut pas le savoir !

- Que ce soit les femmes qui ne veulent pas monter, ou les hommes qui les éliminent, peu importe en réalité : dans tous les cas, c'est un pb de RH. Pour devenir clean, la première chose à faire est d'éliminer les biais faciles (ensuite, c'est compliqué, on réfléchit). Un biais énorme est de laisser le recrutement à un seul sexe***. On ne sait pas dans quel mesure il pèse, mais c'est de toute façon pas sain. Donc, je pense qu'il faut l'éliminer même sans forcément en attendre la révolution. […] Car évidemment, ça ne suffit pas. Il faut l'intégrer dans une politique plus générale, ce qui est maintenant le cas dans la majorité des Universités.

- être dans un COS, ça donne un vrai pouvoir. Une fois que tu y es, tu sièges, tu votes, tu pèses. Si tu fais bien le job, en plus, ça te donne un énorme carnet d'adresses. […] C’est quand même un vrai plus je pense. »****

 

 

* on me dit qu’il existe un « indicateur d’avantage masculin », et qu’on peut m’envoyer de la documentation dessus. Je la lirai.

** ici les analyses divergent : on me dit parfois qu’il faut regarder le problème « général », ce que j’ai fait ici, et parfois le problème « section par section » (ce que j’avais vaguement essayé de faire sur Twitter, sans pousser trop loin, car c’est long et un rien fastidieux). Cela dit, à l’occasion, je regarderai les données de quelques sections bien choisies dans le genre de la 63ème, je pense qu’elles se trouvent sans problèmes.

*** ou plutôt « la possibilité de » (ne pas imposer de critère de mixité ne signifie pas forcément que le comité sera non paritaire) (NdeMix)

**** pour le dire plus clairement, il s'agit d'activités qui, de façon générale, sans être fondamentales, sont de potentiels "accélérateurs de carrière" ou en tout cas "valorisables" dans un dossier PU (case "responsabilités administratives et activités collectives" + "reconnaissance de la communauté"). Cela peut donc jouer favorablement selon un type "positive feedback" (NdeMix)

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27 décembre 2014 6 27 /12 /décembre /2014 13:07

Spoiler alert: je vais parler de choses que je ne maîtrise absolument pas, mais nous sommes en France, pendant les périodes de fêtes qui plus est, il est donc important d'avoir un avis sur tout.

 

J'ai dans mes proches relations un notaire. C'est quelqu'un de plutôt mesuré et d'ailleurs assez pessimiste de nature, il pense donc que sa profession telle qu'elle existe aujourd'hui ne sera plus à moyen terme.

Je ne suis moi-même a priori pas un farouche défenseur des notaires (mais qui l'est vraiment?, comme il le dit lui-même), ou plutôt de leur communication actuelle, que je trouve un peu gonflée.

Néanmoins, il m'a fait quelques remarques intéressantes pour mettre leur mouvement de protestation face à la loi Macron en perspective.

 

Premièrement, il faut rappeler que les notaires sont régis par un numerus clausus. Eg, ce n'est pas parce qu'on a le diplôme, qu'on peut, contrairement à un avocat par exemple, louer un local et mettre sa plaque devant "M. Michu, notaire".

Il y a en France en gros 8000 notaires (+ 1000 "notaires salariés" qui ne possèdent pas de parts dans une étude). 

Il y a 2 façons de "devenir" stricto sensu notaire: racheter les parts (ou la totalité) d'une étude existante (ou l'hériter de papa/maman) ou réussir un concours annuel (chaque année, l'Etat décide qu'à tel endroit, il manque une étude, qu'il faut donc en installer une, et elle est attribuée par concours: soit n études à distribuer, le concours classe les candidats, le 1er choisit là où il veut aller, le 2ème a n-1 choix, etc, jusqu'à ce que toutes les études soit pourvues).

La voie concours est très minoritaire (quelques dizaines de places par an, moins de 20 par an depuis 5 ans). Lorsque l'on réussit le concours, l'emprunt bancaire pour s'installer est "minimal" (en gros, louer ou acheter un local, l'équiper, et acheter le logiciel d'utilisation obligatoire qui vaut dans les 50k€).

La donne est différente quand on rachète une étude. Par exemple, 25% d'une étude à Antibes a coûté à un collègue de ma connaissance 1.2 M€. Il faut donc voir que le notaire débutant souscrit un prêt bancaire avec remboursements du genre 8k€/mois sur 15 ans. C'est d'ailleurs sans doute pour ça qu'il y a beaucoup d'héritiers dans ce milieu. Bien sûr, ce n'est pas de l'argent perdu et la revente de l'affaire en fin de carrière permet de faire un joli complément de retraite, mais ça fait quand même une bonne moitié de carrière avec pas mal de pression.

Bref, le notaire gagne en moyenne 17k€ net/mois. Il faut quand même penser qu'avec ces sommes là on est imposé au global à pas loin de 40%. Une fois le prêt remboursé, bon, on va pas pleurer misère pour eux, mais déjà ça fait moins rêver. D'autant que le notaire est aussi un petit patron, et que quand il rédige des actes, il engage un peu plus sa signature que d'autres parties. 

 

Il faut voir aussi qu'il y a environ 1000 nouveaux diplômés notaires par an. La plupart exerce donc des activités de type "clerc" ou " notaire assistant" (aux rémunérations de type 2k€ net/mois). Les notaires salariés sont aux alentours de 4k€/mois. On est déjà un peu plus loin des nantis même si ça reste confortable.

 

Le point ici, c'est que le gouvernement veut instaurer la libre installation (eg supprimer le numerus clausus, le concours etc). C'est peut-être une bonne idée en soit, et probablement qu'un certain nombre de diplômés qui font le sale boulot du notaire pour 10x moins seraient contents de pouvoir s'installer. Il est aussi normal que dans une réforme, il y ait des perdants... Mais ici, en gros, on explique à quelques milliers de gars qui se sont endettés à hauteur d'1M€ que demain, quelques dizaines de milliers d'autres peuvent potentiellement venir ouvrir à côté de chez eux, sans avoir à débourser un kopeck. Déjà, on peut comprendre que ça rende un peu jaloux, mais si en plus ça conduit à diviser le revenu par 2 ou 3, le mec commence à transpirer vis-à-vis de son énorme prêt bancaire.

 

Bon, voila, ceci mis sur la table, je comprends mieux que certains gueulent. Après, il y a quelques poignées de notaires parisiens qui gagnent plus d'1M€/an et tout le monde est d'accord pour dire que ces types là sont dans une situation de rente, qu'il faut faire quelque chose etc. Mais franchement, ce n'est probablement pas eux qui seront affectés le plus par la réforme. 

 

C'est un peu la même problématique avec les pharmaciens (numerus clausus itou, et officines très chères à acheter), ou les taxis avec leurs licences. Dieu sait que je ne suis pas un défenseur des taxis, surtout à Paris, mais on peut comprendre que celui qui a acheté sa licence 300k€ l'ait mauvaise si, sans compensation, demain n'importe qui peut foutre taxi sur sa voiture et se lancer.

 

Donc, quand on veut flinguer une corporation, et il y a sans doute de bonnes raisons pour le faire, il faut aussi, quand on gouverne, prévoir ces contreparties et compensations. Si on se contente de dire, "c'est comme ça, et désolé mais pour vous c'est dans le cul lulu", c'est un peu normal que ça ne passe pas, surtout si la dite corporation a des pouvoirs soit de nuisance, soit de lobbying.

 

 

Je ne sais pourquoi, il semble que ce travail prédictif soit de toute façon inconnu des décideurs. Beaucoup plus localement, je pense à ces formations de chez moi, qui ferment à tour de bras, sans se préoccuper du devenir de ceux qui les ont commencées. "oui, la, ça ferme, ok, mais on a 10 inscrits là, qui ont commencé il y a 2-3 ans et qui donc pourront pas finir, on en fait quoi?" "ah, c'est pas notre problème, c'est pas rentable c'est tout" "au temps pour moi, je croyais qu'on avait comme une sorte de mission de service public" "pardon?"

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29 avril 2014 2 29 /04 /avril /2014 14:05

Vous n'avez peut-être pas suivi, mais il y a eu il y a quelques mois une semi-polémique entre blogueurs, journalistes-blogueurs et scientifiques-blogueurs, suite à un article de P. Barthélémy se réjouissant que le Monde étoffe son offre scientifique.

 

Tom Roud avait notamment répondu sur Twitter, avant d'en faire un article plus détaillé: "Plus de blogs sur les sciences sur lemonde.fr. Mais toujours pas (vraiment) plus de blogs de scientifiques". 

En effet, la plupart des nouveaux blogs "sponsorisés" par le Monde sont tenus par des journalistes scientifiques.

 

Marc Robinson-Réchavi (MRR) a développé l'idée sur son blog et notamment "divisé" la blogosphère scientifique en deux grandes catégories*, qui je trouve posent bien le problème:

- les blogs de science, qui généralement "vulgarisent" les résultats scientifiques, à un niveau plus ou moins complexe, et peuvent être tenus par des scientifiques, mais aussi des journalistes, des amateurs etc. Je crois que, dans l'imaginaire commun, c'est à cette catégorie que l'on pense en premier.

- les blogs de scientifiques (ou de chercheurs), qui parlent avant tout de science avec un oeil de spécialiste, mais aussi occasionnellement du monde de la science (ou de la "communauté scientifique")**.

 

Mais il me semble que cela néglige quelque peu le symétrique de la 2ème catégorie, une espèce de catégorie 2 bis: "les blogs de scientiques qui parlent avant tout de ce qu'on peut appeler, au sens large, le monde de la science (mais pas, ou rarement, de questions ou résultats scientifiques stricto sensu)"

 

Or, biais personnel, ces blogs existent et il se trouve qu'il s'agit généralement des blogs que je suis, alors que je ne lis que très peu de blogs qui vulgarisent, qu'il s'agisse de "résultats classiques" ou de présenter des travaux récents, et quel que soit le "niveau scientfiique". Je pense d'ailleurs qu'il n'y a pas forcément de plus-value quand ces blogs, qui peuvent être très bien même s'ils ne sont pas ma came, sont tenus par des scientifiques plutôt que des journalistes ou "amateurs" (sauf s'ils restent majoritairemnt très focalisés sur la spécialité du scientifique qui les écrit, comme à l'époque le blog de Ice). Les rares exceptions qui peuvent me passionner sont les articles s'intéressant aux "controverses" liées à certains résultats scientifiques (OGM, climat) car elles impliquent souvent des réflexions politiques, éducationnelles etc.

 

Ainsi, je compte dans mes lectures régulières Gaia Universitas, qui a beaucoup de similarités avec FSP que je lisais également souvent à une époque (moins depuis mon retour des USA). Etrangement, ce blog a été très peu mentionné dans ce débat sur la blogosphère scientifique, alors qu'il aborde des sujets selon moi très souvent pertinents sur le monde de l'enseignement supérieur, principalement français mais pas que, et donne surtout lieu à des riches discussions entre scientifiques sur la façon dont la science et l'enseignement se mènent et devraient se mener (la majeure partie des articles affiche régulièrement 50 à 100 commentaires, souvent de grande qualité). Je ne suis pas sûr que tout le monde soit convaincu, mais il ne fait pas de doute pour moi que c'est un blog de sciences.

 

Je mentionnerais aussi le blog de D. Monniaux. Il arrive à ce dernier de publier des billets "techniques", mais ils sont loin d'être majoritaires (et j'avoue humblement que, généralement, n'y comprenant rien, je les lis avec moins d'attention que le reste). Tom Roud, depuis qu'il blogue moins, rentrerait aussi dans cette catégorie là en faisant de moins en moins de billets "scientifiques" mais plutôt en réagissant sur l'actualité autour de la science (le pseudonymat des blogueurs scientifiques par exemple), de la politique scientifique, ou en évoquant des interrogations suite à des lectures d'ouvrages scientifiques.

Il y en a bien sûr d'autres que je consulte plus ou moins régulièrement et au fil de liens sur twitter (par exemple et de façon non exhaustive le blog d'Arthur Charpentier et ses célèbres Somewhere Else, Histoires d'universités, récemment chassé d'EducPros et qui va parfois trop loin pour moi dans les considérations de gouvernance des universités et tout simplement en termes de densité, la Vraie Vie de Laboratoire, nouveau venu spécialisé dans les anecdotes me permettant de mieux appréhender le délicieux monde des SHS, Academia Hypothèses lorsqu'il parle recrutement, Kalai Elpides il y a quelques années...).

 

Et puis il faut bien que je parle de mon blog. Est-il ou n'est-il pas un blog de science? 

Je suis scientifique (enseignant-chercheur), mais, probablement en lien avec mes biais de lecture plus haut et donc ma personnalité, je ne commente jamais de résultats scientifiques sur mon blog.

J'ai pondu 750 articles en un peu plus de 8 ans, dont au moins un tiers n'a absolument rien à voir avec la science, ni de près ni de loin (la bouffe, le ciné, les lectures, le rock, mes voyages, ma vie..., voir note **).

Dans le reste, le lien est parfois ténu, mais il y a au moins un autre tiers (et peut-être plus) des articles, donc 250, ce qui n'est pas tout à fait rien, qui parlent de sujets ayant trait à la vie scientifique, qu'il s'agisse de pédagogie, de dualité du système français d'enseignement supérieur, d'administration de la recherche, de recrutements, de financements, de budgets des universités, de fraude et de communication scientifique, de bibliométrie, de relations humaines dans les laboratoires etc.

Il est suivi régulièrement par un nombre faible mais non nul de scientifiques qui ont parfois daigné faire un peu de publicité à certaines réflexions***.

Alors, quid? Comme le dit Martin Grandjean en commentaire dans l'article de MRR: je me demande si la définition d’un « blog scientifique » existe vraiment, tant la porosité de certains de ces blogs (le mien le premier) est grande avec d’autres « types » (journalisme, militantisme, commentaire d’actualité, etc…)."

 

Quoi qu'il en soit, c'est un fait, je consulte beaucoup plus de blogs de scientifiques qui ne parlent pas de science (au sens "discussion/présentation de résultats") que de "blogs de science" tels que définis plus haut. Et il me semble qu'il y a une demande (de la communauté scientifique, mais pas que****...) pour discuter de ce genre de sujets qui a été largement ignorée dans la petite polémique de l'époque. 

Pour preuve, certains de ces sujets de discussion sont parfois repris par les médias ou donnent lieu à des tribunes de scientifiques trouvant un assez large écho. Même mon blog a été "mis en avant" lors des débats parlementaires sur la qualification, c'est dire...

 

 

 

PS: Et cet article alors (le 750ème d'ailleurs)? Est-ce un "article de science" au sein d'un blog dont on ne sait toujours pas s'il est un "blog de science"?

 

 

* Il note également qu'il y a une porosité importante entre blogs des deux catégories chez les anglo-saxon (ce qu'il appelle la blogosphère), et trouve que cette "communauté" a moins pris chez les francophones malgré le rôle du Café des Sciences, de l'Agence Sciences-Presse et quelques autres.

** On "négligera" le cas extrême d'un blog de scientifique qui ne parlerait jamais de résultats scientifiques, ni de vie de la communauté. Par exemple, un blog de recettes tenu par un chercheur reste un blog de recettes et aurait du mal à rentrer dans la catégorie "blog de sciences"... les questions peuvent se poser lorsqu'un blog n'a pas de "ligne éditoriale" bien établie, comme le mien...

*** Et parfois même à celles qui n'ont rien à voir, que ce soit mon repas chez G. Savoy ou l'évolution de la voix de I. Gillian au fil des âges de Deep Purple

**** Il y a toujours beaucoup de pédagogie à faire ne serait-ce que pour expliquer le travail d'un maître de conférences, par exemple. Et je pense qu'une certaine frange de la population un minimum ouverte d'esprit est intéressée à essayer de comprendre "concrètement" ce que nous faisons, et quels sont les problèmes institutionnels ou autres que nous pouvons rencontrer.

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7 novembre 2013 4 07 /11 /novembre /2013 08:56

Les règles administratives liées à gestion des activités de recherche, en France, sont je pense globamement pénalisantes tant pour le bon fonctionnement d'un organisme que pour la qualité de la production.

On peut lister rapidement (je l'ai déjà fait plus souvent qu'à mon tour) une non réactivité absolue, une volonté de surmultiplication des contrôles a priori et d'engagement par signatures, l'incapacité à parler anglais quand ce n'est pas à comprendre que le fournisseur matériel ne se trouve pas toujours dans nos frontières et que les étrangers n'ont pas forcément un RIB société générale, les problèmes financiers des organismes -multipliés depuis la RCE- qui poussent à faire de la rétention de crédits, les périodes de clôtures budgétaires infiniment longues, le refus de la responsabilité ("moi j'y peux rien c'est la règle - ou c'est la faute du service d'à côté- ou encore, mais nous sommes en sous-service soyez indulgents") voire parfois la méconnaissance des dites règles poussant à la création de procédures purement internes qu'on présente comme essentielles, l'obsession des fournisseurs marchés publics qui vendent tout sauf ce qu'on cherche, l'amour très 80's du papier rendant quasi impossible l'"achat en ligne", qui n'en déplaise aux huiles, s'est suffisamment démocratisé pour concerner aujourd'hui autant Sigma-Aldrich qu'Amazon, et j'en passe...

 

En clair, ça explique qu'il faille 2 semaines pour commander un bécher, pas loin d'1 an pour du matos à quelques dizaines de kilos euros, et 6 mois pour se faire rembourser son congrès à Chalon-sur-Saône. Qu'on apprenne par le fournisseur 2 mois plus tard qu'un contrat a été annulé unilatéralement par l'administration sans raisons explicites, comme cela m'est arrivé récemment. Qu'il faille fréquemment une dizaine de coups de fils à 3 interlocuteurs différents pour faire bouger le schmilblick là où, dans un monde où les choses fonctionneraient bien, il suffirait de donner le devis à la bonne personne. Voire, soyons fous, de passer nous-mêmes nos commandes au moins pour les "consommables", par le biais d'une carte alimentée par nos contrats recherche, comme cela se pratiquait, visiblement sans problèmes majeurs, dans mon département américain. 

 

Et donc, ce qui se passe, c'est que les laboratoires ou organismes suffisamment puissants/prestigieux/à la pointe scientifiquement n'ont qu'une priorité: trouver un moyen de contourner ces règles.

 

Fleurissent ainsi des organismes de gestion internes (au laboratoire ou à l'institution), bien réels même si je m'explique difficilement leur existence ou la possibilité même de leur existence (des vestiges d'un temps ancien peut-être, ou un symbole de "puissance" suffisante pour s'affranchir des règles du tout-venant comme évoqué plus haut ? - ce qui ne serait pas impossible, nous sommes en France où les vestiges de l'ancien régime perdurent, mais j'y reviendrai en conclusion-).

 

Donc, ces organismes de gestion s'occupent de vos contrats recherche (j'imagine qu'il s'agit dans une très grande majorité de contrats avec des partenaires industriels, mais je connais aussi des organismes qui peuvent gérer des ANR et autres), et contrairement aux services centraux universitaires ou EPST, ils ont le bon goût d'être réactifs et de ne pas poser de questions, en échange d'un prélèvement plus ou moins élevé (souvent substantiel d'ailleurs) sur les dits contrats.


Les avantages, c'est entre autres qu'on s'affranchit des fournisseurs marchés publics et que l'on peut acheter où on veut, que les gestionnaires se démerdent avec votre devis et que vous avez le temps de faire des choses plus intéressantes, qu'on peut avoir des avances relativement facilement et être remboursé rapidement, qu'on peut inviter un industriel, lorsqu'on évoque un partenariat de 3 ans à 200k€ ailleurs qu'au couscous-PMU d'en face parce que sinon on dépassera le plafond de remboursement, ou loger ailleurs que dans le 1* qui sert aux passes en face de la gare quand on part en mission dans une ville chère, etc. Cela permet sur des reliquats de financement de payer quelqu'un qui n'était pas prévu quelques semaines-mois de plus, de donner un complément de salaire ou de s'affranchir des grilles de la fonction publique pour certains candidats, de ne pas être bloqué deux mois sans pouvoir passer une commande parce que les comptes sont fermés...

Bref, pour résumer, le gros avantage c'est de donner la flexibilité et la réactivité qui, qu'on le veuille ou non, sont nécessaires pour faire de la recherche de qualité dans un contexte de "compétition internationale" (dont je ne discuterai pas ici le bien-fondé, mais qui existe), tout au moins dans les domaines assez expérimentaux que je fréquente.

 

 

Mais il y a aussi des inconvénients potentiels, que l'on peut imaginer facilement tant ils sont corrélés aux avantages, et que l'on peut résumer comme suit: les risques de dérives.

Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais j'ai été témoin, direct ou indirect, ici et là, de pratiques "douteuses" au moins d'un point de vue de l'éthique: contrats de partenariats industriels dont une partie des crédits finissent dans la poche du chercheur sous couverts d'activités de "consulting" (on peut aller faire directement du consulting avec la boîte, pas de problèmes, mais se payer un complément de salaire sur les crédits d'accompagnement quand on a une thèse ou autre avec un industriel, ce n'est pas pareil), utilisation de crédits pour le paiement de voyages persos ou de matériel qui n'est visiblement pas à l'usage du laboratoire (changer d'ordi portable tous les 6 mois, ce n'est pas très raisonnable) quand ce n'est pas encore plus direct.

J'ai également beaucoup entendu gloser sur le salaire du responsable d'une telle structure, qui atteignait les 200k€ annuels. Les sources sont multiples et pour certaines de première main, et je crois donc à la véracité de cette assertion même si la seule chose que je peux confirmer c'est que le type se ramenait en Porsche Cayenne ou Audi Q7 (je ne suis pas très voiture) le matin et que sa voiture se remarquait bien au milieu des Corsa des chercheurs. 

 

 

En conclusion, c'est me semble-t-il un schéma assez typique par chez nous: par crainte de dérives (tout utilisateur étant un fraudeur en puissance), on crée un système ultra-rigide où il y a quasiment plus de contrôleurs que d'acteurs, qui paralyse le tout-venant.

Ceux qui ont les moyens, le pouvoir, la réputation nécessaires font alors en sorte de s'en affranchir pour mettre en place un système complètement opaque et hors de tous les règlements en vigueur. Qui permet de se donner les moyens de son ambition, mais parfois au détriment de certaines bases déontologiques.  

C 'est par exemple, si j'ai bien compris, ce que la Cour des Comptes a expliqué à propos de l'IEP Paris période Descoings et la défense de l'institution fut d'ailleurs en gros "nous nous sommes donnés les moyens de l'excellence et il n'y en a pas d'autres". 

 

 

Aucune de ces deux options, l'une étant la conséquence logique de la mise en place de l'autre, ne me semble très positive. Je reste persuadé que les fraudeurs sont ultra-minoritaires et que leur proportion n'est pas directement impactée par la qualité des contrôles (eg qu'il y a une proportion toujours à peu près constante de gens qui seront prêts à passer beaucoup de temps pour détourner le système à leur avantage) et qu'il est donc absurde de bâtir tout un protocole sur la mise au pas de cette minorité.

Si l'on donnait aux 99% de gens honnêtes et consciencieux les moyens et la liberté d'être efficaces, on éviterait de créer des systèmes parallèles qui ne font que conforter encore plus une recherche à 2 vitesses et incitent à la pratique de méthodes douteuses, mélange de culture "latine" et de préservation d'une caste persuadée qu'elle est intellectuellement au-dessus des règles contraignantes qu'elle définit pour la populace.

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 09:15

Une remarque rapide sur l'affaire Findus: elle semble bien montrer que la multiplication des contrôles ne sont pas une assurance tout risque, surtout quand

- ces contrôles sont purement administratifs (vérification et remplissage de paperasses pas forcément connectées à une quelconque réalité).

- ils sont accompagnés d'une énorme dilution des activités et donc des responsabilités (plus personne ne sait qui fait quoi et in fine ce n'est la faute de personne).

 

Si quelqu'un pouvait faire passer le message à ceux qui gèrent l'administration de la recherche en général et dans mon établissement en particulier...

 

Hélas, comme toujours, les réponses à ces dysfonctionnements sont un appel à une multiplication et un renfort des contrôles.

 

1830305 5 7524 le-circuit-de-la-viande-de-cheval-de-la 8068  Source Le Monde

 

On peut aussi regretter que les ministres concernés mettent toujours six mois ou un an (quand leur durée de vie dépasse rarement deux) ou attendent un fait divers majeur pour "se rendre compte de la complexité" des affaires dont ils sont supposés s'occuper. Au mieux, il s'agit de mauvaise communication. Au pire... 

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