Le service (au restaurant) parisien a nationalement et internationalement mauvaise presse. Les clichés ont la vie dure, probablement parce qu'ils recèlent un fond de vérité.
Il me semble toutefois qu'une large part des reproches vient d'américains pas toujours conscients* que la conception "philosophique" du service n'est pas du tout la même chez eux et chez nous** ***.
Selon moi, en grande partie les critiques que l'on peut faire du service parisien sont simplement et assez généralement ceux que l'on peut faire aux endroits extrêmement touristiques.
Ainsi, le seul service dont j'ai eu réellement à me plaindre en 2 ans aux Etats-Unis fut à New-York (où, alors que nous avions été servis - une fuckin' omelette- après tous les clients rentrés après nous, on m'avait direct collé 25% de pourboire sur l'addition au prétexte que j'étais étranger).
Pour avoir vécu 20 ans à Nice, j'ai aussi été servi par ma part de saisonniers aussi peu impliqués que compétents. L'avantage revient même selon moi souvent à Paris, où l'habitude du "turnover" de la clientèle et le "métier" (qui n'est pas nécessairement accompagné de sympathie) de bon nombre de serveurs conduit généralement au moins à un minimum d'organisation et d'efficacité.
J'étais dernièrement dans une brasserie niçoise où, malgré une brigade quasi aussi nombreuse que le nombre de tables, nous avons attendu 10 bonnes minutes que quelqu'un s'intéresse à nous une fois assis. Entre l'hôtesse d'accueil occupée à claquer la bise à la moitié de la ville, les trois serveurs immobiles et le regard vide dans l'entrée, et le maître d'hôtel qui faisait savamment semblant de ne pas nous voir, ce fut un peu longuet.
Encore plus récemment, j'étais dans un restaurant brugeois oscillant entre typique et touristique, où un serveur (celui qui s'occupait de nous au début) a passé plus de temps sur son portable qu'à gérer ses tables, son collègue finissant par s'occuper de ses tables en plus des siennes...
Cela dit, il y a une attitude, ou posture, qui me semble assez typiquement parisienne et que je ne parviens pas à m'expliquer: les serveurs qui, après t'avoir gavé comme une oie (obéissant probablement aux sorties des plats en cuisine, certes), ne te calculent plus une fois l'assiette débarrassée.
En gros, on a l'impression qu'on aimerait nous voir dégager rapidement pendant tout le repas (et autant je ne trouve pas toujours que cela soit fait de façon très pro****, autant je peux comprendre cette pratique dans certains restaurants "à la mode"), mais on a ensuite la sensation paradoxale de devenir invisible au moment de partir: on ne peut simplement plus. Il devient impossible de conclure normalement le repas: d'avoir le café, d'avoir l'addition, de payer, de se barrer, alors que cela semblait pourtant la seule obsession du serveur pendant tout le repas...
Il m'est déjà arrivé de manger en 45 minutes puis de passer 30 minutes pour avoir le café, puis l'addition (il y a sans doute une connexion, car il est très difficile d'obtenir café ET addition en même temps au restaurant), puis pour régler.
Tout à l'heure encore, au troquet en bas de chez moi où j'ai du bouffer 5 ou 6 fois dans le mois, le serveur a fait plusieurs fois mine de ne pas me calculer (quand les tables sont collées, qu'il débarrasse celle à côté de moi, et que mon bifton est posé bien en vue sur la table, je pense que c'est fait exprès). Il a fallu que je le hèle alors qu'il s'en allait une fois de plus sans me regarder...
Si quelqu'un a déjà remarqué ça*****, et a une explication à proposer, je suis preneur.
* ou alors pas toujours prêts à admettre qu'un autre modèle est possible et peut avoir ses bons côtés, mais c'est un autre débat (cf les commentaires de l'article en lien).
** Il y a d'ailleurs des restaurants, dans le 7ème notamment (le quartier Ecole Militaire - Tour Maubourg draine un flot impressionnant de touristes quasiment exclusivement américains, pour une raison qui m'échappe) qui pratiquent un service "à l'américaine" pour les clients américains (ce qui leur permet sans doute de décrocher quelques petits billets de 20).
*** et de provinciaux (voire de parisiens eux-mêmes) toujours prompts à entretenir la guéguerre et les clichés Paris-province. C'est parfois risible comme le "les gens font la gueule dans le métro" comme si dans les transports en commun de Nice ou Lyon les gens se claquaient tous la bise en rentrant.
**** différence par exemple entre Dans les landes, qui nous a proposé de commencer le repas 5 minutes après l'heure de réservation alors qu'il manquit un convive, puis reproché de ne pas avoir dégagé 30 minutes avant l'heure convenue alors que personne n'attendait pour reprendre notre place, puis de nous quasi accuser de vol après avoir oublié de compter le paiement d'un convive... et la Pulperia qui nous a laissé tranquilles tant que la réservation suivante n'était pas là avant de nous payer un coup au bar pour s'excuser... ou encore l'Ami Jean qui nous avait aussi offert le digestif au bar.
***** je ne l'ai encore jamais fait, mais au moins deux connaissances m'ont déjà raconté s'être barrées sans payer (sans courir, et sans être rattrapées) à force d'attendre sans fin de pouvoir régler et d'être somptueusement ignorés au point, visiblement, d'être vraiment oubliés.