J'avais déjà brièvement évoqué cette branche d'activité que notre établissement essaye de développer, les formations courtes (typiquement 2 à 4 jours) pour industriels, qui rentrent dans le cadre du DIF.
La raison, au coeur de notre mission de service public, a été clairement explicitée par nos huiles lors de diverses réunions: "si la formation initiale rapporte 1, l'alternance rapporte 10 et la formation continue rapporte 100" *.
Ces formations sont en concurrence directe avec celles proposées par des boîtes privées (par exemple celle-ci). Je ne vais pas comparer les contenus et leur qualité, je n'en aurais pas les moyens, mais par contre, je peux souligner deux choses.
Je pense que ce que nous proposons est "plus ambitieux" (ce qui est loin de vouloir dire que le résultat est nécessairement meilleur...): pour ces formations, nous faisons venir plusieurs intervenants (1 par demi-journée ou par journée maximum), qu'il soit chercheur, enseignant-chercheur, ou industriel, pour parler d'un thème précis qu'il est censé maîtriser (il a en tout cas été choisi pour ça). Dans les formations privées, c'est généralement le même "expert" qui intervient sur les 2, 3 ou 4 jours de la formation. De plus, nous rajoutons toujours quand cela s'y prête des sessions de "pratique" devant nos machines au laboratoire, chose que j'imagine mal la concurrence faire.
Deuxième point, les prix qui sont proposés par notre établissement sont en gros 33 voire 50% moins chers que ceux de la concurrence, à durée et contenu de formation équivalents.
Alors vous allez me dire, avec tout ça, vous avez sans nul doute phagocyté le marché. Eh bien non. Et même, la tendance en terme de taux de remplissage des formations est assez sensiblement à la baisse depuis plusieurs années (ceci étant certes aussi dû à l'effet "crise").
Il y a plusieurs explications, la première étant certainement un déficit de communication. Malgré tout, des efforts ont été faits en ce sens depuis 2 ou 3 ans (recensement des industriels potentiellement intéressés, envoi du catalogue, prises de contact avec les responsables formations des industriels et relances...), pour l'instant sans grands résultats.
En fait, le principal problème selon moi, c'est le "packaging", l'image renvoyée par le stage. Je pense qu'elle est plutôt médiocre, en tout cas selon la vision des industriels, même si pourtant, l'accueil que nous leur réservons est une version très améliorée de celle que nous proposons à nos étudiants "lambda". Mais voila, un ingénieur d'une boîte du CAC40 attend un peu plus qu'un jeune de L3, qui a été habitué depuis près de 20 ans aux conditions de travail dans l'école publique.
Les salles, bien que refaites récemment, ne sont pas franchement hyper cossues, ce n'est pas très bien ventilé, le matériel ne marche pas toujours correctement, on a parfois du mal à se les faire ouvrir à l'heure prévue. Il n'y a pas si longtemps, on les trimballait de salle en salle dans tout l'établissement au fur et à mesure de la formation (ce dernier point a été réglé). On commence la formation en les mettant en garde contre les vols et en leur expliquant bien de ne rien laisser de valeur dans la salle. Parfois, même les polys disparaissent. Les pauses café sont extrêmement mal organisées, parfois inexistantes. Le cours est souvent interrompu, l'organisation globale est parfois folklorique (notamment parce que la petite structure est en sous-effectif et sans beaucoup de moyens, comme souvent), etc etc.
Franchement, rien de majeur, mais on sent qu'en tant que groupe, ça les chiffonne toujours un peu, et ça revient quand même régulièrement dans les évaluations du stage.
On peut dire que c'est dommage que les stagiaires se concentrent plus sur la forme que sur le fond, mais quoi qu'il en soit cela montre que le paraître a aussi son importance (même si je refuse toujours de mettre un costard pour faire cours). Elle n'est peut-être pas fondamentale, mais elle n'est visiblement pas négligeable.
Nos concurrents ont probablement mieux compris ça, comme Apple: on peut vendre deux fois plus cher un produit équivalent, s'il a de la gueule. Je suis persuadé que chez eux, les stagiaires sont bien assis, mangent bien, et qu'on ne leur dit pas de faire attention à leurs affaires personnelles. Et ça compte finalement beaucoup.
Bref, on peut demander aux enseignants-chercheurs de s'investir dans la formation continue, mais il faudrait aussi des "investissements" forts en espèces sonnantes et trébuchantes pour que le produit soit plus joli et donne plus envie. Comme souvent, il manque quelque chose derrière les beaux discours, quand il n'y a pas contradiction**...
* je crains quand même que les coûts associés ne soient pas les mêmes non plus et que ça ne soit pas toujours bien pris en compte dans les "fiches d'analyse économique" qu'on nous distribue, mais baste, là n'est pas le propos
** en parallèle, les nouvelles directives économiques concernant le paiement des heures de cours, notamment pour les BIATSS, font qu'il est beaucoup plus pénible qu'avant d'intervenir dans ce genre de formations