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  • : La vie au labo
  • : Les pensées - j'ose le mot- diverses d'un jeune scientifique ayant obtenu un poste académique à l'Université, après presque trois années en post-doctorat dont deux au fin fond du Massachusetts. Ca parle de science (un peu) mais surtout du "petit monde" de la science. Et aussi, entre autres, de bouffe, de littérature, de musique, d'actualité, etc. Et de ma vie, pas moins intéressante que celle d'un autre.
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22 juillet 2008 2 22 /07 /juillet /2008 15:54

L'Amérique, c'est sympa. La prof de bio avec laquelle je collabore vient de voir l'une de ses principales subvensions supprimée. Conséquence immédiate: la technicienne qu'elle emploie se barre dans un autre labo, le thésard qui était sur le point de terminer a intéret a se bouger le fion, et la thésarde qui venait de terminer sa premiere année va surement devoir aller voir ailleurs.
En ce qui nous concerne, les dommages sont plutot collatéraux: les manipes que la technicienne nous faisait, il va falloir les apprendre, et le matos qu'on employait (boites de pétri, pipettes pasteur...), il va falloir l'acheter: quelques milliers de dollars par an en plus dans le budget de mon boss, rien de bien grave.

Voila, le darwinisme social, tres en vogue ici, s'applique aussi aux sciences: tu n'es pas bon, ou pas assez bon, tu creves comme une merde. Id est, tu n'as plus de financements, tu peux mettre la clef sous la porte et aller vendre des frites (plus prosaïquement, puisque, contrairement aux idées reçues, ils ont ici aussi des postes a vie une fois le cap de la tenure passée vers 32-35 ans, on se contentera de vous reprendre vos salles de manipes et en contrepartie de vous refiler les taches administratives et d'enseignement). A vrai dire pourquoi pas, sauf que quand ça arrive en milieu de carriere, vers la cinquantaine, et que ça n'est pas un choix (les virages enseignement-administration-recherche peuvent ici etre faits de maniere beaucoup plus flexible que chez nous, ou, grosso modo, on demande de tout faire tout le temps sans laisser le choix), j'imagine que ça fout un coup au moral. Et puis, les dérives existent et ont été (d)énoncées par un article récent de The Scientist, un journal scientifique américain (probablement "de gauche" car ici aussi les scientifiques sont majoritairement "de gauche", mais connaissant les standards américains, probablement assez éloigné du courant anti-capitaliste): notamment, ces coupes budgétaires affectent non seulement les nullos ou ceux qui se laissent aller, mais aussi de plus en plus des chercheurs pas plus mauvais que les autres, confirmés, mais ayant moins de capacités a "vendre" leurs projets (c'est a dire sucer des bites et rédiger 15 pages de pipot pour expliquer aux commissions de la NSF ou autres a quel point ce qu'on fait est génial), ou alors travaillant sur des sujets moins a la mode (typiquement, le boss de ma douce bossant sur les bactéries potentiellement utilisables en tant qu'armes biologiques, il vient de toucher un pactole de 80 millions de dollars, merci l'armée. Il aurait probablement eu un peu plus de mal s'il était intéressé aux bactéries potentiellement utisables en tant que nouveaux insecticides non-polluants, et beaucoup plus de mal s'il s'était intéressé aux bactéries dont on ne sait pas a quoi elle servent mais que ça pourrait etre bien de comprendre quand meme).

Cela dit, chez nous, ce n'est pas mieux. Le plan campus, censé donner un peu de pognon a une dizaine de campus (il faut progresser dans le classement de Shangaï, a peu pres aussi légitime que le classement des 50 meilleurs restos du monde, quelle vision ambitieuse de la recherche pour notre gouvernement) était plutot une bonne nouvelle. Encore que, selon les sources, on oscille entre 5 milliards et les intérets perçus sur les 5 milliards obtenus par la privatisation d'EDF (donc plutot quelques centaines de millions), ce qui n'est pas pareil. Enfin, c'était toujours mieux que rien. 
Les mauvais esprits diront que cela créera un systeme a deux vitesses, cela dit 80 universités sur le territoire, c'est sans doute un peu trop: que ce soit pour les étudiants ou les chercheurs (encore faut-il qu'ils en aient les moyens), il est sans doute plus intéressant de faire deux cents bornes pour aller dans une université correcte plutot que d'aller s'enterrer dans la fac de Trifouillis sur Marne.
Quoi qu'il en soit cette "bonne" nouvelle vient d'etre contrebalancée par l'annonce de la suppression de 900 postes (0.5% des effectifs) dans l'enseignement supérieur et la recherche pour l'année a venir. L'an dernier, dans mon domaine (faisant plutot partie des themes scientifiques en vogue), il y avait 6 postes ouverts au CNRS sur toute la France, ça faisait déja rever. Ca va etre de mieux en mieux.

Et puis bon, juste pour continuer a maugréer,l'article relatant cette décision est resté une heure en une sur lemonde.fr, avant d'etre relegué en 5eme position de la page sciences, et a recueilli une vingtaine de réactions en 24h (un bon nombre se félicitant de la disparition de quelques salauds de fonctionnaires de plus, certaines allant meme jusqu'a parler de ces feignants de profs, confondant visiblement enseignement secondaire et supérieur, mais bon on n'est plus a ça pres).
Pendant ce temps la, un point de vue affligeant de BHL (qui devait trouver qu'on ne parlait plus beaucoup de lui depuis son "opposition" virulente a Sarkozy, type oui je vais faire du ski avec lui a Courcheuve, mais c'est pas pour autant que je suis d'accord avec certains de ses points de vue) sur une affaire majeure secouant la France entiere depuis une semaine (le dessinateur Siné, de Charlie Hebdo, est-il antisémite?) a suscité 230 réactions, preuve que mes con-citoyens ont une conscience politique extremement développée et qu'ils savent discerner les sujets d'importance. Alors bon, tant que j'y suis, puisque moi aussi j'ai un avis pertinent sur la question, ma réponse est que, antisémite, Siné l'est peut-etre, mais que ce n'est pas avec l'article incriminé, je cite: "Jean Sarkozy vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit!", qu'on peut vraiment en conclure. Certes, je peux comprendre que 5000 ans de persécutions plus ou moins violentes (plutot plus que moins d'ailleurs) puissent amener une certaine paranoïa. Toutefois, je trouve que le politiquement correct, oeuvre des bien-pensants de tous poils et de toutes religions, poussé a ce point est vraiment l'un des symboles actuels les plus puissants de ce que la connerie humaine peut engendrer de pire. Car, merde, d'un point de vue sémantique, que dit-il, ce monsieur? Que la future probable conversion de Jean Sarkozy au judaïsme semble avant tout guidée par un arrivisme aussi débordant que celui de son pere. Vrai ou faux, c'est un point de vue (qui se défend) et il me semble que c'est le seul exposé ici, le judaïsme n'ayant en soi, dans le cas présent, pas grand chose a voir avec la choucroute. Ceux qui reprochent a Siné d'assimiler les juifs aux possédants, dans la veine de l'antisémitisme européen du 19eme, marchent franchement a coté de leurs pompes: c'est peut etre vrai mais comment en juger par ce simple extrait? Dans le cas présent, la fille Darty est-elle oui ou non, juive et riche héritiere? Apparemment Siné est juste un vieil anar qui n'aime pas trop les religions et leurs pratiquants (il y a quelques semaines il avait écrit vouloir botter le cul des femmes en tchador de son quartier, ce qui était passé totalement inaperçu), et son boss (Philippe Val, que je ne connais pas plus mais qui lui aussi fait couler beaucoup d'encre pour d'autres raisons), cherchant un moyen de le virer a peu de frais, a sauté sur l'occasion. 

Ce débat passionnant avec moi-meme étant maintenant clos, et pour montrer que je ne suis pas le seul rebelle a dénoncer cette société de merde, je vous recommande d'aller voir Wall-E, le nouveau Disney pour les moins de 10 ans. Eh oui, quelle n'a pas été ma surprise d'y voir, dans un futur proche, une Terre devenue décharge géante par la surconsommation. D'y voir qu'une seule multinationale a fini par absorber toutes les autres entreprises. D'y voir des humains survivant dans un vaisseau spatial, "mall" géant, devenus obeses, quasi-incapables de marcher, bouffant toute la journée et communiquant par caméras interposées meme lorsqu'ils se font face. Bref, m'a-t-il semblé, une critique assez féroce du monde actuel et plus particulierement de la société américaine qu'on n'avait plus vu depuis Robocop, c'est dire. Ce qui me surprend, c'est que ce point n'a pas du tout été évoqué dans les critiques ricaines que j'ai pu lire, qui parlaient toutes uniquement du graphisme et de l'histoire du petit robot zolis tout plein. Et qu'apparemment le public n'a pas semblé réagir plus que ça non plus (typiquement, si j'avais été un gros porc avec mon kilo de pop corn et mon litre de coca vautré dans mon fauteuil, je me serais senti visé). Mais moi, je suis un petit français vachement malin et c'est pas parce que je vais voir un dessin animé que je débranche mon cerveau. Ils sont forts ces français. Et j'attends de voir ce qu'en diront nos critiques a nous, propres habituellement a s'extasier sur les prises de position tranchées du cinéma hollywoodien.

A part ça, j'ai raté la tempête du siecle dans ma petite ville, vents a 140 kms/h, pluie diluvienne, coupures d'électricité, chutes d'arbres et tout le tintouin. Juste a coté de mon logement, je croyais lundi que le proprio avait fait un sacré boulot de jardinage mais en fait non, ce sont juste trois bons gros arbres qui se sont cassés la gueule... Décidément le Massachusetts me plait de plus en plus.

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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 19:55
Chose promise chose due, quelques réflexions qui me sont venues pendant la conférence.
Pour ceux qui n'ont pas la chance de connaitre, disons qu'il y a deux types de conférences: les énormes, type celles organisées par la société américaine de physique, réunissant 3000 physiciens allant du nanocéramiste a l'astrophysicien. On se croirait au palais des expos de Versailles pendant un salon du livre, autant dire qu'il faut avoir planifié ce qu'on veut voir et autant dire que, quand on est étudiant et qu'on veut se placer, il faut etre un bon vendeur pour arriver a quelque chose, car on n'est loin d'etre seul dans la meme situation.
La deuxieme sorte est a taille plus humaine et avec un theme plus restreint. Ces conférences la réunissent souvent les grands pontes du domaine qui profitent de l'occasion pour se revoir, et le risque peut etre qu' ils passent leur temps a se sucer entre eux ou a se remémorer le bon vieux temps de leur publication commune en 1972 ou de la blague de De Gennes a Pincus a propos de la marche aléatoire de l'ivrogne, amenant ainsi, au bout du compte, les memes tourments pour l'étudiant admiratif mais timide qui aimerait aller leur dire tout le bien qu'il pense d'eux et si des fois m'sieurs dames vous aviez un poste pour moi...
La conférence ou je suis, appartenant a la deuxieme catégorie, est justement faite pour essayer d'éviter au maximum cet écueil: les sessions poster réservées majoritairement aux étudiants sont planifiées au milieu de la journée, les sessions orales laissent du temps pour poser moult questions, les gens sont logés sur place et pas a l'hotel, la période estivale décontracte un peu tout le monde, la picole est pas chere, il y a des activités communes possibles en début d'apres midi etc. Je ne dirais pas que ça marche a 100% (je vais en donner un exemple plus bas), mais meme un jeune coincé a l'éducation bourgeoise comme moi, qui a toujours un peu de réticence a aller emmerder un inconnu fut-ce pour le complimenter bassement, a réussi a discuter avec des gens balezes qu'il m'aurait été difficile d'aborder voire de rencontrer autrement.

Ceci étant dit, voici les points dont je souhaitais vous causer:
- le look. Je dois dire qu'il y a un nombre certain de chercheurs qui ont la classe innée. Je vous avais déja parlé du pantalon velours et de la chemise a carreaux rentrée dans le pantalon et fermée jusqu'en haut. Oui, mais la c'est l'été. Alors on remplace le pantalon velours par un bermuda ou un short en jean serré tendance hard-rock années 80. La chemise a carreaux est toujours la, mais elle est en tissu plus léger et a manche courtes: elle est cependant toujours bien rentrée dans le bermuda et boutonnée jusqu'en haut (variante: le polo). Aux pieds, plusieurs tendances se dégagent: les tennis blanches avec les chaussettes blanches également et remontées jusqu'au genou. Les "sandales de marche" a l'allemande (sans chaussettes quand meme). Les especes de sabots en plastique fluo avec des trous sur le dessus (tres a la mode aux US et pas que chez les chercheurs) dont j'ignore le nom exact.
Les femmes chercheurs sont généralement plus classes, ma misogynie dut-elle en souffrir, ce qui m'amene a mon point suivant (n'ayant pas grand chose a voir avec la science).
- Je tenais il y a peu encore le discours suivant (probablement misogyne lui aussi): passé 40-45 ans, une femme cesse d'etre désirable sexuellement parlant pour un homme jeune. Elle peut rester belle, mais un homme de moins de 30 ans quelconque ne ressent plus en la regardant l'instinct animal de possession virile qu'il éprouve pour une femme jeune (et jolie aussi, c'est quand meme un facteur important dans la démonstration). Au contraire, l'homme atteint une maturité, une plénitude, plus tardive qui peuvent éventuellement le rendre sexuellement irrésistible jusqu'a un age avancé (certes il faut que le matériau de départ soit pas mal, mais dans certains cas, typiquement Georges Clooney, le vieillissement a plutot tendance a améliorer la chose, pour ceux qui se souviennent de la gueule qu'il avait dans les années 80: l'amélioration de la beauté apres 40 ans chez une femme, c'est du jamais vu. A la limite ça peut rester a peu pres constant si le chirurgien est excellent comme avec Sharon Stone, mais c'est tout ce que l'on peut faire). Un nombre non négligeable de femmes jeunes se damneraient pour fourrer le susmentionné Georges Clooney (47 ans), Brad Pitt (45 ans), Johnny Depp (45 itou) voire Sean Connery (78 ans, bon la il croule un peu mais il y a moins de 10 ans, Zeta Jones, qui est certes un peu gérontophile sur les bords, avait admis publiquement qu'elle en aurait bien fait son quatre heures si elle n'avait été mariée).
Bon, bref, je ne me dédouane pas, mais je suppose que je vieillis un peu -effectivement les 30 ans ne sont plus si loin- puisque je commence a me dire que certains femmes "mures" sont attirantes (la chairman de la conférence par exemple). Certes, je préfere toujours regarder les jambettes des thésardes (une petite tcheque et une asiatique étaient plutot a mon gout), et j'imagine que ces dames devaient etre bien plus désirables dans leur prime jeunesse. Mais quoi qu'il en soit, je serais probablement plus pondéré dans mon argumentaire, a l'avenir.
Message personnel: si mon aimée lit ceci, pardon ma poupougne. Tu sais que ceci n'est qu'une vue de l'esprit (et un peu des yeux quand meme, ok) relevant de la pure recherche scientifique, et que tu restes la plus belle et l'Unique.
- Revenons a la conférence: avec la maitre de conf' de mon ancien labo, nous nous sommes interrogés a de nombreuses reprises. Sommes nous vraiment scientifiques? Pourquoi cette interrogation? Eh bien lorsque la session est terminée (ou plus généralement lorsque la journée de boulot est finie), j'aime bien penser a autre chose. J'aime bien parler de sport, de cinéma, de littérature, de musique, et meme, oui meme, je prefere usuellement parler de politique plutot que de boulot. Bon, je ne dis pas que ça ne m'arrive jamais apres une journée difficile ou si un probleme me perturbe, mais ça reste exceptionnel. Nous avons constaté ici que la plupart n'arretent jamais. Au déjeuner, au diner, et meme le soir au bar apres avoir pourtant bouffé de la science pendant 10 heures.
Et puis il y a parler boulot et parler boulot: attention, la ils ne parlent pas de leurs collegues, de leur vie de bureau ou de ce genre de considérations générales. Non, ils parlent bel et bien de polymeres, de physique fondamentale, de forces de Van der Waals et de couches adsorbées. Ca m'épuise rien que de les écouter.
- Je vous disais plus haut que la plupart des conférenciers jouaient le jeu et discutaient volontiers avec les jeunes. Il y a tout de meme eu quelques exceptions a la regle. Deux trois théoriciens issus d'Harvard notamment. Ils ne semblaient pourtant pas nécessairement totalement dénués d'humour. Bon, un humour de physicien, certes, mais tout de meme (pour la définition de l"'humour de physicien",voir PPS). Cependant, ils ont séché la plupart des sessions posters, ont passé quasi tout leur temps entre eux. Plus grave a mon sens, leur fatuité consistant a mépriser ouvertement les speakers plus jeunes et pas issus du sérail Harvard, MIT ou a la rigueur Stanford: je pense particulierement a ce jeune prof grec qui apres son speech, s'est fait déboiter en bonne et due forme. Le premier théoricien a émis un commentaire sous-entendant que le grec ne comprenait rien a rien, le deuxieme théoricien a posé une question sans regarder le conférencier un seul instant, puis n'a absolument pas écouté la réponse, occupé qu'il était a discuter avec le troisieme théoricien, qui a lui pris la parole pour expliquer que la façon dont le grec avait exprimé ses données était tout a fait dénuée de pertinence.
La science est un monde d'ego, surtout chez les théoriciens (d'autant plus qu'ils ont des approches différentes), mais parfois, c'est un brin too much a mon gout.
- A part ça, mon ancienne directrice de stage a l'époque du défunt DEA, présente a Newport, semble intéressée par mon éventuelle candidature a un tout aussi éventuel poste de maitre de conférences dans son laboratoire a Orsay. Tout cela reste tres aléatoire, mais c'est toujours agréable de se sentir désiré, fut-ce uniquement professionnellement parlant.

Si vous souhaitez apprécier un peu mieux l'ambiance des congres d'universitaires, commencez illico la lecture de "Un tout petit monde" de David Lodge. Ca se passe il me semble dans les années 80 et dans le milieu des lettres, mais on sent que c'est du vécu et je peux vous assurer que les choses ont peu changé depuis.
Quant a moi, un petit coup de "Pnin" et au dodo...


PS:
En tout cas, Newport est vraiment chouette, un croisement entre la Bretagne pour les paysages, et le Cap d'Antibes pour la grande quantité de pognon qu'on sent chez les locaux (sans pour autant l'aspect trou de balle vulgaire de Saint-Trop'). J'avais une fois de plus été médisant en craignant le coté kitsch de l'architecture, qui a apparemment été réservé a l'intérieur des maisons.
PPS:
Un fermier trouve que ses poules ne pondent pas assez. Il demande donc a un physicien de travailler au probleme. Le physicien s'enferme pendant deux semaines avec un crayon et un cahier. Il finit par ressortir et déclare au fermier. "Ca y est j'ai une solution a votre probleme. Mais elle n'est valable que pour des poules sphériques dans le vide".
Si cette blagounette ne vous fait pas rire, ou si vous ne la comprenez pas, vous n'etes probablement pas sensible a l'"humour de physicien" que j'évoque plus haut.
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26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 19:21

Bon, je vous l'ai déja dit et pour les trois que ma vie intéresse, je vais vous le répéter: je pars en conf' ce dimanche, pour quatre jours a Rhode Island, lieu de villégiature des riches new yorkais au début du 20eme siecle, et donc fameux pour ses "résidences secondaires", manoirs immenses et maintenant pour la plupart désertés. Connaissant le bon gout des nouveaux riches en général et des nouveaux riches américains en particulier, j'imagine que le style, a mi-chemin entre les chateaux de la Loire et l'architecture de la renaissance italienne version Disneyland, doit valoir le coup d'oeil.

Bref, je présente un poster a cette conférence.
Pour ceux qui n'y connaissent rien, un poster, c'est une présentation de sa recherche sur une affiche d'un metre carré. Généralement on affiche tout ça dans une piece prévue a cet effet, et les gens viennent y jeter un oeil aux créneaux horaires consacrés: il est de bon ton pour l'auteur de se tenir a coté de son poster et d'appater le chaland "elle est belle ma recherche viendez msieurdames" (ou, plus prosaïquement en portant un décolleté avantageux si vous etes de sexe féminin).
Chez nous en France, avoir un poster, c'est un peu la honte (normalement si t'es bon, on te file une présentation orale). Du coup les gens ne font pas vraiment l'effort de faire semblant de s'intéresser (généralement ils ne viennnent meme pas dans la piece) et ça peut etre assez humiliant. Si vous etes deja allés au salon du vin ou au salon du livre, vous avez sans doute imaginé ce que ressentait le pauvre type dont le stand est déserté (surtout si ceux autour sont pleins). C'est un peu pareil.
Mais ici, c'est tout a fait respectable et respecté de "n'avoir qu'"un poster surtout si on est étudiant ou post-doc, et la plupart des profs sérieux passent beaucoup de temps a venir regarder et a discuter avec les propriétaires. Dans certaines conférences gigantesques, il y a meme un nombre non négligeable de personnes qui préferent avoir un poster avec une journée entiere pour l'exposer plutot qu'un speech de 10 minutes et 2 minutes de questions intercalé entre 213 autres speechs.
La conférence ou je vais est également d'un type particulier puisque seuls les conférenciers invités, généralement des seniors réputés, ont un oral. Tous les autres, thésards, post-docs ou meme jeunes professeurs (ou peu connus professeurs) se contentent du poster.

Le gros avantage de cette communication sous forme d'affiche, c'est que c'est moins stressant qu'un oral, parce que moins formel: pas vraiment besoin de préparer son speech, il faut savoir ce qu'on va raconter certes, mais l'échange se fait généralement sous forme de discussion. 
Du coup je me sentais plutot peinard en début de semaine.
Oui, mais j'avais oublié que le gros inconvénient, c'est que c'est surchiant a préparer. Oui, beaucoup plus qu'un oral.

Dans tous les cas, il faut se servir de Powerpoint, mais pour l'affiche, le format étant inhabituel (A0), on s'expose a toutes sortes de "bugs" liés aux changements de taille des graphes ou photos que vous souhaitez y incorporer. Et puis, il faut etre plus synthétique que pour un oral, et veiller au didactisme de l'organisation pour que le visiteur puisse comprendre le plus possible meme si vous n'etes pas la pour le guider.

Tout semblait pourtant ici fait pour me simplifier la vie: un "template" commun au département, permettant de préparer sa présentation comme pour un oral avant de la transférer dans le "template" censé tout mettre en place automatiquement.
Que nenni. J'ai failli de rage défoncer un ordi ou manger ma godasse plus d'une fois hier. Alors que ma présentation était prete, relue et corrigée, et que je pensais naïvement qu'il me faudrait une heure au plus pour obtenir mon affiche.

Hélas. La manuel d'utilisation du "template" donnerait une migraine a un informaticien bouddhiste.
Chaque slide de la présentation doit etre sauvegardé sous forme d'image pour etre transféré dans le "template" (premiere cause d'incompatibilité informatique, et de perte de résolution aussi).
Apres avoir passé deux heures a tout arranger, il faut ensuite changer le format de l'affiche en passant en pdf (deuxieme source d'incompatibilité informatique, et de perte de résolution aussi). Le convertisseur pdf était également installé sur un ordinateur n'ayant pas la meme version powerpoint que mon ordinateur (troisieme source d'incompatibilité, malgré la certification "mode compatible" de ma sauvegarde): j'ai fini par craquer et installer un convertisseur pdf gratuit sur mon ordinateur, sinon j'y serais encore.
Puis il faut aller imprimer le fichier pdf sur l'imprimante spéciale affiche, qui est pilotée par un Macintosh. Je n'aime pas trop les Macs mais la n'est pas la question: dans tous les labos que je connais, soit tout le labo est sous PC soit tout le labo est sous Mac, mais je n'avais jamais vu de mélange (vu tous les problemes d'incompatibilité justement). Bref, apres avoir tout fait sur PC, je me retrouve a essayer d'imprimer mon truc sur Mac, avec un logiciel impossible a comprendre (bénéficiant de l'aide d'un thésard nous avons passé plus d'une heure a réussir a imprimer au bon format, apres 12 tentatives ou nous avons obtenu une impression A4 sur une feuille A0...).
Quand finalement l'impression est sortie au bon format, je me suis rendu compte que mes images étaient de qualité minable: retour a la premiere étape.

Enfin bref, ça m'a pris toute la journée (a part deux heures ou j'ai mangé, fait une manipe et regardé la fin du match Turquie-Allemagne, ou plutot l'absence de retransmission pour cause de probleme technique, ce qui m'a permis comme vous vous en doutez de décompresser...). Ce matin enfin, 24 heures plus tard qu'escompté, je tiens mon poster en main. J'ai cru jusqu'au dernier moment que l'imprimante tomberait en panne d'encre, mais le Destin, qui avait du avoir son quota de rigolade pour la semaine, a daigné m'épargner ça.

Maintenant je peux me préparer mentalement a glandouiller sec la semaine prochaine.

Bon, je suis pas tres fier de moi sur cet article, j'ai toujours du mal a rendre de maniere efficace les petits tourments du quotidien. C'est la qu'un Stephen Mc Cauley est tres fort.
 

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18 juin 2008 3 18 /06 /juin /2008 16:16
Quelques petites anecdotes inintéressantes type ma vie, mon oeuvre, la recherche avance:

- Un stagiaire est arrivé lundi, un gringalet a l'air plutot gentil et travailleur. Je suis toujours étonné ici par les prises d'initiative personnelles des étudiants, comparativement a chez nous. Nous (la thésarde avec qui je le co-encadre) avons du passer deux heures par jour avec lui, et le reste de la journée il bosse tout seul, pas trop mal, apparemment. Il n'est venu que deux fois me poser des questions. Bref, l'encadrement est du coup plutot plus facile que chez nous. Apres, est-ce que cela veut dire que les étudiants sont meilleurs, je ne sais pas: disons qu'en France, un bon étudiant cherchera a etre sur d'avoir tout compris avant de se mettre a maniper, et ce n'est pas la philosophie ici (mon étudiant ne s'est semble-t-il pas posé deux heures histoire de lire les 4-5 publis qu'on lui a données a lire).

- Bonne engueulade avec la thésarde sus-mentionnée. 
Nous travaillons sur des systemes assez voisins. J'obtiens, de façon systématique, des résultats opposés aux siens. Comme nos systemes sont proches mais pas identiques, je me dis qu'il y a peut-etre la quelque chose a creuser et lui demande, avant-hier en passant, si elle a déja observé sur ses systemes de façon épisodique, mes résultats.
Elle a du le vivre comme une remise en cause de son travail car elle a cherché a me convaincre pendant une demi-heure que j'interprétais mal mes données et que de fait, nous observions les memes phénomenes. Je suis sur le point d'etre convaincu de mon erreur et rentre chez moi.
Le doute persistant, je me replonge le soir venu dans mes données et finit par etre quasi-certain de ne pas avoir commis d'erreur. Je vais vérifier le lendemain le protocole expérimental, qui, sans doute possible, confirme ma vision des choses, et je finis par me demander si elle n'a pas pipoté (intentionnellement ou pas) ses résultats: en effet, ce qu'elle prétend observer est ce qu'on attend a priori (toutefois, si la science expérimentale vérifiait tout le temps les impressions a priori, ça se saurait).
Bref, je passe une heure a exposer mon point de vue par le biais de petits dessins et me décide a aller les lui montrer. Au départ, je tiens bien a préciser que je ne parle que des mes expériences et pas des siennes, mais elle a continué a mal le prendre, j'ai commencé a m'énerver (quand je ne sais pas, je ne sais pas, quand je ne comprends pas, je ne comprends pas, mais quand je suis sur a 100%, je suis sur a 100% - en voila une phrase intéressante) et je suis allé plus ou moins jusqu'a l'accuser d'avoir pipoté avant de claquer la porte.
Bon, nous nous sommes expliqués le soir venu par mail, j'ai fait amende honorable et de son coté je crois qu'elle a admis la pertinence de mes arguments puisqu'elle va procéder a une manipe complémentaire pour valider (ou invalider) son interprétation.
Le plus probable étant que nous ayions tous les deux raison, chacun pour nos systemes, et que la différence d'observation soit justement le point scientifique intéressant a explorer.
Cela dit, de maniere plus générale, le systeme américain étant tellement focalisé sur la publication, j'ai tout de meme l'impression que certains thésards et certains superviseurs écrivent des articles en, au mieux, négligeant certaines manipes complémentaires pour valider ou invalider leurs résultats, au pire, en pipotant plus ou moins grossierement (résultats non reproductibles...). Il me semble que le phénomene avait d'ailleurs été démontré par un sondage anonyme parmi les chercheurs américains, dont un certain nombre (pour ne pas dire un nombre certain) avait admis des pratiques un peu louches pour la publication d'articles. J'y reviendrai a l'occasion.

- Conférence a Rhode Island dans dix jours, avec l'opportunité de revoir une maitre de conf sympa de mon labo de these, mais aussi une Prof. avec qui j'avais bossé en DEA, et qui potentiellement pourrait vouloir de moi comme candidat pour un poste de maitre de conférences dans son labo a Orsay. Je me tate un peu, mais c'est toujours mieux d'avoir une proposition plutot que zéro. Je prépare mon poster (seuls les conférenciers invités ont un speech). Le rythme de ces confs est assez décontracté (speechs le matin, gros break l'apres-midi pour discuter de maniere informelle, faire du sport, aller se ballader etc, nouvelle session le soir avant le diner), et nous enchainons avec ma douce par une visite de Provincetown (Cape Cod) pour le week-end du 4 juillet, donc ça promet d'etre un bon échauffement avant le retour en France début aout.

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2 juin 2008 1 02 /06 /juin /2008 22:29
Ou on ferait mieux de rester couché, ouais. Pour une fois qu'une expression populaire détient un fond de vérité.

Tout a commencé tot ce matin:
A sept heures, alors que je vais prendre le métro, premiere étape de mon long périple pour rentrer chez moi après un week-end bostonien, je m'arrete comme a l'accoutumée au Dunkin' Donuts (chaine dégueu de breakfast) sur mon chemin pour y prendre une cup de jus de chaussettes (black coffee) et un journal, histoire de garder les yeux ouverts pendant la demi-heure ronronnante de tchouk-tchouk a travers les bois de la banlieue bostonienne. Il y a toujours un peu de monde, mais la, paf, queue de dix personnes. Et une seule serveuse, contre deux habituellement. J'hesite a repartir illico, mais bon, j'ai vraiment besoin du choc psychologique du café (vu la couleur et l'arome de leur café "noir", le coup de fouet est plus psychosomatique qu'autre chose). Du coup, 15 minutes de perdues et un métro qui me passe sous le nez pile quand j'arrive a la station.
Jusque la rien de bien grave, le métro suivant arrive rapidement. En plus la ligne est réparée et je n'ai pas a me farcir de correspondance avec le bus (un accident la semaine derniere a fait un mort et quelques blessés et a causé la fermeture temporaire d'une partie de la ligne, partie comprenant la station ou je laisse ma bagnole. Le transit était effectué par des bus).
 
Je finis donc par retrouver ma berline surpuissante et ses 1.2 chevaux.
Deuxieme accroc: apres une grosse heure de route jusque la sans encombre, je me suis retrouvé bloqué a Belchertown, ville trépidante du Western Mass d'au moins 1000 habitants, pour cause de route principale en travaux (et aussi d'inefficacité totale des fonctionnaires de police chargés d'assurer la circulation). 
Bref, une bonne demi-heure pour passer ce "bouchon" de meme pas 1km, et une arrivée au labo sur les coups de 10h30.

Cela dit, je ne me doutais pas a ce moment la que je venais de vivre les prémices de ce qu'on appelle dans le milieu des losers une journée de merde. 

Typiquement, une journée de merde, c'est quand sur a peine plus de deux heures de manipe, vous foirez lamentablement 75% de vos essais (en faisant des erreurs expérimentales qu'en temps normal vous commettez une fois sur 100). C'est quand, enfin, les 25% d'essais que, par miracle, vous avez réussi a ne pas faire capoter contredisent les résultats de la semaine passée qui s'annonçaient prometteurs et qui finalement sont probablement des artefacts.
Une variante: quand vous faites de la chimie, la journée de merde c'est quand vous renversez par terre le produit que vous avez mis trois semaines a synthétiser et que vous pétez dans la foulée trois ustensiles de verrerie a 1000 euros piece en moins de deux heures de temps.

Généralement, quand ça se passe comme ça, au bout d'un moment je finis par me rappeler que parfois, il faut savoir perdre, et j'arrete tout simplement pour la journée.
Ce que j'ai fait aujourd'hui.

Tellement blasé que je ne me suis meme pas énervé quand l'ascenseur s'est refermé pile devant moi, alors que je retournais, vaincu, a mon bureau pour y glander en paix une heure avant de rentrer, histoire de resourcer un peu un moral en stéphane. 
Que va-t-il m'arriver ce soir?
La journée de merde est-elle elle meme annonciatrice d'une semaine de merde?

Quel suspens.
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23 mai 2008 5 23 /05 /mai /2008 20:36
Il y a quand meme des choses bizarres dans le monde de la recherche de ce coté de l'Atlantique:

-Je suis docteur, ingénieur diplomé d'une des meilleures écoles francaises dans le domaine de la recherche. Je ne me prends pas pour une star, mais j'aime bien qu'on ne me prenne pas pour une merde non plus. Or, mon boss vient me voir hier et me demande si je peux aller faire signer le projet qu'il est en train d'écrire (auquel je ne participe meme pas) par la professeur truc, du département machin dans un batiment a l'autre bout du campus.
Je n'ai rien dit, comme un flan, de toute facon ca m'a laissé sur le fion (je ne pense pas que j'aurais dit quelque chose si j'avais eu le temps de réagir), mais bon, me voila facteur.

-Je me retrouve également a faire des manipes préliminaires pour étoffer ce projet, manipes dont je n'ai strictement rien a foutre, sur un sujet que je trouve foireux et qui donc ne m'intéresse absolument pas. Ces manipes seront surement pour la gloire (ou pour le pognon que ca lui rapportera), mais ca m'etonnerait que j'en tire une publi. Bref, je suis un peu le bon bwana, ou le soutier (et encore, je ne rivalise pas avec l'autre post-doc qui lui vraiment se tape toutes les collaborations foireuses).

-Parlant de l'autre post-doc, il est en train de rédiger un papier, et ce qui me troue le fion, c'est qu'il n'a absolument aucune idée de ce qu'il va écrire dedans. Le boss non plus: en gros ils ont deux photos et un graphe qu'ils trouvent jolis, et ils construisent le papier en fonction des manipes, puis le modifient en fonction des résultats, puis décident d'autres manipes etc. Bref, le papier est écrit en parallele avec les expériences. Quand j'étais en France, a un moment quand j'avais beaucoup de résultats, mon boss me disait "ok coco, tes résultats montrent ca, on va faire un papier". Eventuellement j'avais deux ou trois manipes de confirmation a mener, mais bon, le processus était quand meme plus clair a mon gout. Vu de l'intérieur, j'ai du mal a imaginer que le papier puisse avoir de l'impact quand on ne sait pas a l'avance quel message on veut faire passer...

-Je ne suis pas allé dans trois mille congres, mais quand je voulais en faire un (ou deux) dans l'année et que mon boss francais estimait que ca valait le coup, il ne me faisait pas chier plus que ca et payait rubis sur ongle. Ici, je dois envoyer 300 mails a droite et a gauche pour trouver quelques % de financement, activités un peu oiseuses qui ne font pas franchement avancer la science. Idem, quand j'avais besoin d'un produit ou d'un appareillage quelconque et que ca semblait pertinent, pas d'autres questions et on torchait ca vite fait bien fait. Ici, ca tergiverse pour économiser 200 dollars alors qu'ils touchent des grants de 500000 dollars. Je dois avouer que ca me laisse perplexe (la portée de cette réflexion n'est apparemment pas générale puisque ma douce, passée de Pasteur a Harvard, ressent, elle, exactement l'inverse. Il faut dire que mon boss parisien avait un budget plutot élevé comparativement a la moyenne francaise).

-Il n'y a pas de techniciens ou ingenieurs dans les labos (a part pour certaines manipes tres precises et précieuses). Ces gens qui, en France, sont responsables des manipes, sont censés aider a les maintenir en bon état, a les optimiser, a former les nouveaux arrivants, voire a les aider a faire certains manipes. 
En gros, ces fonctions la sont remplies par les thésards (en plus de la recherche). Je vois bien que ca a des avantages (le thésard apprend a se démerder), mais bon, moi ce que j'aime c'est faire de la physique (ou de la chimie). Programmer un ordi pour qu'il pilote la manipe ou foutre les mains dans le cambouis, je comprends qu'il y en ait qui aiment, mais pour moi c'est un job different de celui de chercheur. Personnellement, ca me fait chier et ca me donne l'impression de perdre mon temps. J'aime faire des manipes, pas les construire (sinon je serais ingénieur...comment ca je suis ingénieur?). C'est aussi pour ca que certaines theses sont sans fin ici, j'imagine.

Bon voila. C'est presque le week-end alors je n'ai pas envie de relire. En plus, c'est un long one, car lundi est férié. Donc désolé pour la pauvreté du style encore plus marquée qu'a l'accoutumée et a mardi.
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1 mai 2008 4 01 /05 /mai /2008 01:15
Oui, ça faisait longtemps que je vous avais pas bourré le mou avec un petit article sur la recherche bien chiant, mais apres tout c'est mon boulot, et un article du Monde d'aujourd'hui ainsi que nombre de réactions de lecteurs m'ont donné envie de pousser un cri.
Ah, ouh.
Voila, ça va mieux.
Maintenant que la passion est retombée, quelques mots.

Je mettrai l'article en commentaire, mais grosso modo, il fait état d'une étude menée par deux sociologues concluant que "toutes universités et disciplines confondues, les candidats locaux ont dix-huit fois plus de chances que les candidats extérieurs d'obtenir un poste."

Pour ceux qui n'ont aucune idée du mode de recrutements des maîtres de conférences (ou enseignants-chercheurs), le voici expliqué brievement: lorsqu'un laboratoire a besoin d'un poste et que celui-ci est publié, avec profil correspondant, au Journal Officiel, chaque candidat doit envoyer un dossier résumant ses activités de recherche (these, post-doctorat eventuel, publications, congres...) et d'enseignement (TDs, TPs, kholles, cours magistraux...). Les candidats sont ensuite généralement auditionnés par le laboratoire qui établit ensuite un classement, d'ordre disons consultatif. En effet, la véritable audition se fait devant ce qu'on appelle une commission de spécialistes, censée etre indépendante du laboratoire, et c'est elle qui en dernier lieu établit le classement final (qui peut donc etre, en théorie, différent de celui du laboratoire). Apres c'est comme dans tout concours: si le candidat classé premier accepte le poste, tant mieux. S'il préfere aller ailleurs (en supposant qu'il ait éte également classé premier dans un autre laboratoire ou il s'est présenté), le laboratoire prendra le candidat numéro deux, sauf si etc.
On appelle candidat local un candidat qui a fait sa these ou son post-doctorat (ou les deux meme si c'est généralement interdit) dans le laboratoire offrant un poste. Et candidat extérieur, ben quelqu'un d'extérieur, suivez-donc un peu, les deux qui ont lu jusque la.

Bref, l'article conclue que les candidats locaux sont favorisés dans le recrutement, semblant prouver que ce vieux cliché dont on nous rabat les oreilles depuis trente ans est bel et bien une réalité. Soulignons toutefois quelques points litigieux de l'étude menée (tout au moins telle qu'elle est présentée dans l'article, j'avoue ne pas avoir lu les 20 pages*): tout d'abord, les auteurs de l'étude comparent le ratio (locaux postulant/locaux acceptés) avec le ratio (exterieurs postulant/exterieurs acceptés). Mais les locaux n'ayant pas leur chance le savent -soit parce que ce n'est pas la politique du laboratoire (certains refusent de prendre des candidats locaux), soit parce qu'ils sont mauvais - car les directeurs de laboratoires les préviennent généralement avant. Beaucoup se gardent donc de postuler, faisant ainsi baisser le premier ratio par rapport a sa valeur, disons, théorique. D'autre part, l'étude n'est menée que sur des pourvois de postes datant d'il y a au minimum une quinzaine d'années, et semblent postuler que leurs conclusions sont toujours valables actuellement (alors que l'étude montre une tendance a la baisse de cette pratique entre les années 70 et les années 90).
Mais baste, ne contestons pas l'existence de ce phénomene: si vous vous rappelez les modalités de recrutement exposées plus haut, il est aisé de comprendre pourquoi et comment. D'une, les "spécialistes" français dans un domaine donné (les thématiques de recherche d'un laboratoire sont généralement assez ciblées) n'étant pas des milliers, il est relativement fréquent que le directeur de laboratoire connaisse bien a peu pres tous les membres de la commission. Il est également fort probable qu'il ait rendu service aux uns et aux autres quand il était lui-meme membre de la commission machin. Parfois meme, le directeur du laboratoire fait partie de la commission de spécialistes chargé de nommer son candidat... Autre variante: le profil "recherché" par le laboratoire est tellement précis et calqué sur celui du candidat local (il ne manque généralement que la taille et la couleur des cheveux), que, forcément, ce meme candidat local se retrouve classé premier par la commission de spécialistes.
Ainsi, il est courant que le classement de la commission ne contredise pas celui non-officiel émis par le laboratoire.  Et, il est vrai, pour de nombreuses raisons qui ne sont pas toutes mauvaises (je vais y revenir), bon nombre de labos préferent faire confiance a leur candidat local.

Outre la méthodologie contestable évoquée précedemment, il y a quelque chose que semble sous-entendre (au moins par omission) cette étude et qui revient chez de nombreux commentaires de lecteurs, qui m'agace assez fortement. A savoir que le candidat local est forcément un nullos pistonné. C'est le plus souvent absolument faux (tout au moins en sciences dures: je ne connais pas les particularismes de toutes les disciplines).
Le seul cas, a ma connaissance, ou cela se produit: lorsqu'un directeur de labo, plutot reconnu, content de lui et ne souhaitant pas trop se remettre en question, cherche un nouveau larbin qui ne lui fera pas d'ombre, ne cherchera pas trop a innover et connait deja les thematiques et les expériences menées au laboratoire, donc sera sans doute capable de faire quelques trucs meme sans génie (le maitre de conference: des mains pour le directeur de laboratoire: le cerveau). Cela dit, avec la "mondialisation" scientifique, la concurrence dans tous les domaines, les pays émergents etc, cette conception franco-française de la recherche (je suis dans mon coin, je fais mon truc et je me fous de ce qui se passe ailleurs) a tendance a disparaitre, d'autant plus que pour faire de la science de haut niveau, il faut du pognon, donc bien souvent des contrats industriels (si vous croyez que le budget alloué par l'etat suffit pour ce qu'un labo soit compétitif, eh bien non), donc etre innovant (surtout en France ou, les entreprises etant ce qu'elles sont, c'est a dire tres frileuses, il faut savoir etre convaincant).
Donc, la plupart du temps, le candidat local est quelqu'un de compétent. Les candidats extérieurs le sont certes aussi. Mais quand vous avez 25 candidats pour un poste, quand apres toutes les considérations possibles (nombre de publications, post-doctorat(s) a l'étranger, enseignements, lettres de recommandations de tout le ghotta et tutti quanti), il vous en reste 5 a départager avec des dossiers quasi-equivalents, eh bien, il semble humain (sinon légitime) de se tourner vers le candidat local, parce qu'on le connait, parce qu'on sait qu'on s'entend bien avec lui, et qu'il sera efficace rapidement. Ainsi, la commission n'ayant pas de raisons valables de ne pas suivre le classement du laboratoire, le candidat local obtient son poste. Que cela soit ensuite potentiellement un frein a la créativité du nouvel arrivant qui peut rester ainsi cantonné a poursuivre son sujet de these indéfiniment, c'est fort possible, mais c'est un autre débat.

L'autre point qui revient souvent et me sort par les trous de nez, lié au précédent, est ce qu'on appelle "la fuite des cerveaux": de nombreux docteurs s'expatrient, c'est un fait. Cela ne signifie pourtant pas que ceux qui restent en France et sont candidats au recrutement sont les tâcherons, les mauvais restes (les fainéants, oui parce que apres tout, ce sont des aspirants fonctionnaires), les cadors étant partis gagner du pognon ailleurs. Certes, les carrieres d'enseignant-chercheurs sont peu attractives et les postes peu nombreux en France comparativement aux USA, a l'Allemagne ou au Japon. Mais il existe encore des gens (si, si, je vous jure), pour qui le pognon n'est pas la préoccupation majeure. Des gens qui aiment leur boulot, qui sont compétents, mais pour qui l'art de vivre, la famille, le temps libre aussi passent avant le blé. Un exemple: moi (pour la compétence, je m'avance sans doute un peu mais je pense etre a ma place dans un labo, ca semblait aussi etre l'avis de mes directeurs de these et de mon jury). Je pense que le pourcentage de chances pour que je reste aux Etats-Unis apres mon post-doc est a peu pres de 0%. Vous me direz qu'on ne m'a rien proposé non plus, mais je ne postulerai meme pas, bien que le salaire soit probablement le double du salaire français. Mais bon, désolé, les mecs qui font trois boulots et bossent jusqu'a 80 balais pour survivre, les mecs obligés de vendre leur bagnole pour se faire poser des couronnes, ca me botte pas meme si probablement ca ne me concernerait pas vraiment. J'aime bien l'idée de vivre dans un pays ou le social a un peu d'importance, ou ne considere pas encore tout a fait les indigents comme des ratés qui n'ont que ce qu'ils méritent (pour combien de temps?). Et je ne parle pas de choses plus terre a terre comme le foot, le pinard, les bons restos, les centre-villes et les vrais potes (je trouve décidément les relations amicales un peu bizarre ici) etc.  

Derniere chose: je ne suis pas sur de comment ca se passe ailleurs, mais aux US, apres une these et un post-doc, donc vers 30 ans, on peut accéder a un poste de professeur assistant. En gros, deux principales différences avec le poste de maître de conférences français (en dehors du salaire): ce poste est un CDD de 5 ans environ. Pendant 5 ans vous devez monter votre groupe, lever des fonds, publier, innover, et faire mieux que les deux ou trois professeurs assistants qui ont été nommés en meme temps que vous (comme Highlander il n'en restera qu'un)... Grosso modo, vous faites le boulot d'un professeur en France, c'est a dire quelque chose de plus proche du manager que du chercheur. Ainsi, apres environ 7 années de recherche, vous abandonnez la paillasse pour la paperasse. Ca reste de la recherche, puisque vous etes celui qui doit avoir des idées intéressantes a proposer a vos étudiants, mais ce n'est plus vous qui faites les expériences. Et puis, environ 5 ans plus tard, les professeurs du département déterminent si vous obtenez votre poste permanent ou si vous allez voir ailleurs s'ils y sont. En France, outre que le poste est permanent, la transition chercheur-manager se fait plus progressivement (généralement l'enseignant-chercheur est encore chercheur actif jusqu'a son habilitation a diriger des recherches ou sa nomination au poste de professeur, environ dix ans plus tard -moins s'il est tres bon ou s'il préfere ce coté "dirigeant", moment a partir duquel il est censé vraiment commencer a monter des projets et encadrer des étudiants).   
Je dois avouer qu'a 28 ans, j'en ai un peu marre de la compétition: au primaire on m'a dit qu'il fallait etre bon pour aller au bon college. Au college on m'a dit qu'il fallait etre bon pour aller au bon lycée. En seconde, on m'a dit qu'il fallait etre bon pour aller en S. En S, on m'a dit qu'il fallait etre bon pour aller dans une bonne prépa. En prépa on m'a dit qu'il fallait etre dans les meilleurs pour aller dans une bonne école. En école on m'a plus rien dit (c'était cool), mais en DEA on m'a dit qu'il fallait etre dans les premiers pour avoir une bourse de these. En these on m'a dit qu'il fallait publier et faire du bon boulot pour avoir une chance d'avoir un poste dans le public plus tard. En post-doc, pareil. Pour avoir un boulot, il faudra que je sois dans les meilleurs. Je dois avouer qu'apres 25 ans de compétition, j'en ai plein le fion. Ca ne veut pas dire que désormais je refuse toute évaluation. Quand je l'aurai ce poste, si je l'ai, évaluez-moi autant que vous voulez, virez-moi si je suis naze, mais plus de compétition pendant quelques années por favor: je ne crois pas que j'apprécierai de me dire pendant cinq ans que le mec juste a cote, ca sera lui ou moi. Cinq ans de période d'essai, a 30 berges, je kiffe pas. J'ai envie d'un boulot fixe, de me poser (ou de bouger mais si je le décide et pas si on me trimbale aux quatre coins du monde sans me demander mon avis), peut-etre d'avoir un gamin, et qu'on me foute un peu la paix (ce qui ne veut pas dire que je ne bosserai pas consciencieusement, car je ferai ce qui me plait). Oh, you may say I'm a dreamer, a l'heure de la mondialisation, du MEDEF, de la Chine, du réchauffement climatique et de Cindy Sander, d'oser prétendre a un CDI payé 2000 euros net a bac plus 10, mais I am not the only one**.

Pour conclure, effectivement le systeme francais a ses faiblesses*** et il y a sans doute moyen de faire mieux. Je ne suis pas sur que la politique actuelle déja en vigueur pour l'éducation nationale (ca ne marche pas bien, donc supprimons des postes et baissons le budget) donnera de tres bons résultats si elle est appliquée a la recherche (je ne suis pourtant pas fan non plus de l'argument phare de SLR: donnez-nous plus de pognon et tout ira mieux, du moins quand il est exprimé comme ça). Bref, comme disait Hervé Mariton, député UMP, sur un autre sujet mais ça s'applique a beaucoup d'autres et en particulier a celui-la: "ce n'est pas parce qu'il faut faire quelque chose qu'il faut faire n'importe quoi".

*Voir le lien donné dans le commentaire pour les motivés (j'y jetterai un oeil aussi).

**Ou si décidément on ne peut pas faire autrement que les américains (ils sont forts ces américains), il faudra adapter les salaires (parce que la flexibilité, ça a sans doute du bon, mais il faut que les salaires aillent avec... si c'est pour etre flexible mais payé comme du temps ou c'etait sécurisé, je ne vois pas bien l'intéret a part nous la mettre encore plus profond).

***Pour ceux qui pensent que la recherche scientifique française est pourrite: nous sommes 6eme en nombre de publications annuelles (derriere, j'imagine, les USA, le Japon, l'Allemagne, l'UK et la Chine), et nous dépensons en moyenne deux a trois fois moins d'argent que les USA ou le Japon par publication. Désolé je ne sais plus quelles sont mes sources (ce n'est pas tres scientifique, certes, mais je pense qu'elles sont fiables, comme dirait Jean-Pierre Elkabbach).
Nous sommes a la rue en terme de brevets, mais comme je l'ai déja souligné, je pense que ca vient avant tout de la frilosité des entreprises.

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18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 15:21
Petit bilan de "fin du début" de cette nouvelle expérience.
Pour l'instant, je ne suis pas fan.

Je ne parle pas ici de considérations géographiques déja évoquées précedemment, bien qu'il se confirme qu'apres 28 ans passées entre Nice et Paris, j'ai un peu de mal avec la vie a la "cambrousse" (passés les sept premiers jours ou le citadin de base se dit que ah c'est si beau la nature et on respire quand meme mieux et autres lieux communs niaiseux). Ca n'a d'ailleurs pas grand chose a voir avec les Etats-Unis, je pense que j'aurais le meme probleme si je me retrouvais a Cergy-Pontoise (tous les inconvenients d'une grande ville sans les avantages) ou l'Université du Poitou (si elle existe).

Non, c'est plutot d'un point de vue scientifique et humain que je trouve pour l'instant l'expérience un brin difficile. Ayant souhaité m'ouvrir l'esprit et donc évoluer vers une thématique différente de celle qui m'intéressait en these, je dois tout reprendre a zero. C'est un risque sans doute nécessaire pour devenir un "bon" chercheur: savoir changer d'orientation et rebondir une fois que l'on a amené une contribution non négligeable dans un domaine (attention, le "non négligeable" est ici fondamental: si on change parce qu'on était nul, ca ne compte pas). Mais je ne trouve pas ca facile. 
Je n'etais pas un cador, mais dans mon petit bout de sujet a moi, apres trois ans, je savais ce que je faisais, je comprenais ce que je devais faire et j'etais indépendant (j'aime beaucoup qu'on me foute la paix quand je suis au labo). Et voila, une soutenance de these avec lechage de boules en regle plus tard (c'est assez agreable, je l'avoue, d'etre complimenté par des gars balezes, meme si ca fait partie du jeu), je me retrouve sur un nouveau sujet, auquel je ne connais rien et ne comprends pas grand chose, a devoir implorer l'aide de tous les membres du groupe des que je veux faire une manipe. Comme toujours quand on commence, les manipes foirent minutieusement les unes apres les autres. 
Tout cela ne serait ma foi pas si pire si le nouveau boss, me voyant comme auréolé de mon titre de Docteur fraichement acquis, ne considérait pas comme une évidence que je vais révolutionner la science en moins de temps qu'il n'en faut pour l'ecrire. Comme si, maintenant que je suis Docteur Mix, les manipes allaient me regarder d'un autre oeil et me conduire a la publi dans Nature illico. Malheureusement, j'aimerais bien mais ca n'a pas l'air de marcher comme ca.  
De plus, le post-doctorat ne dure qu'un an et des brouettes, quand la these laisse deux an et demi pour arriver quelque part.
Bref, non seulement on redevient un candide un peu bas du front, mais en plus on a la pression.

Il y a une derniere chose que je n'apprécie guere, réminiscente de la fin de these. Alors que, justement, tu as pas mal de pression pour parvenir a quelque chose "au présent", tu dois passer un temps fou a essayer de te trouver un "avenir". Pendant la rédaction de these, il fallait chercher un post-doc, visites de labos, envois de CVs etc. Pendant le post-doc, il faut essayer de se trouver un poste, donc essayer de se faire connaitre, ou tout au mois ne pas se faire oublier des quatre qui te connaissent et t'apprecient, prendre contact avec des labos (et ne pas recevoir de réponses), puis réfléchir a des nouveaux (encore) themes de recherche, batir un dossier solide, trouver un plan B etc.

En conclusion, pour l'instant je ne trouve pas ca so much fun, mais peut etre que, comme la these, ca deviendra vraiment bien apres 6 mois (quand les choses commencent a marcher, et quand l'avenir, avec un peu de chance, s'est un poil eclairci).
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12 novembre 2007 1 12 /11 /novembre /2007 14:26
Une fois n'est pas coutume, je recopie ici la lettre d'un jeune astrophysicien, post-doc à Grenoble, interpelant le Président (si je puis dire) sur l'état de la recherche en France. Cette lettre est bien écrite, bien tournée et bien "vulgarisée" (ce qui n'est pas si facile à faire), ce qui a permis par exemple à mes parents (pas scientifiques pour deux sous) de l'avoir comprise et appréciée. Elle a d'ailleurs été reprise avec un certain succès (en terme de réactions de lecteurs) par le Monde, il y a quelques semaines.

"Mr. le Président,

Je vous écris pour vous parler de la recherche française. Pas de recherche et développement, ou d’innovation, mais de recherche fondamentale publique civile. Ma démarche est totalement personnelle. Je ne viens pas simplement vous dire que la recherche va mal. Vous le savez déjà, et d’autres vous l’ont déjà dit beaucoup mieux que moi. Le problème je pense, c’est que vous n’avez pas du tout compris pourquoi ni comment la recherche fonctionne, et quel est son intérêt fondamental pour tout le monde. Cette incompréhension me gêne, et surtout, me semble décider de mon avenir. Je viens donc insister sur un seul point central : la liberté. Rassurez-vous, je vous épargnerai la bête énumération des conséquences d’un sous-financement chronique, bien que, vous l’aurez compris, je viens quand même vous réclamer beaucoup d’argent. Et même plus, puisque je souhaiterais que vous, et tout le monde à travers vous, compreniez que lier la recherche fondamentale à ses applications industrielles, c’est assurément détruire la première aujourd’hui, mais également les secondes demain.

Sachez avant tout que je suis, économiquement parlant, parfaitement inutile. Je n’ai par exemple aucun contact avec une quelconque industrie ou entreprise de ce pays ou d’un autre, grande ou petite, et cela ne m’intéresse pas du tout. C’est précisément ma parfaite inutilité économique directe qui me fait également croire que mon cas, aussi minuscule soit il, est représentatif d’une large portion silencieuse du corps des chercheurs de ce pays. Comme beaucoup d’autres également, je fais mon métier inutile avec passion. Je suis astronome. J’observe les étoiles. Oh, pas toutes évidemment. Ma spécialité — il y en a bien d’autres possibles — ce sont les étoiles qui deviennent des trous noirs. Vous avez certainement dû en entendre parler. Je fais cela tous les jours (vraiment tous), puisque mon esprit scientifique ne s’arrête pas en sortant de mon laboratoire, de même que mon esprit citoyen ne s’arrête pas quand j’y entre. Bref, l’étude des trous noirs dans la Voie Lactée, sérieusement et passionnément, c’est ma préoccupation quotidienne. Étonnant, non ?

Et très franchement, vous n’imaginez pas à quel point vous avez besoin de moi, Mr. le Président. Ou plus précisément, à quel point vous avez besoin de gens “inutiles” qui passent leur temps à observer les étoiles. J’aimerais vous en convaincre, et pour cela je vais faire comme vous : je vais rompre avec les discours pontifiants habituels du genre : "Il faut développer une économie du savoir", ou "la vie sans la culture et le savoir n’est pas digne d’un pays moderne..." ou plus inepte encore "depuis la nuit des temps, les hommes regardent le ciel."

L’idée que je veux vous montrer tient en peu de choses, Mr. le Président. Vous avez certainement déjà utilisé un GPS, chose devenue commune aujourd’hui. Il y a pourtant un ingrédient essentiel du GPS qui provient directement de la recherche publique fondamentale qui s’appelle la relativité générale, découverte par Albert Einstein. Ce n’est pas seulement qu’un GPS ne peut pas fonctionner sans la relativité, mais bien l’idée même de positionnement précis par satellites qui est impossible à envisager, sans la relativité. Pas de relativité, pas de GPS. C’est aussi simple que cela. L’argument du GPS est évidemment simpliste, mais il est juste. Mieux : pour avoir, demain, les prochaines technologies, les prochains matériaux, les prochains concepts, les prochaines possibilités, on a besoin de comprendre la nature dans les détails, tous les détails. Encore mieux : pour avoir le choix de nos orientations futures, on a besoin de comprendre ces détails. On a aussi besoin évidemment d’appendre à manipuler les nouvelles possibilités matérielles offertes par la recherche, mais les deux choses ne sont pas faites par les mêmes personnes. Bien que les chercheurs soient aussi les utilisateurs de la technologie, ce sont les industriels qui dépendent ultimement de nous, les chercheurs et les ingénieurs de recherche, et de nos résultats, et certainement pas l’inverse. Nos buts (et nos rêves) ne sont pas du tout les mêmes : la relativité vient avant le GPS.

Pour comprendre le monde dans les détails on utilise la physique. Certes également la biologie, la chimie, les autres sciences de la nature, et tout le reste, mais je veux vous parlez de ce que je connais. La physique, c’est notre manière de comprendre — assez efficace jusqu’ici vous en conviendrez — le monde. La raison pour laquelle, vous, Mr. le Président, avez besoin de gens qui observent les étoiles toute l’année est très simple : la planète Terre elle-même n’est pas un laboratoire suffisamment grand. Pas assez grand, pas assez confiné, pas assez chaud, pas assez vide, pas assez dense, que sais-je. Certes, il existe des laboratoires géants comme le CERN et ITER dans quelques années, mais ça n’est pas suffisant. La planète Terre n’est pas assez grande pour nos idées, Mr. le Président. Et de très loin. Donc on utilise l’univers et les étoiles. C’est le seul "laboratoire" qui nous permette d’atteindre les conditions extrêmes de la nature nécessaires au tripatouillage incessant de nos idées, à l’exploration permanente des frontières de notre ignorance. Les trous noirs sont d’ailleurs un exemple parfaitement adapté, puisqu’à ce jour seule la relativité (la même que celle des GPS) permet de les appréhender, presque complètement.

En résumé, pour que nous (et donc vous) ayons des choix devant nous, nous avons besoin de comprendre les détails, et pour cela, il faut observer et comprendre l’univers. Ce qui peut vous paraître étrange, mais qui est pourtant essentiel, c’est le découplage souvent total entre les motivations qui poussent la recherche en avant, et celles qui nous font construire des GPS. La relativité générale sert à faire des modèles d’univers et de trous noirs, notamment. Et aussi des GPS. Mais on ne l’a pas trouvée en cherchant des GPS. Les astronomes veulent comprendre l’univers et les étoiles, et ce faisant, élargissent lentement le champ des possibilités. Lentement, les chercheurs élargissent le terrain de jeu des ingénieurs. Pas l’inverse. Malgré la confusion aujourd’hui instantanée entre science et technologie, en permanence relayée par la presse, c’est bien une découverte de physique fondamentale sur le magnétisme de la matière que le dernier Prix Nobel de physique récompense. Les nouveaux disques durs sont venus après.

Sachez aussi que la recherche est, par essence, infiniment libérale dans son fonctionnement. On ne fait pas de recherche "sociale", dans le sens où l’on ne cherche aucunement à prendre soin des idées les plus pauvres. De plus, la réussite scientifique doit faire face à une intense concurrence. Rien qu’en astrophysique, durant les 2 ans qu’une simple nouvelle idée, au minimum, met à émerger, environ 25000 autres articles sont déjà sortis... La compétition et la culture des résultats, on connaît très bien, et on n’a pas de leçons à recevoir des économistes, ni de personne d’autre. Si c’est comme cela, c’est évidemment que l’on pense que ça produit les meilleures idées, à court terme. A long terme aussi certainement, mais on ne peut pas le prouver.

Eminemment libéral pour faire les meilleures idées, le système de la recherche fondamentale publique civile doit, lui, être éminemment stable, encore pour une raison simple : même si aujourd’hui la recherche se diversifie toujours plus, ouvrant de nouveaux champs conceptuels, les chercheurs ne pensent pas plus vite qu’avant. Dans l’histoire de l’humanité, nous sommes certainement les mieux équipés (le GPS), mais on "pense", on réfléchit probablement aussi lentement que dans l’Antiquité. Ainsi, alors que l’accroissement de l’innovation industrielle peut éventuellement être corrélée avec le nombre d’ingénieurs, ce n’est pas le cas de la recherche fondamentale, des chercheurs, et de tous ceux qui oeuvrent dans les laboratoires de recherche publique civile. Parce que le critère d’excellence de la recherche n’est pas la rapidité d’exécution d’un projet, ni le nombre de ses brevets, mais la liberté de ses acteurs. Plus la liberté est grande, meilleure sera la recherche. Bien sûr, la liberté a un prix : dans tous les cas de figures, peu importe les règles et les structures, il est certain que la plupart des chercheurs ne trouvera rien de fondamental. Tous contribuent néanmoins au brassage vital et incessant des idées, qui permettra à quelques-uns de sortir la tête de l’eau, et de faire LA découverte. Vous voyez, le système est très libéral, et totalement injuste, puisque le résultat et la reconnaissance ultime ne sont pas corrélés à la quantité de travail. Je ne travaille pas moins, ni moins bien que le dernier Prix Nobel.

Donc parlons franchement, Mr. le Président. Parlons de ma liberté. Ma liberté de penser, et de mouvement. Comment voulez-vous que je développe une recherche de qualité si mon horizon matériel est de 2 ans, c’est-à-dire grosso modo le temps de réalisation d’une seule idée ? Comment voulez-vous que je développe la recherche de pointe dont vous aurez besoin, si je dois envisager sérieusement d’être payé un peu plus que le SMIC, à 33 ans, bac+9+5 ans de post-doc, parlant 3 langues, avec des idées et des ambitions, déjà 8 ans d’expérience à l’étranger, sans fonds pour voyager et collaborer, et sans moyen réel d’engager des étudiants ? Qui va me payer, Mr. le Président, si ce n’est pas vous ? J’ai besoin de moyens, et ceux que vous m’offrez sont très insuffisants. Mon université est au bord de la cessation de paiements, la faillite. Mon labo a "eu de la chance" cette année puisqu’avec un effectif en croissance de 20 %, il est un des deux seuls labos français qui n’a pas vu sa minuscule dotation de base diminuer. L’équipe dans laquelle je travaille ne recevra pas un rond de mon labo. Nous allons tant bien que mal réussir néanmoins à récupérer péniblement 10 000 euros, par parties, dans la multitude de programmes nationaux. Nous sommes 16 personnes dans mon équipe : 625 euros par chercheur cette année ! Vous avez une préférence pour la couleur des crayons ? J’aimerais voir grand (j’ai besoin de 10 fois plus), seule attitude raisonnable pour réussir. Pour cela, j’ai besoin d’un environnement matériel serein (je suis jeune père de famille), pour que mon activité mentale tourne vite, bien, et longtemps. Je ne veux pas devoir me demander si l’on manque de stylos, et si j’ai le droit, ou pas, de me faire rembourser mes aspirines.

Il peut sembler assez misérable de venir mendier de l’argent comme cela, en public. Mais je ne viens pas vous demander quelques piécettes, Mr. le Président. Je ne vous demande ni l’aumône, ni la Lune. Je vous demande des milliards d’euros. Vite. Je vous demande d’arrêter de financer, avec l’argent des contribuables français, la recherche américaine. Je vous demande d’arrêter de prendre implicitement les chercheurs pour des employés de Total ou de l’armée. A charge à ces entreprises, et à elles seules, d’entreprendre précisément leurs recherches. Tout est fait aujourd’hui comme si la lente décantation nécessaire entre la découverte fondamentale et ses applications industrielles pouvait être organisée, ou pire, optimisée. Einstein pensait-il au GPS ? A-t-on trouvé la magnétoresistance géante en cherchant des disques durs ? Le croire, c’est plomber les chercheurs avec des contraintes ineptes, c’est détruire leur métier. La recherche fondamentale ne peut pas être optimisée. Seulement encouragée. Par la liberté, et la liberté d’action, d’entreprendre. Je vous demande de vrais moyens. En retour, je ne vous promets absolument rien. Mes pairs, et eux seulement, jugeront de la qualité de mon travail, et de ma motivation. Je vous demande à vous qu’une chose simple, mais essentielle : la compréhension et la reconnaissance (notamment matérielle, mais pas seulement) du rôle essentiel que nous jouons, des résultats que nous obtenons, pour tout le monde.

Je sais, c’est dur de payer correctement des gens qui ne vont pour la plupart, en apparence, rien trouver d’important. Cela semble à la fois injuste face à ceux qui se lèvent tôt (les astronomes se couchent très tard), et surtout si difficile à évaluer. Mais pourquoi croyez-vous que tout semble aller si mal aujourd’hui en France ? Ne serait-ce pas un simple mais monumental déficit d’investissement dans l’intelligence ? Le gain de la recherche pour la société est précisément “incalculable”, dans tous les sens du terme. La recherche est puissante, mais lente. La rendre "rapide" et "évaluable", c’est la vider de son utilité même. Bien sûr, ce gain se fera surtout sentir pour nos enfants et petits-enfants. Vous êtes père de famille, et donc savez qu’il faut prévoir longtemps à l’avance, alors que tant de problèmes semblent si urgents déjà aujourd’hui.

Une vraie liberté de moyens ne va évidemment pas sans une modification profonde du système en place. Je ne vois qu’une seule raison pour laquelle cela n’a pas été déjà fait : le contrôle, le pilotage. Autant je peux comprendre qu’il faille déterminer une politique scientifique globale à l’échelle nationale, pour engager de lourds investissements dans un domaine (ITER), autant cette conception est ontologiquement impossible et désespérément épuisante à l’échelle du chercheur que je suis. Vous voulez pilotez mes projets, Mr. le Président ? Sur les trous noirs galactiques ?...

Il faut simplifier le système à un point que je n’ai jamais vu évoqué dans les médias. Mais les gens se mettront d’accord si l’argent est dans les comptes, sans entourloupes comptables répétées comme c’est le cas depuis des années. Vous ne pouvez tout simplement pas imaginer la quantité de sueur mise dans la justification de la recherche, justification que vous exigez, structurellement, par le biais d’une constellation de comités d’évaluation, plutôt que dans la recherche elle-même. On se retrouve dans la situation paradoxale où des chercheurs de talent nous présentent en grandes pompes des immenses projets interdisciplinaires fallacieux, supposément à la pointe de la recherche, alors qu’il ne font que ramasser le maximum de miettes. Voir des astronomes atteindre le même niveau de vacuité dans leur vocabulaire que les politiques est ubuesque. Quels intérêts intergalactiques cherchent-ils donc à protéger ?

Je ne travaillerai jamais pour Total ou l’armée, ni pour le prochain GPS. Je travaille avec acharnement pour dépasser Albert Einstein. Pour cela il faut supprimer l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), parce que la recherche fondamentale publique civile est un flux, pas une collection de petites boîtes appelées “projets”. L’ANR, même généreuse, est une agence à financer des projets qui sont déjà structurellement actifs, fonctionnant autour d’une communauté de spécialistes reconnue. Mais il est de ma responsabilité de jeune chercheur de ne surtout pas devenir un simple employé de cette recherche. Certes, jusqu’ici, un petit 30% des crédits de l’ANR ont été reservés à des projets dits “blancs”, qui ne dépendent pas d’une politique scientifique ou technologique plus globale. Mais la hauteur relativement élevée de leur financement, nécessitant de nous transformer en gestionnaires responsables, est irréconciliable avec l’ultime front de la recherche, l’ultime front des idées, de l’inconnu. C’est pourtant là, et le long apprentissage de mon métier m’y a préparé, qu’il me tarde d’aller. L’ANR, et tous les financements connexes qu’elle assèche, est une atteinte à ma liberté de penser, qui elle, est essentielle, puisqu’elle seule peut me faire croire (et c’est le début de la réussite) que je pourrais peut-être un jour faire mieux qu’Einstein. Je veux juste vous faire comprendre que les meilleures recherches sont celles qui ont des résultats totalement imprévisibles. C’est même à cela qu’on les reconnaît. Si vous voulez une vraie recherche, qui donne des résultats, il vous faut engager des chercheurs permanents et libres (pas de simples employés de recherche) qui délirent ensemble le plus possible, avec un flux constant et abondant de crédits. Le risque est virtuellement nul, puisqu’il n’arrive dans la pratique jamais que l’on ne trouve “rien”. Et surtout ne me demandez pas de passer un énième diplôme ou une Habilitation à Diriger des Recherches. Des diplômes, on en a tous suffisamment. Là, on a surtout besoin de liberté, et de liberté d’action.

Il serait puérilement facile de ma part de vous demander, Mr. le Président, à chaque fois que vous levez les yeux vers le ciel, de penser aux astronomes de ce pays. Mais sachez que nous, en regardant les étoiles, on est bien obligé de penser à vous, aux moyens que vous nous donnez, et de maudire à la fois le ciel de nous révéler si petits, et votre politique de nous promettre de le rester.

Veuillez agréer, Mr. le Président, mes salutations très respectueuses.

Cédric Foellmi

Post-doc au Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble"


Je voudrais ajouter quelques mots à cette missive. Comme je l'ai dit en introduction, la "vulgarisation" était à la fois une gageure et à la fois nécessaire pour que les arguments exposés soient compréhensibles du plus grand nombre, même sans culture scientifique importante. De ce point de vue là, c'est un succès.

Toutefois, cela crée quelques problèmes, même si nul texte n'est parfait. Une certaine naïveté (que l'auteur est d'ailleurs le premier à admettre) d'une part. D'autre part, si parler d'Einstein est la certitude d'être intelligible, cela donne du grain à moudre aux détracteurs pour au moins deux raisons.

La première est qu'Einstein faisait partie des plus grands. Les contempteurs peuvent alors arguer qu'"à 30 ans, il avait déjà écrit la théorie de la relativité, alors que vous à 30 ans qu'avez-vous fait?". Hélas (ou heureusement, je ne sais pas), tous les chercheurs ne sont pas des Einstein. Cela ne veut pour autant pas dire qu'ils sont inutiles, ou oisifs, ni même mauvais. Je ne sais pas si cet exemple est pertinent, mais peut-on dire qu'un chef d'entreprise n'est pas fait pour ce métier parce qu'il n'a pas eu la même carrière que Bill Gates?

La  deuxième raison, qui rejoint la première, est qu'Einstein était un théoricien. Pour vulgariser moi aussi, un crayon, une feuille de papier ou un tableau et son cerveau suffisaient. De Gennes était de la même veine. Or, effectivement, cette recherche là n'a besoin que de peu de moyens (maintenant, ils se servent quand même d'ordinateurs). Juste de temps, et d'énormément d'intelligence. Toutefois, la recherche "fondamentale", ce ne sont pas que des théoriciens. Il y aussi des expérimentateurs, qui bâtissent les expériences pour, c'est selon,  vérifier ou contredire les théories (quand une théorie est proposée, le consensus est rarement immédiat et il faut la soumettre à l'expérience). Ce sont ces chercheurs là qui ont besoin de moyen, car surtout de nos jours, les expériences doivent souvent être extrêmement précises et utiliser du matériel de haute précision .

Ajoutons qu'aujourd'hui, les bases de la physique sont quasiment posées dans tous les domaines, ce qui conduit à une recherche plus "morcelée": les gens peuvent avoir plusieurs domaines de compétence, mais il est rare de trouver un astrophysicien également micro-biologiste. Donc, hélas encore, il n'y aura sans doute plus de physiciens à la Newton (ou même à la Einstein), qui d'un coup de génie révolutionnerons la physique entière. Espèrons cependant qu'il y aura encore en France, dans quelques années, des gens payés pour révolutionner leur domaine de recherche.

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23 mai 2007 3 23 /05 /mai /2007 09:13
Pierre-Gilles de Gennes est décédé vendredi matin. Je ne l'ai su que lundi, et les media n'en ont parlé qu'hier.
Il est d'usage, dans une nécrologie, de rappeler tout ce que le défunt avait d'extraordinaire.
Je ne le connaissais pas, bien qu'il ait été le directeur de l'école où j'accomplis (peu brillamment) mes humanités, ainsi que le directeur du laboratoire où j'achevais mon cursus universitaire. Je ne ferai donc pas son élégie, mais j'aimerais exposer les tranches de vie où je l'ai croisé.

Je me souviens de sa conférence devant notre promotion, le jour de notre arrivée à l'école, sur les ordres de grandeur et leur aspect fondamental dans la réflexion scientifique (malheureusement, cela me semble tomber en désuétude, l'abus de calculatrice dès le plus jeune âge annihilant toute velleité de calcul mental même basique, si je puis me permettre de faire mon Francis Cabrel). L'exemple phare était: combien y a-t-il d'accordeurs de pianos à New-York?
Je me souviens qu'un bonjour à la croisée d'un couloir de ce lieu chargé d'histoire qu'est le Collège de France m'avait ému.
Je me souviens de quelques conférences auxquelles j'ai assistées, où De Gennes, à l'heure de l'informatique à tout crin, arrivait avec ses transparents manuscrits, regardait le titre de son exposé pour se rappeler de quoi il devait parler, et captivait la salle en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, quel que soit son public (néophytes curieux ou scientifiques pointus).
Je me souviens d'une réunion de laboratoire, où il siégait derrière son immense bureau, un cigarillo aux lèvres (dur, le cigarillo tôt le matin), et où il reçut un coup de fil qu'il n'interrompit pas pendant que l'un de ses chefs d'équipe exposait ses derniers travaux (elle en resta comme deux ronds de flan).
Je me souviens de ces aventures qu'on lui prêtait, de cette réputation de "Victor Hugo de la science", si je puis dire, qui alimentaient bien des discussions et provoquaient bien des sourires.


Et puis, il y a un mois à peine, je lui écrivis, un peu au culot, un mail lui disant que j'étais diplômé de "son" école, ancien stagiaire de "son" laboratoire, et que j'apprécierais grandement s'il pouvait m'écrire une lettre de recommandation.
Etant matièremolliste (je n'ose pas dire "comme lui"), sa secrétaire m'a informé qu'il souhaitait jeter un oeil à mes papiers ou conférences.
Une petite boule à l'estomac, je lui ai envoyé tout ça, et il me fit la lettre.
Ainsi qu'un petit mot, très aimable, qui disait à peu près "Cher Guillaume, j'aime bien ce que vous faites, continuez et tous mes voeux pour la suite".
J'espère que cette petite tranche de vie soulignera la modestie intellectuelle de cet homme qui n'avait depuis bien longtemps, plus rien à prouver d'une part, et qui aurait pu d'autre part, sans que cela ne choque qui que ce soit, "mépriser" le petit thésard que je suis (c'est à dire ne pas lire son mail, ou ne pas lui répondre, attitude assez classique).

Son décès m'a surpris, et même depuis deux jours, je n'ai pas honte de le dire, je suis un peu bouleversé.
Je suis content qu'il ait eu droit aux honneurs du 20 heures, même s'il est mort et qu'il s'en fout, pour que quelques spectateurs pensent à la science 27 secondes entre le fromage et le dessert, et ce malgré le dernier jogging présidentiel. Heureusement que Grégory Lemarchal est mort il y a deux semaines.


Aux grands hommes, la nation reconnaissante.
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