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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 10:28

Un post de Brighelli m'a enfin décidé à prendre le temps d'écrire ce petit bilan de mes dernières lectures, et des bouts de réflexions qu'elles ont suscitées chez moi. Après tout, ça fait quelques temps que je n'ai pas causé littérature.

 

- Chéri de Colette: Je crois que je n'avais pas été aussi irrité par une lecture depuis le Diable au corps de Radiguet, le mignon de Cocteau. Je serais pourtant bien en peine de vous raconter quoi que ce soit d'un peu précis sur l'"intrigue" (si j'ose dire) de Chéri, que j'ai pourtant terminé il y a deux mois.

A mon humble avis, le fait que les deux romans (ou nouvelles) aient été écrits à la même époque (1920-1923) n'est sans doute pas anodin. Je pense qu'ils reflètent la vie d'une certaine "élite" qui m'apparaît insupportable même un siècle plus tard. Des bourgeois qui pètent dans la soie, dont les problèmes existentiels sont aussi vains que caricaturaux: est-ce que ma maîtresse est trop vieille, est-ce que mon amant est trop jeune, est-ce que cette broche me va bien, est-ce que je dois attacher ou détacher mes cheveux, est-ce que les rides de mon cou commencent à se voir? MAIS ON S'EN BRANLE!!

Sous prétexte qu'ils ont lu trois bouquins et qu'ils font parfois preuve d'un peu d'ironie, on devrait trouver les personnages et à travers eux leurs auteurs, car on est dans l'autobiographie vaguement déguisée, sympathiques et y voir une critique farouche quoique subtile de ce milieu. Mes fesses, oui. Ces gens-là ne savent parler que d'eux, sont incapables de voir le monde au-delà du 6ème arrondissement mais se croient très forts parce qu'ils osent parfois en rire, se reproduisent entre eux, et aujourd'hui encore on peut voir leurs descendants, tels Florian Zeller ou David Foenkinos, s'astiquer au Flore, à moins qu'ils n'aient migré rive droite.

 

Sinon, pour l'anecdote, on notera que Colette, au même titre que Proust, est une icône chez les lettrés américains, probablement de façon plus répandue que chez nous: lorsque je vivais là-bas, j'ai vu ou lu énormément de références à son oeuvre. J'ai même l'impression que ceux qui en parlent aux US les ont vraiment lus...

 

- Juliet Naked, de Nick Hornby: autre ambiance... après quelques romans assez bof (la Bonté, mode d'emploi - About a boy), Hornby revient à son sujet de prédilection, le rock, et les adultes un peu obsessionnels qui ont du mal à grandir. Sujets qui ont fait de Hornby une star de la culture branchée anglo-saxonne, des hipsters aux white people en passant par les lecteurs de Technikart.  

C'est plutôt un retour en forme, il y a des tas de références et situations amusantes pour le fan de rock, et le pitch est assez fendard: ça tourne autour d'un quadra, médiocre prof dans une ville anglaise un peu miteuse, obsédé par un musicien reclus depuis 30 ans, qui même à son heure de gloire n'était considéré que comme un sous-Dylan (ou sous-Springsteen), et qui finit par sortir une version "démo" de son album culte (référence au "Let it be, Naked" sorti par McCartney en 2003, qui trouvait le son de l'original, dû à Phil Spector, trop "artificiel").

Hornby est un gars que j'aime bien, je l'ai déjà signalé. Il est rigolo, cultivé, ses critiques littéraires ou cinématographiques sont toujours intéressantes et ne se prennent pas trop au sérieux, et ses romans, même les médiocres, se lisent bien.

La seule chose que je reproche à ses bouquins, c'est que le narrateur est toujours le même, et je soupçonne que c'est, à peu de choses près, Nick Hornby himself: qu'on lise ses chroniques culturelles, son roman sur une femme en pleine crise de la quarantaine, celui sur un ado amené à devenir père, ou Juliet où les voix alternent (le musicien, le fan, et sa femme), on a toujours l'impression d'être confronté à une seule personnalité. Du coup, tous les personnages se ressemblent, et les situations ou dialogues peuvent finir par ne plus fonctionner.

Alors, pour faire dans la métaphore rock, certes, on ne peut pas reprocher à AC/DC de toujours faire la même chose sachant que c'est la base de leur succès et de leur longévité, mais au bout d'un moment on n'achète plus leurs albums studios et on se contente des anciens...

 

- Les Veilleurs, de Vincent Message: premier roman de ce jeune (moins de 30 ans) normalien prof. de lettres. Un sacré pavé, environ 800 pages, qui n'est pas sans défauts (un peu verbeux parfois, dialogues de temps à autre trop "écrits" ou un poil creux), mais qui reste très impressionnant. L'histoire est un peu longue à se mettre en place, mais elle mêle avec pas mal de virtuosité polar, fantastique, conte philosophique, réflexion sociale, etc. Cela faisait longtemps que je n'avais pas découvert un auteur français contemporain aussi intéressant. A suivre, donc.

 

- Chez Marcel Lapierre, de Sébastien Lapaque: certaines librairies, que d'aucuns jugeraient un poil cynique, ont ressorti ce petit opuscule quelques jours après la mort de M. Lapierre, viticulteur dans le beaujolais, dont le Morgon est, en plus d'être très bon, l'une de mes références prix lorsque je le trouve à la carte des vins d'un resto.

Je n'avais jamais entendu parler de S. Lapaque, écrivain et essayiste.

Son petit livre sur le vin, sorti originellement en 2004, se lit vite et bien: on y trouve des analyses intéressantes et de quoi cultiver le béotien que je suis. Certaines prises de position un peu "extrêmes" ne sont pas sans rappeler Nossiter : les américains sont des terroristes du pinard, Parker une tâche, et le bordeaux, c'est de la merde.

L'amour du vin est criant, certains jugements poussent à la réflexion: "les snobs peuvent déplorer la domination du mauvais goût. Ils feraient mieux de s'interroger sur la responsabilité de ceux qui ont réservé leur grand art à une poignée d'inités et de fortunés". Comme Desproges, je pense plutôt que les snobs sont au contraire très contents de faire partie d'une élite restreinte se partageant le bon goût et laissant la plèbe à ses errances, même si parfois ils prétendent le contraire ("paradoxe, les intellectuels démocrates les plus sincères n'ont souvent plus d'autre but que d'essayer d'appartenir à une minorité. Dans les milieux dits artistiques, où le souci que j'ai de refaire mes toitures me pousse encore trop souvent à sucer des joues dans des cocktails suintants de faux amour, on rencontre des brassées de démocrates militants qui préféreraient crever plutôt que d'être plus de douze à avoir compris le dernier Godard. Et qui méprisent suprêmement le troupeau qui se presse aux belmonderies boulevardières").

Je suis plus réservé sur certaines prises de positions liées visiblement à l'amitié: "à rebours de la démarche financière de certains coureurs de macarons Michelin, Y. Camdeborde est un cuisinier qui aime partager sa passion, un chef qui veut passer plus de temps avec son équipe qu'avec son banquier".

Quand on voit les tarifs et la gestion du Comptoir du Relais, on est en droit de se dire qu'on est quand même loin de la philanthropie...

Cela dit, il faut préciser que Lapaque est visiblement un proche du Fooding, vu les bistrots dont il parle (le Chateaubriand, Racines, les Papilles, le Paul-Bert, le Grand Pan, la Régalade, le Comptoir du Relais, l'Ourcine, le Severo, l'Os a Moelle, le Repaire de Cartouche, etc). C'est aussi un pote de B. Verjus, le pape de la nouvelle critique (tellement nouvelle qu'elle finit par foutrement ressembler à l'ancienne).

 

 

 

Voila.

Et en ce moment, je lis Ordinary Thunderstorms, de W. Boyd.

Un écrivain anglais de la même génération qu'Hornby, mais qui lui n'a pas peur de se renouveler: romans d'aventures, plus ou moins décalés, comiques ou philosophiques, (auto)biographies fictives d'artistes, etc. Ici, un thriller dont on dirait qu'il a été conçu pour être le plus "classique" possible: un fugitif innocent mais dont tout le monde pense qu'il est coupable, avec un tueur et un flic à sa poursuite. Une pute au grand coeur, etc. Du cliché assumé et bien ficelé.

 

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commentaires

D
<br /> <br /> Salut Mix,<br /> <br /> <br /> et merci pour tes fiches de lectures , concernant Lapaque, j'ai renoncé à le lire après l'avoir entendu à deux reprises<br /> lors du dernier festival "Etonnants voyageurs". Ponctuant ses interventions de citations littéraires digne du Fig'Mag et de parti pris très bio ou d'anecdotes sur les grands mythes bus au cours<br /> d'orgie dignes de piliers de comptoir... Bref, une espèce de Lucchini en pas super drôle et à l'hygiène discutable (le même tee-shirt 2 jours de rang par une chaleur toute malouine mais collante,<br /> et aucune chance que ce soit un double propre !!)<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> "citations littéraires digne du Fig'Mag et de parti pris très bio ou d'anecdotes sur les grands mythes bus au cours d'orgie dignes de piliers de comptoir"<br /> <br /> <br /> Oui, il y a un peu (beaucoup) de tout ça dans le bouquin. C'était l'occasion de s'instruire un peu sur le vin et sur le personnage qu'était Lapierre, mais je t'avoue que je n'envisage pas<br /> vraiment de me faire son oeuvre intégrale, en particulier ses romans...<br /> <br /> <br /> <br />