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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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1 mai 2009 5 01 /05 /mai /2009 20:44

Troisième épisode de la série sur les séminaires.

Hier, j'ai assisté à un séminaire comme j'en ai déjà vu un trop grand nombre, comme j'en ai déjà évité un nombre encore plus grand et comme malheureusement je devrai sûrement m'en taper un nombre certain.

Encore un gars qui faisait des nanoparticules, qu'il préparait à l'intérieur de nanofibres de biopolymères.
Puis, il regardait un tas de propriétés, au hasard ou en tout cas c'est l'impression que ça donnait, parfois presqu'en dépit du bon sens: l'hydrophobie, la compatibilité biologique, la rigidité, l'adhésion, et je ne sais quoi encore car j'ai fini par me barrer.

Je n'en peux plus de ces mecs qui ne semblent pas vraiment se poser de questions scientifiques, mais qui font des trucs parce qu'ils le peuvent, puis qui font des manipes au petit bonheur la chance juste parce que potentiellement il se peut que ça finisse par donner un résultat intéressant ou que ça aboutisse à un financement (ce qui est loin d'être toujours corrélé). 
Bref, au lieu de partir d'une question pertinente et de transpirer pour trouver une réponse partielle ou complète, ils partent d'un résultat trouvé au gré d'expériences aléatoires (''ah tiens, mon matériau il est hydrophobe, j'ai aucune idée du pourquoi du comment mais ça a l'air chouette"), essaient de trouver la question qui s'y rapporte et de relier les deux, généralement de façon totalement qualitative (''regardez comme elle est belle ma photo de SEM'').

Ce phénomène est dans ma branche très souvent observé chez les gens qui font du nano (ou du bio, ou pire les deux ensembles comme dans l'exemple ci-dessus): parce que, chez les polyméristes et ceux qui font du matériaux, c'est la qu'est le pognon, surtout de ce côté de l'Atlantique.
Cette manne à fric attire donc un peu tout le monde, y compris les mauvais, qui, pour peu qu'ils savent se vendre, arriveront toujours à décrocher un contrat avec l'armée pour leur fabriquer la nouvelle combinaison invisible à base de nanoparticules absorbant la lumière et qui en plus résistent à l'épreuve des trous de balles (de fusil, hein, je ne parle pas de ceux qui font les nanoparticules). 
A tel point que sur les 15 séminaires invités donnés cette année dans mon département, 12 comportaient le mot ''nano'' dans le titre.
Du coup, ça finit par faire de l'ombre aux gens du domaine qui eux ont une démarche scientifique pertinente et est à mon avis le grand défaut du système américain.

Mais bon, c'est plus général: en gros, un bon scientifique, ou au moins un bon speaker, commence son talk par une question, et quand il a fini, on a un ou plusieurs éléments de réponses basés sur des résultats théoriques ou expérimentaux développés de façon argumentée.
Un mauvais speaker va vous bourrer le mou avec ses résultats, sans fil directeur, sans queue ni tête, parfois sans même chercher à vous donner l'illusion qu'il y avait un sens à tout ça autre que "on pouvait le faire alors on l'a fait, et c'est super".
Et dans ces cas-là, je me casse.

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commentaires

C
Plus sérieusement mes plus beaux résultats de thèse sont partis d'une démarche un peu de ce genre. On voulait voir un truc qu'on a jamais vu, mais j'avais tellement bombardé de mesures dans tous les sens puisque j'avais l'outil, qu'on a fini par lever un autre lièvre, sans forcement chercher quelque chose là ou on l'a trouvé. Après on a changé de démarche. Mais on est quand même parti d'une Ave Maria comme ils disent chez les Patriots... Si ça ne sert pas à ces gens là, au moins les mesures serviront peut-être à d'autres un jour.
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M
<br /> Je suis pas sûr de m'être bien fait comprendre.<br /> Bien sûr, souvent en recherche, au moins expérimentale, tu pars d'une idée qui s'avère fausse ou invérifiable et finalement tu trouves d'autres trucs intéressants, ça m'est arrivé aussi en<br /> thèse.<br /> <br /> C'est pas ça du tout que je reproche (encore que les gars qui après coup te disent non mais en fait on avait dès le début cette idée, c'est parfois irritant même si tu peux dire non plus bon ben<br /> nos manipes c'était de la merde mais heureusement on a eu de la moule).<br /> <br /> La, en gros, le mec faisait des nanoparticules parce que tout le monde fait des nanoparticules, il se servait de nanofibres de biopolymères (= du coton) comme réacteur j'ai jamais vraiment compris<br /> pourquoi à part pour rajouter un nano et un bio dans le titre (je veux dire que ça n'avait pas l'air de présenter un intérêt initial quelconque, au moins hypothétique, même si ça a fini par<br /> donner un truc bien) et obtenir des financements divers.<br /> Puis ensuite, de regarder des propriétés au pifomètre en espérant tomber sur un truc intéressant.<br /> <br /> Au lieu de se dire, tiens je vais essayer de faire des surfaces hydrophobes ou anti-bactériennes et donc je vais greffer ça ou ça en surface parce que je m'attends à ces effets avec ces<br /> réactions, puis je vais regarder si ça marche, et éventuellement essayer de comprendre pourquoi ça marche pas si ça marche pas, il a fabriqué ses surfaces sans aucune idée derrière la tête, juste<br /> parce qu'il pouvait le faire et que c'était de la science sexy, avant d'essayer tous les trucs qui lui passaient par la tête parce qu'ils sont à la mode en espérant en trouver un<br /> dans le tas qui donne quelque chose d'intéressant, histoire de pouvoir vendre sa soupe.<br /> Puis, une fois de plus sans vraiment chercher à comprendre pourquoi ça donnait ce résultat intéressant, il nous a montré trois photos et a probablement sorti deux papiers avec zéro physique dedans<br /> (il n'y a même pas vraiment de mesures la-dedans), dans des revues spécialisées dans ce genre de papiers de merde (advanced materials par exemple, impact factor = 8).<br /> En tout cas c'est vraiment l'impression que son talk donnait.<br /> Dans le même genre, j'avais vu un gars qui était parti d'une idée totalement contre-intuitive, voire foireuse, et qui avait eu du bol que ça marche. Il était content, il nous montrait des tas<br /> de photos et tous ses papiers, il avait posé un certain nombre de brevets, mais il nous a jamais expliqué pourquoi son truc marchait en dépit du bon sens physique. Il avait même pas l'air de se<br /> poser la question d'ailleurs.<br /> <br /> Y a pas mal de scientifiques de ce genre aux US, je suppose que c'est en partie du au système de financement. Y en a énormément dans les champs à la mode. Pour moi ces gars-la ont pas une mentalité<br /> de chercheurs, et quand je vais voir un talk vendu comme scientifique ça me broute un peu.<br /> <br /> <br />
C
Je te trouves dur... Ils répondent à la question "est ce que je peux le faire ?"...
Répondre
M
<br /> Ca me fait penser au sketch de Francis Blanche et Pierre Dac...<br /> <br /> Plus sérieusement, des fois on a l'impression que la philosophie de ces mecs là n'a pas évolué depuis qu'ils jouaient au petit chimiste à l'âge de 6 ans "oh ben ça c'était joli et pis ça aussi<br /> alors on a mélangé histoire de voir et pis chouette ça a donné un truc joli aussi"... ça m'énerve. <br /> <br /> <br />