Vous savez, ces mots schotchés un peu partout, assez généralement vindicatifs et écrits a l'encre rouge qui sont censés expliquer comment il faut travailler ("faites pas ci", "touchez pas a mon becher", "lavez vos affaires", "etiquetez vos tubes a essai" etc).
Le pékin moyen, dont je suis, n'est pas toujours tres réglo et la méthode est donc probablement, par certains cotés, fondée. Laissez-moi quelques phrases durant plaider pour mes collegues mal eleves et moi-meme la legitime tete en l'air: en plein milieu d'une manipe compliquee, précieuse et minutée, quand vous constatez avec effroi que votre erlenmayeur au lieu d'etre propre et a sa place est tout crado dans l'évier parce que cet enfoiré de Robert qui vous l'a emprunté la semaine derniere ne l'a pas nettoyé, vous vous saisissez illico de celui de Josette. Et puis, forcément vous oubliez de le lui rendre. Et la, c'est le drame, d'où, le petit papier qui tue.
Cependant le procédé m'exaspere, et qu'il soit le plus souvent le fruit de gentes damoiselles n'est pas, malgré ma misogynie latente, la principale raison.
Je trouve juste que c'est immature, un rien pleutre, et relativement grossier. En effet, dans une salle de manipes, ce n'est pas comme si on était 40. On est souvent 3 ou 4, et meme si on ne passe pas son temps a regarder comment le voisin fait son boulot, généralement celui qui pond ce genre de mots sait tres bien a qui il s'adresse: sous ses airs faussement généraux, le petit mot vise tres particulierement une (ou deux) personne(s).
Je ne comprends pas tres bien ce qui empeche a ce point les gens de se parler, de communiquer pour regler le probleme plutot que de s'adonner a ces petites mesquineries (variante: le mail envoye a tout le labo avec le directeur en copie du type "celui qui a pris mon bain d'huile il est vraiment mal élevé"). Qui plus est, dans certains cas un poil plus subtils que mon exemple ci-dessus, le point de discorde est simplement du a des façons différentes de travailler sans qu'il y en ait réellement une meilleure que l'autre.
Enfin, comme j'ai aussi mon coté gamin, ce type de procédés a en ce qui me concerne l'effet inverse de celui recherché: moi aussi je ne vais plus parler, et je vais un peu betement avoir tendance a maniper un poil plus salement ou en tout cas a faire expres de ne pas faire ce qu'il y a écrit sur le petit mot. Oui, parfaitement, rien que pour faire chier.
Je viens de découvrir que ce procédé existe également en coloc', ou il est sans conteste encore plus risible. Ainsi, la nouvelle coloc de ma douce, fraichement arrivée, sans rien demander a personne et toute honte bue, a placardé sur le mur de l'entrée le planning ménage de la maisonnée pour les trois prochains mois. Hier, elle a également placardé sur la porte des toilettes un écriteau "laissez la porte fermée" (une fois qu'on a fini, hein, parce que quand on est dedans on ferme la porte quand meme). Oui mais voila, comme il n'y a pas de verrou, moi je préfere que la porte soit ouverte comme ca je suis sur qu'il n'y a personne dedans (quand on est distrait ou mal réveillé on ne fait pas forcément gaffe a cet indice qu'est l'interrupteur).
Bon, je ne suis pas chez moi et puis mon aimée va déménager dans moins d'une semaine donc je ferme ma gueule, mais franchement quel est le but de ce panneau? Il y a trois colocs dans l'appart' (elle compris), est-ce si dur de leur en toucher un mot si vraiment ca la défrise?
Ca a, je trouve, un petit cote "vous etes vraiment mal elevés, vous m'emmerdez et je l'affiche sur le mur". Du coup si j'habitais la, j'hésiterais quant a la réponse la plus appropriée pour améliorer l'ambiance: intentionnellement laisser la porte grande ouverte (voire meme pendant que j'y suis), afficher un petit panneau en dessous du sien avec écrit "moi je préfére la porte ouverte!" (ne pas oublier le point d'exclamation, grand classique du petit mot) ou intentionnellement ouvrir la porte pendant qu'elle chie et m'écrier "ah mon Dieu désolé mais je suis tellement distrait, et comme la porte est tout le temps fermée...".