Troisième épisode de la série sur les séminaires.
Hier, j'ai assisté à un séminaire comme j'en ai déjà vu un trop grand nombre, comme j'en ai déjà évité un nombre encore plus grand et comme malheureusement je devrai sûrement m'en taper un nombre certain.
Encore un gars qui faisait des nanoparticules, qu'il préparait à l'intérieur de nanofibres de biopolymères.
Puis, il regardait un tas de propriétés, au hasard ou en tout cas c'est l'impression que ça donnait, parfois presqu'en dépit du bon sens: l'hydrophobie, la compatibilité biologique, la rigidité, l'adhésion, et je ne sais quoi encore car j'ai fini par me barrer.
Je n'en peux plus de ces mecs qui ne semblent pas vraiment se poser de questions scientifiques, mais qui font des trucs parce qu'ils le peuvent, puis qui font des manipes au petit bonheur la chance juste parce que potentiellement il se peut que ça finisse par donner un résultat intéressant ou que ça aboutisse à un financement (ce qui est loin d'être toujours corrélé).
Bref, au lieu de partir d'une question pertinente et de transpirer pour trouver une réponse partielle ou complète, ils partent d'un résultat trouvé au gré d'expériences aléatoires (''ah tiens, mon matériau il est hydrophobe, j'ai aucune idée du pourquoi du comment mais ça a l'air chouette"), essaient de trouver la question qui s'y rapporte et de relier les deux, généralement de façon totalement qualitative (''regardez comme elle est belle ma photo de SEM'').
Ce phénomène est dans ma branche très souvent observé chez les gens qui font du nano (ou du bio, ou pire les deux ensembles comme dans l'exemple ci-dessus): parce que, chez les polyméristes et ceux qui font du matériaux, c'est la qu'est le pognon, surtout de ce côté de l'Atlantique.
Cette manne à fric attire donc un peu tout le monde, y compris les mauvais, qui, pour peu qu'ils savent se vendre, arriveront toujours à décrocher un contrat avec l'armée pour leur fabriquer la nouvelle combinaison invisible à base de nanoparticules absorbant la lumière et qui en plus résistent à l'épreuve des trous de balles (de fusil, hein, je ne parle pas de ceux qui font les nanoparticules).
A tel point que sur les 15 séminaires invités donnés cette année dans mon département, 12 comportaient le mot ''nano'' dans le titre.
Du coup, ça finit par faire de l'ombre aux gens du domaine qui eux ont une démarche scientifique pertinente et est à mon avis le grand défaut du système américain.
Mais bon, c'est plus général: en gros, un bon scientifique, ou au moins un bon speaker, commence son talk par une question, et quand il a fini, on a un ou plusieurs éléments de réponses basés sur des résultats théoriques ou expérimentaux développés de façon argumentée.
Un mauvais speaker va vous bourrer le mou avec ses résultats, sans fil directeur, sans queue ni tête, parfois sans même chercher à vous donner l'illusion qu'il y avait un sens à tout ça autre que "on pouvait le faire alors on l'a fait, et c'est super".
Et dans ces cas-là, je me casse.